Le magazine allemand Die Spiegel a publié ce week-end des allégations, relayées depuis par le quotidien britannique The Guardian, selon lesquelles la NSA aurait espionné à grande échelle et avec des moyens technologiques disproportionnés plusieurs Etats membres de l'Union Européenne - France, Allemagne, Italie, Espagne, Grèce - ainsi que les institutions mêmes de l'Union Européenne, dont les débats internes du Conseil européen. Ces révélations proviennent une nouvelle fois de l'ancien analyste de la NSA en fuite, Edward Snowden.
Depuis les gouvernements et plusieurs responsables politiques des Etats concernés ont exigé sur un ton tout de même extrêmement poli des explications au gouvernement des Etats-Unis d'Amérique. Cette affaire a également donné lieu à une nouvelle passe d'arme pichrocolline entre Harlem Désir et Jean-Christophe Cambadélis, rivalisant de déclarations pour savoir quelle serait la position du PS sur ce scandale.
Face à cette diplomatique de levée de boucliers, les Etats-Unis ont annoncé qu'il répondrait à l'Union Européenne "par la voie diplomatique" : traduisez "secrètement".
Il me paraît nécessaire que les gouvernements et responsables politiques européens lèvent d'un cran leur exigence ; l'affront fait aux Européens est désormais public, il convient d'y apporter une réponse publique.
Il convient également d'analyser de nouveau notre relation avec les Etats-Unis d'Amérique. Une nouvelle fois, il a été démontré que les Européens, tout occidentaux et démocrates qu'ils soient, n'avaient pas forcément les mêmes intérêts que leurs "amis" d'Outre-Atlantique. Et ici, la distinction entre George W. Bush et Barack Obama n'existe pas, même s'il n'est pas anodin que le Président démocrate est dans l'action en contradiction flagrante avec ses multiples déclarations comme candidat et en fonction. Il n'est pas anodin non plus que les élus du parti démocrate reprennent à leur compte les aboiements des pires républicains à l'encontre de Snowden, alors qu'ils avaient dénoncé les mêmes pratiques liberticides et déloyales lorsqu'elles avaient été mises en place sous le précédent président.
Cette situation doit fortement interroger l'Europe dans sa relation stratégique avec l'Amérique et plus encore la France qui a fait le choix contestable de rejoindre le commandement intégré de l'OTAN sous la présidence Sarkozy. Plus que jamais, la nécessité de construire de manière autonome une défense européenne se fait sentir et pour cela la pression sur la Grande-Bretagne devra s'accroître.
Surtout, il est détestable que les négociateurs américains connaissent désormais le détail du mandat fixé par les chefs d'Etat européens au Commissaire néerlandais chargé de discuter avec eux du projet de Traité transatlantique de libre-échange. Ainsi, il ne reste plus que les parlementaires européens et les parlementaires nationaux, et donc a fortiori les citoyens, à ne pas être au courant du mandat de négociation. Il est donc plus qu'urgent que ces négociations soient désormais suspendues, se tenant dans un contexte par trop défavorable aux intérêts de l'Union Européenne.
Notons à l'intention des dirigeants du PS français, que les militants socialistes avaient très largement voté en faveur de la suspension de ces négociations, sur proposition de "Maintenant la Gauche", le 6 juin dernier et que plutôt que de rivaliser par communiqués de presse, pour déterminer superficiellement qui est ou aurait été le meilleur premier secrétaire, ils feraient bien de mettre en oeuvre la volonté des socialistes, clairement exprimée.
Il est aussi évident qu'une partie essentielle du dossier doit se régler par la réorientaiton de l'Union Européenne. Il est urgent de changer la couleur politique dominante au sein de la commission européenne, car de José Manuel Barroso à Karel de Gucht (le commissaire flamand) les Américains n'avaient sans doute pas besoin d'espionner l'UE pour remporter les négociations : par autisme idéologique, les ultra-libéraux de la commission étaient déjà prêts à leur vendre avec enthousiasme l'économie européenne. L'enjeu des prochaines élections européennes sera tout autant d'éviter une déferlante des national-populismes que d'installer une majorité de gauche au parlement européen et donc à la tête de la Commission.
Après, si certains considèrent que l'enjeu du moment est d'offrir l'asile politique à Snowden... pourquoi pas... on peut toujours faire un pied de nez à nos "amis", mais l'essentiel n'est pas là.
Frédéric FARAVEL