Le choc de l'Affaire Cahuzac est terrible.
Si les Français estiment selon un récent sondage BVA que le gouvernement a plutôt bien géré la crise, il faut y voir un avis désabusé sur le thème "vue la situation détériorée, ça aurait pu être pire...". En effet, parallèlement la côte de popularité de l'exécutif continue de s'effondrer (sans même tenir compte de "l'affaire"), et les Français continuent de perdre confiance dans leurs institutions et dans leurs élus, considérant que la grande majorité d'entre eux sont corrompus (ce qui n'est évidemment pas le cas).
Il y a donc urgence à réagir sans opposer nos combats économiques et sociaux et nos combats démocratiques, indissociables, lorsqu'on est socialiste.
Regardons les choses froidement - dans la période, ça changera. La droite - pas plus recommandable pourtant - exige un remaniement, une partie des parlementaires de gauche suggèrent que ce remaniement permettrait de gagner du temps devant l'opinion. Mais, à quoi bon remanier, si c'est pour continuer à mener une politique économique et sociale, sans plus d'inflexion. On voit bien, on sait, que le Président de la République n'a pour le moment pas l'intention de changer de cap. Le discrédit total de Jérôme Cahuzac ne peut évidemment suffire à faire tomber une politique de "rigueur de gauche" ; il la menait avec conviction mais en répondant à la commande de ses tutelles élyséenne et gouvernementales. Notre combat pour exiger le "tournant de la relance", impérieux et nécessaire, ne doit pas faiblir, il faut continuer sur ce chemin difficile à construire des convergences pour patiemment convaincre de la nécessité politique et vitale de ce tournant. Mais, si le plus tôt le mieux, et si possible dès avant les prochaines élections locales (qui s'annoncent difficiles et qui si elles se confirmaient être une sanction pour la majorité actuelle réduirait évidemment les marges de manœuvre de cette majorité et donc les capacités à opérer ce nécessaire tournant), reconnaissons le ce n'est pas demain matin que nous l'obtiendrons.
Poursuivons nos combats urgents concernant la transposition de l'Accord National Interprofessionnel sur la flexibilisation de l'emploi dans la loi, concernant l'encadrement/interdiction des licenciements "profitabilité", concernant la réorientation de la construction européenne, etc.
Si le chemin est long et difficile sur les questions économiques et sociales, il n'en reste pas moins que les Français attendent de nous des actes forts qui permettent de consolider la démocratie française. Dans ce contexte, il convient de préciser que je confonds pas le combat pour la VIème République et une véritable démocratie parlementaire avec des outrances verbales qui conduisent à mettre l'ensemble des élus et du personnel politique dans le même panier des corrompus et des connivents en appelant à un "coup de balais" parfaitement populiste.
Ils soulignent que le passage par voie référendaire exige des dispositions très fortes pour modifier, réellement en profondeur les pratiques politiques et la vie démocratique comme :
- Le mandat parlementaire unique ;
- L’interdiction et la sanction des conflits d’intérêt ;
- La garantie absolue de l’indépendance de la justice ;
- La lutte implacable contre la fraude et l’évasion fiscale.
J'y ajouterai également pour ma part avec Paul Quilès l’acceptation de la nomination des principaux ministres par une commission composée de parlementaires et de magistrats, ainsi que le mandat à donner au Président de la République pour exiger la fin des "Paradis fiscaux" en Europe (Chypre, Luxembourg, Autriche, îles anglo-normandes, etc.).
S’agissant d’un enjeu démocratique majeur, c’est l’ensemble des forces républicaines qui doit prendre part à l’élaboration des changements nécessaires et soumis au vote des Français. Dans ce cadre, et ayant toujours été opposé à un retournement d'alliance politique qui viendrait à remplacer le Front de Gauche par certains centristes, je ne comprends pas que Pascal Durand, secrétaire national d'Europe Ecologie Les Verts, ait limité son appel pour des propositions communes sur la moralisation de la vie politique à la gauche, aux écologistes et au MODEM. Au regard de la gravité de la situation, qui dépasse les différences de politiques économiques, sociales et européennes, j'ai pu entendre chez quelques rares élus UMP (Bruno Lemaire ou Laurent Wauquiez, qui se distinguent ici des déclarations indécentes de Jean-François Copé, François Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet et Valérie Pécresse) faire des propositions sérieuses et intéressantes.
On sait que toutes ces propositions risquent d'être bloqués par un parlement frileux et incertain (surtout sur le cumul des mandats et le contrôle du patrimoine des élus - sur ce sujet même le tribun Mélenchon est contre... les coups de balais ont leurs limites, hein...) et qu'il est des périodes qui nécessitent parfois de recourir directement au peuple, notamment quand la crédibilité des institutions - à tort ou à raison - semble être en jeu.
Ceux qui expliquent que le référendum régional alsacien plaide contre l'appel à l'intelligence populaire, et qui oublient que nous avions réclamé le référendum sur le TCE, le traité de Lisbonne et le TSCG, devraient ne pas insulter les motivations des électeurs alsaciens. L'UMP alsacienne reproche à la gauche son échec, mettant sur le compte de l'affaire Cahuzac le rejet de son projet mal ficelé et qui mettait en question l'égalité des territoires dans la République. Les ressors internes alsaciens - y compris l'usure de l'UMP locale - du rejet du projet de fusion des collectivités étaient bel et bien présents, ne confondons pas les sujets pour tenter de justifier nos conservatismes.
Le peuple attend. La réforme démocratique est indissociable de la transformation sociale. Dans la période, elle doit la précéder et être un élément de plus dans le rapport de force que nous construisons en faveur d'une nouvelle politique.
Frédéric FARAVEL