Ségolène Royal a présenté mercredi 18 juin le projet de loi sur la transition énergétique en conseil des ministres. Présenté par le Président de la République lui-même comme l'un des projets les plus importants du quinquennat, les commentateurs pensaient que la montagne allait accoucher d'une souris. Cependant le texte présenté est moins décevant que cela était craint ; il fixe un cadre ambitieux, sauf pour le nucléaire. Mais il pêche largement concernant les moyens accordés à l'effort de mutation culturelle et sociologique qui est devant nous. La politique énergétique française reste largement entre les mains d'EDF.
L'avenir dira si dans les années qui viennent nous saurons ou non nous doter des moyens pour rendre cette future loi efficiente. Comme socialiste, je considère que nous devons être plus offensifs sur le sujet. Nos parlementaires doivent absolument renforcer le projet lors de son passage devant les chambres.
Pour la première fois, je vais publier ci-dessous les différentes publications d'EELV sur ce dossier, car il se trouve que j'en partage totalement l'analyse à ce stade.
Frédéric Faravel
Transition énergétique : 3 questions à Pascal Canfin
Publié le 19 juin 2014
Pascal Canfin que pensez-vous des annonces de Ségolène Royal sur la loi de transition énergétique ? Les engagements répétés du Président de la République sont ils en voie d’être tenus ?
Cette loi fixe un cadre borné par quelques grands principes pour lesquels nous nous sommes battus comme la baisse de la part du nucléaire à 50% en 2025, la diminution de 30% de notre consommation d’énergies fossiles en 2030, le division par deux de la consommation d’énergie finale en 2050 et la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2030. Nous pouvons également nous réjouir de la reconnaissance par la loi d’une grande innovation portée par les écologistes dans les régions, les sociétés de tiers investisseurs qui permettent de faire prendre en charge par la collectivité les couts initiaux de l’isolation des logements notamment pour les familles n’ayant pas les moyens de prendre en charge elles-mêmes les investissements. Mais attention il semble que cette disposition soit finalement remise en cause dans la version finale du texte au bénéfice des banques qui voient d’un très mauvais œil ce nouveau dispositif. Voilà un combat essentiel pour le débat parlementaire à venir.
Par ailleurs, il ne suffit évidemment pas de se fixer des objectifs à 10 ou 15 ans pour que ceux ci deviennent automatiquement réalité puisque ces objectifs ne sont que programmatiques et non contraignants. Tout est donc dans les moyens alloués et les dispositifs créant ou non des effets cliquets. Et là, la bouteille est à moitié vide.
Qu’en est il des moyens financiers ?
C’est la grande lacune. Le nouveau Fonds national de la transition énergétique et de la croissance verte sera doté selon Ségolène Royal de 1,5 milliard d’euros sur 3 ans. Soit 500 millions d’euros par an… On est donc loin d’une mobilisation massive, non pas d’argent public supplémentaire en soi, mais d’une réorientation de l’argent public actuellement utilisé. Aucun des grands outils dont dispose le gouvernement pour conduire stratégiquement la transition n’est utilisé : le crédit d’impôt recherche coute près de 5 milliards par an sans aucune conditionnalité écologique, sans même parler bien sur des 40 milliards du CICE et du Pacte de responsabilité, ni de la fiscalité écologique. Au lieu de devenir un enjeu transversal le financement de la transition reste un enjeu sectoriel avec un impact nécessairement limité compte tenu des marges de manœuvre budgétaire entièrement avalée par le Pacte de responsabilité. Je suivrai avec attention la conférence bancaire et financière des prochains jours, en espérant que ce constat soit démenti !
Et sur le nucléaire ?
Nous sommes en pleine bataille culturelle sur le nucléaire. Le travail réalisé au parlement notamment montre que le mythe du nucléaire bon marché est largement en train de vaciller. Mais le gouvernement n’a pas voulu aller au bout de la logique à savoir expliquer comment il allait concrètement passer de 70 % à 50 % de nucléaire et reprendre formellement la main sur la durée de vie des centrales. Il n’y a donc pas un mot sur Fessenheim ni sur les 40 ans. La vraie bataille se mènera donc dans la programmation pluriannuelle des investissements d’EDF avec le risque d’une visibilité moins forte que lors du débat législatif. Mais au moins cette bataille aura vraiment lieu ce qui n’a jamais été le cas. On sentait bien depuis le début que le président de la République ne voulait ni renoncer à sa promesse ni se donner totalement les moyens de sa mise en œuvre. La loi traduit cet état d’esprit !
Transition énergétique : après les belles paroles, pas de grands moyens ?
Publié le 18 juin 2014
Ségolène Royal a présenté ce mercredi les grandes lignes de la loi sur la transition énergétique. Alors que le projet de loi n’est toujours pas connu, les écologistes font preuve de scepticisme : si les objectifs de réduction de la consommation d’énergie, de part du nucléaire dans la production française d’électricité et de réduction des gaz à effet de serre ont été rappelés, ils s’inquiètent de ne pas voir certains objectifs et les moyens permettant de les concrétiser inscrits dans la loi.
Les écologistes demandent ainsi que les engagements de plafonnement de la production d’électricité d’origine nucléaire à 50% en 2025 soient inscrits dans la loi, que la durée de vie des centrales soit actée, que la fermeture de réacteurs et centrales anciennes et moins sûres comme Fessenheim précisée et que l’État ait la main sur la politique énergétique et puisse réellement l’imposer à EDF.
En matière de logement, les mesures annoncées pour favoriser la réhabilitation thermique vont dans le bon sens en facilitant l’accès au financement à court terme, mais pêchent sur le développement d’une vision stratégique à long terme. Sur les énergies renouvelables, l’enjeu est autant industriel que de production et de consommation. L’ambition est là aussi de mise pour changer de braquet.
Un seul exemple illustre facilement cette mécanique : l’obligation de rénover les bâtiments est un outil formidable et structurant pour notre économie pour tout à la fois créér des emplois non-délocalisables, baisser les factures des ménages et réduire les émissions de gaz à effets de serre. Mais l’obligation sans les aides au financement, c’est faire peser une lourde charge sur les ménages. L’épargne et les moyens doivent être réorientés pour faciliter ces investissements, et le tiers financement – qui permet la prise en charge des travaux de rénovation d’un logement par un opérateur sans que le propriétaire ne débourse un euro – doit être facilité.
Chômage, urgence climatique, péril nucléaire, risques d’insécurité énergétique liés à notre dépendance aux ressources fossiles… Face à ces défis, les écologistes rappellent que la loi sur la transition énergétique est une opportunité historique, qu’il est urgent de changer notre trajectoire de consommation et de production. Pour cela il faut s’en donner les moyens.
Julien Bayou, Sandrine Rousseau, porte-parole nationaux d’EELV
Transition énergétique : le projet de loi actuel ne peut satisfaire les écologistes sur le nucléaire
18 juin 2014
Les grandes lignes du pré-projet de loi sur la transition énergétique ont enfin été dévoilées par la Ministre Ségolène Royal. Ces premières annonces permettent de se faire un avis sur les grandes orientations données par le gouvernement.
Réaction de Michèle RIVASI, eurodéputée EELV du Sud-Est de la France : “Ce projet de loi doit lancer la France sur la voie d’une transition énergétique indispensable à la stabilisation des prix de l’énergie et à la sécurité d’approvisionnement. Pour les écologistes, une véritable transition énergétique ne peut passer que par une sortie programmée du nucléaire, et malgré l’eau bouillante des réacteurs français la douche risque d’être bien froide“ .
“Le candidat Hollande avait fait plusieurs promesses concernant l’énergie, notamment la fermeture de Fessenheim et le plafonnement à 50% de la capacité nucléaire dans la production d’électricité. Force est de constater que la parole politique est encore une fois malmenée par les socialistes : le projet de loi prévoit pour l’instant un plafonnement de la production d’électricité nucléaire à 63,2 GW…ce qui est la puissance installée actuellement. Pis, la promesse du Président Hollande d’inscrire dans la loi la possibilité pour l’État de fermer une centrale nucléaire pour des raisons de stratégie énergétique semble abandonnée“.
“Ce que les écologistes craignaient est donc en passe d’arriver : la réduction de la part du nucléaire ne pourrait être que mécanique, et traduite par un recours accru à l’électricité dans notre consommation d’énergie comme en atteste la volonté d’installer 7 millions de points de charge pour les véhicules électriques d’ici 2030. EDF était parvenue à imposer le chauffage électrique pour trouver des débouchés à ses excédents de production, mettant la France dans une impasse dont elle n’a toujours pas su sortir. Désormais, ce sera la voiture électrique qui pourrait permettre de maintenir le parc actuel en puissance, qu’il soit prolongé ou que les centrales soient remplacées“.
“Le pré-projet de loi contient néanmoins de belles propositions que les écologistes pourront aisément soutenir, notamment en matière de logement et de rénovation énergétique. Il est temps de changer de paradigme: consommer moins et vivre mieux, c’est possible…et c’est surtout moins dangereux sans nucléaire“.