Depuis mardi 25 février, l'UMP a décidé de provoquer une vaine polémique parlementaire sur le dos du Ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. Chacun a pu comprendre en me lisant que le représentant de l'aile droite du PS n'était pas exactement la personnalité politique que j'appréciais le plus, c'est peu dire. Trop de divergences (économie, immigration, intégration, etc.) me séparent des positions qui sont les siennes et qui n'ont souvent plus grand chose à voir avec la tradition socialiste démocratique française.
Il faut cependant avoir l'honnêteté de dénoncerles faux procès faits à un homme politique, sinon toute critique que l'on pourrait lui faire ensuite perdrait toute crédibilité.
Ainsi l'UMP a accusé le ministre de l'intérieur d'avoir perdu ses nerfs en séance, tirant prétexte de l'incident qu'elle a elle-même provoqué pour justifier le boycott des Questions au gouvernement du lendemain. Selon l'opposition conservatrice, le Ministre de l'Intérieur vise depuis des mois à remplacer Jean-Marc Ayrault comme Premier Ministre (c'est possible) et sous le coup d'arbitrages récents et de quelques déboires médiatiques, Matignon s'éloignant pour lui il aurait été pris d'une fébrilité indigne d'un ministre de la République. Fébrilité qui serait étendue à l'ensemble du gouvernement et qui justifierait la démission du ministre.
Que reproche-t-on exactement à Manuel Valls ? D'avoir répondu à un député UMP qui mettait en cause la supposée connivence ou indulgence du gouvernement vis-à-vis des casseurs d'ultra-gauche à Nantes en marge de la manifestation du 23 février contre le projet d'Aéroport international à Notre-Dame-des-Landes. Alors que la plus extrême rigueur aurait été appliquée contre les manifestations anti-mariage pour tous, où se retrouvaient de manière carnavalesque conservateurs, réactionnaires et quelques groupuscules fascistes.
C'était une manière d'accuser Manuel Valls de complicité avec l'extrême gauche et l'ultra gauche. C'est une manière de sous entendre que le Parti Socialiste compte beaucoup d'anciens militants d'extrême gauche et que donc la porosité entre le parti de gouvernement et la gauche radicale ou ultra serait source de partialité. C'était également en résonnance avec le discours de nombreux dirigeants de l'UMP comparant EELV au FN.
Outre le fait que ramener sur un même plan extrême gauche et extrême droite ne tient pas une minute du point de vue de l'histoire politique du pays, il y a là une absurdité complète. Aucun responsable politique socialiste (à part peut-être Jospin et on se demande encore pourquoi il s'était enferré dans le déni) étant passé par des mouvements d'extrême gauche (LCR, OCI, GP, etc.) n'en fait mystère aujourd'hui et ils le peuvent car personne ne saurait dénoncer chez ses mouvements les mêmes dérives que celles reprochées au FN et à toute la nébuleuse d'extrême droite. D'autre part, il serait risible aujourd'hui de voir une connivence entre les membres socialistes du gouvernement et de la direction du PS, quand on constate la politique qu'ils soutiennent et qu'ils mettent en oeuvre.
Tel n'est pas le cas à droite. Le passé réactionnaire ou crypto-fasciste de certains parlementaires est en général vécu comme une maladie honteuse et mal assumé. Mais il reprend une certaine actualité lorsque l'on constate aujourd'hui la coagulation réactionnaire autour de la "Manif pour Tous". On constate également chaque jour la porosité idéologique entre l'ex droite républicaine et les nationaux-populistes, sur l'immigration, l'identité nationale, les questions de société (égalité femmes-hommes, mariage et adoption homosexuels, PMA, études de genre, éducation), l'UMP concédant ouvertement que le seul dossier qui l'empêche de s'allier au FN de Marine Le Pen est la volonté de ce dernier de quitter l'euro. Aveu terrible...
Le Ministre de l'Intérieur était donc parfaitement fondé face à la dénonciation d'une collusion imaginaire à renvoyer le parti conservateur à la collusion intellectuelle, idéologique, personnelle, historique et actuelle entre l'UMP et l'extrême droite. Il n'a pas eu de mal à démontrer que l'indulgence n'avait pas été de mise face aux casseurs (et les reportages sur les victimes des "violences policières" ce jour-là l'ont largement rappelé). Et il a pu rappeler l'origine d'extrême droite de Claude Goasguen, l'un des plus virulents parlementaires de droite. Il est pathétique que ce dernier nie aujourd'hui ce qu'il reconnaissait à demi mot hier et que les médias ont depuis quelques jours à nouveau établi.
A ce titre, non seulement Manuel Valls n'a pas commis de faute dans l'hémicycle, mais il a également fait oeuvre de salubrité politique. C'est bien la droite qui en la matière fait preuve de fébrilité et de nervosité.
Frédéric FARAVEL