L'émission (quasi-)unique, proposée hier soir aux téléspectateurs français aura au moins permis de remettre quelques pendules à l'heure.
Pas sur le statut du président-candidat, qui a encore trouvé une pirouette hypocrite et pathétique, pour prolonger la théorie de suspense sur sa candidate… Pas sur une volonté réaffirmée de protéger les Français et notamment les classes moyennes, au nom desquelles le locataire de l’Élysée s'était élevé contre les propositions de François Hollande, censées êtres des attaques en règle contre celles-ci…
Non, Nicolas Sarkozy nous a démontré encore une fois ce soir qu'il était bien le point de convergence d'une droite française en échec et qui tend à pousser la société vers l'abîme avec elle.
Quelle ironie de prendre une bonne vingtaine de fois comme modèle, comme exemple absolu, la République fédérale allemande, dans sa version conservatrice comme dans sa version dite « sociale-démocrate » (alors même que le SPD a rompu avec les recettes précédentes de Schröder), quelques jours à peine après que l'Organisation Internationale du Travail vienne de démontrer que la politique économique et sociale allemande avait mené depuis 10 ans l'ensemble de l'économie européenne dans le mur [lire l'article sur le sujet ici].
Évidemment, le quinquennat commencé au Fouquet's se terminera dans le service fait aux mêmes catégories aisées : augmentation de la TVA sans augmentation des salaires nets, mesures en faveur des propriétaires de logements, casse des 35 heures. On aura également bien compris que le président n'était pas un mensonge près, connaissant les effets néfastes de la hausse de la TVA pour les classes populaires et moyennes et le fait que cela ne pourrait servir que les dirigeants d'entreprises, puisqu'il a – en direct – expliqué qu'il n'avait jamais promu la « TVA sociale » ni utilisé cette expression. On lui rappellera que cette expression il l'avait utilisé lui-même dans un discours enregistré devant les députés UMP entre les élections présidentielles et les élections législatives en 2007, expliquant que si elle est bonne pour les classes populaires et efficace contre les délocalisations, elle serait mise en place et que, dans le cas contraire, elle ne sera pas mise en place. La « TVA sociale » a dû être considérée comme mauvaise en juin 2007, surtout après quelques pertes de circonscriptions, mais désormais elle serait donc à nouveau parée de toutes les vertus. Va comprendre…
Nicolas Sarkozy a cependant une raison de se rassurer et de s'inquiéter tout à la fois (bien qu'il semble être dans une optique plus proche de "Après moi le déluge..." que de celle d'être inquiet de ce qui se passerait sans lui).
La nouvelle synthèse de la droite qu'il avait conduite en 2006-2007 est en passe de s'élargir sur deux fronts. Sa seule difficulté tiendra en sa capacité ou non à rassembler des partis et des personnalités politiques qui se rassemblent sur l'économie mais se séparent sur l'Europe et la question des discriminations. Nicolas Sarkozy est aujourd'hui le point de rencontre de toute la droite, depuis les centristes jusqu'au Front National.
Regardons François Bayrou et son MODEM. Alors que certains à gauche en avaient fait jusqu'à voici quelques semaines encore un nouvel acolyte « naturel » de la gauche, la campagne présidentielle permet de rappeler ses positions politiques réelles : augmentation de 2 points de TVA, règle d'Or budgétaire, régression importante sur les retraites… D'ailleurs, si quelques uns étaient encore tentés de douter (comme un ancien maire d'Epinay-sur-Seine), on jugera de la réalité à l'aune des ralliements à la candidature de François Bayrou : imagine-t-on Philippe Douste-Blazy, Alain Lambert ou Jean Arthuis, ministres ou soutiens d'un gouvernement de gauche ? Le programme économique de François Bayrou pourrait être mise en œuvre par François Fillon ou Nicolas Sarkozy. Contrairement aux fausses confidences dans Le Parisien, ce n'est pas vers une alliance avec la gauche et derrière François Hollande que le président du MODEM vise. Il espère doubler Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy pour pouvoir affronter le candidat de gauche, et rassembler derrière lui la droite qui lui permettrait de constituer une majorité parlementaire.
Marine Le Pen, quant à elle, aura beau moqué les traditionnelles retraites ultra-libérales du président-candidat, mais sa politique économique – une fois mise de côté la très hypothétique sortie de l'euro (mais pas de la monnaie commune semble-t-il) – ne diffère pas tant de celle de Nicolas Sarkozy ou de François Bayrou. Hausse de 3 points de la TVA, priorité aux chefs d'entreprises, fin des 35 heures et flou énorme du FN sur les retraites (qui croire entre Marine et Jean-Marine, sur le retour ou non de la retraite à 60 ans ?). Claude Guéant et la Droite populaire servent de passerelles en termes nationalistes et xénophobes entre le FN et l'UMP, instillant parmi la droite les idées nauséabondes qu'elle était censée avoir abandonné depuis le milieu des années 1980 avec Jacques Chirac (rappelons que le jeune Alain Juppé avait juste auparavant sorti des tracts lors d'une campagne municipale dans le XVIIIème arrondissement dénonçant l'invasion de l'immigration). Marine Le Pen de son côté est en train de réussir son opération de banalisation du Front National ; elle fonctionne sur deux registres : anti-système, recueillant tous les déçus des erreurs politiques commises depuis 40 ans et tous les opposants au système démocratique qui jugent la République et les hommes politiques tous corrompus ; au sein du système, car « grâce » à elle, le FN serait devenu un parti comme les autres que des électeurs traditionnels de la droite républicaine ou de la gauche socialiste seraient près à rejoindre en la confondant avec Gianfranco Fini.
Ainsi elle-même, tout en développant des propositions politiques et économiques qui conduirait par l'austérité tout aussi bien la France au bord de l'abîme, que le reste de la droite française, joue-t-elle désormais le même objectif que François Bayrou : dépasser Nicolas Sarkozy et tenter d'imposer son leadership sur une droite française en recomposition.
C'est là l'un des enjeux de la campagne des présidentielles. Nicolas Sarkozy, devenu définitivement candidat, parviendra-t-il (il a déjà montré une capacité à rebondir comme d'autres roublards talentueux) à convaincre centristes et national-populistes de se rassembler derrière sa candidature au 2nd pour faire barrage à une gauche plus ou moins offensive ? Son leadership réaffirmé, il conduirait alors une nouvelle synthèse, écrasant définitivement les dernières velléités de l'indépendance centriste qui auront sombré avec François Bayrou, capable d'intégrer une partie de l'extrême droite populiste dans la majorité…
Ou la droite entrera-t-elle sous le leadership d'un président Bayrou, qui perdrait cependant une partie de la Droite populaire, ou d'une Marine Le Pen chef de l'opposition, dans une phase de recomposition, dont personne ne peut dire aujourd'hui quelle bête immonde émergera ?
La victoire de la gauche en mai et en juin prochains si elle sait se rassembler et si elle sait être plus offensive, durant le mandat qui s'ouvrira, qu'elle ne l'est aujourd'hui, est nécessaire non seulement pour le redressement économique et social de la France, mais également pour l'avenir de notre démocratie.
Frédéric Faravel
Secrétaire fédéral du PS Val-d'Oise aux relations extérieures