Mediapart.fr - 23 avril 2013 | Par Rachida El Azzouzi
Le 7 mars dernier, dans un article que vous pouvez retrouver ici, intitulé «La CFDT aux prises avec sa base chez Sanofi», nous relations le divorce qui couvait entre les militants CFDT du géant pharmaceutique Sanofi et leur direction nationale. Cette dernière leur reprochait notamment d’avoir «failli» en manifestant aux côtés de la CGT et de l’extrême gauche pour une loi contre les licenciements boursiers ainsi qu’en décriant publiquement l’ANI, l’accord sur la réforme du marché du travail signé en janvier dernier par la CFDT aux côtés du patronat, de la CFE-CGC et de la CFTC.
La direction du syndicat visait particulièrement Pascal Vially, son coordonnateur chez Sanofi, sorte de trait d’union entre les délégués syndicaux et centraux des différents sites. Salarié de la division “vaccins” à Marcy-l’Étoile dans le Rhône, syndicaliste depuis les années 2000, il est l’un de ceux qui, médiatiquement, mènent le combat, depuis que le groupe a annoncé en juillet 2012 un plan de restructuration prévoyant, d'ici à 2015, 914 suppressions nettes d'emplois et 800 redéploiements par mobilité interne, dont 300 d'une région à l'autre.
Dans le rang des cédétistes Sanofi, cette remise en cause de Pascal Vially n’avait pas plu. En soutien, une pétition avait aussitôt été lancée et mise en ligne sur internet. Véronique Pamiès, déléguée centrale pour la santé animale sur le site de Lyon, membre depuis dix ans de la CFDT, fait partie des instigateurs de cette pétition. Elle fut l’une des rares militantes à parler à visage découvert dans notre article, car «c’est très dur de faire valoir des positions qui ne sont pas dans la ligne confédérale». La sanction n’a pas tardé. Pour avoir porté sur la place publique ce différend interne, elle a été démandatée début avril, quelques jours après la publication de notre article (ci-dessous, le mail de sa direction).
Pascal Vially, pourtant considéré comme «un militant extraordinaire» par sa direction, devait connaître le même sort dans les prochaines semaines. Mais il a préféré anticiper et rendre sa «démission forcée». Ce mardi 23 avril, il a adressé un long courrier de cinq pages, «une lettre cathartique», que Mediapart publie dans son intégralité ci-dessous, à Laurent Berger, le n°1 de la CFDT et aux dirigeants de sa fédération chimie, dans lequel il dit tout. Sur son engagement, son malaise, sa déception, ses désillusions de militant.
Il raconte de l’intérieur la vie d’un responsable syndical aux prises avec sa hiérarchie, le décalage entre le terrain et les bureaux, les dérives d’appareil, dans lesquels d'autres se reconnaîtront, et rend sa carte, «dans la douleur», avec une certitude acquise tout au long de ces mois consacrés à la lutte contre un vaste plan social : «Les structures CFDT (syndicats, fédération, confédération) sont en décalage complet avec les revendications de la majorité des adhérents et militants de terrain, et (...) la démocratie interne de la CFDT ne fonctionne malheureusement pas.»
Pascal Vially n’envisage pas de prendre sa carte dans un autre syndicat, car «c’est partout pareil, dit-il, le même fonctionnement, la même politique d'appareil, pas de tête qui dépasse». Il arrête définitivement le syndicalisme pour redevenir le technicien supérieur de laboratoire qu’il était à son entrée chez Sanofi en 1999, et assumer le citoyen qu’il est : «Un déçu de la gauche au pouvoir qui peut voter rose, rouge, vert ou MoDem, tout à la fois, réformiste et contestataire.» Deux qualités impossibles aujourd’hui à la CFDT ? Pascal Vially pose la question. Dans le sillage de sa «démission forcée», d’autres camarades cédétistes devraient rendre leur carte, écœurés par ce dénouement. Chez le leader français de la pharmacie, la CFDT est le syndicat majoritaire. Elle représente quelque 8 000 salariés sur les 28 000 que compte le groupe.