Le Premier Ministre grec, Georges Papandréou, a annoncé "par surprise" lundi soir sa décision de soumettre à référendum l'accord sur l'aide de l'Union Européenne et du FMI à la Grèce. Depuis la nuit de lundi à mardi, tout ce que l'Europe et l'Occident compte de bonnes âmes néo-libérales hurlent à la trahison. Les bourses européennes s'effondrent (mais pas qu'elles puisque Tokyo a ouvert en baisse de plus de 2%) ; les taux d'intérêt de la dette italienne dépasseraient désormais les 6% ce qui devriendrait insoutenable ; Nicolas Sarkozy et Angela Merkel annoncent à mot couvert que de la seule faute de Georges Papandréou la zone euro serait dangereusement atteinte et que les prêts consentis précédemment à la Grèce et qui devaient être versés dans les prochains jours pourraient être suspendus.
Rappelons tout de même que la "catastrophe", déclenchée par celui que Mme Parisot a eu le bon goût de qualifier d'"anormal" et de "pas loyal", était déjà en cours avant l'annonce du Premier Ministre grec. Les bourses avaient recommencé à flancher, les taux d'intérêt de la dette italienne s'étaient déjà emballés, la zone euro était déjà en danger et souffrait d'un grave défaut de gouvernance. Par contre, il faudra rappeler à Mme Merkel et M. Sarkozy que les gouvernements (sauf à se considérer comme monarque de droit divin) sont l'émanation des peuples et qu'ils négocient en leur nom. Il est donc logique qu'à un moment on leur rende des comptes. Aussi, le chantage merkozien sur la délivrance des fonds décidés lors de l'accord de juillet 2011 parce que le gouvernement grec soumettrait au peuple l'accord de fin octobre est particulièrement indécent. Si quelqu'un rompt le contrat en l'occurrence, il s'agit bien du Président français et de la Chancelière allemande, pas du Premier Ministre grec.
A ce stade, il convient de préciser que je ne suis pas un profond défenseur du référendum, même affublé du qualificatif d'initiative populaire. Cette procédure est nécessaire quand il s'agit d'adopter une constitution mais elle est extrêmement réductrice voire populiste pour régler les affaires gouvernementales.
Toujours est-il qu'il est bon de rappeler la situation dans laquelle se trouvait le Premier Ministre grec, par ailleurs Président de l'Internationale Socialiste. M. Papandréou est arrivé aux affaires avec le PASOK après la débâcle du parti de la droite conservatrice "Nouvelle Démocratie" en 2009. L'économie battait de l'aile du fait de la défaillance de la droite et les socialistes grecs arrivaient aux affaires avec un programme de relance de gauche (pour ceux qui étaient à La Rochelle cet été et qui ont eu la chance de participer à l'atelier sur la crise européenne et d'entendre le tableau brossé par un professeur de l'université d'Athènes, ancien eurodéputé du PASOK, ils peuvent passer au paragraphe suivant). C'est lors de la mise en oeuvre de ce programme que le gouvernement Papandréou a découvert la situation réelle du pays : le gouvernement "Nouvelle Démocratie" avait maquillé les finances grecques avec la complicité de Goldman-Sachs et l'aveuglement bienveillant et volontaire de la Commission européenne de José Durao Barroso.
S'en suivit une longue descente aux enfers des socialistes grecs, contraints par les marchés et leurs généreux partenaires gouvernementaux européens d'appliquer des plans d'austérité qu'ils n'avaient pas choisis et qu'ils auraient même combattus s'ils avaient été en campagne électorale, sous peine de de ne pas être soutenus. Vive la solidarité européenne ! Quant à la nécessité d'effacer une partie de la dette grecque, les gouvernements européens s'y sont refusés réellement jusque fin octobre. Evidemment les effets des politiques d'austérité ont eu le résultat prévisible : l'économie grecque s'est effondrée, le gouvernement s'est trouvé de moins en moins en capacité de rembourser ses emprunts, la situation sociale s'aggravant et provoquant des troubles publics presque insurrectionnels. La réponse des Européens bien que lente a toujours été constante : "il faut plus d'austérité"... Une fois le malade mort en effet, il y a fort à parier qu'il ne soit plus malade.
Les députés socialistes grecs se faisaient insulter dans la rue ; le président de la République grecque a dû fuir les célébrations de la fête nationale à Salonique récemment. Mais quelle serait l'alternative au PASOK ? La "Nouvelle Démocratie", alliée de Sarkozy, Merkel, Barroso et Cameron, qui a maquillé les comptes, et qui annoncent qu'elle dénoncera tous les accords financiers si elle revenait au pouvoir ? Les communistes grecs, staliniens rétrogrades, et l'extrême gauche protestataire (des anarchistes violents aux trotskystes et au maoïstes) qui ont trouvé dans le rejet populaire, exercé dans les grèves générales, un succédané bien commode à leur absence de projet politique ? L'extrême droite nostalgique des "Colonels" ou l'Eglise Orthodoxe ? L'état de déconfiture de la scène politique grecque était telle qu'aucun gouvernement et aucune majorité n'avait plus les moyens de faire appliquer quoi que ce soit, tant les uns comme les autres sont décrédibilisés. Le Référendum sur le nouveau plan d'austérité imposé par les droites européens, et dont le rejet est plus que probable, est sans doute le dernier moyen de remettre les pendules à zéro et de forcer l'Union Européenne (peuples et gouvernements) à se poser les bonnes questions.
Il est évident que les peuples européens ne veulent pas endurer, sauf à risquer une explosion sociale, les recettes libérales indigestes que les gouvernements conservateurs proposent. D'aucuns peuvent considérer que lorsque le peuple est en désaccord il faut changer ou dissoudre le peuple (certains donnaient dernièrement dans Médiapart cette caractéristique à un responsable français qui s'imagine déjà Premier Ministre en mai 2012).
L'Europe ne sortira pas de la crise si on ne transforme pas profondément le système comme l'expliquait Martine Aubry et certains de ses soutiens pendant la campagne des Primaires Citoyennes. Espérons qu'à gauche ce message soit entendu, au moment où M. Cahuzac a expliqué que le programme socialiste était caduque. Le peuple français a droit à une alternative : cette alternative est inscrite dans le projet socialiste, elle doit être appliquée grâce à une profonde transformation économique française et européenne. Les Européens ont droit à une alternative, celle-ci est inscrite dans les projets du Parti Socialiste Européen, adoptés depuis 18 mois sous la houlette de Poul Nyrup Rassmussen et de Martine Aubry, et qui auraient évité bien des tourments aux socialistes grecs et à Georges Papandréou.
Frédéric Faravel
Secrétaire fédéral aux relations extérieures du Parti Socialiste du Val-d'Oise