Préparer la réforme de la Politique Agricole Commune prévue en 2013
Avant propos :
Sans rentrer dans des considérations autres que pragmatiques, la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), annoncée pour 2013, sera le premier rendez-vous européen majeur qu'aurait à affronter un gouvernement de gauche arrivé au pouvoir à la fin du printemps 2012. Il aura donc six mois pour conclure des négociations qui auront été engagées bien avant lui. Cette réforme est stratégique à plus d'un titre, d'abord parce que la PAC appartient à la carte d'identité de la construction européenne, ensuite parce que l'importance de la production agricole dans de nombreux pays de l'Union en fait un enjeu économique et social majeur, notamment en France, en Espagne, en Pologne et en Roumanie, enfin parce que la réforme de la PAC doit être mise en perspective avec la question du développement et des échanges nord-sud.
Le Président de la République française a par ailleurs menacé le 10 mars 2010 de provoquer une crise européenne si les fondamentaux de la PAC étaient profondément remis en cause à l'occasion de sa réforme. Cela entre clairement dans la stratégie actuelle de Nicolas Sarkozy de reconquérir et consolider le cœur de son électorat, dans la perspective de l'élection présidentielle de 2012 ; mais on connaît la propension du Président à l'emphase et à la mise en scène, sans que cela soit forcément suivi d'effets ou de réalisations marquantes. Les socialistes peuventdonc sur ce terrain gagner en crédibilité et en audience dans l'électorat rural, qu'on ne saurait abandonner aux seules sirènes de la droite ou des populistes au moment où le monde agricole doute profondément de l'engagement de l'exécutif.
Cette note vise à resituer la PAC dans son environnement historique et actuel et à tirer quelques pistes de réflexion.
Introduction :
La PAC a longtemps été, avec la politique de cohésion, la seule politique commune financée collectivement par la communauté puis l'union européenne (UE). Aujourd'hui, elle représente encore 45 % du budget communautaire, soit plus de 1 000 milliards d'euros sur les perspectives financières 2007-2013. La France reçoit 9 milliards d'euros par an de la PAC, alors que les revenus annuels des agriculteurs français s'élèvent à 20 milliards (cependant 30 % d'entre eux ne perçoivent aucune aide européenne).
L'UE, avec 500 millions de consommateurs, est à la fois le premier marché agricole et alimentaire solvable et la première zone importatrice et exportatrice de produits agro-alimentaires avec les Etats-Unis d'Amérique. On voit donc l'importance qu'elle représente pour la construction européenne et pour la France.
Après avoir réalisé un bref historique de la PAC (1), il sera rappelé que la PAC est fixée comme un des piliers de l'UE par les traités européens. Elle est mise en œuvre de manière cohérente avec la stratégie de Lisbonne et dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) (2).Mais la poursuite de la logique de libéralisation des échanges contenue dans le « bilan de santé » de la PAC en novembre 2008 renforce les inquiétudes et relance le débat sur son devenir après 2013 (3).
Créée en 1958 à la conférence de Stresa, la PAC a beaucoup évolué depuis ses origines.
Les objectifs originels de la PAC (années 1960-70) :
La Communauté européenne naissante lui fixait l'objectif d'assurer la sécurité alimentaire de sa population, en modernisant et en remembrant les exploitations. Pour cela, elle avait mis en place une Organisation Commune des Marchés (OCM), avec achats publics à tarif minimal garanti, une régulation par stockage et des prélèvements douaniers sur les importations.
Elle a ainsi permis un énorme développement des investissements, des rendements et de la productivité. L'autosuffisance alimentaire était atteinte, tandis que le développement industriel permettait de fournir de l'emploi aux populations rurales qui quittaient les campagnes du fait de la restructuration économique et technologique majeure que connaissait l'agriculture.
Depuis le milieu des années 1970, la PAC est en crise régulière :
Les années 1970 ont soulevé les premières difficultés : les excédents de lait et de céréales (les principales OCM) ont poussé à soutenir leur exportation par de coûteuses subventions pour favoriser le dégonflement des stocks. Parallèlement, la raréfaction de l'emploi industriel ne permettait plus d'absorber « l'exode rural » et l'intensification et la spécialisation croissante de l'agriculture commençaient à causer de graves tensions sur l'environnement et l'aménagement du territoire.
Dans les années 1980, le tassement de la demande internationale de produits agricoles, la concurrence des « pays émergents » et l'explosion des coûts des subventions à l'exportation (du fait de la baisse des prix agricoles) ont donné les arguments à la Grande-Bretagne pour une réforme de la PAC dès les négociations de 1986 au GATT (round de Punta del Este).
Les OCM ont progressivement été déconstruites dans l'objectif de faire jouer le marché pour assurer des prix bas aux consommateurs, de supposées baisses d'impôts aux contribuables et l'éventuel enrichissement des pays du sud par les importations à bas prix des Européens.
Cette logique a perduré dans les réformes de 1992, 1999 et 2003, visant à rapprocher les prix mondiaux et les prix européens, et à rendre la PAC conforme aux exigences de l'OMC.
Le Titre III du traité sur le fonctionnement de l'UE établit juridiquement la PAC. Celle-ci est mise en œuvre de manière à contribuer à la réussite de la stratégie de Lisbonne et tient compte des négociations agricoles de l'OMC dont l'UE est un acteur majeur.
La PAC est juridiquement définie par le traité sur le fonctionnement de l'UE :
Les articles 38 à 43 du Titre III du traité sur le fonctionnement de l'UE définissent précisément les objectifs généraux de la PAC et les moyens sur lesquels elle est susceptible de s'appuyer.
Ses objectifs (art. 39) sont :
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accroître la productivité par le progrès technique, le développement rationnel de la production et l'emploi optimum des facteurs de production comme la main-d'œuvre ;
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garantir un niveau de vie équitable à la population agricole ;
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stabiliser les marchés ;
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garantir la sécurité des approvisionnements et des prix raisonnables aux consommateurs ;
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tenir compte du caractère spécifique de l'agriculture, de sa structure sociale et des disparités régionales.
Pour cela, l'UE établit à l'article 40 :
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des règles communes de concurrence ;
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la coordination des organisations nationales des marchés et l'organisation européenne du marché.
L'article 40 rend possible :
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la réglementation des prix ;
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les subventions à la production ou à la commercialisation ;
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des mécanismes de stockages et de report ;
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des mécanismes de stabilisation des importations et des exportations.
L'article 41 insiste sur :
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la coordination de la formation professionnelle, de la recherche et de la vulgarisation agronomique ;
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des actions pour le développement de la consommation de certains produits.
Les articles 42 et 43 représentent une nouvelle donne juridique (Traité de Lisbonne) puisqu'ils instaurent la procédure de co-décision du Conseil et du Parlement européens dans la définition de la PAC. Cette innovation devrait voir sa première application en 2013.
La PAC doit contribuer à la réussite de la « Stratégie de Lisbonne » :
La « Stratégie de Lisbonne », décidée en 2000 et relancée en 2005, veut faire de l'UE l'économie la plus compétitive et innovante du monde. Le Conseil européen de Göteborg en 2001 liait déjà la PAC et la « stratégie de Lisbonne » dans l'objectif de bâtir une « économie performante » avec une « utilisation durable des ressources naturelles ». L'agro-alimentaire européen représentait 14,7 % de la production industrielle, soit 792 milliards d'euros, en 2004, le 3ème employeur européen, et le 2ème exportateur mondial (61,1 milliards d'euros en 2002).
La Réforme de 2003 de la PAC l'a donc mise en cohérence avec la « Stratégie de Lisbonne » par le biais du découplage des aides directes aux agriculteurs, c'est-à-dire qu'elles sont désormais fixées à l'hectare et non plus liées à la production. La PAC doit également se recentrer sur les préoccupations des consommateurs en prenant en compte les exigences du marché plutôt que le soutien au marché, par la suppression des « incitationsnégatives » et le « développement de l'esprit d'entreprise » (Communication de la Commission européenne en 2005).
La Commission insiste donc de plus en plus sur le « développement rural », présenté, avec l'éco-conditionnalité, depuis 1999 comme le 2ème pilier de la PAC. L'accent est mis sur la restructuration du secteur agricole, la promotion de la diversification et de l'innovation en milieu rural pour une « économieplusflexible » et à plus forte valeur ajoutée. L'objectif recherché est l'amélioration de la formation, de la recherche et du développement, pour la promotion du développement durable et de l'innovation. Ainsi 88,75 milliards d'euros seront consacrés au développement rural pour la période 2007-2013 par le Fonds européen agricole et de développement rural(FEADER) qui a remplacé le Fonds d'orientation et de garantie agricole (FEOGA).
L'UE adapte la PAC à l'OMC, dont elle est un acteur majeur :
Les réformes successives de la PAC ont été logiquement corrélées avec les négociations agricoles dans le cadre de l'OMC ; mais il est évident au regard du poids de l'UE dans ce domaine qu'aucune décision n'auraient été prises à l'OMC sans l'accord des Européens. Il y a donc convergence d'analyse sur libéralisation et l'ouverture des marchés agricoles entre l'OMC et la Commission européenne, dont les orientations ont été validées par le Conseil.
Ainsi le découplage des aides directes n'est pas considéré comme exerçant une distorsion sur les échanges. La réforme de 2003 anticipait dans l'UE la recherche d'un accord de libéralisation des marchés agricoles au sein de l'OMC. Il s'agit clairement de faire valider des substantielles aides publiques à des secteurs très particuliers de l'activité agricole, en contradiction avec le discours libéral imposé par l'OMC et la Commission.
On peut légitimement considérer que ce faisant l'OMC a normalisé le dumpingdes pays riches, alors que l'abaissement des barrières douanières défavorisait avant tout les pays pauvres, réduisant leur auto-approvisionnement et augmentant leur dépendance alimentaire.
Arrêté politiquement le 20 novembre 2008 par les ministres européens de l'agriculture, le « Bilan de santé » de la PAC poursuit l'œuvre engagée depuis 1992 en vue d'une régulation par les marchés en remplacement de l'intervention publique. Cette stratégie agricole européenne, cohérente avec les positions défendues par l'UE dans l'OMC, n'est pas sans soulever critiques et inquiétudes. Des positions multiples s'expriment donc dans la perspective de la réforme de 2013.
Le « Bilan de santé » de la PAC :
Selon la Commission européenne, cette adaptation de la PAC version 2003, pour la période 2009-2013, doit la moderniser et doit éliminer les contraintes imposées aux agriculteurs pour leur permettre de « mieux réagir aux signaux du marché ».
L'accord prévoit :
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la suppression des jachères obligatoires (aujourd'hui 10 % des terrains des exploitations) ;
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l'augmentation progressive des quotas laitiers avant leur suppression en avril 2015 : 1 % chaque année entre les campagnes 2009/2010 et 2013/2014 pour garantir un « atterrissage en douceur » ; pendant les campagnes 2009/2010 et 2010/2011, les agriculteurs qui dépasseront leurs quotas laitiers de plus de 6 % devront payer un prélèvement de 50 % supérieur à la pénalité normale ;
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Le découplage des aides est confirmé, bien que soient maintenus des paiements liés à la production (vache allaitante, primes aux ovins et aux caprins) ;
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90 M € supplémentaires pour aider les secteurs rencontrant des problèmes spécifiques, jusqu'à ce que les aides directes soient pleinement instaurées, dans les 12 nouveaux États membres ;
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réduction des aides directes pour financer le « développement rural » : 5 % ponctionnés sur toute aide supérieure à 5 000 € (10 % en 2012) et surcôte de 4 % appliquée aux aides supérieures à 300 000 €.
La présidence française de l'UE durant laquelle a été négocié ce « bilan de santé » a obtenu contre l'avis de la Commission et de certains États membres le maintien ciblé de l'intervention publique :
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mécanismes de régulation maintenus pour le beurre et le lait en poudre mais respectivement plafonnés à 30 000 t et 109 000 t ;
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pour le blé tendre, un plafond de 3 Mt d'achat public au prix garanti de 101,31 € la tonne ;
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pour le blé dur, le sorgho, le riz et le maïs, l'intervention est maintenue avec un seuil fixé à zéro ;
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l'aide aux jeunes agriculteurs pour l'investissement est porté de 55 000 à 70 000 € ;
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à partir de 2010, les Etats pourront mettre en place des aides ciblées sur les productions favorables à l'environnement, participant à des démarches qualité, ou encore pour des productions spécifiques (lait, viande bovine, ovine et caprine, riz) et pour les territoires fragiles, ce qui n'est ni plus ni moins qu'une renationalisation de la PAC.
La libéralisation de la PAC soulève critiques et inquiétude :
Le contexte économique de la négociation du « bilan de santé » était celui de vives tensions sur les marchés agricoles, avec en 2008 des réductions drastiques des stocks, des situations de pénuries à l'échelles mondiale et une extrême volatilité des prix. Les Européens ont donc engagé un débat sur l'avenir de la PAC quand les évènements leur rappellent les fondamentaux qui ont prévalu pour son invention : autosuffisance alimentaire et stabilité des marchés, mais ans en tirer les conséquences.
La libéralisation de la PAC a causé dégâts sociaux et environnementaux accrus et se fait en décalage avec la politique menée par les USA qui ont rétabli depuis 2002 des aides contra-cycliques.
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À cause de la fluctuation accrue des prix, la plupart des exploitations ne sauraient subsister sans une perfusion importante d'aides directes quand les prix sont au plus bas (50 % du revenu agricole moyen dans les années 2000).
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Les inégalités sont flagrantes dans la distribution des aides liées à la surface : les céréaliers, qui n'ont pas une situation économique défavorable, ont perçu de fortes subventions en 2007 et 2008 malgré des cours au plus haut.
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La libéralisation entraîne une concentration des exploitations, ce qui n'est pas sans poser problème en Roumanie ou en Pologne notamment, dont les populations actives sont restées agricoles pour un tiers.
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Malgré l'affichage de l'éco-conditionnalité, la stratégie actuelle conduit à la sélection et la spécialisation des exploitations les plus compétitives au détriment de systèmes plus autonomes et économes comme les cultures herbagères. La concentration s'accompagne donc d'une désertification de certains territoires, en contradiction avec les objectifs du développement rural.
L'OMC continue de rechercher une libéralisation accrue du commerce agricole avec le soutien de l'UE (Cycle de Doha), mais si ces mesures sont de nature à intégrer fortement et favoriser les « Pays émergents » (Brésil, Russie, Ukraine, Argentine), elle défavoriseraient les pays en voie de développement.
Avant de prendre la présidence de l'UE du 1er juillet au 31 décembre 2008, la France avait émis par la voix de son ministre, Hervé Gaymard, des critiques importantes sur cette stratégie. Dans le débat parlementaire du 25 juin 2008, M. Gaymard indiquait que « le marché agricole n'est pas comparable aux autres marchés dans la mesure où l'ajustement de l'offre et de la demande n'est pas automatique » ; la volatilité des prix est le résultat de :
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« l'irréversibilité des décisions prises » par les agriculteurs dans le choix de privilégier telle ou telle production - a contrario de l'idée de réactivité défendue par la Commission ;
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les risques climatiques et sanitaires ;
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« l'impact de la spéculation et de la financiarisation de l'agriculture ».
C'est pourtant le même ministre quiprésida à l'accord sur le « bilan de santé », qui - bien que maintenant certains mécanismes d'intervention - validait une politique précédemment dénoncée, car menée « sous pression de l'OMC » et caractérisée par « une régression des instruments de régulation existants ».
La PAC à la croisée des chemins en 2013 :
En fonction des intérêts portés par les États membres à l'agriculture, les postures peuvent être profondément contradictoires.
La Grande-Bretagne a fait part à plusieurs reprises de son objectif de supprimer la PAC d'ici à 2020. Elle devrait donc soutenir la Commission européenne dont le Président a été reconduit et qui défendait jusqu'alors une limitation stricte de la PAC au « pilier » du développement rural.
Les États agricoles, comme la France, la Roumanie, l'Espagne ou la Pologne, défendront probablement la conservation ou le renforcement des mécanismes d'intervention ou de régulation publics. Mais la vraie difficulté tient à bousculer le consensus libéral qui semble perdurer malgré la crise alimentaire de 2008 et la crise financière qui a commencé en 2007.
Les Échosénonçaient en décembre 2009 cinq hypothèses pour l'avenir de la PAC :
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La PAC est supprimée. Le libre échange remplace la PAC. Dans ce cas, sur 587 000 exploitations françaises (320 000 agriculteurs professionnels) 50 % sont en banqueroute. L’Europe, comme d’autres régions du monde, importera une partie de son alimentation. La pénurie actuelle sur le marché mondial du riz est une bonne anticipation de ce qui nous attend. Les états asiatiques achètent du riz aux enchères pour subvenir à l’alimentation des populations. Même si l’on imagine que Bruxelles mutualise les besoins de blé, l’idée même de l’UE ne résisterait probablement pas longtemps aux tensions entre les 27.
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La PAC est réaménagée : égalitaire mais pas équitable. Les subventions seraient déconnectées de la surface ou du rendement et octroyées en fonction du revenu agricole et du caractère manuel (fruits, légumes) ou bien mécanisée de la culture. Il n’est pas anormal que les exploitations les plus grosses et les plus productives reçoivent plus de subventions. Mais nul ne doute de l’étonnement du citoyen européen qui découvre que les grosses exploitations subventionnées appartiennent à des non-agriculteurs, et que de plus petites exploitations produisant moins, mais pouvant produire plus, restent sans aide.
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La PAC est redéployée vers les consommateurs. Plutôt que de subventionner l’agriculture, la PAC est redirigée sous forme de subventions vers les consommateurs : prestations sociales, chèques directs, organismes sociaux, associations. De l’agriculteur aidé on passe au consommateur assisté. Idée qui diverge de l’article 33 de la PAC : sécurité alimentaire, prix raisonnable au consommateur, revenu convenable à l’agriculteur.
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La PAC est sélective et favorise la santé. L’UE c’est 130 millions d’obèses et 30 % des enfants en surpoids. La PAC ne subventionnerait plus les produits provoquant l’obésité mais favoriserait les fruits et légumes, le bétail, les ovins, les volailles, le lait… Elle favoriserait aussi les produits BIO qui sont déficitaires, notamment en France, et elle contribuerait à harmoniser les normes BIO des productions européennes.
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La PAC favorise la santé publique et devient plus équitable. Elle aide l’agriculteur en fonction de son revenu et de la main-d’œuvre employée. Elle favorise les produits en fonction d’objectifs de santé publique (bio, fruits, légumes, bétail, volaille, lait…), elle assure l’autosuffisance pour les autres produits dont les céréales.
Cela n'épuise pas la difficulté de rassembler une majorité pour réformer la PAC dans un sens ou dans un autre.
La nouvelle chute des cours va-t-elle faire oublier la crise alimentaire mondiale de 2008 ? Les États membres l'auront-ils à l'esprit au moment de renégocier le périmètre de la PAC en 2012-2013 ? La Commission européenne continuera à défendre une politique de libéralisation et de concentration de la PAC sur le développement rural ; la France mettra-t-elle réellement à exécution la menace exprimée par Nicolas Sarkozy le 24 mars 2010 ? Avec les pouvoirs de co-décision du Parlement européen, les députés utiliseront-ils leurs nouvelles marges d'appréciation dans cette future réforme et quel sera le rôle de l'opinion publique (à un an ou deux des élections européennes) dans un certain nombre d'États membres ?
Au-delà des scenarii envisagés par Les Échos, les socialistes doivent travailler à des propositions politiques fortes :
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La première des propositions consiste à reconnaître qu'à budget constant, l'UE n'est pas en mesure de faire une réforme positive de la PAC. Les travaillistes britanniques avaient à juste titre critiqué en 2006 le poids de la PAC dans le budget communautaire (45 %) ; il s'agit d'un héritage de l'histoire, et l'UE devrait évidemment renforcer son action dans la Recherche, le développement et l'innovation, mais cela ne peut se faire au détriment des politiques communes (agricole et cohésion) qui participent de la réduction des inégalités territoriales et sociales et de la qualité du mode de vie des Européens. C'est donc le budget global de l'UE qui doit fortement augmenter, faisant baisser proportionnellement la part de la PAC en son sein, avec l'augmentation des contributions des États membres, la possibilité du recours à l'emprunt et la création d'une fiscalité propre à l'UE ;
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Il faut s'appuyer sur le principe de la souveraineté alimentaire, impliquant une régulation concertée des échanges internationaux, sous l’autorité des Nations unies. Dans ce nouveau cadre, la stabilisation des cours mondiaux et la garantie de prix intérieurs stables reflétant les coûts réels de production devraient impliquer un renforcement des conditions sociales et environnementales de production, une maîtrise des volumes et une redistribution des aides entre agriculteurs. La solidarité avec les pays pauvres exige aussi l’abandon des accords de libre-échange au profit d’accords préférentiels renforcés, l’augmentation de l’aide publique au développement agricole et l’abandon de toute production d’agro-carburants entrant en concurrence avec les productions vivrières ;
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La crise alimentaire ne peut être résolue au détriment des impératifs écologiques, car les déséquilibres climatiques et l’épuisement des sols sont autant de facteurs aggravants. Le rapport de l'Évaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service du développement (EISTAD) met par exemple l’accent sur le développement de l’agro-écologie - qui vise à associer agriculture et protection de l’environnement dans une démarche qualitative et non plus quantitative -, des circuits courts entre producteurs et consommateurs, et sur la valorisation des connaissances paysannes et locales.
Références documentaires :
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Accord inter-institutionnel et cadre financier 2007-2013 :
http://europa.eu/legislation_summaries/agriculture/general_framework/l34020_fr.htm -
Version consolidée du traité sur l'Union européenne :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:083:0013:0046:FR:PDF -
Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2008:115:0047:0199:FR:PDF -
Le « bilan de santé » du 20 novembre 2008 de la PAC : http://ec.europa.eu/agriculture/healthcheck/index_fr.htm
Note élaborée par Frédéric Faravel,
secrétaire fédéral du PS Val-d'Oise
aux relations extérieures