Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
Me contacter

en savoir plus

 

Trouve

Gauche Républicaine & Socialiste

29 avril 2020 3 29 /04 /avril /2020 15:52
Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale allemande

Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale allemande

Je me permets de publier ci-dessous cette tribune publiée le 28/04/2020 à 18:14 dans Marianne par Coralie Delaume. Coralie Delaume est essayiste. Elle collabore à Marianne et anime notamment le blog l’Arène nue. Elle a publié Le couple franco-allemand n'existe pas (Michalon, 2018), mais aussi, avec David Cayla, La fin de l’Union européenne (Michalon, 2017) et 10 + 1 questions sur l'Union européenne (Michalon, 2019).

Le pays d’Angela Merkel s’en sort mieux face au Covid-19 que la France, l’Espagne ou l’Italie. Mais il doit son avantage sanitaire et industriel surtout aux mécanismes européens conçus pour lui.
Coronavirus : l’Allemagne, redevenue bon élève ? Pas si simple - par Coralie Delaume

C'est entendu, l'Allemagne s'en sort mieux que la France. Moins de 6.000 morts du Covid-19 outre-Rhin à la date du 27 avril pour près de 23.000 morts dans l'Hexagone. Un confinement commencé plus tard et appelé à se terminer plut tôt. Ne parlons pas du plan de relance économique, spectaculaire : 1.100 milliards d'euros mis sur la table sans hésiter, au pays du « zéro noir » (équilibre budgétaire parfait) et du « frein à l'endettement » constitutionnalisé. Voilà de quoi remettre de l'eau au moulin des zélotes français du « modèle allemand », qui en avaient bien besoin. Avant la crise sanitaire, leur pays de référence montrait des signes de faiblesse. Le ralentissement économique chinois, les tensions commerciales sino-américaines et le début d'une rétractation des flux commerciaux planétaires plombaient l'Allemagne mercantiliste. Elle tutoyait la récession et l'on commençait à douter de sa supériorité. Mais aujourd'hui, on peut à nouveau s'émerveiller de ses prouesses.

Nous allons donc en souper une fois de plus, du « modèle allemand » ! La République fédérale dispose de masques, de tests et de respirateurs autant que de besoin ? Elle peut les fabriquer parce qu'il lui reste des usines. Or s'il lui en reste, c'est parce qu'elle « aime » son industrie. Quant au montant de son plan de relance économique, il doit tout à la vertu budgétaire de notre grand voisin. Endetté à hauteur de 61 % de son PIB seulement, celui-ci dispose d'importantes marges de manœuvre. Et Le Monde d’écrire aussitôt : « par la puissance de son excédent budgétaire, l’Allemagne fait une leçon de rigueur ».

LE MARCHÉ UNIQUE A FORTIFIÉ L'ALLEMAGNE

Le problème est que ces propos mélangent de justes constats avec des explications courtes. Bien sûr l'Allemagne est demeurée une puissance industrielle et cela l'avantage considérablement dans la crise. Le poids de l'industrie y représente 23% du PIB contre seulement 12% de celui de la France, et le pays peut aujourd'hui mobiliser les PME industrielles de son Mittelstand pour produire ce dont son système de soins à besoin. Mais ce n'est pas parce que l'Allemagne « aime » son industrie quand nous détesterions la nôtre. De même, si la RFA peut aujourd'hui dépenser sans compter pour limiter les effets économiques du Covid, ce n'est pas qu'elle a été « rigoureuse » quand nous aurions été « laxiste ». La montagne d'excédents sur laquelle elle est assise et dont elle peut aujourd'hui mobiliser une partie, ne doivent pas grand-chose à la « vertu », ni à quelque autre considération morale que ce soit. Les atouts – incontestables – dont dispose la patrie de Goethe pour affronter l'épreuve doivent beaucoup aux modalités de son insertion dans l'Union européenne, à la configuration du Marché unique et à l'existence de l'euro.

Le Marché unique tel qu'il fonctionne depuis la signature de l'Acte unique en 1986, tout d'abord, a considérablement fortifié l'industrie de l'Allemagne (et de tout le cœur de l'Europe). Pour des raisons historiques, le pays était déjà en position de force industrielle lorsque les « quatre libertés » (libre circulation des capitaux, des personnes, des services et des marchandises) ont été établies. Comme l'explique l'économiste David Cayla, cela tenait à l’histoire économique longue de l'Allemagne, aux modalités de son entrée dans la Révolution industrielle au XIX° siècle, au fait que la présence de charbon et de minerai de fer dans la vallée du Rhin ou en Saxe avaient alors permis l'éclosion de pôles industriels puissants. A l'échelle européenne, des industries moins performantes ne s'en sont pas moins développées dans d'autres pays, restés longtemps protégées par les frontières nationale. Y compris lorsque le traité de Rome est signé en 1957, car seule la libre circulation des marchandises dans le Marché commun est alors mise en place.

POLARISATION INDUSTRIELLE

Lorsque le Marché unique succède au Marché commun et que sont posées les quatre libertés, c'est terminé. Grâce à la libre circulation des capitaux notamment - qui sera parachevée avec l'entrée en vigueur de l'euro – le capital productif peut aller s'investir sans entraves dans les régions où l'industrie est préalablement plus développée. Apparaissent peu à peu ce que les économistes appellent des phénomènes et « polarisation industrielle », à la faveur desquels la richesse va s'agglomérer au cœur industriel de l'Europe, délaissant les périphéries. Voilà pourquoi l'Allemagne (mais également d'autres pays du cœur comme l'Autriche) ont développé leur industrie cependant qu'elle disparaissait doucement dans les pays d'Europe périphérique... mais aussi en France. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En un peu moins de 20 ans (2000-2018), la production industrielle a crû de 26 % en Allemagne (et de près de 6% en Autriche) alors qu'elle chutait en Italie (-19%) mais également en France (-5,7%).Ceci dit, la période considérée est aussi celle de l'entrée en vigueur de l'euro. Or la monnaie unique, tout le monde en convient aujourd’hui, est une côte mal taillée. Elle est trop forte pour les uns et trop faible pour les autres. Selon le FMI par exemple, l'euro serait sous-évalué de 18% pour l'Allemagne et surévalué de presque 7% pour la France. De quoi accroître artificiellement la compétitivité-coûts du made in Germany, et plomber un peu plus encore celle de l'industrie française.

Coronavirus : l’Allemagne, redevenue bon élève ? Pas si simple - par Coralie Delaume
INDUSTRIE PUISSANTE ET COMPÉTITIVE

Si l'on considère enfin que depuis l'élargissement de l'UE aux pays d'Europe orientale, l'industrie allemande dispose d'un vaste hinterland industriel à l'Est, où elle fait massivement fabriquer des sous-ensembles à faibles coûts pour ne se charger elle-même que de l'assemblage, la boucle est bouclée. L’Allemagne « aime » sans doute son industrie, mais la sur-perfomance de celle-ci est liée à des structures qui produisent mécaniquement leurs effets. Ces structures sont celles du Marché et de la monnaie uniques. Dans le cadre de ces mêmes structures, il est impossible à l'économie française d'égaler l'allemande.

Quant aux marges de manœuvres budgétaires du pays d'Angela Merkel, elles sont en partie liées elles aussi au fait qu'il est un grand gagnant de l'intégration européenne. Bien sûr, l'austérité n'y est pas pour rien. Le pays sous-investit par phobie des déficits. Beaucoup d'équipements publics (ponts, routes, autoroutes) sont en mauvais état, et l'institut patronal IW estimait récemment le besoin d'investissements du pays à 45 milliards par an. Il n'y a guère que le système de santé qui n'ait fait les frais du malthusianisme budgétaire, ce que l'historien Johann Chapoutot explique fort bien : « L’Allemagne a économisé sur presque tout (…) . Elle a appliqué son mantra ordo-libéral du zéro déficit. C’est ce que demandait l’électorat de la droite allemande, fait de retraités, qui détient des pensions par capitalisation privée. (...) [Mais] en raison de la volonté de cet électorat également, il n’y a pas eu d’économies sur les hôpitaux, car c’est un électorat âgé, qui veut faire des économies, mais pas au détriment de sa santé. » Reste que grâce à son industrie puissante et compétitive, notre voisin dispose d'excédents courants gigantesques. Or les excédents des uns étant les déficits des autres, on s'aperçoit que l'Allemagne s'est muée en véritable « pompe aspirante » de l'épargne de ses partenaires. Sa dette tient lieu de « valeur refuge », recherchée par ceux qui veulent investir en euros à moindre risque, et les taux à 10 ans auxquels elle emprunte sont tout bonnement négatifs.

La République fédérale dispose dans cette crise d'avantages directement liés à la configuration de l'Union européenne. Ces atouts ont comme contrepartie les faiblesses des autres (Italie, Espagne, France), qui sont désindustrialisés et endettés. Les trajectoires économiques des pays du cœur de l'Europe et des pays périphériques divergent du fait des structures communautaires. En résultent des capacités de relance très différenciées. Au terme de la présente crise plus encore qu'après celle de 2008-2012, certains pays (dont l'Allemagne) auront pu relancer vigoureusement leur économie quand d'autres (dont la France) auront dû s'auto-limiter et connaîtront une récession plus profonde. L'euro-divergence va donc continuer de croître, dans des proportions inégalées. Elle met en péril tout l'édifice.

Partager cet article
Repost0
24 avril 2020 5 24 /04 /avril /2020 16:46

Je suis conscient que le sujet dont je vais parler ici n'intéressera pas énormément de monde, voire que certains lecteurs dénonceront ici le nombrilisme de ceux qu'ils perçoivent comme des "nantis"... Alors sans avoir l'indécence de décrire les collaboratrices ou collaborateurs parlementaires comme de pauvres vagabonds ou des livreurs exploités et ubérisés, je veux juste rappeler que les conditions de travail sont très différentes d'un collaborateur parlementaire à un autre, certains sont très mal payés, embauchés à temps partiel et contraints de travailler largement plus que ne l'autorise leur contrat (plus souvent des femmes que des hommes dans ce cas-là d'ailleurs), les collaboratrices subissent les mêmes discriminations salariales en moyenne que les autres salariées, les heures supplémentaires ne sont jamais payées et très fréquentes, certains subissent des patrons (député.e.s ou sénateurs.trices) totalement insupportables et indignes dans des relations de travail tout en étant bien obligés de le supporter car pouvant être viré du jour au lendemain. Plus de la moitié des collaborateurs parlementaires travaillent en circonscription et non dans les Palais de la République, dans un cadre relativement isolé.

D'autres sont décemment payés, respectés par leur patron(ne) et bénéficient de conditions de travail correct ; c'est mon cas... L'ensemble subit une sorte de "mépris de classe" d'une large partie (pas tous) des "administrateurs" de l'Assemblée nationale et du Sénat (les fonctionnaires cadres supérieurs des assemblées) ; l'ensemble est soumis à un droit à la déconnexion très aléatoire ; enfin, attaché(e)s pour le pire et le meilleur à la personne de notre patron(ne) - TPE à lui ou elle toute seule -, le contrat peut se briser à ce qui est interprété par l'employeur comme une "rupture de confiance", il se brise assurément s'il prend ce parlementaire à démissionner, à décéder ou perdre une élection... la fin de contrat comme la fin de mandat pouvant intervenir à tout moment, sans grand recours, cela ajoute une forme de précarité supplémentaire. Ajoutez à cela que je pense qu'aucun inspecteur du travail n'entrera jamais à l'Assemblée nationale ou au Sénat, le droit du travail peut parfois être appliqué au "doigt mouillé". Bref je comprends qu'on puisse nous dire qu'on n'a pas à se plaindre parce qu'on a un métier (la plupart du temps) intéressant voire passionnant et parce qu'on est mieux payé (la plupart du temps) que la moyenne des salariés de ce pays, mais "en même temps", j'ai toujours considéré que les salariés de droit privé avaient des droits, que les collaborateurs parlementaires étaient des salariés de droit privé et qu'ils et elles devaient donc accéder aux mêmes droits que TOUS les salariés de droit privé.

Manifestation des collaboratrices et collaborateurs parlementaires le 7 février 2017 devant le Sénat pour protester contre le Pénélope Gate et défendre le travail et les droits des collaborateurs...

Manifestation des collaboratrices et collaborateurs parlementaires le 7 février 2017 devant le Sénat pour protester contre le Pénélope Gate et défendre le travail et les droits des collaborateurs...

Cette introduction étant faite venons en au sujet indiqué dans le titre...

Avant septembre 2017, lorsqu'un parlementaire décédait ou démissionnait ou ne se représentait pas ou perdait l'élection qui lui aurait permis de renouveler son mandat, la collaboratrice ou le collaborateur parlementaire était licencié(e) sous la procédure du "motif personnel" - sous entendant qu'il serait en partie responsable de son licenciement (alors même qu'il lui est interdit de faire campagne pour la réélection de son parlementaire). Soyons clairs : il ne s'agit aucunement de contester la validité et l'opportunité du licenciement, un collaborateur parlementaire n'est pas un fonctionnaire et ne doit pas l'être (autrement qu'en détachement), le décès, la démission, la défaite ou le fait de ne pas se représenter mettent bien fin au mandat, la boîte n'existe plus, elle ne peut plus employer personne. La procédure pour "motif personnel" ne laissait pas d'autre alternative que de recevoir les indemnités de fin de mandat, les indemnités de préavis (selon l'ancienneté 1 à 3 mois qu'on ne peut effectuer puisque "la boîte" n'existe plus) et à la fin du préavis, l'inscription à pôle emploi avec une indemnisation (avant la réforme scélérate par décret de l'assurance chômage) à 56%.

Nous (mes camarades de la CGT-CP et moi) avons contesté avec de nombreux autres associations et syndicats de collaborateurs parlementaires cette situation qui ne reconnaissait pas nos droits comme salariés de droit privé.

Dans le droit commun, lorsqu'une boîte ferme, il se produit licenciement économique. Le salarié dans le PSE doit pouvoir demander ou non à entrer dans un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), et s'il ne le veut pas alors il est indemnisé à 56% pendant 2 ans... Dans le cas où il choisit le CSP, il commence à être indemnisé le premier jour par l'assurance chômage avec une indemnité de 75%, et suit son CSP pendant un an ; l'entreprise aura versé directement à pôle emploi ce qu'il faut pour financer le CSP... au bout d'un an, il peut continuer avec une indemnisation de 56% s'il est toujours au chômage jusqu'à expiration de ses droits ou qu'il retrouve un boulot.

Après de long mois d'attente, alors qu'une loi votée à l'été 2017 ( loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politiquevenait corriger l'injustice du mode de licenciement appliqué (en partie contre le droit) aux collaborateurs parlementaires, un décret d'application fut publié en décembre 2017, qui mettait tout par terre. Il s'agit du Décret n° 2017-1733 du 22 décembre 2017 relatif au parcours d'accompagnement personnalisé proposé aux collaborateurs parlementaires en cas de licenciement pour un motif autre que personnel que vous pouvez retrouver ici :  https://beta.legifrance.gouv.fr/loda/texte_lc/JORFTEXT000036249890/2020-04-24/

Selon la procédure créée par ce décret, le collaborateur licencié en fin de mandat avait ses mois de préavis, s'inscrivait à la fin du préavis à pôle emploi et seulement à ce moment on pouvait demander d'entrer dans un parcours d'accompagnement personnalisé dont le modèle était le CSP. Or si on voulait le PAP, Pôle emploi était censée lui demander de verser l'intégralité des indemnités de préavis (sans vraiment que cette procédure soit bordée pour réclamer ces sommes à quelqu'un qui vient s'inscrire et qui a cotisé) ce qu'il ou elle ne pouvait pas faire puisqu'il ou elle les avait consommées (sauf à avoir des économies importantes ce qui est rare). Résultat le collaborateur parlementaire licencié se retrouvait contraint à ce qui était proposé avant la "loi pour la confiance dans la vie politique" : un licenciement pour motif personnel avec 2 ans avec indemnité chômage à 56% sans accompagnement.

Plusieurs organisations, la CGT-CP la première (par ma plume) et dès les semaines qui suivirent la publication de ce décret l'absurdité qu'il mettait en place. Après la création d'une instance de dialogue sociale entre représentants des parlementaires employeurs et représentants des collaborateurs parlementaires au Sénat, élue en juin 2019, nous avons obtenu qu'elle réclame officiellement la correction du décret stupide. Et on veut nous faire croire que nous aurions obtenu gain de cause avec le Décret n° 2020-461 du 21 avril 2020 modifiant le décret n° 2017-1733 du 22 décembre 2017 relatif au parcours d'accompagnement personnalisé proposé aux collaborateurs parlementaires en cas de licenciement pour un motif autre que personnel que vous pourrez lire ci : https://beta.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041814625.

Que propose ce décret ? Que le collaborateur parlementaire licencié en fin de mandat perçoive ses indemnités de préavis et qu'il s'inscrive à pôle emploi qu'à la fin du délai de carence, comme dans le précédent décret. Ensuite qu'il ou elle s'inscrive à pôle emploi, réclame ou non un PAP ; dans le second cas, il ou elle versera 25% des indemnités de préavis reçues et qu'il ou elle aura pensé en amont à économiser. Puis il ou elle pourra effectuer son PAP (toujours sur le modèle du CSP) pendant 1 an moins les mois de préavis, ce qui nous met au niveau de l'indemnisation (durée et %) du salarié de droit commun dont on a parlé au début... donc au niveau de l'indemnisation il ou elle ne perd rien, mais perd en durée d'accompagnement renforcé. Au bout d'un an, il ou elle peut retourner à 56% d'indemnisation jusqu'à expiration de nos droits ou jusqu'au retour à l'emploi.

La seule satisfaction de ce décret est qu'il répare une injustice en niveau d'indemnisation. Il aura fallu deux ans pour cela ! Mais il ampute de fait l'accompagnement renforcé d'un à trois mois ce qui s'entend du point de vue des droits à l'indemnisation mais est absurde au regard de l'effet recherché. Il faut donc remettre le travail sur le métier.

En effet, dans notre cas, la logique voudrait donc qu'on calque la procédure sur celle des autres salariés de droit privé (ce que bien sûr une bonne partie des administrations des assemblée ne veut pas) :
- une collaboratrice ou un collaborateur parlementaire devrait se voir proposer au moment du licenciement de fin de mandat, de la démission du parlementaire, ou de son décès de choisir d'entrer ou non dans un PAP dans une sorte d'entretien préalable à licenciement ;
- si elle ou il choisit le PAP, au moment de s'inscrire à pôle emploi, les agents voient les papiers où est indiqué ce choix, ils vont recevoir des administrations des assemblées les 25% des indemnités de préavis, la collaboratrice ou le collaborateur sera alors indemnisé à 75% immédiatement et suivra le PAP pour un an avec cette indemnisation. A la fin du PAP, il ou elle peut prolonger son chômage jusqu'à expiration des droits ou retour à l'emploi. avec une indemnisation de 56%.

Il est juste absurde qu'on cherche ainsi à compliquer les choses et qu'on n'applique pas tout simplement le droit aux collaboratrices et collaborateurs parlementaires.

Frédéric FARAVEL

Partager cet article
Repost0
17 avril 2020 5 17 /04 /avril /2020 11:00

Nous avons du fait de la crise sanitaire en cours le "nez dans le guidon"... y compris pour les questions économiques qui sont posées, la visibilité et les débats du grand public se font à une échéance maximum de deux mois. Pourtant l'entrée franche dans une récession rarement vue impose de regarder à moyen et long terme les conséquences économiques de la crise sanitaire sur notre pays et l'Union européenne. C'était l'objet d'un long entretien donné par l'économiste atterré, David Cayla, Maître de conférence à l'université d'Angers et auteur de plusieurs essais, au média indépendant Le Monde Moderne.

J'ai essayé d'en traduire ci-dessous ce que j'en ai compris : nous allons devoir sortir des sentiers battus et sortir mettre fin au carcan ordo-libéral qui nous faisait déjà du tort avant la crise sanitaire.

Frédéric FARAVEL

De la crise sanitaire à la crise bancaire en Europe - Sortir du cadre pour s'en sortir

Le sommet européen du « Vendredi Saint » a donc débouché sur un plan de quelques 540 Mds d'euros qui pourrait être porté dans l'avenir au double. Trois principaux axes :

  • un appui européen de 100 Mds d'euros aux programmes de mise au chômage partiel ;

  • 25 Mds d'euros de fonds de la Banque Européenne d’Investissement (BEI), destinés à garantir 200 Mds d'euros de prêts des entreprises, mais il est bien évidemment que ces prêts ne seront accordés qu'aux entreprises rentables dont la BEI pourra prédire la solvabilité probable à l'issue de la crise, car sinon ses pertes seraient relatives à l'effet de levier qu'elle attend des 25 Mds garantissant les 200 ;

  • Enfin l'utilisation du Mécanisme européen de solidarité (MES créé en 2011 à la suite de la crise de l'euro) pour financer les services sanitaires et hospitaliers à hauteur de 2% du PIB, soit environ 240 Mds d'euros maximum. Seuls les pays subissant des taux d'intérêts élevés sont concernés, pouvant ainsi emprunter à des taux inférieurs à ceux du marché, car on ne voit pas ce qu'aurait à y trouver des États membres qui empruntent déjà à taux négatifs sur les marchés.

Le risque de fracture nord-sud de l'Union européenne toujours prégnant

La crise a été révélée de manière exacerbée au grand jour en 2011. Elle existait évidemment avant et n'est jamais redescendue réellement depuis. La crise pandémique renforce cette fracture : les États membres ne sont pas touchés de la même manière ; Italie, Espagne et France sont aujourd'hui plus affectées par l'épidémie que l'Allemagne ou l'Autriche, qui sont déjà des « pays créanciers ». La raideur des pays du nord se reproduit donc, ceux-ci craignant que l'aide accordée aux pays les plus touchés par le CoVid-19 déjà fortement endettés ne soit jamais recouvrée.

La réalité de la dette publique des pays du sud de l'UE n'est pas contestable (quelle qu'en soit la raison ou la légitimité) ; celle-ci va évidemment s'accroître après la crise sanitaire, leurs activités économiques étant à l'arrêt depuis plusieurs semaines. Aussi à ces dettes publiques s'ajouteront (quoi qu'en dise Macron) les dettes des entreprises et de très nombreuses faillites ; cela entraînera une fragilisation du secteur bancaire qui ira au-delà des États fortement atteints par le CoVid-19.

Nous sommes donc face à une sorte de répétition de la crise de 2008 avec des faillites bancaires pour lesquelles les États seront appelés à la rescousse afin de garantir le financement de l'activité économique et les comptes des particuliers. Si nous nous trouvions dans la situation d'un trop grand nombre de faillites bancaires, l'obligation pour les États de garantir aux particuliers à hauteur de 100 000 € leurs dépôts bancaires ne serait pas tenable, d'autant que l'endettement d'un très grand nombre d'États européens est important. L'Irlande avait ainsi sur un an accru son ratio dette/PIB de 60 points, passant de 30 à 90%, pour sauver son système bancaire, ce que n'avait pas pu faire l'Islande car le secteur bancaire équivalait 300% de son PIB ; elle n'avait sauvé l'épargne que de ses propres citoyens (ce furent les épargnants britanniques et néerlandais qui en firent les frais perdant de nombreux procès).

Le risque – à court et moyen termes – d'insolvabilité des États en difficulté est réel et inquiète évidemment les États du nord, qui auront par ailleurs de grandes difficultés à le faire accepter à leurs opinions publiques.

La fragilité systémique des banques du nord

À titre d'exemple, Deutsche Bank (DB) est à la fois l'une des plus grandes banques européennes et l'une des plus fragiles. D'une manière générale, les banques des États du nord de l'UE ne sont pas dans une santé plus éclatante. Cela est lié à la nécessité du recyclage de l'épargne. Allemagne, Pays-Bas ou Autriche ont de très forts excédents et dégagent une très forte épargne, qui doit se réinvestir dans des pays emprunteurs plus risqués.

Dans une crise telle que nous la subissons aujourd'hui, la faillite des entreprises italiennes, françaises ou espagnoles reviendra donc en boomerang sur les institutions financières « germaniques », qui sont les « premiers prêteurs ». Ainsi de manière contre-intuitive pour l'opinion publique allemande, l'Allemagne aurait largement intérêt à sauver l'économie italienne pour « sauver la DB ».

Ainsi si la crise bancaire s'étendait des pays du sud à l'ensemble de la zone euro, ce qui est une probabilité, l'épargne des ménages serait en danger.

La répétition du supplice grec ?

Les pays du nord veulent donc tout à la fois poser des conditions censées leur :garantir le recouvrement de leurs fonds, mais l'expérience a préalablement démontré que les cures d'austérité terriblement violentes imposées à la Grèce ne lui avaient pas permis de retrouver une solvabilité. Il y a même eu un défaut partiel de l'État grec puisqu'une partie (très insuffisante) de sa dette a été restructurée. Le remède a été pire que le mal : les violences imposées au peuple grec par la baisse de toutes les dépenses sociales, des salaires des retraites, la hausse des impôts, ont également provoqué une dégradation de l'activité économique bien plus forte que la réduction attendue des déficits, augmentant ainsi le ratio dette/PIB et dégradant la solvabilité du pays.

Si de telles mesures (déjà immorales pour la Grèce) étaient appliquées simultanément (de fait) à des économies nationales bien plus importantes que celle de la Grèce, nous aurions les mêmes résultats très fortement aggravés par un phénomène cumulatif qui provoquerait une dépression menaçant d'emporter le continent.

Cette incertitude à trouver une résolution à cette probabilité d'insolvabilité des États du sud de l'UE renforce dans un modèle ordo-libéral les réticences des États du nord à prêter.

L'Europe peut-elle éviter une crise bancaire ?

Le problème n'est pas tant la question de la dette publique ; la France va passer vraisemblablement de 98% à 120 voire 140% (au plus mal) de dette publique, avec les taux d'intérêts actuels, c'est malgré les intuitions du « bon sens » de nos concitoyens encore gérable.

Le principal problème est celui de la faillite des entreprises. Ces dernières années, elles ont beaucoup emprunté profitant des taux faibles, pour investir notamment dans le rachat d'autres entreprises (plus que dans le développement réel de leur « outil de production »). Les faillites dûes à la crise sanitaire se répercuteront sur leur créanciers, que sont les banques soit directement soit indirectement par les marchés financiers. Or les banques se prêtant entre elles des sommes importantes, une faillite bancaire causera des pertes à de très nombreuses autres banques. La difficulté actuelle et à venir est d'autant plus forte que l'arrêt ou le fort ralentissement de l'activité touchent tous les secteurs économiques et ce dans de très nombreux pays ; il n'y a donc pas de moyens pour une banque d'être à l'abri.

Le système bancaire est donc vulnérable à l'explosion de la dette privée et des faillites, menaçant l'épargne des ménages en bout de ligne. Comment éviter l'effondrement total ? Les États ne pourront pas payer pour tout le monde : 140% du PIB de dette publique pour la France c'est gérable, mais la seule BNP a un total d'actifs de 2000 Mds d'euros, ce qui est proche du PIB français, les montants atteints par une crise importante de plusieurs grandes banques ne sera pas gérable par la puissance publique qui ne pourra pas garantir tous les comptes.

Jusqu'ici l'État communique sur la sauvegarde des entreprises, afin tout à la fois de protéger l'emploi et en bout de chaîne d'éviter la crise bancaire. Il s'agit plus ici des déclarations sur la sauvegarde d'entreprises comme Air France que des dispositif de soutien aux TPE/PME qui nous l'avons déjà vu dans le décryptage des ordonnances sont totalement insuffisants. Les aides accordées aux TPE/PME ne compenseront jamais la perte d'activités actuelle qui se répercutera sur toute l'année. Nous risquons donc d'avoir des milliers de commerces notamment qui vont mettre la clef sous la porte dont l'effet cumulé sera important pour les banques. Le fonds de garantie de l'État mis en place pour inciter les banques à financer l'économie ne couvrira évidemment pas l'intégralité de ces pertes.

La nationalisation du secteur bancaire n'est pas une solution en soi, car le problème persisterait de savoir comment recréditer les comptes bancaires des particuliers et des entreprises. Nous serons donc confrontés au même dilemme que l'Islande : qui sauve-t-on, qui abandonne-t-on ? L'Islande y avait répondu par l'abandon des comptes des entreprises et ressortissants étrangers, les deux tiers des comptes correspondant à ces dernières catégories.

Cette solution ne peut être évidemment déclinée par la France, ces comptes étrangers n'étant pas suffisamment nombreux. Sauver les comptes des entreprises et les petits comptes sera sans doute indispensable, mais la barre des 100 000 euros paraît aujourd'hui extrêmement ambitieuse voire inatteignable.

Les banques sont aujourd'hui en capacité d'éponger 8 à 9% de leurs pertes par leurs capitaux propres ; si 10 ou 15% des créances qu'elles ont accordé disparaissent, elles seront de fait en faillite. La stratégie de déconfinement est donc très directement liée à cette capacité à faire redémarrer progressivement l'économie pour éviter que les faillites soient trop importantes pour être épongées par les banques, ce qui impacterait également durablement la consommation des ménages.

Imaginons un restaurant (cas qui n'est même pas encore envisagé en terme de reprise progressive le 11 mai 2020) de 50 couverts à qui l'on imposera probablement des restrictions pour respecter des distances entre clients : il passe à 20 couverts. Son chiffre d'affaire baissera, ses coûts de ressources humaines auront baissé sans doute (chômage à la clef) mais ses coûts fixes de capital (loyers, crédits...) vont perdurer avec des difficultés qui vont durer au moins un an jusqu'à la découverte d'un vaccin. La presse écrite et audiovisuelle sera confrontée à la chute des recettes publicitaires. Tout le secteur du tourisme et du transport ferré et aérien sera affecté durablement. Sans compter le fait que la France avait connu une croissance négative au dernier trimestre 2019.

L'annulation des dettes

Les États européens vont donc être confrontés immanquablement à la nécessité de l'effacement des dettes. L'annulation partielle ou totale des dettes publiques posant in fine moins de problèmes que celles de dettes privées, qui supposent la suppression des créances, or l'épargne des ménages dans les banques est une créance qu'elles ont sur les banques. Donc il faut trouver un moyen d'effacer les dettes en sauvant tout ou partie de l'épargne des ménages : théoriquement, la seule solution est le rachat par la Banque centrale de toutes les créances et qui n'en exige pas le remboursement. C'est en l'état interdit par les traités européens (on n'est plus à ça près) et surtout ce n'est pas vraiment le rôle d'une banque centrale qui est censée surveiller le système bancaire et non éponger les dettes des ménages, des entreprises et des États, mais cela aurait l'énorme intérêt de préserver l'épargne.

Cependant une question reste pendante : cette énorme monétisation des dettes engendrera-t-elle automatiquement une très forte inflation ? Les économistes sont en désaccord sur le sujet. Mais si les salaires n'augmentent pas excessivement, il n'y a pas de raison que l'inflation explose. La Fed et la BCE le font déjà en partie : la BCE s'est engagée ainsi à racheter les titres obligataires publiques à hauteur de 750 Mds d'euros, ce qui n'est pas si important mais a permis de relâcher la pression en faisant baisser les taux d'intérêts, notamment pour l'Italie qui voyait ses taux augmenter. C'est cette diminution de la pression qui permet aujourd'hui au gouvernement français de verser des aides sociales supplémentaires ou des garanties (faibles) aux entreprises. Le problème n'est pas temps sur l'action économique (attention on ne parle pas ici des mesures prises concernant le droit du travail) qui est menée aujourd'hui – on débat du curseur – mais de ce qu'il faudra faire dans 6 mois. L'expérience de 2008 nous a démontré qu'après un élan keynésien de quelques mois, les gouvernements ont tout de suite imposé des tours de vis austéritaires, en partie découlant des systèmes intellectuels et juridiques dans lesquels nous nous sommes contraints avec les traités européens.

Plus que jamais la question politique de l'effacement des dettes et du fonctionnement de la BCE va être posée, qui posera la question du carcan juridique dans lequel nous sommes coincés. La question du long terme, de l'écologie, de la relocalisation des activités et de la production fait également partie des solutions à imaginer

Partager cet article
Repost0
10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 11:00

Le 23 mars dernier, le Parlement a - dans des conditions exceptionnelles de présence et d'urgence - a autorisé le gouvernement d'Edouard Philippe à légiférer par ordonnances pour faire face à la situation dramatique et inédite créée par la pandémie de CoVid-19 et ses conséquences notamment en raison du confinement.

Plusieurs groupes parlementaires - LFI et GDR à l'Assemblée nationale, CRCE au Sénat - ont voté contre cette habilitation (les groupes socialistes dans les deux chambres ont en grande majorité choisi l'abstention) car les champs couverts par ces ordonnances étaient extrêmement larges, indiquant souvent des orientations injustifiées et injustes, et pourtant oubliant des chantiers essentiels (comme le financement de l'hôpital public ou la réorientation de la production vers des biens essentiels à la période). J'avais eu l'occasion d'écrire à ce sujet il y a quelques semaines dans cet article.

La Gauche Républicaine & Socialiste m'a confié dans les jours qui ont suivi un travail de coordination pour décrypter les ordonnances rédigées par le gouvernement conformément à la loi d'urgence du 23 mars 2020. Ce travail - pénible car il a fallu lire les 34  ordonnances, consulter plusieurs amis spécialistes (je remercie Adélaïde, Clara, Alicia, Caroline et Julien), lire des dizaines d'articles (de loi, de règlements ou d'analyse) se rapportant aux sujets couverts pour en mesurer les conséquences - a confirmé l'analyse de la loi d'urgence du 23 mars.

Evidemment, l'essentiel des mesures prises sont importantes et nécessaires ; la situation exceptionnelle nécessitait de prendre des mesures exceptionnelles pour y faire face. Mais à bien des égards, les mesures prises dans certains domaines sont disproportionnées ou injustifiées. Je pense évidemment à celles concernant le code du travail : elles ont été largement dénoncées à l'avance notamment sur les jours de congés, les RTT et les récupérations. La dérogation donnée à l'employeur d'imposer leurs congés aux salariés n'est soumise que pour la première catégorie à la nécessité d'un accord d'entreprise (dont se demande dans quelles conditions il serait négocié). Mais malgré le caractère excessif, ces mesures sont bornées dans le temps bien que courant jusqu'à une date extrêmement tardive : le 31 décembre 2020. Il est plus inquiétant de voir qu'on organise l'incapacité de la médecine du travail à vérifier la réalité des conditions d'hygiène et sécurité des salariés restés en première ligne, au prétexte de les concentrer sur le dépistage du CoVid-19 ; si on ajoute à cela la situation dégradée que connaît depuis longtemps l'inspection du travail, il y a là un véritable soucis durable pour éviter que des situations de travail dégradées soient prévenues, lesquelles pourraient à la fois épuiser les salariés et ne pas empêcher la propagation du virus dans des secteurs économiques essentiels. Alors que pourtant dans cette période il aurait fallu plus que jamais protéger les salariés, parce qu'on n'a jamais eu autant besoin de ceux qui sont en première ligne.

Je suis également particulièrement inquiet des conséquences de "l'adaptation" des règles de la procédure pénale et des procédures civiles : les conséquences en matière de gardes à vue, de liberté, de droit de la famille, me paraissent disproportionnées et je rejoins le syndicat de la magistrature dans sa crainte qu'une application sur une aussi longue période risque de contaminer peu à peu le droit commun... d'autant que le système DATAJUST créant un algorithmes de détermination des indemnisations pour préjudice corporel rentre en application dans la même période, ce qui ne peut que renforcer les risques en termes de mise en cause de collégialité de la délibération, des droits de la défense ou d'individualisation des peines et situation.

Enfin, une dernière remarque concernant des mesures qui me paraissent traduire dans des domaines très différents soit une déconnexion avec la réalité de terrain, soit un mépris social pour les destinataires de ces mesures. La création d'un fonds de solidarité pour les PME ou la prolongation des droits sociaux étaient l'une comme l'autre des mesures nécessaires ou attendues mais - outre le fait que le fonds de solidarité paraît sous-dimensionné et exonère trop facilement la responsabilité des compagnies d'assurance (qui ne sont mis à contribution qu'à hauteur de 200M€), les procédures de mise en oeuvre ou de sortie des dispositifs de prolongation de droits sociaux avec les difficultés inhérentes au public concerné sont souvent complexe et mal pensées.

Bref, ce ne sont que quelques exemples issus des 34 ordonnances qui font l'objet de ce décryptage. Il conviendra désormais d'être vigilants sur les conséquence de leur mise en oeuvre durant l'état d'urgence sanitaire, durant la période de transition qui suivra et enfin lorsqu'il faudra s'assurer qu'elles seront bien caduques une fois cette crise passée.

Frédéric FARAVEL

Pour accéder aux différentes notes je vous invite à cliquer sur l'image ci-dessous...

Décryptage des ordonnances COVID-19 par la "Gauche Républicaine et Socialiste"
Décryptage des ordonnances COVID-19 par la GRS

 

Partager cet article
Repost0
8 avril 2020 3 08 /04 /avril /2020 07:56

Après l'entretien donné au Figaro le 30 mars dernier, c'est Libération qui est allé interroger Arnaud Montebourg sur la situation de notre pays. Retiré (temporairement ?) de la vie politique depuis les élections présidentielles du printemps 2017, celui qui paraissait avoir lors de la primaire organisée par le PS les arguments les plus sérieux pour rassembler la gauche avait été violemment boudé par les électeurs qui s'étaient laissés prendre au duel entre Benoît Hamon et Manuel Valls. On connaît la suite...

C'est l'un des rares hommes politiques à avoir réussi sa reconversion ; certains diront que tout cela n'est qu'une manière de communication politique. Peut-être... Peut-être pas... ces considérations sont aujourd'hui secondaires. La pertinence et la cohérence de sa réflexion et du projet qu'il avait souhaité proposer en 2016-2017 prennent subitement consistance au milieu d'une crise à laquelle la France a tout fait pour ne pas se préparer de 2002 à aujourd'hui.

Face à la catastrophe néolibérale construite patiemment sous Sarkozy, Hollande et Macron, Arnaud Montebourg esquisse des idées pour un avenir démondialisé, plus solidaire, plus écologique. Il me paraissait nécessaire de reproduire ici en accès libre cette expression.

Frédéric FARAVEL

"L'austérité se paye aujourd'hui en morts dans nos hôpitaux" - Arnaud Montebourg dans Libération (8 avril 2020)

Ancien ministre du Redressement productif puis de l’Economie de François Hollande jusqu’en 2014, Arnaud Montebourg défend depuis 10 ans le concept de «démondialisation», prônant la réappropriation des secteurs industriels stratégiques par l’Etat. En retrait de la vie politique depuis son échec à la primaire de la gauche en 2017 et désormais à la tête de deux entreprises équitables : Bleu Blanc Ruche (miel) et la Mémère (glace bio), il redonne de la voix à la faveur de la crise sanitaire, économique et sociale du coronavirus. Sévère sur l’action d’Emmanuel Macron et de la majorité, il appelle l’Etat à engager une «reconstruction écologique» : «Le moins d’importations possible, une économie davantage tournée vers le marché intérieur continental avec des bons salaires et de meilleurs prix pour rémunérer ceux qui produisent ici.»

Arnaud Montebourg : «Macron est-il le mieux placé pour parler de patriotisme économique ?»

Par Lilian Alemagna 7 avril 2020 à 20:01

Le 12 mars, lorsque vous entendez Emmanuel Macron déclarer que c’est une «folie» de «déléguer […] notre protection […] à d’autres» notamment en matière de santé, vous tombez de votre canapé ?

Pour moi, les discours n’ont aucune valeur. Ce qui m’intéresse, ce sont les actes. Qu’a fait Emmanuel Macron en la matière depuis 2014 ? A Bercy - où il m’a succédé -, il a malheureusement abandonné les 34 plans industriels de reconquête de notre souveraineté technologique, et il y en avait un important dans le secteur des équipements de santé dont aujourd’hui nous aurions bien besoin. Le chef de l’Etat est-il le mieux placé pour mener une politique de patriotisme économique, après avoir laissé filer Alstom, Technip, Alcatel, et combien d’autres ? Ces dernières années, la puissance publique n’a jamais voulu être présente pour pallier les défaillances du privé. Un exemple : avoir laissé Sanofi délocaliser la production de paracétamol en Chine et en Inde, alors que nous aurions pu utiliser la commande publique à des fins patriotiques pour maintenir la production en France. Le résultat est qu’on rationne aujourd’hui les Français en boîtes de paracétamol.

Mais lorsque Bruno Le Maire parle de «nationalisations» et de «patriotisme économique», vous le vivez comme une victoire idéologique ?

Ce transformisme intellectuel aura du mal à trouver sa crédibilité. Ces personnes ont enfilé un costume, une apparence, mais est-ce une réalité ? A Bercy, lorsque j’ai proposé des nationalisations, Emmanuel Macron expliquait que l’on n’était «pas au Venezuela» et aujourd’hui lui-même propose donc de «faire le Venezuela»… Les nationalisations sont tout simplement des outils naturels d’exercice de la souveraineté et de l’indépendance nationale. Si beaucoup le découvrent aujourd’hui, je m’en réjouis. Mais que de temps perdu, d’usines fermées, de brevets, de salariés et de savoir-faire abandonnés qu’on aurait pu conserver…
Dans un autre moment de sa vérité, le Président avait qualifié ces Français anonymes qui travaillent dur pour vivre de gens «qui ne sont rien». Va-t-il soudain proclamer qu’ils sont «tout» ? Car ils comptent effectivement pour beaucoup, ceux, injustement méprisés, qui font tourner le pays, caissières, éboueurs, infirmières, instituteurs, manœuvres et journaliers de l’agriculture. Combien d’autres contorsions avec ses convictions devra-t-il accomplir encore pour retrouver la grâce électorale perdue ?

Que dit cette crise de l’état de notre État ?

Notre pays s’est soudé dans son histoire à travers la construction d’un Etat fort qui unifie et protège. La France a survécu aux plus graves tourments grâce à lui. Lorsqu’on constate une faiblesse chez cet Etat protecteur, on a le sentiment d’un affaissement du pays. C’est cette sensation d’humiliation que nous éprouvons en ce moment : en matière sanitaire, notre Etat a été imprévoyant, inconséquent et à l’évidence incapable de faire face, comme les contre-exemples de la Corée du Sud ou de Taïwan le démontrent.

"L'austérité se paye aujourd'hui en morts dans nos hôpitaux" - Arnaud Montebourg dans Libération (8 avril 2020)

le coût économique et social énorme qu’aura cette crise aurait pu être atténué si nous avions investi dans nos hôpitaux et dans notre industrie des matériels de dépistage et de protection.
Il faudra donc demain des budgets pour l’hôpital beaucoup plus conséquents…
Ça va bien au-delà de l’hôpital ! Il s’agit là de notre indépendance productive et technologique.

La faute à qui ?

De nombreux rapports (parlementaires, scientifiques et même de technocrates aujourd’hui au pouvoir) ont alerté, ces dernières années, sur les risques en cas de forte épidémie. Ils ont été ignorés. Les décisions ont été prises en fonction d’intérêts de court terme. Nous payons le prix en nombre de morts de cette conception stupidement budgétaire et faussement managériale de l’Etat. Car la France a adapté sa politique sanitaire à des moyens médicaux insuffisants. Résultat : on confine tout le pays et on détruit l’économie pour permettre aux chiches moyens médicaux de faire face. C’est reconnaître que le coût économique et social énorme qu’aura cette crise aurait pu être atténué si nous avions investi dans nos hôpitaux et dans notre industrie des matériels de dépistage et de protection.
Il faudra donc demain des budgets pour l’hôpital beaucoup plus conséquents…
Ça va bien au-delà de l’hôpital ! Il s’agit là de notre indépendance productive et technologique.

C’est-à-dire ?

Nous avons besoin d’inventer une nouvelle puissance publique, capable de nous conduire dans les crises et les transitions. Qui n’applique pas seulement des règles mais traite avant tout les problèmes. Aujourd’hui, nous avons une technostructure qui applique des process, des réglementations et des normes. Cela bloque toute une société - d’élus locaux, de PME, d’agents publics, d’associatifs… - qui essaie, elle, de s’organiser et de se débrouiller. Le technocratisme vertical nous coule !

En même temps vous ne pourrez pas changer tous les fonctionnaires…

Ce ne sont pas eux qui sont en cause mais l’organisation de l’Etat. Elle est obsolète. Face aux marchés, l’Etat a été incapable d’affirmer nos intérêts collectifs et s’est dévitalisé. Voilà près de vingt ans que nos gouvernants s’appliquent à réduire le champ de l’Etat. On voit le résultat : un Etat qui organise sa propre défaisance est donc défait en période de combat. Une reconstruction majeure se présente devant nous. Et il faudra s’y employer avec des règles nouvelles décidées avec la société, par les citoyens et les consommateurs. Les premiers parce qu’ils vont décider d’organiser la société à travers de nouveaux choix politiques. Les seconds parce qu’ils voudront, dans les produits qu’ils choisiront pour leur vie quotidienne, obtenir la preuve que les humains qui les auront fabriqués sont proches d’eux et auront défendu les mêmes valeurs d’équité sociale et environnementale qu’eux.

"L'austérité se paye aujourd'hui en morts dans nos hôpitaux" - Arnaud Montebourg dans Libération (8 avril 2020)

la «reconstruction écologique» : le moins d’importations possible, une économie davantage tournée vers le marché intérieur continental, avec des bons salaires et de meilleurs prix pour rémunérer ceux qui produisent ici.

Un «Made in France» écolo ?

Pas seulement. Il s’agit d’une reconquête de notre souveraineté au sens large : alimentaire, technique, numérique, énergétique. Pourquoi importer tant de pétrole ? Cette question va très vite se poser… Il va falloir recentrer le plus possible nos économies sur ce que nous sommes capables de produire. C’est ce que j’appelle la «reconstruction écologique» : le moins d’importations possible, une économie davantage tournée vers le marché intérieur continental, avec des bons salaires et de meilleurs prix pour rémunérer ceux qui produisent ici.

Est-ce la suite de votre constat de «démondialisation» fait en 2011 ?

C’est la mise en œuvre d’une politique que j’ai appelée «Made in France» lorsque j’étais à Bercy. Car la mondialisation telle qu’on l’a connue est instable, dangereuse et non-démocratique. Personne n’a obtenu de mandat pour mettre en concurrence des Etats qui esclavagisent leurs travailleurs, piétinent les lois environnementales élémentaires, avec des nations qui ont à leur actif 200 ans d’acquis syndicaux et sociaux et des lois environnementales d’avant-garde. C’est pourquoi la fragmentation de la mondialisation me paraît irrésistible.

Mais la technostructure en place est-elle capable de mettre en œuvre des tels changements ?

C’est la société tout entière qui définira ses objectifs et ses buts de paix. Tout cela sera débattu et arbitré démocratiquement. Aujourd’hui, dans la société, il y a des tas de ressources, y compris dans les corps de l’Etat, qui ne demandent qu’à être stimulées. L’Etat a sacrifié la préparation de l’avenir. La crise que nous vivons nous prouve qu’il faut penser et bâtir le long terme.

Vous diriez-vous désormais «souverainiste» ?

J’utilise le mot d’«indépendance». Etre indépendant, c’est ne pas dépendre des autres, décider pour nous-mêmes. La France, pays libre, n’a pas vocation à être assujettie aux décisions des autres. Pas plus de la Chine et des Etats-Unis que de l’Union européenne quand les décisions sont gravement contraires à ses intérêts. L’exercice de la souveraineté est un de nos fondements depuis la Révolution française qui l’a conquise sur les monarques. Si on sort des débats de positionnement politique et que l’on reste sur les contenus, je continuerais à parler d’«indépendance» : militaire et stratégique (c’est la bombe atomique), énergétique (c’était le nucléaire et ce sont désormais les énergies renouvelables), technologique (ce sont nos industries pharmaceutique, aéronautique, automobile, ferroviaire aujourd’hui affaiblies), numérique (ce sont les GAFA qui nous manquent).

"L'austérité se paye aujourd'hui en morts dans nos hôpitaux" - Arnaud Montebourg dans Libération (8 avril 2020)

Oui, «l’argent magique» existe pour les Etats dans certains cas quand ils le décident. Ces derniers vont donc sortir renforcés de cette épreuve comme outils de direction de l’économie. [...] Soit l’Union européenne sert à traiter les problèmes des gens, soit les gens se passeront de l’UE et elle sera à son tour victime du Covid-19.

Comment observez-vous les nouveaux désaccords au sein de l’UE dans cette crise sanitaire ?

Si certains Etats refusent hélas de mutualiser les dettes, après tout ils prennent le droit d’être égoïstes, ce qui nous autorisera pour une fois à l’être enfin pour nous-mêmes ! En revanche, tous devront dire ce que nous faisons de nos futures montagnes de dettes publiques et privées. Faites un premier calcul pour la France : le coût du chômage partiel, plus les réinvestissements dans le secteur sanitaire, plus les crédits garantis par l’Etat aux banques, plus toutes les faillites que l’on essaiera d’éviter… Tout cela mis bout à bout, dans 6 mois, on sera pas loin de 300 milliards d’euros au bas mot ! Aujourd’hui, aucun traité européen ne le permet et le virus va mettre tous les pays - au Nord comme au Sud - à égalité. Que fera-t-on ? Imposer des plans d’austérité ? Pas question de refaire les mêmes erreurs qu’il y a dix ans. Reste alors deux solutions : lever encore des impôts ou bien… annuler ces dettes. Le débat qu’il faut ouvrir n’est donc pas seulement la «mutualisation» des dettes mais leur annulation. La France devra demander que la Banque centrale européenne monétise ces dettes car elles seront insoutenables. Personne ne sera spolié. Il s’agira de faire tourner la planche à billets comme l’ont fait la Banque d’Angleterre et la Réserve fédérale américaine après la crise de 2008. C’est ce que l’UE aurait dû faire au lieu d’imposer des cures d’austérité qui ont détruit les services publics. Des décisions qui, aujourd’hui, se paient en morts dans nos hôpitaux et nos Ehpad. Oui, «l’argent magique» existe pour les Etats dans certains cas quand ils le décident. Ces derniers vont donc sortir renforcés de cette épreuve comme outils de direction de l’économie. C’est un point très important et très positif.

Mais ne craignez-vous pas au contraire un renforcement des nationalismes ?

Soit l’Union européenne sert à traiter les problèmes des gens, soit les gens se passeront de l’UE et elle sera à son tour victime du Covid-19. C’est aussi simple que cela. Tout le monde va devoir réviser ses précis de catéchisme européen.

Dans Libération, Julien Dray a appelé à ce que «la gauche» – dont vous êtes issu – soit «au cœur d’un grand front républicain arc-en-ciel». Qu’en pensez-vous ?

J’ai 30 ans de socialisme dans les jambes. Mais aujourd’hui, je ne suis plus rattachable à un quelconque parti politique. Je suis «inorganisé» et je ne sais plus ce que «la gauche» veut dire parce que «la gauche» a mené des politiques de droite et enfanté Emmanuel Macron. Lorsque j’ai quitté le gouvernement de Manuel Valls, on m’a dit qu’on ne partait pas pour 15 milliards d’euros à redistribuer aux ménages… Ces «15 milliards», c’est la somme finalement arrachée par les gilets jaunes en 2018 ! Je ne sais plus ce qu’est «la gauche», même avec une couche de peinture écologique dessus. En revanche, je sais ce que sont la France et les aspirations des Français.

Que comptez-vous alors apporter ?

Une analyse, une vision, des idées, de l’entraide et chacun en fera ce qu’il voudra.

Arnaud Montebourg en couverture de Libération du mercredi 8 avril 2020

Arnaud Montebourg en couverture de Libération du mercredi 8 avril 2020

Partager cet article
Repost0
30 mars 2020 1 30 /03 /mars /2020 14:34

Je reproduis ci-dessous l'entretien donné au Figaro par Arnaud Montebourg. C'est de loin l'analyse politique et pratique (du point de vue de cet art quelque peu oublié depuis quelques temps qu'est "l'exercice de l'Etat") la plus intelligente que j'aie lue depuis plusieurs semaines.

Frédéric Faravel

Arnaud Montebourg

Arnaud Montebourg

LA FRANCE D’APRÈS - Tous les jours, Le Figaro interroge une personnalité sur la façon dont elle envisage l'après coronavirus. Pour l'ancien ministre du Redressement productif, la France va devoir retrouver son indépendance économique.

Arnaud Montebourg, 57 ans, est aujourd'hui entrepreneur et fondateur de «Bleu Blanc Ruche», «La Mémère» et «La Compagnie des Amandes», trois entreprises équitables dans l'alimentation. Il a été ministre de l'Économie et du Redressement productif de François Hollande, de mai 2012 à août 2014.

LE FIGARO. - Le premier ministre, Édouard Philippe, a expliqué que la crise actuelle allait «révéler ce que l'humanité a de plus beau et aussi ce qu'elle a de plus sombre». Qu'avez-vous vu pour l’heure ?

Arnaud Montebourg. - La catastrophe que nous traversons est surtout révélatrice de la faillite de la technostructure financière et médicale qui a pris le pouvoir ces dernières années. Utiliser le confinement, que les médecins du Moyen Âge utilisaient pour éviter la propagation de la Peste noire au XIVe siècle, parce qu’on n’a pas été capable d'organiser les outils de production de dépistage massif et de protection par masques qui ont permis en Corée du Sud ou à Taïwan un nombre de morts très faibles et un confinement limité sans dommage économique important, provoque la colère justifiée de nos compatriotes.
Avoir fermé 4200 lits en 2018 dans nos hôpitaux publics, économisé 8 milliards d'euros sur ces derniers en invoquant le fameux «il n'y a pas d’argent magique» face aux mouvements sociaux des blouses blanches encore virulents il y a quelques mois, pour finalement trouver cet argent magique en 15 jours, provoque la violente tristesse de nos soignants. Refuser les apports scientifiques d'un Professeur de médecine marseillais ostracisé par la technostructure, alors que sa solution est prescrite de toutes parts dans le monde, provoque la fureur de nos concitoyens. Je vois surtout la faiblesse et le discrédit profond de ce qui devrait tous nous unir et nous protéger, l'État.

Dès 2011, vous appeliez à la «démondialisation». La crise que nous traversons actuellement est-elle une crise de la mondialisation ?

En 2011-2012, il s'agissait déjà de tirer les leçons de la Grande Récession de 2009 dont nous sommes à peine relevés 10 ans plus tard. Nous savions déjà qu'économiquement, la mondialisation est contagieusement instable. La crise du système financier américain dérégulé et excessivement libéralisé a provoqué une crise mondiale dont nous payons encore le prix. Écologiquement, nous savions également que la mondialisation était dangereuse. Le libre-échange généralisé a mis en compétition acharnée des pays et des modèles économiques qui intègrent des lois environnementales avec d'autres qui les rejettent.
Résultat : la mondialisation délocalise les émissions de CO
2, exporte la destruction des ressources naturelles, puisque l'exploitation de la nature conduit à des avantages compétitifs dans un monde qu’on a voulu, à tort, sans frontières.
Et voici que les événements épidémiologiques et sanitaires du Covid-19 montrent à leur tour l'excessive et dangereuse intrication des chaînes mondialisées de production industrielles et humaines.
La France, grande puissance industrielle des Trente Glorieuses, ne sait plus produire les tests biologiques, les masques et les combinaisons de protection, le gel hydroalcoolique et les respirateurs pour ses propres besoins de sécurité sanitaire. Elle a préféré s’en remettre avec désinvolture au marché, laissant ses directeurs des achats publics hospitaliers acheter en Chine plutôt que de défendre patriotiquement l'outil industriel français. La gestion court-termiste d’un système hospitalier placé sous grave tension financière a sacrifié la sécurité sanitaire des Français.
Voilà plus d'une décennie que je défends un programme de démondialisation visant à protéger nos intérêts nationaux.
Comme ministre de l’Économie, cette politique a consisté à défendre parfois âprement le «Made in France». Aujourd'hui, les Français ont compris que la croyance dans la mondialisation est une religion extrémiste avec ses gourous, et que le moment est venu de reconstruire activement notre indépendance, non pas seulement énergétique, mais également technologique et scientifique, alimentaire et agricole, numérique et industrielle. C'est un travail de titan qu'il va falloir accomplir avec les efforts de tous. Mais que de temps perdu !

À ce stade de la crise, quelles sont les choses à améliorer en priorité dans notre pays ?

D'abord, rattraper le retard à tout prix sur les tests de dépistage, les masques et les respirateurs, monter d'urgence des lignes de production, les faire financer par la banque publique d'investissement (BPI), réquisitionner les entreprises de machines-outils pour ce faire, y compris dans l’industrie automobile, faire soutenir par les préfets et labelliser toutes les petites entreprises du secteur textile «Made in France» qui proposent des masques en tissu conformes.
Ensuite, avec l'arrêt brutal de l'économie, et les mesures de soutien qui sont engagées, tous les pays européens vont se retrouver avec un niveau d'endettement privé et public insoutenable.
C'est pourquoi, il ne pourra pas être question de recommencer usque ad nauseam des politiques d'austérité pour effacer les dettes générées par la catastrophe du Covid-19. Il faut d'ores et déjà ouvrir le débat de la monétisation des dettes de sauvetage par la Banque Centrale Européenne comme la Banque d'Angleterre et la Federal Reserve Bank (FED) des États-Unis peuvent le faire et l'ont déjà fait dans la crise de 2009.

À titre personnel, quels enseignements tirez-vous de cette période de confinement ?

Nous réapprenons à vivre beaucoup plus collectivement, là où la société du «moi-roi» semblait n'encourager et n'organiser que la solitude et l'anarcho-individualisme.
Nous goûtons mieux à cette belle partie qui est en chacun de nous qui aime l’entraide, et participe au bien collectif.
L'imaginaire individualiste de l'«Enrichissez vous !» et du «Devenez milliardaires !» est étrillé par celui du «Entraidons-nous les uns les autres» ainsi que les odes quotidiennes à l’amour du service public perdu.

Et concernant la France, quelles leçons pensez-vous, ou espérez-vous, qu'elle en tirera ?

La France devra faire un bilan sincère et sérieux de ses graves faiblesses et chercher en commun les moyens d'y remédier. Notre orgueil national dût-il en prendre un coup, nous n'échapperons pas à un effort de reconstruction nationale, un peu à la façon dont nos aînés se sont retroussé les manches après la guerre en 1945. Après tout, nous avons subi trois déflagrations : la Grande Récession de 2009, les graves attaques terroristes de 2015, et la catastrophe du Covid-19 en 2020. Il faudra se réarmer et solliciter un moment de mobilisation patriotique de reconstruction sur des bases nouvelles.

Il y a quelques jours, le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, déclarait qu'il «faudra faire revenir en France la production essentielle pour la vie de la nation». Vous qui défendez le «Made in France» depuis longtemps, que vous inspire cette déclaration ?

C'est un soutien heureux de plus à la politique du «Made in France» que le gouvernement auquel il appartient a pourtant jusqu'ici méprisé. J'ai laissé à mon successeur au ministère de l’Économie, un certain Emmanuel Macron, 34 plans industriels qui unissaient argent, autorités et recherche publiques aux financements, industries et entreprises privées. Ils ont été discrètement abandonnés. Parmi eux, il y en avait un qui concernait les dispositifs médicaux et équipements de santé qui s'attaquait à l’importation excessive de ces équipements de diagnostic qui aurait certainement soutenu bien des PME aujourd'hui indispensables dans la bataille contre la pandémie. Faut-il également rappeler la vente à la découpe de nos grandes entreprises garantissant notre indépendance dans de nombreux secteurs : Alstom (énergie), Technip (technologies d’extraction), Alcatel (Télécom), Latécoère (aéronautique).
La politique du «Made in France» doit être continue, déterminée et transpartisane.
Malheureusement, l’essentiel de la classe dirigeante actuelle n'a pas de réflexe patriotique, ce qui est préjudiciable à notre pays.

Selon vous, à quoi rassemblera l'après-crise ? Peut-on assister à un changement de paradigme ou à une réorientation de l’Europe ?

La mondialisation est terminée. Il faudra donc avec nos propres ressources reconstruire notre indépendance économique, technologique et productive. Nous devrons assumer de protéger nos intérêts collectifs avant toute forme d’intérêts particuliers en réarmant l'État, notre outil collectif. Cette reconstruction sera écologique dans la conscience mondiale car l'ancien monde anthropocène que nous avons accepté depuis 70 ans s'écroule dans ses fondements.
L'Union européenne n'est plus une union, et elle s'est mis les populations européennes à dos en leur infligeant des politiques d'austérité sans aucun fondement scientifique et sans aucun résultat pendant 10 ans. La cartographie des politiques d'austérité est tristement identique à celle du nombre de lits de réanimation par habitant (Italie : 0,58 lit pour 10.000 habitants ; France : 0,73 ; Allemagne : 1,25). Si l'Allemagne et ses alliés scandinaves reprennent le chemin de la culpabilisation de la dette, les Européens feront sécession et l'Euro se disloquera.
Comme toujours, la France ne pourra dans ces temps difficiles compter que sur elle-même. Mais cela, nous l’avons appris des leçons tragiques de l'Histoire, inspirées par ce surmoi gaulliste qui nous imprègne tous encore.

Partager cet article
Repost0
27 mars 2020 5 27 /03 /mars /2020 16:33

Je reproduis aujourd'hui sur mon blog une tribune publiée sur FranceInfo par 18 responsables d'organisations syndicales, associatives et environnementales qui appellent à préparer "le jour d’après". Face à "la crise du coronavirus" ils réclament "de profonds changements de politiques", pour "se donner l'opportunité historique d'une remise à plat du système, en France et dans le monde". Ils ont raison... il faudra tout remettre à plat et ce ne sera pas possible en laissant en place les cyniques incapables néolibéraux qui sont aujourd'hui au pouvoir. Nous devons impérativement nous donner les moyens de renverser la table. Après cette tribune, les organisations politiques de gauche ont une responsabilité essentielle : s'unir pour proposer aux Françaises et aux Français un projet de société plus résiliente, moins fragile, moins inégalitaire, plus solidaire.

Frédéric Faravel

TRIBUNE. "Plus jamais ça !" - #COVID19fr

En mettant le pilotage de nos sociétés dans les mains des forces économiques, le néolibéralisme a réduit à peau de chagrin la capacité de nos États à répondre à des crises comme celle du Covid. La crise du coronavirus qui touche toute la planète révèle les profondes carences des politiques néolibérales. Elle est une étincelle sur un baril de poudre qui était prêt à exploser. Emmanuel Macron, dans ses dernières allocutions, appelle à des "décisions de rupture" et à placer "des services (…) en dehors des lois du marché". Nos organisations, conscientes de l’urgence sociale et écologique et donnant l'alerte depuis des années, n’attendent pas des discours mais de profonds changements de politiques, pour répondre aux besoins immédiats et se donner l'opportunité historique d'une remise à plat du système, en France et dans le monde.

Dès à présent, toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des populations celle des personnels de la santé et des soignant·e·s parmi lesquels une grande majorité de femmes, doivent être mises en œuvre, et ceci doit largement prévaloir sur les considérations économiques. Il s'agit de pallier en urgence à la baisse continue, depuis de trop nombreuses années, des moyens alloués à tous les établissements de santé, dont les hôpitaux publics et les Ehpad. De disposer du matériel, des lits et des personnels qui manquent : réouverture de lits, revalorisation des salaires et embauche massive, mise à disposition de tenues de protection efficaces et de tests, achat du matériel nécessaire, réquisition des établissements médicaux privés et des entreprises qui peuvent produire les biens essentiels à la santé, annulation des dettes des hôpitaux pour restaurer leurs marges de manœuvre budgétaires... Pour freiner la pandémie, le monde du travail doit être mobilisé uniquement pour la production de biens et de services répondant aux besoins essentiels de la population, les autres doivent être sans délai stoppées. La protection de la santé et de la sécurité des personnels doivent être assurées et le droit de retrait des salarié·e·s respecté.

Des mesures au nom de la justice sociale nécessaires

La réponse financière de l’État doit être d'abord orientée vers tou·te·s les salarié·e·s qui en ont besoin, quel que soit le secteur d'activité, et discutée avec les syndicats et représentant·e·s du personnel, au lieu de gonfler les salaires des dirigeant·e·s ou de servir des intérêts particuliers. Pour éviter une très grave crise sociale qui toucherait de plein fouet chômeurs·euses et travailleurs·euses, il faut interdire tous les licenciements dans la période. Les politiques néolibérales ont affaibli considérablement les droits sociaux et le gouvernement ne doit pas profiter de cette crise pour aller encore plus loin, ainsi que le fait craindre le texte de loi d’urgence sanitaire.

Selon que l’on est plus ou moins pauvre, déjà malade ou non, plus ou moins âgé, les conditions de confinement, les risques de contagion, la possibilité d’être bien soigné ne sont pas les mêmes. Des mesures supplémentaires au nom de la justice sociale sont donc nécessaires : réquisition des logements vacants pour les sans-abris et les très mal logés, y compris les demandeurs·euses d’asile en attente de réponse, rétablissement intégral des aides au logement, moratoire sur les factures impayées d'énergie, d'eau, de téléphone et d'internet pour les plus démunis. Des moyens d’urgence doivent être débloqués pour protéger les femmes et enfants victimes de violences familiales.

Les moyens dégagés par le gouvernement pour aider les entreprises doivent être dirigés en priorité vers les entreprises réellement en difficulté et notamment les indépendants, autoentrepreneurs, TPE et PME, dont les trésoreries sont les plus faibles. Et pour éviter que les salarié·e·s soient la variable d’ajustement, le versement des dividendes et le rachat d’actions dans les entreprises, qui ont atteint des niveaux record récemment, doivent être immédiatement suspendus et encadrés à moyen terme.

Des mesures fortes peuvent permettre, avant qu’il ne soit trop tard, de désarmer les marchés financiers : contrôle des capitaux et interdiction des opérations les plus spéculatives, taxe sur les transactions financières… De même sont nécessaires un contrôle social des banques, un encadrement beaucoup plus strict de leurs pratiques ou encore une séparation de leurs activités de dépôt et d’affaires.

Des aides de la BCE conditionnées à la reconversion sociale et écologique

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une nouvelle injection de 750 milliards d’euros sur les marchés financiers. Ce qui risque d’être à nouveau inefficace. La BCE et les banques publiques doivent prêter directement et dès à présent aux États et collectivités locales pour financer leurs déficits, en appliquant les taux d’intérêt actuels proches de zéro, ce qui limitera la spéculation sur les dettes publiques. Celles-ci vont fortement augmenter à la suite de la "crise du coronavirus". Elles ne doivent pas être à l’origine de spéculations sur les marchés financiers et de futures politiques d’austérité budgétaire, comme ce fut le cas après 2008.

Une réelle remise à plat des règles fiscales internationales afin de lutter efficacement contre l'évasion fiscale est nécessaire et les plus aisés devront être mis davantage à contribution, via une fiscalité du patrimoine et des revenus, ambitieuse et progressive.

Par ces interventions massives dans l’économie, l’occasion nous est donnée de réorienter très profondément les systèmes productifs, agricoles, industriels et de services, pour les rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations et axés sur le rétablissement des grands équilibres écologiques. Les aides de la Banque centrale et celles aux entreprises doivent être conditionnées à leur reconversion sociale et écologique : maintien de l'emploi, réduction des écarts de salaire, mise en place d'un plan contraignant de respect des accords de Paris... Car l'enjeu n'est pas la relance d'une économie profondément insoutenable. Il s’agit de soutenir les investissements et la création massive d’emplois dans la transition écologique et énergétique, de désinvestir des activités les plus polluantes et climaticides, d’opérer un vaste partage des richesses et de mener des politiques bien plus ambitieuses de formation et de reconversion professionnelles pour éviter que les travailleurs·euses et les populations précaires n’en fassent les frais. De même, des soutiens financiers massifs devront être réorientés vers les services publics, dont la crise du coronavirus révèle de façon cruelle leur état désastreux : santé publique, éducation et recherche publique, services aux personnes dépendantes… 

Relocalisation de la production

La "crise du coronavirus" révèle notre vulnérabilité face à des chaînes de production mondialisée et un commerce international en flux tendu, qui nous empêchent de disposer en cas de choc de biens de première nécessité : masques, médicaments indispensables, etc. Des crises comme celle-ci se reproduiront. La relocalisation des activités, dans l’industrie, dans l’agriculture et les services, doit permettre d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux, de reprendre le contrôle sur les modes de production et d'enclencher une transition écologique et sociale des activités. 

La relocalisation n’est pas synonyme de repli sur soi et d’un nationalisme égoïste. Nous avons besoin d’une régulation internationale refondée sur la coopération et la réponse à la crise écologique, dans le cadre d'instances multilatérales et démocratiques, en rupture avec la mondialisation néolibérale et les tentatives hégémoniques des États les plus puissants. De ce point de vue, la "crise du coronavirus" dévoile à quel point la solidarité internationale et la coopération sont en panne : les pays européens ont été incapables de conduire une stratégie commune face à la pandémie. Au sein de l’Union européenne doit être mis en place à cet effet un budget européen bien plus conséquent que celui annoncé, pour aider les régions les plus touchées sur son territoire comme ailleurs dans le monde, dans les pays dont les systèmes de santé sont les plus vulnérables, notamment en Afrique.

Tout en respectant le plus strictement possible les mesures de confinement, les mobilisations citoyennes doivent dès à présent déployer des solidarités locales avec les plus touché·e·s, empêcher la tentation de ce gouvernement d’imposer des mesures de régression sociale et pousser les pouvoirs publics à une réponse démocratique, sociale et écologique à la crise.

Plus jamais ça ! Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire notre "jour d’après". Nous en appelons à toutes les forces progressistes et humanistes, et plus largement à toute la société, pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral.

Retrouvez ci-dessous la liste des signataires :

Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre France
Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac France
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT
Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne
Benoit Teste, secrétaire général de la FSU
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France
Eric Beynel, porte-parole de l'Union syndicale Solidaires
Clémence Dubois, responsable France de 350.org
Pauline Boyer, porte-parole d'Action Non-Violente COP21
Léa Vavasseur, porte-parole d'Alternatiba
Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au Logement
Lisa Badet, vice-présidente de la FIDL, Le syndicat lycéen
Jeanette Habel, co-présidente de la Fondation Copernic
Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature
Mélanie Luce, présidente de l'UNEF
Héloïse Moreau, présidente de l'UNL (union nationale lycéenne)

Partager cet article
Repost0
24 mars 2020 2 24 /03 /mars /2020 09:33

La mobilisation générale ne saurait justifier un chantage à l’unanimité, surtout quand des décisions pourtant nécessaires ne sont pas prises et que certaines autres pourraient se révéler négatives voire dangereuses alors même qu’elles ne semblent pas justifiées pour affronter efficacement la crise sanitaire.

Ce n’est peut-être pas le moment de tirer le bilan des responsabilités et de l’incurie évidente (voire des mensonges du gouvernement) dans les premières décisions face à l’épidémie de COVID-19, l’impréparation de notre pays à une crise sanitaire et dans la fragilisation de son système hospitalier. Par contre, il est indispensable d'alerter l'opinion sur les graves problèmes qui se posent aujourd’hui (accès aux masques, développement des tests, matériels respiratoires…) ou qui pourraient se poser demain (pénuries de médicaments, approvisionnement) auxquels il faut apporter dès maintenant des solutions. Or lors du débat parlementaire sur les trois projets de lois présenté par le gouvernement, ce dernier a été confus sur la façon de répondre à ces différents enjeux ; il n'a pas convaincu que tout était mobilisé (réquisitions d’entreprises, etc.) pour y arriver, car pour une partie ses priorités étaient ailleurs.

Comment peut-on approuver des lois parfois dangereuses et inutiles pour affronter la crise sanitaire ? L'opposition de gauche (car la droite sénatoriale a plutôt servi les desseins du gouvernement) n'a défendu qu'un seul objectif dans le débat parlementaire : améliorer la capacité des pouvoirs publics à faire face efficacement à l’épidémie actuelle dans le respect de nos cadres démocratique. L’examen de la loi d'urgence a plus aggravé les craintes que réellement fait avancer nos capacités collectives à agir.

En définitive, le rôle et le contrôle du parlement sont excessivement restreints : L'état d'urgence sanitaire est prévu par cette loi pour deux mois (le texte du gouvernement initial était d’un mois) avant prolongation éventuelle (décidée par la loi et donc le Parlement) ; durant ces deux mois, il n'est pas prévu de consultation du Parlement. La durée d'un état d'urgence « classique » décidé par décret n'excédait pourtant jusqu'ici pas douze jours ! Par ailleurs, le gouvernement n’aura aucune obligation légale à informer le Parlement sur les mesures exceptionnelles qu’il prend pendant ces deux premiers mois. Le texte supprime l’information du parlement par l'exécutif et les autorités administratives sur les mesures prises. Lorsque l’information du Parlement est citée dans le texte, en terme très vague, c’est toujours sans modus operandi.

Le gouvernement a refusé la mise en place d’un comité de suivi restreint entre Parlement et exécutif. Pourtant, ce lien entre les représentants du peuple dans leur diversité et le pouvoir est essentiel pour l’adhésion, la confiance des Français et surtout pour l’efficacité de l’action (retours du terrain, échanges et partages des analyses). In fine, il est assez inquiétant que le gouvernement et la droite sénatoriale se soient accordés sur un texte qui crée à l'article 5 un état d'urgence sanitaire où le Parlement est associé pour ensuite écrire à l'article 5bis qu'il déroge aujourd'hui à l'article 5 et rallonge les délais d'état d'urgence et ce sans contrôle parlementaire…

Les droits sociaux sont mis à mal sans réelle utilité ... et les garanties sanitaires des salariés sont mal assurées. Dès le début, le gouvernement a proposé deux remises en cause importantes du droit du travail : la possibilité pour un employeur de mettre d'autorité en congé payé ses salariés (tout cela pour économiser du chômage partiel !) ainsi que de déroger aux 35H, réglementations sur le temps de travail, et autres. Tout cela sans limite dans le temps. Donc vraisemblablement au-delà de la durée de la crise sanitaire que nous traversons. À l’issue du débat, la remise en cause des congés payés est limitée à 6 jours et à la conclusion d’un accord de branche, mais pas le reste, en particulier ce qui relève du temps de travail. Or pendant la crise sanitaire, ces remises en cause ne s’imposent en rien, car, sans l’adhésion des salariés, rien n’est possible… et si certains secteurs sont vitaux, les réquisitions devraient être l’arme absolue, sans compter que les salariés qui travailleraient dans des secteurs stratégiques sont conscients de leurs responsabilités et capables des efforts nécessaires, à condition d’être associés et surtout bien protégés. Dans tous les cas, les organisations syndicales, les Commissions hygiène & sécurité des CSE (qui ont remplacé les CHSCT), auraient dû être systématiquement associées pour agir au mieux. Ce n'est malheureusement pas le cas, nous le paieront cher. Il est inadmissible qu’il n’y ait aucune limite dans le temps à ces mesures, car il se saurait être question d’accepter ces dérogations pour l’après-crise et d'expliquer que le redressement du pays serait conditionné à ces reculs massifs. Notre redressement économique ne peut reposer que sur une stratégie publique massive, un plan de relance, d'une part, avec une conférence sociale tripartite syndicats-patronat-Etat pour définir le cadre social de ce redressement, d'autre part. Il est hors de question que le seul effort qui soit demandé le soit aux seuls salariés et que ce soit une énième occasion de détricoter le code du travail. Le refus du gouvernement de toucher un seul cil de la fiscalité des très hauts revenus ou de rétablir (même temporairement) l'ISF sont des signes inquiétants, qui démontrent bel et bien comme je l'écrivais plus haut que le gouvernement et la droite visent des priorités différentes que la seule résolution de la crise actuelle.

Aujourd'hui, les salariés qui travaillent et qui sont indispensables à la résilience du pays manquent cruellement de protections ! Là devrait pourtant être la priorité absolue. L’injonction de Murielle Penicaud à aller travailler sans hiérarchiser les secteurs à mobiliser, en contradiction avec les messages de confinement, sont inacceptables. D'autant plus que les propositions pour interdire les licenciements dans cette période n’ont pas été acceptées !

Enfin, Les besoins des hôpitaux ont été insuffisamment pris en compte. Le président de la République a répété que les actions nécessaires seraient conduites « quoi qu'il en coûte »... mais alors que des crédits sont à juste titre prévus pour les entreprises, aucun effort budgétaire n’est défini, dans ces lois, pour l’hôpital public qui manque toujours cruellement de moyens. La réalité devant nos yeux est bel et bien que le « quoi qu'il en coûte » n'engage que les naïfs qui croient encore à la parole présidentielle.

L'heure des comptes viendra ! En attendant, sauvez des vies, restez chez vous !

Frédéric Faravel

Partager cet article
Repost0
19 mars 2020 4 19 /03 /mars /2020 09:01
Quelques remarques et inquiétudes sur les lois d'urgence pour lutter contre la propagation de l'épidémie de #COVID_19

Ce matin commence en commission à l'Assemblée nationale le débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020 et au Sénat sur les projets de loi organique et ordinaire pour prendre des mesures d'urgence et faire face à la propagation de l'épidémie de COVID-19.

Passons rapidement sur le projet de loi organique qui concerne les délais de traitement des dossiers soumis au Conseil Constitutionnel car c'est celui qui pose le moins de problème. Actuellement la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est encadrée par des délais devant les juridictions administratives et judiciaires et le Conseil constitutionnel. Ainsi, l'absence d'examen, dans un délai de 3 mois, des QPC soulevées dans le cadre d'un litige devant le Conseil d'État et la Cour de cassation entraînerait le dessaisissement de ces juridictions et la saisine du Conseil constitutionnel. Or le confinement et la crise sanitaire empêchent ces juridictions de se réunir dans un cadre adéquat ce que ces délais puissent être respectés. Aussi, le projet de loi organique prévoit que le délai de 3 mois de transmission des QPC par le Conseil d'État et la Cour de cassation ainsi que le délai de 3 mois dans lequel le Conseil constitutionnel statue sur une question transmise soient suspendus jusqu'au 30 juin 2020.

Concernant le Projet de loi de finance rectificative, sa présentation même était un passage obligé pour pouvoir mettre en oeuvre d’une garantie de l’Etat relative aux prêts consentis par les banques et établissements de crédit, et ceci avec pour un montant maximal de 300 milliards d’euros (Mds€). Ce qui implique une première remarque : Pourquoi les garanties en France ne sont que de 300 Mds€ alors que l'Allemagne monte à 550 Mds€ ? Ils ont 14 millions d'habitants en plus et de meilleurs comptes publics mais est-ce qu'on en est à chipoter au risque de ne pas être à la hauteur ?
D'un point de vue technique, il reste extrêmement lacunaire à quasiment tous les égards et devra s’accompagner d’un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques pour être crédible. Il ne l’est en effet pas à ce stade.
Sur le contenu, le texte manque indéniablement de précision, voire de clarté à plusieurs niveaux et, une nouvelle fois, met en lumière des « décisions » gouvernementales dont la véracité n’est à ce stade pas attesté. Les dépenses réellement engagées par l’Etat seront en toute hypothèse très éloignée des 45 Mds€ annoncés et représenteront un montant pour l’Etat de 15,4 Mds€ si l’on se base sur le référentiel retenu par le gouvernement.

Le projet de loi ordinaire sur les mesures d'urgence et qui crée l'état d'urgence sanitaire pose plus de difficultés. Au regard du caractère inédit de la situation et de l'émotion (légitime) qui en résulte, les mesures qui doivent être prises doivent être exceptionnelles, expérimentales, originales... mais c'est un moment délicat pendant lequel le risque existe de faire passer des mesures excessives et dangereuses à court terme et de créer des précédents douteux à long terme. Notre boussole doit évidemment être l’intérêt général et l’efficacité face à l’épidémie. Cela n'est pas à discuter. Mais il ne peut être question de mettre la démocratie entre parenthèses, ou de confier d'une manière ou d'une autre les pleins pouvoirs à qui que ce soit quel qu’en soit le prétexte. La création d'un "état d'urgence sanitaire" est donc inédit et il conviendrait que le contrôle parlementaire soit renforcé pour assurer le suivi de sa mise en oeuvre et la sortie du dispositif. Le recours aux ordonnances extrêmement nombreuses dans ce projet de loi paraît logique vue l'urgence de la situation, mais elles touchent des champs tellement larges que le contrôle des modifications qui seront opérées du point de vue économique et social sera compliqué sinon impossible après coup. Le Gouvernement nous demande une confiance absolue... Nous sommes pour la confiance méfiante.

En effet, les article 6, 7, 8 et 9 de l'avant projet de loi semblaient initialement particulièrement respectueux du Parlement (limite du décret instituant l'état d'urgence sanitaire, vote d'une loi pour le proroger au-delà de 12 jours, fin de l'EUS en cas de démission du gouvernement ou de dissolution du parlement, information du parlement par le gouvernement de toutes les mesures exceptionnelles prises...) ; or le décret tel qu'il est définit par le projet de loi porte à un mois l'instauration de l'état d'urgence sanitaire sans contrôle réel du parlement ; tout cela dans une période sans possibilité de contrôle juridictionnel de la proportionnalité des mesures. L'article 10 définit ce que l'état d'urgence sanitaire permet au gouvernement : limiter la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et procéder aux réquisitions nécessaires. Ces mesures doivent être proportionnées aux risques encourus et appropriées. Mais il est indiqué "Il est mis fin sans délai aux mesures mentionnées à au premier alinéa dès lors qu’elles ne sont plus nécessaires." Or qui décide ? le gouvernement tout seul ? On peut donc s'interroger ici légitimement sur la façon dont seront conduites les choses...

D'autre part il est à noter que l'article 12  reprend des dispositions déjà existantes concernant les mesures qui peuvent être prises par les représentants de l'Etat dans les territoires et qui existent déjà dans la loi (cf. Article L. 3131-1 du code de la santé publique actuellement en vigueur).

C'est dans la lecture des ordonnances prévues par ce projet de loi que notre interrogation grandit donc, car les mesures envisagées dans le domaine économique et social pourraient ne pas être limitées dans le temps contrairement à ce qui est prévu pour toutes les mesures concernant des sujets de police administrative. Notons encore que la conformité au droit européen n'est d'ailleurs rappelée dans ce projet de loi que pour les questions économiques et sociales et non pour les libertés publiques...

Point commun de toutes ces mesures : on tourne déjà le dos au discours de Macron de jeudi sur le "Quel que soit le coût". L'exécutif choisit donc dans ces domaines de limiter les coûts pour les entreprises au détriment des droits et surtout de la protection des salariés, c'est également une manière de ne pas mettre l'Etat dans une situation où il aurait à indemniser ou soutenir économiquement trop d'entreprises : on fait donc le lien avec un projet de loi de finances rectificative pour 2020 lacunaire, comme nous le disions plus haut, et cela au prix de la sécurité des salariés. Il faut donc regarder à l'article 7 les sous alinéas suivants :

iii) modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis par le livre 1er de la troisième partie du code du travail , les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ;

On veut permettre aux employeurs de contraindre les salariés à poser leurs jours de Congés payés, RTT et d'utiliser leur Compte Epargne Temps dès maintenant.
Les employeurs, qui font déjà pression sur les salariés en ce sens depuis plusieurs jours, vont avoir intérêt à privilégier cette solution, moins chère et contraignante que le recours à l'activité partielle.
Et les salariés n'auront plus de congés au moment de la reprise de l’activité, notamment cet été, pour récupérer d'une période stressante physiquement et psychologiquement.
Cela pose aussi un problème considérable de rupture d'égalité entre salariés, selon que l'entreprise aura ou non déposé un dossier de recours à l'activité partielle, et aussi selon que le recours au télétravail ou à l'arrêt maladie pour garde d'enfant de moins de 16 ans est possible ou non : des congés d'ici la fin de l'année pour les uns, aucun pour les autres.
Enfin, l'expression "modifier les conditions d’acquisition de congés payés" peut également permettre de toucher à la période d'acquisition des CP, en principe aujourd'hui entre le 1
er juillet le 30 juin, afin de permettre aux entreprises de maximiser les congés à prendre dès maintenant.

iv) permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;

Cette mesure générale devant être précisée par ordonnance est très dangereuse. La situation est déjà extrêmement difficile pour ceux qui doivent travailler en présentiel. Va-t-on jusqu'à remettre en cause les durées de repos minimales du droit européen (repos journalier de 13h, hebdo de 24, 48h max hebdo...) ?
On ne peut pas demander aux quelques salariés qui doivent continuer à travailler, pour des raisons évidentes compte tenu de leur activité, de se tuer à la tâche. Il faudrait au contraire les ménager pour qu'ils tiennent dans la durée, organiser les roulements, le repos, etc.

viii) modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique pour leur permettre d’émettre les avis nécessaires dans les délais impartis ;

Tout dépend de ce que contiendront les ordonnances. Si c’est pour suspendre les délais de consultation des Comités sociaux d'Entreprise (CSE) sur les projets en cours, c'est heureux, mais à condition que la mise en œuvre de ces projets d’entreprise soient eux-mêmes suspendus ; mais cela nous paraît assez improbable. Ce sont donc les salariés qui en feront les frais.
Si c'est pour permettre aux entreprises de remettre en cause toute procédure d'information/consultation des CSE, ou pire, toute obligation de les réunir par visio-conférence, c'est dangereux et largement absurde, dans la mesure où il est au contraire indispensable dans la période de réunir les comités pour les associer à la recherche de solutions concertées, intelligentes, sur-mesure, au bénéfice des salariés comme des entreprises. C’est ce que demandent les CSE, les organisations syndicales et à bien des égards les entreprises qui cherchent des solutions intelligentes et adaptées dans la période.

Aucune interpellation, ou rappels à l'ordre, de la part des des salariés, CSE et organisations syndicales dans les entreprises ne peut être prise au sérieux, puisque il n'y a plus de justice et plus d'inspection du travail. Donc pas d'enquête ni inspection dans les entreprises (confinement), et pas de sanction possible pour les manquements. Et les entreprises commencent à bien le comprendre. 
Il reste donc les médias, et la politique, mais évidemment dans les circonstances il va être facile pour les démagogues de dénoncer les alertes des représentants des salariés et de les faire passer pour des caprices puisqu'on garantit le maintien des emplois. 

Nous devons pourtant absolument faire entendre le message qu'il faut protéger ceux qui travaillent parce qu'on a jamais eu autant besoin d'eux. 

Frédéric FARAVEL

Partager cet article
Repost0
16 mars 2020 1 16 /03 /mars /2020 22:30

Au moment où notre pays et nos concitoyens s’apprêtent à vivre une épreuve inédite et complexe pour tenter de surmonter la menace épidémique du #CoVid_19, nous découvrons avec effarement le tract éruptif de Madame Menahouara qui semble faire fi de la situation. Dès dimanche soir, Dominique Lesparre a rappelé qu’il était trop tôt pour indiquer quelle serait la suite de la campagne (ce qui n’empêche pas de considérer qu’il soit logique d’appliquer à gauche le rassemblement autour de la liste arrivée en tête).

Le dépit d’être arrivée seconde explique la violence des propos de la candidate ; le vernis écologique dont elle a badigeonné son discours depuis un an (alors qu’elle a voté les mesures - notamment le Plan Local d'Urbanisme de 2015 - qu’elle dénonce aujourd’hui) masque mal la haine personnelle qu’elle voue au Maire de Bezons.

Normalement quelques semaines de réflexion devraient permettre à cette dame de retrouver le sens commun, la connaissant je n’y compte plus trop... puisqu’aucune des listes de gauche qui ont perdu le premier tour en semble trouver un discours rationnel, le moment venu nous appellerons les Bezonnais.es de gauche, écologistes et progressistes à faire le choix du calme, de la raison et de la sauvegarde de la solidarité en se rassemblant autour de l’équipe Avec Dominique Lesparre, Vivons Bezons.

"Le moment venu"... ce qui veut dire que ce qui compte pour le moment, c'est de vous protéger, de protéger votre famille et donc de respectant les consignes de confinement - bien que désagréables - décrétées lundi 16 mars au soir... Restez chez vous, restez en bonne santé...

Frédéric Faravel

Quand la candidate "PS-EELV" de #Bezons allie irresponsabilité et indécence...
Quand la candidate "PS-EELV" de #Bezons allie irresponsabilité et indécence...
Partager cet article
Repost0