La gauche remporte largement le second tour des élections législatives du 17 juin 2012. Les chiffres officiels du ministère de l'intérieur sont sans appel :
- 10 députés pour le Front de Gauche ;
- 280 députés du Parti Socialiste ;
- 12 députés du Parti Radical de Gauche ;
- 22 députés divers gauche ;
- 18 députés d'Europe-Ecologie Les Verts ;
- 2 députés régionalistes antillais ;
- 2 députés du MODEM ;
- 14 députés du Nouveau Centre et de l'Alliance centriste ;
- 6 députés du Parti Radical (valoisien) ;
- 194 député de l'Union pour un Mouvement Populaire ;
- 15 députés divers droite ;
- 2 députés du Front National et 1 député de la Ligue du Sud.
Si l'on compare à l'échelle nationale les résultats du premier et du second tour des législatives, il est en siège plus favorable encore au PS que l'on ne pouvait s'y attendre au soir du 10 juin :
- Le bloc de gauche faisait 12 millions de suffrages ; il en a fait hier soir 11,7 millions (ce n'est pas la dynamique à gauche qui crée le résultat
- L'UMP et ses alliés faisaient 9 millions de voix ; ils ont obtenu hier soir plus de 10 millions.
- L'extrême droite rassemblait 3,6 millions d'électeurs ; en étant moins présente au second elle recueille 872 422 voix.
Le report de voix de l'extrême droite vers la droite classique dépasse à peine 1 million de suffrage, soit moins d'un tiers contre 50 % lors des précédents scrutins.
L'explication de la lourde défaite de la droite, plus forte que la plupart des sondages ne l'envisageait, provient du comportement politique des électeurs du FN :
- ces électeurs, à quelques exception près, se sont très peu ou pas reportés sur les candidats de droite, quand ceux-ci étaient opposés à la gauche en duel... en tout cas moins que lors des précédents scrutins (Les électeurs du MODEM - moins signifiant en masse - ont fait de même par ailleurs) ;
- dans les triangulaires, l'électorat FN baisse un peu là où il n'avait aucune chance de l'emporter, sans véritable effets de "vases communiquant" entre le FN et la droite, comme on avait pu le constater auparavant. Les candidats d'extrême droite ont progressé partout où l'enjeu d'un siège était palpable ;
- dans les duels gauche-FN, le candidat FN progresse, démontrant le ralliement de certains électeurs de droite "classique" aux alliances avec l'extrême droite.
Nous assistons donc à une réelle consolidation du vote FN qui sera de plus en plus en capacité de faire élire des députés au scrutin majoritaire, d'autant que l'UMP va rester profondément empêtrer dans le piège du "ni-ni" et dans les fractures que le débat de la relation au FN va provoquer dans ces rangs (attisés volontairement par Marine Le Pen, dont le but est ouvertement de faire éclater l'UMP), même si les responsables UMP les plus FN-compatibles ont souvent été battus.
Cela impose deux réflexions majeures :
- celle de la reconquête d'une partie de l'électorat populaire qui est abandonné au FN ;
- celle du mode de scrutin, car l'excuse du scrutin majoritaire pour éviter l'élection de candidats d'extrême droite ne tient plus.
La parité n'est pas au rendez-vous.
Avec les représentants de la motion C du Val-d'Oise, nous avions dénoncé l'année dernière la feuille de route législatives proposée par le Premier secrétaire fédéral, et ce que nous avions annoncé s'est produit : le Val-d'Oise, la gauche valdoisienne n'enverra aucune députée à l'assemblée nationale. Mais la préoccupation qui motivait cette feuille de route n'était pas la parité, mais assurer l'élection ou la réélection en priorité de trois maires majeurs du PS : 5e, 8e, 10e.
Il est triste que cette logique se retrouve à l'échelle du pays : le nombre d'élues progressent mais avec 150 députées, la France est très loin de l'exemplarité, le PS en est loin aussi : il avait présenté 46% de candidates mais majoritairement dans des circonscriptions très difficiles, nous auront une 100ne de députées socialistes soit moins d'un tiers du groupe... 46% contre 30% cherchez l'erreur.
La logique de Vème République est plus que jamais non démocratique.
Le PS atteint la majorité absolue mais recueille à peine 26% du corps électoral. L'essentiel de l'assemblée nationale est constituée par deux partis qui ne rassemblent pas la majorité des électeurs. Évidemment, la crise de la démocratie est une réalité et nous pouvons constater que l'absence de véritable débat politique dans cette campagne a renforcé l'abstention ; nous devons nous interroger sur la place respectives des législatives et des présidentielles.
Nous devons nous interroger également sur le mode de scrutin alors qu'avec la proportionnelle les écologistes et le Front de gauche auraient pu obtenir une 40ne de députés chacun ; alors que le PRG, le MUP ou le MRC qui sont absents de la réalité concrète électorale de ce pays sont finalement très bien payés. Notre majorité elle-même n'est pas représentative de son électorat.
Enfin, avec un bloc de gauche de 342 députés, la gauche n'aura pas la majorité des 3/5e : quid des réformes institutionnelles ? Nous resterons vigilants sur les engagements pour des réformes renforçant la démocratie et notamment sur l'adoption du droit de vote des étrangers.
La rénovation doit se poursuivre.
Ce n'est pas les parachutages qu'il faut bannir, car les députés sont des élus de la nation et non d'un territoire ; mais quand on appelle à la démocratie participative, on ne peut refuser de se soumettre au vote des militants. Il y a fort à parier que si Ségolène Royal avait affronter une primaire dans une circonscription réservée femme par le PS, La Rochelle aurait envoyé une Députée socialiste à l'Assemblée. Comment enfin prétexter de la règle du désistement républicain pour le candidat de gauche arrivé en tête quand la direction maintient la candidat de Fawaz Karimet arrivé 3e à Laon, contre René Dosière et une candidate de droite.
De même, il est urgent de renforcer les opérations mains propres du PS dans certains territoires ou fédérations : Nicolas Bays élu à la place de Kucheida à Liévin a failli d'un cheveux ne pas être candidat parce que l'on n'osait pas désigner un candidat contre un autre à qui on avait refusé son investiture ? Comment attendre le dernier moment pour retirer son investiture à Sylvie Andrieux, alors qu'on savait qu'elle allait être renvoyée en correctionnelle pour détournement, avec un risque réel de faire élire un député FN supplémentaire (on a frôlé de peu la catastrophe le FN atteignant 49,01%) ? Comment ne pas voir qu'en certains points de notre territoire, ces légerétés avec la morale publique ou l'aveuglement de certains de nos responsables ont pu coûter par ricoché à d'autres candidats que ceux mis en cause par les médias ou la justice ?
Ce manque de cohérence risque de nous coûter cher à l'avenir, si nous n'y mettons pas un terme rapidement.
Un mot sur une autre élection, celle qui s'est tenue hier en Grèce.
Je ne comprends pas que l'on puisse se réjouir comme l'a fait ce matin sur France Inter la porte-parole du gouvernement du fait que Nouvelle Démocratie, le parti conservateur, soit arrivé en tête du scrutin. C'est se réjouir de la "victoire" du camp politique qui a falsifié les comptes publics grecs ; c'est se réjouir implicitement de l'alliance entre les conservateurs (et quels conservateurs !?) et le PASOK, soit une terrible défaite culturelle et politique, au moment où des voix de hauts responsables du PSE commençaient à s'élever en faveur d'une alliance à gauche avec le SYRIZA.
Nous sommes en train de perdre notre boussole. D'autant que la coalition ND-PASOK signifie une perpétuation des plans d'austérité qui n'ont jusqu'ici donné aucun résultat et ont même aggravé la situation, donc conduisent tout droit la Grèce à la banqueroute et renforcent les risques pour la zone Euro. La peur du SYRIZA est ridicule, pire elle est suicidaire. Vouloir éviter à tout prix la gauche radicale en Grèce risque de nous amener à des crises plus graves encore.
Frédéric FARAVEL
Secrétaire fédéral aux relations extérieures du PS Val-d'Oise