De Vichy à la Libération
À la Libération, dans les attributions d'Alexandre Parodi, ministre du Travail et de la Sécurité sociale dans le Gouvernement provisoire de la République française figure notamment la mise œuvre la résolution du Programme du CNR qui prévoyait « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ». L'organisation des retraites sera intégrée au système français de sécurité sociale dont la création est confiée en novembre 1944 à Pierre Laroque qui est nommé « directeur des assurances sociales et de la mutualité ». Ambroise Croizat, ministre communiste (novembre 1945 – mai 1947) du travail, puis du travail et de la santé, dirige à ce titre la mise en place du système de protection sociale : assurance maladie, système de retraites, allocations familiales.
Le nouveau système de sécurité sociale découle des trois ordonnances de fin 1944 et fin 1945. Les ordonnances de 1945 n'interdisent pas la liquidation de la retraite à 60 ans, mais repoussent dans les faits l'âge normal du départ à 65 ans. En effet, le montant de la pension est égal à 20% du salaire annuel de base pour l'assuré ayant cotisé 30 années ; mais l'assuré social peut « bonifier » ce montant de 4 % pour toutes les années supplémentaires travaillées entre 60 et 65 ans. Il s'agit alors de maintenir le maximum de travailleurs en activité pour gagner la « bataille de la production ». En 1948, 63 % des plus de 65 ans touchent un revenu de vieillesse.
En matière de retraite, la méthode par répartition imaginé par Belin (à l’époque de Vichy) est conservée, mais les systèmes professionnels reprennent leur autonomie. Il en résulte le développement de quantités de régimes différents ; les plus riches (notaires par exemple) auront les moyens de prélever des cotisations élevées, permettant de verser relativement tôt (à 60 voire 55 ans) des pensions relativement élevées ; d'autres (industries sous monopole d'état notamment, SNCF, EDF, mines…) obtiendront le même résultat par une participation massive de leur employeur ; d'autres enfin, par choix ou manque de moyens, ne mettront en place que des cotisations faibles ne permettant de financer que des pensions tardives et faibles, voire misérables (commerçants, agriculteurs).
À ce système « bismarckien », la France ajoute une composante « beveridgienne », sous forme d'un minimum vieillesse et de droits à retraite spécifiques pour les mères de familles par exemple.
Des évolutions mais pas de remises en cause majeures (1953-1982)
En 1953, une première tentative de regrouper dans le régime général les régimes spéciaux (régimes des mineurs ou cheminots, jugés trop généreux et devant être alignés sur le secteur privé), fortement contestée (grèves des fonctionnaires), avorte. En 1956 est créée la vignette automobile destinée à alimenter le Fonds national de Solidarité (FNS). La Sécurité sociale est réorganisée en quatre branches vers 1966 : création de la CNAM, de la CNAV, de la CNAF et de la branche AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles). La démographie impose dès les années 1960 de réévaluer les cotisations. Des professions qui avaient choisi de garder des régimes spécifiques rejoignent le régime général. Il apparaît que les évolutions démographiques professionnelles sont à prendre en compte, et que la justice sociale nécessite des transferts entre caisses (les caisses qui profitent de l'afflux de nouveaux cotisants issus de l'exode rural vont finir par verser des compensations au « régime agricole », déjà faible et miné par une hausse majeure des pensionnés et un effondrement du nombre de cotisants). Le 31 décembre 1971, la loi Boulin, sous la pression de la droite, fait passer de 120 (30 ans) à 150 trimestres (37,5 ans) de cotisations l'ouverture des droits à une retraite à taux plein, sur la base des dix meilleures (et non plus dernières) années de salaire. Des systèmes complexes de calcul des sommes concernées (entrantes ou sortantes selon que la caisse perd des cotisants ou en gagne) sont mis en place à partir de 1974, et pour solder les désaccords, plutôt que de trancher l'État verse une obole (pour le régime agricole ce sera le Budget annexe des prestations sociales agricole, devenu Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles en 2005).
Dans le même temps, pour pallier les problèmes d'emploi apparus à partir des années 1960, le principe de partage du travail, la volonté de lutter spécifiquement contre le chômage des jeunes, et l'intérêt des entreprises qui souhaitent licencier mais ne peuvent le faire pour des raisons légales conduisent au premier dispositif de pré-retraite en 1972. Celui-ci garantit le financement par l'État d'un revenu de remplacement pour les personnes âgées de plus de 60 ans. Par la suite, en 1980, le dispositif est élargi aux personnes de plus de 55 ans.
La hausse du chômage qui s'accentue en 1973 continue à peser sérieusement sur les cotisations, tout en mettant les chômeurs âgés en difficulté.
Enfin, en 1982, sous la présidence de François Mitterrand, une ordonnance Auroux accorde la retraite à partir de 60 ans, pour 37,5 années de cotisation, au taux plein de 50 % du salaire annuel moyen.
Le « livre blanc » sur les retraites de 1991
En 1991, le Livre blanc sur les retraites met en évidence les difficultés à venir du système de retraite français et marque le point de départ des réformes qui se sont succédé depuis 25 ans.
« L'enjeu est considérable : maintenir l'acquis au profit des générations futures dépend, au-delà de la démographie et de l'économie, de notre capacité à actualiser le pacte de solidarité qui lie les générations entre elles », écrit alors Michel Rocard, Premier ministre, dans la préface du Livre blanc sur les retraites.
Ce livre blanc est le premier rapport important sur cette question, après le rapport Laroque de 1962, un travail technique interministériel conséquent ayant été réalisé grâce à la coordination du Commissariat Général du Plan.
Le rapport dit vouloir analyser sur le long terme pour assurer un pilotage efficient. Pour cela la démographie en particulier, mais également l'économie (emploi, croissance, etc.) font l'objet d'hypothèses de projections, elles-mêmes intégrées dans les projections sur l'équilibre financier des régimes de retraites. De plus, une réforme des retraites n'y est envisagée que progressivement, afin d'éviter des effets de seuil trop importants sur les conditions de départ (âge, durée de cotisation, montant) entre générations, pendant la montée en charge de cette réforme.
L'exercice réalisé comportait 8 scénarios, avec des hypothèses différentes (de « pessimistes » à « optimistes » sur la fécondité, sur le taux d'activité des plus de 55 ans et la réduction plus ou moins rapide du chômage). Ainsi à législation inchangée (âge de départ, durée de cotisation, paramètres de calcul de pension inchangés), pour équilibrer financièrement le système, le taux de cotisation est indiqué comme devant plus que doubler entre 1990 et 2040 selon le scénario le plus pessimiste, et augmenter de 50% dans le cas le plus favorable. Le rapport conclut : « Ne rien faire doit être clairement écarté : ce serait accepter le scénario de l'intolérable sur le plan social et sur le plan économique ».
Les principales propositions de ce rapport sont les suivantes :
confirmation et consolidation du système par répartition (les actifs cotisent pour les retraités), respect de l'équité entre générations, principes de solidarité inhérent à la Sécurité sociale ;
augmentation de la durée d'activité pour une retraite complète ;
extension dans les régimes de base de la période prise en compte dans le calcul de la pension (pour le Régime général, la réforme de 1993 a porté de 10 ans à 25 ans le nombre d'années de salaires dans le calcul du salaire annuel moyen) ;
revalorisation des pensions sur l'évolution des prix.
Ce rapport sera la base de la réforme 1993.
Parallèlement, la création de la CSG la même année pourrait être considérée comme la première réforme des retraites : elle ne limite pas directement les dépenses de retraite mais, en faisant participer certains retraités au financement de la protection sociale, elle constitue l’équivalent d’une diminution du montant de pension pour les retraités concernés.
La réforme Balladur (1993) puis l'échec de Juppé (1995)
Édouard Balladur, nouveau Premier ministre, constate un déficit sans précédent : 40 milliards de francs. La récession causée par la crise monétaire consécutive à la réunification allemande frappe de plein fouet les recettes. Son gouvernement décidé donc de lancer une réforme des retraites au pas de charge. Une loi d'habilitation à légiférer par ordonnance est rapidement votée, et à l'été 1993 la réforme est terminée. L'ensemble n'aura pris que quelques semaines.
Cette réforme, qui ne concerne que le secteur privé, tient en cinq principales mesures :
la durée de cotisation nécessaire pour avoir droit à une pension à taux plein passe progressivement de 150 trimestres (37 ans et demi) à 160 trimestres (40 ans), à raison d'un trimestre de plus par an du 1er janvier 1994 au 1er janvier 2004 ;
création d'une décote pour chaque trimestre de cotisation manquant (2,5% par trimestre, soit 10% par an). En pratique, la plupart des gens remplissaient la condition de cotisation à 60 ans ou même avant, ce qui limite la portée de cette disposition ;
augmentation de la durée de carrière de référence : la pension était précédemment calculée sur les 10 meilleures années, durée qui sera progressivement portée à 25 années (atteint en 2010, à raison d'une année de plus par an) ;
changement du mode d'indexation des pensions de retraites. Elles seront désormais alignées sur l'inflation (mesurée par l’indice des prix à la consommation), alors qu'elles étaient précédemment indexées sur l'évolution des salaires ;
création d’un fonds de solidarité vieillesse (FSV) chargé de financer quelques dispositifs (minimum vieillesse, avantages familiaux…).
En matière de durée d'activité, une autre étude, du ministère du Travail, réalisée en 2009 a estimé que depuis cette réforme, les hommes ont en moyenne repoussé leur cessation d’activité de 9,5 mois et les femmes de 5 mois. En 17 ans, la durée de cotisation moyenne n'aurait donc augmenté que de 8 mois ou moins, compte tenu d'une arrivée plus tardive sur le marché du travail. La réforme de 1993, qui augmentait de 30 mois la durée de cotisation nécessaire pour avoir une retraite complète, aurait donc raté à 70% son principal objectif : avoir plus de cotisations.
Ceci explique en partie que l'objectif principal, rétablir l'équilibre financier du système, a échoué. Le volume de cotisations n'a pas augmenté autant qu'escompté.
Confronté au même genre de difficulté budgétaire, Alain Juppé s'attaque au problème des régimes spéciaux de retraite et au rapprochement du régime de la fonction publique au régime général. Voté triomphalement au parlement, avec la bienveillance de l'opposition, son plan se fracasse sur les grèves de novembre-décembre 1995 et son gouvernement fait machine arrière.
Après cet échec, le gouvernement fait voter début 1997 la proposition de « loi Thomas », qui créait un régime de fonds de pension destiné à inciter les salariés du privé (14,8 millions de personnes) à constituer une épargne en vue de la retraite, abondée par l'entreprise. Mise en sommeil après le changement de majorité gouvernementale intervenu la même année, celle-ci a finalement été abrogée en 2002.
Création du Fonds de réserve pour les retraites (1999)
La gauche, au pouvoir à partir de 1997, ne lance pas de nouvelle réforme sur l'âge légal ou la durée de cotisation mais crée le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont la mise en place est officialisée par la loi de financement de la Sécurité sociale de 1999. Cet instrument sert à faire face aux situations de déséquilibre entre cotisations et pensions à payer. Il est en particulier destiné à couvrir la prévision d'une future pointe de besoin de financement du régime général d'ici 2020, date jusqu'à laquelle les montants mis de côté ne doivent en principe pas être utilisés.
Dans la loi, le FRR peut percevoir plusieurs types de dotations : 2% du prélèvement social sur les revenus de patrimoine et de placement, les excédents de la CNAV, le produit de cessions d'actifs telles que les privatisations, la cession des parts de Caisses d'épargne, et le produit de la vente des licences UMTS (téléphonie 3G). Mais selon les syndicats, le gouvernement a finalement refusé de verser les recettes de privatisation.
Ce fonds ne recevra jamais les sommes promises, qui devaient totaliser 150 Mds€ en 2010, même pendant les périodes de bonne croissance économique des années 1999, 2000 et 2001, puis ne touchera plus grand chose à partir de 2002, après le retour de la droite au pouvoir. Ayant été doté au total de 29 Mds€ de 1999 à fin 2009, il représentait à cette date une réserve de 33 Mds€.
Les sommes en jeu, quoiqu'inférieures au projet initial, restent néanmoins importantes, et tentantes pour un gouvernement dont le budget est déficitaire. Les syndicats CFDT, CGC, CGT, FO, et CFTC ont ainsi manifesté leur inquiétude par écrit au président de la République le 7 janvier 2008, pour le mettre en garde contre toute utilisation prématurée du fonds. Dans le cadre de la réforme de 2010, le FRR sera effectivement mis à contribution avec 10 ans d'avance. « Quand il a été créé, c'était pour régler les problèmes dans 20 ans (...) sauf que les déficits des retraites, maintenant, ils ont 20 ans d'avance », se justifiait en juin 2010 le ministre du Travail Éric Woerth.
Dès 2002, les ministres des Finances de l'UE se sont mis d’accord sur un projet de directives encadrant les règles de fonctionnement des futurs fonds de pension européens : le Conseil Européen de Barcelone fixe l'âge moyen de départ à la retraite à 63 ans à l'échéance de 2012 et encourage le Plan d'épargne d'entreprise par capitalisation ; cette annonce jettera un trouble supplémentaire sur la campagne de Lionel Jospin pour les élections présidentielles de la même année.
Fillon 1 – Fillon 2 – Fillon 3
La réforme Fillon de 2003
François Fillon, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, entreprend une nouvelle réforme qui généralise aux fonctionnaires la décote Balladur pour années manquantes. Elle instaure une transition progressive de la durée de cotisation de tous les régimes, sauf les régimes spéciaux, vers 42 ans. Est ainsi décidé dans un premier temps d'aligner la durée de cotisation des fonctionnaires : elle est ainsi allongée de 37,5 ans à 40 ans à l'horizon 2008, à raison d'un semestre par an.Par contre, cette réforme réduit la durée de cotisation des personnes qui ont commencé à travailler très jeunes : elles peuvent partir à la retraite de façon anticipée avec 42 ans de cotisations. Les plus de 17 ans sont toutefois exclus du dispositif et doivent donc continuer au-delà de 60 ans. La décote pour années manquantes doit tendre pour tous les salariés à 5% par année manquante à l'horizon 2015 dans la limite de 5 années (soit 25% de décote maximale). Une surcote pour années supplémentaires est instaurée (de 3%) par année supplémentaire au-delà de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein. Le cumul emploi-retraite est rendu plus flexible.
Le mode d'indexation choisi reste l'indexation sur les prix ; le pouvoir d'achat des retraités est donc considéré comme préservé constant tout au long de leur retraite.
Les salariés peuvent racheter des trimestres au titre des études, dans la limite de 3 ans (avec un coût relativement important ; la DREES évalue le montant moyen des rachats à 22 000 €).Mais surtout, Fillon réintroduit la logique des fonds de pension. De nouveaux produits d'épargne individuels (le PERP) et collectif (le PERCO) sont créés (système de capitalisation).Selon la loi Fillon de 2003, la durée de cotisation doit être augmentée d'un an, à raison d'un trimestre par année, à partir de 2009. Cependant la loi Fillon précise que cette augmentation peut être ajournée si le contexte est modifié, au regard des évolutions du taux d'activité des personnes de plus de 50 ans, de « la situation financière des régimes de retraite, de la situation de l'emploi [et de] l'examen des paramètres de financement des régimes de retraite ».
La « deuxième réforme Fillon » (2007) : les régimes spéciaux
La réforme des régimes spéciaux, qui est entrée en vigueur le 1erjuillet 2008, avait pour objectif d’aligner la durée de cotisation des agents de la SNCF, de la RATP et des IEG (Industries électriques et gazières) sur celle du privé et de la fonction publique, comme l'avait promis à plusieurs reprises Nicolas Sarkozy lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2007.
La réforme prévoit l'augmentation progressive de la durée de cotisation, de 37,5 ans en 2007 à 40 ans en 2012, pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Depuis le 1er juillet 2009, les pensions sont indexées sur l’inflation. Enfin, à compter du 1er juillet 2010 est introduite une décote réduisant la retraite en cas de trimestre manquant. Cette réforme revient à étendre à un demi-million de salariés qui y échappaient encore la réforme Balladur des retraites de 1993, comme la loi Fillon l'avait étendue en 2003 aux 5 millions de fonctionnaires.
Après la réforme des régimes de retraites spéciaux de fin 2007, le rendez-vous de 2008 faisait partie du calendrier décidé lors de la réforme de 2003, avec pour thème, principalement dans le secteur privé :
définir le niveau minimal d’une retraite pour un salarié qui a effectué une carrière complète ;
réexaminer le dispositif de départ anticipé pour carrières longues ;
déterminer les moyens d’équilibrer les régimes de retraite.
l'allongement de la durée de cotisation à 41 ans pour l'année 2012, à raison d'un trimestre par an ;
la revalorisation de 25 % du minimum vieillesse, entre 2007 et 2012 ;
le rétablissement par la loi d’un minimum de 55 ans au moins pour obtenir la pension de réversion.
La réforme Woerth de 2010
Lors de la campagne présidentielle de 2007, le candidat Sarkozy avait parlé essentiellement de la réforme des régimes spéciaux de retraite. Les prévisions de déficit ayant été revues en forte hausse à cause de la crise bancaire, le gouvernement décida une réforme plus large en 2010.
Selon des projections du COR, contestées par les syndicats, en 2010 le total du déficit des régimes de retraite s’élèverait à 32 Mds€ en raison du pic de départ à la retraite des générations du baby-boom nées entre 1945 et 1950 (âgées de 60 à 65 ans en 2010). Pour 2020, il estime que le déséquilibre serait fortement croissant : 182 cotisants pour 100 retraités en 2006, 170 pour 100 en 2010, 150 pour 100 en 2030 et 121 pour 100 en 2050.
Alors qu'en 2007, avant la crise économique de 2008-2010, le COR estimait le besoin de financement des retraites à environ 25 Mds€ en 2020 (soit 1 point de PIB), dans son document de 2010 il estimait ce même besoin à 45 Mds€ (soit 1,86 point de PIB), chiffre qui monterait à 70 Mds€ en 2030 et 100 Mds€ en 2050.La loi du 9 novembre 2010 comportait donc, outre des mesures liées aux droits des assurés (âge légal de départ, âge de liquidation à taux plein, etc.), des dispositions relatives à la prise en compte de la pénibilité et des interruptions de carrière (maternité, chômage, etc.). Il s’agit pour l’essentiel des points suivants :
le relèvement progressif de l’âge minimum légal de départ à la retraite pour atteindre 62 ans en 2018. Ce relèvement concerne tous les salariés, du public comme du privé, et les régimes spéciaux, mais avec des calendriers de mise en œuvre différents ;• le recul de l’âge à partir duquel il est permis à un assuré, n’ayant pas la durée de cotisation requise, de bénéficier tout de même d’une retraite à taux plein, qui passe progressivement de 65 à 67 ans ;
la poursuite de l’allongement de la durée d’assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein qui passe à 41,5 ans pour la génération 1956 ;
l’alignement progressif du taux de cotisation vieillesse des fonctionnaires sur celui des salariés ;
le recul progressif de l’âge de départ en retraite anticipée pour "carrière longue" (jusque-là fixé avant 60 ans) et la création d’une possibilité de départ pour les assurés ayant commencé à travailler avant 18 ans ;
l’instauration d’un dispositif de départ anticipé pour pénibilité : les salariés présentant une incapacité permanente liée au travail supérieure ou égale à 20%, voire à 10%, pourront partir à la retraite à 60 ans à taux plein ;
une prise en compte du congé de maternité et des périodes de chômage non indemnisé en début de carrière (les jeunes en chômage non indemnisé pourront valider jusqu’à 6 trimestres, au lieu de 4) ;
la révision de l’objectif assigné au FRR : ses réserves (36,2 Mds€ en 2010) seront, à partir de 2011, ponctionnées annuellement (2,1 Mds) au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
Enfin,la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 accélère la mise en œuvre de la réforme de 2010 : l’âge minimum légal de départ à la retraite et l’âge d’obtention automatique de la retraite à taux plein passent respectivement à 62 et 67 ans dès 2017, au lieu de 2018.
Le quinquennat Hollande, « changement » (?) dans la continuité
Les aménagements de 2012
Comme annoncé lors de la campagne pour l'élection présidentielle par le candidat Hollande, un décret du 2 juillet 2012 assouplit le dispositif "des carrières longues" organisé en 2010 :
l’âge limite auquel l’assuré doit avoir commencé à travailler est porté de 18 à 20 ans ;
2 trimestres de chômage indemnisé et 2 trimestres supplémentaires liés à la maternité sont ajoutés dans la prise en compte des périodes cotisées à la charge de l’assuré. Le nombre de trimestres ayant donné lieu à cotisations ou réputés tels est limité à 4 par année civile. Toutefois, pour les départs avant 60 ans, une durée d’assurance cotisée majorée de 4 à 8 trimestres est prévue dans certaines situations ;
les durées d’assurance requises pour les personnes ayant travaillé avant l’âge de 16 et 17 ans sont également revues.
La réforme Touraine de 2014
La loi du 20 janvier 2014 inscrit dans la durée le principe de l’allongement au fil des générations de la durée d’assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein. Cette durée est relevée d’un trimestre tous les 3 ans de 2020 à 2035 pour atteindre 172 trimestres (43 ans) pour les générations 1973 et suivantes.La mesure emblématique de cette réforme est la création du compte personnel de pénibilité (C3P). Ce compte, instauré à partir du 1er janvier 2015, vise théoriquement à prendre en compte dans le calcul des droits à la retraite la réduction de l’espérance de vie qui résulte d’une vie professionnelle exposée à des facteurs de pénibilité. Le C3P devait permettre aux salariés travaillant la nuit ou dans des environnements pénibles (bruit, port de lourdes charges, etc.) d’avoir accès à une retraite progressive ou anticipée. Las, la mise en œuvre pratique du C3P est reporté à des décrets qui sont soumis à concertation avec les partenaires sociaux et qui ne verront jamais le jour, les parlementaires chargés de cette concertation (et « peu soutenus » par l'exécutif) n'arrivant pas à trouver un terrain d'entente avec le patronat qui est profondément opposé à cette mesure. Finalement, le C3P sera modifié par les ordonnances Pénicaud sur le code du travail du 22 septembre 2017. Depuis le 1er octobre 2017, il est devenu le "compte professionnel de prévention" (C2P). Son régime est simplifié (retrait de 4 facteurs de pénibilité) et les cotisations pénibilité supprimées.
Dans l’objectif de corriger certaines inégalités, la loi Touraine crée également de nouveaux droits ou en renforce certains :
un droit opposable à la retraite est institué, afin que les futurs retraités touchent leur pension automatiquement et sans délai ;
les règles de validation de trimestres sont modifiées afin d’améliorer la situation des retraités ayant touché des bas salaires ou exercé à temps partiel ;
les périodes de congé maternité sont intégralement comptabilisées dans le calcul de la durée d’assurance (jusque-là seul le trimestre de l’accouchement était validé) ;
la validation des trimestres d’apprentissage (et de stage sous conditions) est permise et les possibilités de rachat d’années d’études sont étendues ;
le droit à l’information des assurés sur leur retraite est renforcé. Un "compte individuel retraite" (CIR) en ligne est créé (il est opérationnel depuis janvier 2017).
elle élargit les conditions d’accès à la retraite anticipée à 60 ans pour carrière longue en augmentant le nombre de trimestres assimilés considérés comme "cotisés" ;
elle améliore la retraite des agriculteurs et contient plusieurs dispositions en faveur des travailleurs handicapés et des aidants familiaux ;
elle simplifie la liquidation de la retraite des "polypensionnés" en mettant en place « la liquidation unique des régimes alignés » (LURA, entrée en vigueur en juillet 2017), pour permettre un calcul et un versement unique des pensions des "polypensionnés" ;
elle revalorise l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ex-minimum vieillesse) ;
elle crée un "comité de suivi des retraites" afin d’améliorer le pilotage du système.Un gel des pensions sera par ailleurs mis en place pour 6 mois lors de l’entrée en vigueur de la loi.