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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

11 juin 2020 4 11 /06 /juin /2020 08:53

Je publie ci-dessous le texte élaboré par la Gauche Républicaine & Socialiste face à la saine prise de conscience globale sur les violences policières et les actes racistes. Je veux cependant apporter mon analyse en introduction à ce texte, intéressant car il permet d'élargir la réflexion au-delà des seuls cas américains et français, pour montrer l'universalité des questions qui sont posées à nous et mettre ainsi à mal les aveuglements volontaires de certains de nos responsables.

Ainsi la mobilisation consécutive à l’assassinat de George Floyd à Minneapolis est nécessaire et salutaire. Elle couvre aujourd’hui toutes les démocraties occidentales et européennes et c’est heureux. Rien ne serait pire cependant qu’elle soit conduite par certains (volontairement) dans une impasse, où l’on n’entendrait plus que le dialogue de sourds entre certains syndicats de policiers – qui ne voudraient jamais remettre en cause des pratiques dévoyées au prétexte qu’attaquer les pommes pourries dans l’institution reviendrait à abattre l’institution elle-même – et certains groupuscules différentialistes – qui profitent de la défaillance de l’institution à reconnaître ses torts et à changer ses pratiques pour imposer dans une partie du public une idéologie raciste issue des dérives mal digérées une minorité de la gauche radicale américaine et mette en cause la République...

La République seule est la réponse : les principes édictés en France dès 1794 (abolition de l'esclavage attachée à la construction même de la République) et 1848 (nouvelle abolition de l'esclavage et définition de celui-ci pour la première fois en Europe et en Amérique comme étant un crime contre l'Humanité) en sont la preuve. Le fait qu’ils aient été trahis à de multiples reprises (soit parce que la République avait été mise à bas, par le consulat de Bonaparte en 1798, par le coup d'Etat de son neveu en 1851 pour établir le Second Empire ; soit parce que les gouvernements républicains eux-mêmes se fourvoyaient, avec la colonisation et les guerres de décolonisation notamment) ne les rendent pas moins pertinents. Les gouvernements et les Hommes politiques sont faillibles, c’est donc de la responsabilité des forces républicaines – a fortiori à gauche – d’assurer la mobilisation permanente pour garantir que les actes de l’institution soient fidèles aux principes républicains. Il est de notre responsabilité de tout faire pour que la Liberté, l’Égalité et la Fraternité soient des réalités concrètes et vécues par chacun de nos concitoyens : la tâche est immense car dans tous les domaines – économiques, sociaux, lutte contre les discriminations, accès à la culture et à l’éducation, égalité femmes-hommes – nous sommes loin du compte ! Des décennies de dérives libérales ont conduit à des dégâts immenses dans la vie quotidienne de nos concitoyens, ont aggravé tous les processus de rupture d’égalité, ont donné du grain à moudre à tous ceux qui haïssent la République (qui est la seule manière dont je conçois la France)...

Sur la question des seules violences policières, après avoir contribué fortement à leur aggravation, l’actuel gouvernement semble avoir pris conscience de la déchirure voire du gouffre qui s’ouvrait devant tous les représentants de la puissance publique ; mais il est resté au milieu du gué (sans doute terrifié de devoir affronter quelques intérêts pour consolider et rénover l’institution policière, car les représentants de ces intérêts sont souvent le dernier rempart physique de ce gouvernement dont l’assise politique a toujours été faible et se réduit chaque jour) et devra proposer plus que quelques belles paroles.

Ainsi, si l'expression de racisme d'Etat est donc impropre en France, le débat sur la définition de "racisme structurel" peut être entendu mais doit faire l'objet de beaucoup de précautions. Le Défenseur des Droits vient de pointer une politique systématique dans un arrondissement de Paris d'arrestations de personnes de couleur ; il considère ici qu'il ne s'agit plus de l'acte d'un individu mais d'une structure, il a également pointé le fait que ses interpellations sur les dysfonctionnements de l'institution n'avaient pas reçu de réponses depuis 5 ans. Soyons clairs, il existe en France une politique ou une stratégie particulière qui a des effets de « racisme institutionnel », c'est celle qui préside aux contrôles d'identité. C'est un cas particulièrement choquant : toutes les études montrent que lorsque vous êtes jeunes, noirs ou d'origine maghrébine, vous avez 10 à 20 fois plus de « chances » d'être contrôlés : cela signifie que 3 ou 4 fois par jour au bas mot une personne de ces catégories peut-être contrôlée, ce qui explique aisément un sentiment de ras-le-bol, de révolte et parfois les propos et les actes qui vont avec (avec les conséquences que l'on peut imaginer). Dans un article, Patrick Weil avait comparé cette situation au code de l'indigénat, qui impliquait des peines spéciales décidées par l'administration coloniale pour les Algériens, qui bien que Français ne bénéficiaient pas pleinement de la citoyenneté du temps de l'Algérie coloniale. Cette pratique s'apparente donc à une peine administrative appliquée à une catégorie de la population qui doit justifier plus que d'autres de son appartenance à la Nation, du fait de son apparence … et cela devant ses amis, devant ses proches, devant les collègues de travail qui eux ne seront pas contrôlés, et le fait que cela se passe également parfois sans témoin n'en diminue pas l'ineptie. Les justifications prétextées pour cette pratique discriminante sont de deux ordres : l'immigration irrégulière et le trafic de stupéfiant... Notre police est affectée pour une trop grande part au contrôle et à la répression du commerce et de la consommation d'une drogue qui est aujourd'hui légale au Canada et dans de nombreux Etats européens et des USA : la marijuana. Ces policiers doivent être affectés à des tâches autrement plus importantes pour l'ordre public, notre sécurité et la concorde civile. Avec cette réforme, l'essentiel des contrôles d'identité et leur justification tendancieuse disparaîtrait. Les fonctionnaires de polices et de gendarmerie ont par ailleurs des moyens matériels et logistiques qui leur manquent cruellement pour faire leur métier correctement ; ils ont besoin d'effectifs suffisants et d'une autre répartition de ceux-ci (car si une certaine gauche dénonce la création de plusieurs milliers de postes de policiers ces derniers elle fait fausse route, le problème n'est pas leur création mais là où ils sont affectés, et pour quelles missions).

La crainte d'une partie du public à l'égard de la police s'est également accrue avec la modification des méthodes de maintien de l'ordre depuis plusieurs années, alors qu'auparavant elle était considérée comme un modèle en Europe et aux Etats-Unis. Les nassages, les grenades explosives, les LBD, la stratégie de pression sur les manifestants conduisent aux débordements qu'ils sont censés éviter. Ce problème ici ne vient pas directement des policiers, mais de la stratégie qu'on leur demande d'appliquer. Les hommes comptent dans ces matières : M. Papon était dans les années 1960 Préfet de police de Paris ; sous son autorité ont eu lieu le Massacre de Charonne et celui des manifestants pro-FLN du 17 octobre 1961. Le Préfet Grimaud qui lui a succédé avait une toute autre politique en matière de maintien de l'ordre, il est évident que de nombreux manifestants de Mai-68 doivent la vie à ce changement de préfet. À un moment, il y a la responsabilité des chefs qui donnent des consignes et des stratégies, et les policiers ne sont souvent que des agents qui doivent obéir aux ordres qui leur ont été donnés (tant qu'ils ne sont pas illégaux). Un gouvernement couvre-t-il la violence policière ? Celle-ci doit se gérer par le Juge ; il est donc sans doute souhaitable que l'inspection de ces services ne soit plus dépendante de l'institution policière elle-même, mais d'une administration indépendante comme le Défenseur des Droits. L'indépendance de l'évaluation policière est un sujet sérieux, d'autant plus qu'il faut également protéger les policiers, qui ont un métier extrêmement difficile, que peu de gens ont envie de faire, qui nécessite tout à la fois maîtrise de soi, connaissance de la loi et possibilité d'user de la violence légitime pour protéger la société... Cette évaluation n'en est pas moins nécessaire mais il faut faire confiance aux institutions judiciaires pour résoudre les actes individuels. Il y a quelques jours le media StreetPress révèle voici quelques jours l'existence d'un groupe facebook privé de quelques 8 000 policiers ou gendarmes radicalement raciste, c'est absolument énorme ; mais pourquoi faut-il que ce soit un organe de presse qui révèle cela ? Les services de renseignements et d'information du ministère de l'intérieur ne les avaient donc pas repérés ? Ils lutteraient contre le radicalisme de tout ordre, mais où sont-ils pour démanteler des groupes radicaux comme celui-là ?

C’est donc à une véritable révolution citoyenne que nous devons soumettre à long terme nos politiques publiques. C’est aussi un effort constant tant culturel que politique que nous devrons conduire pour garantir que l’extrême droite soit combattue dans la police et la gendarmerie, pour que nous puissions compter sans faille sur nos Gardiens de la Paix, pour que les communautaristes et les différentialistes ne puissent plus jamais se planquer derrière une quelconque proximité avec une partie de la gauche et soient politiquement combattus comme les racistes de droite et d’extrême-droite dont ils partagent finalement la vision de la société.

Frédéric FARAVEL

Face à la violence et au racisme, redonner force à la République

Le meurtre de Georges Floyd par quatre policiers de Minneapolis (Minnesota) est la dernière goutte de sang faisant rompre des digues dans les opinions publiques occidentales.

La prise de conscience en cours dépasse le cadre américain et rappelle dans l’universalité de la réponse des jeunesses des sociétés riches les mouvements oubliés contre l’apartheid de l’Afrique du Sud des années 1980.

Ainsi, malgré la conscience du risque pris, alors que la pandémie due au Covid-19 n’est pas finie, des dizaines de milliers de manifestants, jeunes pour la plupart, masqués, ont manifesté partout en Europe contre le racisme et les violences policières : Bruxelles, Londres, Copenhague, Berlin, Munich, Francfort, Hambourg, et même, malgré l’interdiction prononcée par les préfets, à Paris et plusieurs grandes villes de France. À Bristol, une statue de l’esclavagiste Colson a été jeté dans le port.

Tous les cortèges ont en commun de rassembler des jeunes, entre 18 et 35 ans, beaucoup de primo-manifestants, tous habillés de noirs. C’est un mouvement d’opinion qui rebondit sur celui des “Friday” pour le climat. Il démontre un refus de thèses et d’organisations sociales et politiques au cœur du néolibéralisme, et dont le protecteur dévoyé est souvent la police.

Il ne constitue pas encore une alternative, et les contradictions sont nombreuses encore entre tenants de l’universalisme humaniste, et ceux, adhérant paradoxalement à la définition néolibérale d’une humanité divisée en identités et inégalités de nature, privilégiant l’individualisme de la communauté, et niant les solidarités de classe. C’est le piège de ce moment : il y a des libéraux souhaitant le repli individualiste ou communautaire pour nier les classes et les questions sociales ; il y a des faux universalistes souhaitant plonger la tête dans le sable, privilégiant la conservation de l’ordre social à la résolution de sa violence. Les uns ne veulent pas de la République, les autres nient qu’elle soit sociale.

L’Allemagne face aux infiltrations terroristes de sa police

À Berlin, à Munich, à Hambourg, à Nuremberg, dans de nombreuses villes allemandes, les manifestations ont fait le lien entre racisme et violences policières.

Dans ce pays, les policiers doivent prêter serment à la loi fondamentale, qui inclut la déclaration des Droits de l’Homme, et proclame le caractère intangible de la dignité humaine.

À ce titre, il est jugé incompatible avec le service public l’engagement dans des partis et mouvements d’extrême droite tels que le NPD.

Il y a presque dix ans, on découvrait cependant que dix meurtres, neuf immigrés d’origine turcs ou grecs, et une policière, avaient été commis par une cellule terroriste d’extrême droite, la NSU. Tout au long des enquêtes, la police n’avait pourtant jamais prospecté sur cette piste, privilégiant des « règlements de compte entre maffias et clans », se plaignant d’une omerta empêchant le recueil d’informations sur cette maffia, qui n’existait pourtant que dans les préjugés racistes des enquêteurs.

Depuis, les groupements d’extrême droite ont renforcé leurs efforts pour infiltrer la police.

Depuis quelques années, les autorités ne réagissent plus par des enquêtes administratives, comme la France continue elle à le faire avec l’IGPN, juge et partie, mais directement en saisissant les services secrets intérieurs.

C’est ainsi qu’en 2018 un groupe Whatsapp de 40 policiers a été identifié et observé : ces policiers, du Land de Hesse, utilisaient les bases de données de la police pour envoyer des lettres de menaces à des militants antiracistes et des avocats des victimes de la NSU. Suite à une perquisition en février 2020, il a été prouvé que certains de ces fonctionnaires avaient détourné armes et munitions des dépôts policiers en vue de préparer des actions terroristes. Les enquêtes en cours ont entraîné les limogeages immédiats des fonctionnaires concernés.

En France, un tel groupe peut grimper à 8 000 participants !

La co-présidente d’un des partis au gouvernement, le SPD, Saskia Esken, a réclamé hier une grande enquête sur le racisme dans la police. Elle n’est pas seule : les autorités hiérarchiques policières elles-mêmes parlent de combattre le racisme dans leur rang, de renforcer formation et encadrement, de se donner les moyens pour maintenir une police républicaine, loyale au serment à la loi fondamentale.

Samedi, malgré des affrontements en fin de manifestation à Berlin et 93 arrestations, le chef de la police a « remercié » les manifestants « majoritairement pacifiques » et loué leurs efforts pour respecter la distanciation physique – discours si différent d’un Castaner déclarant en janvier 2019 « ceux qui viendront manifester savent qu’ils seront complices des débordements » ou d’un préfet de police indiquant à une manifestante âgée qu’ils n’étaient « pas dans le même camp ».

Une culture de l’impunité est la négation de la République

Ce long développement permet de souligner la culture de l’impunité qui s’est établie en France. Aujourd’hui même, le rapport du Défenseur des Droits la dénonce : en cinq ans, le Défenseur des droits a demandé des poursuites disciplinaires dans trente-six affaires de manquements aux règles de déontologie, sans recevoir de réponse.

La République proclame l’égalité de toutes et tous devant la loi. Cela vaut également pour ceux dépositaires, au nom du peuple souverain, du monopole de l’exercice de la violence légitime. Le peuple républicain attend de sa police protection et service, pour pouvoir jouir des libertés publiques garanties par la constitution.

Cependant, l’exercice de la violence ne reste légitime que s’il est contrôlé, encadré, si les Gardiens de la Paix sont formés et dirigés correctement, si des effectifs et des moyens nécessaires et suffisants permettent d’assurer les missions.

Devenir policier est un engagement au service de la Nation qui peut rendre nécessaire le sacrifice de sa vie pour sauver les autres. C’est un métier difficile, ingrat, à la conjonction de demandes contradictoires, entre des politiques néo-libérales qui veulent gérer à coup de matraque les inégalités sociales, une Nation espérant Protection et Soutien, et des groupes sociaux et politiques s’affranchissant de la République.

Il faut le dire : le gardien de la paix est au cœur du pacte social républicain, comme le professeur, l’infirmière, le militaire, le pompier. C’est pourquoi les attentes sont également particulièrement élevées quant à l’exemplarité de son comportement en fonction. Tout cela implique de garantir l’exemplarité par la sanction immédiate des comportements déviants.

En France cependant, de faux républicains affirment l’infaillibilité de nature de la police.

Républicaine par la force des textes de lois, elle serait sans faute ni tâche. Elle devrait dès lors être soustraite à tout examen de son action, ses fonctionnaires considérés au-dessus de tout soupçon.

Cette culture de l’impunité est entretenue par le rôle prééminent donné à l’IGPN, autorité de contrôle administrative interne.

L’absence de contrôle s’accompagne de la lâcheté hiérarchique. Comment un groupe Facebook a-t-il pu atteindre 8 000 membres sans qu’un seul gradé, face aux centaines de messages racistes et sexistes, n’intervienne ? Comment se peut-il qu’un tel groupe ne soit pas surveillé par la sécurité intérieure ?

Cela s’explique par une raison simple : depuis 2005 au moins, la police est utilisée comme instrument principal de lutte contre les révoltes et les colères sociales, tout en restant une variable d’ajustement budgétaire, dont on réduit toujours les effectifs ou les moyens concrets, poussant ses fonctionnaires à bout, jusqu’aux « épidémies de suicides ».

La hiérarchie policière, versée dans la seule répression sociale, au point d’agresser les journalistes et les parlementaires en manifestation, sous estime le danger d’infiltration des institutions par des groupes et idéologie d’extrême droite souhaitant la guerre civile européenne.

Ces idéologies sont à l’origine des attentats d’Anders Breivik en Norvége en 2011, du tueur de Munich en 2016, du meurtre de la députée travailliste britannique Jo Cox en 2016, des attentats en Allemagne contre des élus, des juifs et des turcs en 2019 et 2020.

Pourquoi une police où les syndicats affiliés à l’extrême droite ont fortement progressé ces dix dernières années serait-elle immunisée face à un phénomène européen ?

L’égalité devant la loi nécessite de remettre les deux moteurs inséparables, la sanction et la formation, au cœur de la réforme de la police républicaine.

Il est insupportable que des personnes, interpellées pour des délits, meurent au moment de leur interpellation, qu’ils s’appellent Traoré ou Chouviat. La doctrine et les techniques d’interpellation doivent changer, l’obligation de secours à la vie redevenir prioritaire à l’accomplissement d’un acte administratif visant à sanctionner un outrage.

Il est contraire à la République que la police ne garantisse plus l’exercice des droits fondamentaux, tel que celui de manifester, de s’exprimer, mais au contraire les en empêche. Ce n’est pas le rôle de la police de décrocher, pendant le confinement, des banderoles d’opposants accrochés à des balcons privés. Il est absolument intolérable que des élus, des journalistes, des syndicalistes, soient des cibles dans les cortèges. Personne ne devrait perdre un œil ou une main dans l’exercice d’un droit fondamental. Il est absolument nécessaire de pourchasser devant la justice tous les actes de violence non proportionnés de membres des forces de l’ordre. Il n’est pas proportionné aux impératifs de maintien de l’ordre d’éborgner, amputer, et blesser des citoyens libres de manifester.

* * *

Aux États-Unis, le Parti Démocrate a annoncé une grande réforme de la police en cas d’alternance. En Allemagne, le plaquage ventral est maintenant interdit. La France, en retard, sous la pression internationale, a annoncé l’interdiction de la prise d’étranglement mais reste dans l’ambiguïté sur le plaquage ventral.

La confiance dans la République et sa police exige à la fois de la réformer, de mieux la former et l’encadrer, et de briser la lâche impunité que lui garantit le pouvoir actuel.

Remettre de la République dans la police, c’est remettre de la République dans la société, et par conséquent, s’attaquer aux conséquences sociales de 40 ans de destruction néolibérale de l’Etat et de la cohésion nationale.

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2 juin 2020 2 02 /06 /juin /2020 14:58

Voici quelques jours, George Floyd est mort d'asphyxie suite à une interpellation particulièrement musclée de la part de policiers. Ce n'est pas une première aux États-Unis où les violences policières causent de manière bien plus fréquente que dans d'autres démocraties des décès nombreux.

Cette fois encore, cette interpellation musclée et mortelle se double d'un contexte raciste, puisque le policier causant la mort était blanc, le citoyen interpellé et décédé étant noir. Les très nombreux cas similaires nous rappellent à quel point le racisme est profondément inscrit dans la société américaine, héritage de l'esclavage puis de la ségrégation qui ne prit fin officiellement qu'un siècle plus tard.

Aujourd'hui encore, la politique sécuritaire et pénitentiaire américaine font des personnes de couleur noire les premières « cibles » d'un appareil judiciaire connu pour être un miroir déformant des inégalités sociales. Cinquante années d'affirmative action n'auront pas permis – au-delà de la constitution d'une bourgeoisie et d'une petite classe moyenne supérieure noire – de rétablir un peu de justice sociale en direction de cette partie de la population américaine, qui souffre d'une somme de handicaps sociaux et économiques sans véritable commune mesure avec son poids réel au sein du peuple américain. La structuration profondément communautariste de la société américaine a fait l'objet d'études nombreuses, sur lesquelles nous ne reviendrons pas ici. Rappelons cependant qu'une partie de la violence et des crimes dont est victime la communauté noire est le fait de certains de ses membres.La mort violente de George Floyd aura été une nouvelle étincelle jetée une fois de plus sur la poudrière raciste des Etats-Unis d'Amérique. Plus encore que précédemment – on se souvient du mouvement #BlackLivesMatter voici quelques années sur fond de meurtres racistes et de violences policières – cet événement dramatique aura libéré une colère et une frustration toujours présentes, souvent contenues, mais jamais absentes et jamais guéries, au sein de la population noire des Etats-Unis d'Amérique. Les mobilisations pour demander justice et la fin des violences policières racistes dépassent largement la seule « communauté noire » comme le démontre les très nombreuses manifestations pacifiques (respectant ainsi la volonté de la famille de la victime) dans de très nombreuses villes américaines ; que quelques unes d'entre elles aient été suivies d'émeutes localisées ne sauraient effacer cette réalité sociale et politique.

"I can't breathe" : le cri de George Floyd, métaphore d'une Amérique étouffée par ses propres démons

Les fanfaronnades du président des Etats-Unis, Donald Trump, n'étonnent malheureusement plus personne avec leur avalanche de démagogie, mépris, de provocations, de discours violents et d'appel à la religion, visant à flatter un électorat pour partie raciste et intégriste. Elles sont plus irresponsables que jamais et donnent l'impression qu'un pompier pyromane siège à la Maison Blanche, qui secouerait un gros baril de fuel au-dessus de la poudrière. Si malheureusement, le caractère pacifique des démonstrations actuelles devaient céder le pas à la violence, il en serait grandement responsable.

Les Etats-Unis d'Amérique ont plus que jamais besoin d'une Révolution civique, pacifique et sociale. D'une certaine manière, c'était ce que proposait aux Américains Bernie Sanders. Ironie de l'histoire, alors qu'il était le seul à proposer les changements concrets qui répondaient aux difficultés profondes des USA et de la population noire, c'est l'électorat démocrate noir âgé (à l'instigation de sa bourgeoisie et sa classe moyenne supérieure qui partage peu sa réalité quotidienne) qui a donné au centriste Joe Biden (comme il l'avait donné à Hillary Clinton) les moyens de distancer définitivement le candidat socialiste dans les primaires démocrates. Il faut donc espérer que le candidat libéral prenne la mesure réelle de la situation et que son soutien aux manifestants pacifiques ne soit pas qu'un simple coup électoraliste : il faudra pour l'emporter en novembre prochain (et gagner le vote de la jeunesse qui se mobilise aujourd'hui) puis pour sortir les Etats-Unis d'Amérique de l'impasse actuelle qu'il muscle économiquement et socialement son discours, et que la lutte sur les discriminations institutionnelles se traduisent en actes concrets, afin de permettre au pays de retrouver la paix civile et sociale et à sa communauté noire de ne plus être la première victime de la pauvreté, du crime et de la violence.

Frédéric Faravel

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28 mai 2020 4 28 /05 /mai /2020 16:10

J'ai rédigé pour la Gauche Républicaine & Socialiste un texte pour saluer la publication du plan de sortie de crise par un collectif de 20 organisations associatives et syndicales, plan qu'elles avaient présenté quelques jours plus tôt à plusieurs mouvements et partis politiques de gauche dont le nôtre.

Je le reproduis ci-dessous. Bonne lecture.

Frédéric Faravel

La France et un monde à reconstruire - à propos du plan de sortie de crise de #PlusJamaisCa

Le 26 mai dernier, les 20 organisations associatives et syndicales (dont la CGT, ATTAC, Greenpeace ou OXFAM France) qui avaient publié fin mars sur le site de France Info la tribune « Plus jamais ça » ont présenté leur plan de sortie de crise intitulé « Plus jamais ça : un monde à reconstruire ! ». Quelques jours plus tôt, ces 20 organisations avaient convié plusieurs mouvements et partis politiques, dont la Gauche Républicaine & Socialiste, pour discuter de leurs propositions et engager une démarche collective de long terme qui prépare « le jour d'après ».

Alors que fleurissent un peu partout tribunes et appels en tout genre, nous considérons le travail engagé par ce collectif particulièrement utile car il cherche à établir des objectifs concrets, plutôt que des déclarations de principes, l'invocation de « valeurs » qui tiennent parfois plus de la posture que de l'engagement. C'est tout l'intérêt de l'intervention directe dans le débat public d'organisations habituées à être dans l'action concrète au quotidien. Nous partageons également la volonté affichée par les membres de ce collectif de tout autant penser aux réalités du « monde avec » (le virus) et à ne pas simplement rêver du « monde d'après ».

Contrairement à ce qu'une certaine presse cherche à démontrer ce plan en 34 points ne pêche en rien par un excès de « radicalité », et quand bien même nous ne voyons pas en quoi la radicalité en matière économique, sociale et écologique constituerait un handicap, tant le cours du monde démontre la nécessité d'une grande bifurcation après des décennies de mondialisation néolibérale et productiviste.

Nous partageons avec ces organisations la conviction qu'il faut d'abord et avant tout garantir les conditions pour un déconfinement assurant la sécurité sanitaire, la démocratie et les droits fondamentaux. En effet, notre pays va devoir s'adapter à une présence durable du virus en espérant que soient identifiés des traitements efficaces et soit découvert un vaccin au plus vite. D'ici là, il faut mobiliser tous les moyens nécessaires pour remettre à niveau notre système de santé mis à mal par des années d'austérité, de protéger nos concitoyens, de reprendre une activité économique afin d'éviter des destructions encore plus fortes d'entreprises et d'emplois. De même, il n'est pas acceptable de faire perdurer des mesures régressives en termes de droit du travail et de libertés publiques, par ailleurs inefficaces pour lutter contre la pandémie ; l'état d'urgence sanitaire doit donc cesser au plus vite.

Face à la crise économique et sociale majeure qui s'annonce à l'échelle de la planète, nous partageons également en bien des points la nécessité de prendre le contrepied de la doxa néolibérale qui a conduit nos sociétés dans le mur, sans favoriser le développement réel d'autres continents qui continuent d'être livrés au pillage et à l'exploitation. La « mondialisation heureuse » a toujours été un mirage toxique : le temps est venu de prendre des mesures concrètes au niveau national, européen et international pour mettre un terme à ce processus délétère. Il est temps de changer la hiérarchie des priorités. L'augmentation des salaires, au premier rang desquels doit se situer le nécessaire rattrapage en matière d'égalité salariale femmes-hommes, l'encadrement des licenciements, la nécessité de garantir des conditions de vie dignes pour tous, l'urgence de transformer nos modèles agricoles et systèmes d'alimentation ou encore la volonté de fonder les relations internationales avec les pays du sud sur de nouvelles bases plus saines et plus décentes : ce sont des orientations incontournables.

Nous nous situons également en phase avec les objectifs en matière de politique financière, monétaire, bancaire et fiscale. Nous nous tenons à la disposition de tous les partenaires de cette démarche pour approfondir les propositions en matière de commerce international et pour poser les bases d'une véritable économie républicaine.

Enfin, dans la même perspective, nous considérons que nous ne pouvons plus remettre à plus tard la question de l'urgence écologique ; trop souvent jusqu'ici les mesures annoncées de manière multilatérale ou nationale se sont avérées être des vœux pieux. Les dirigeants du pays continuent de vanter l'excellence de notre action en rappelant la conclusion sous l'égide de la France de l'Accord de Paris en 2015 : la vérité est toute autre, car notre pays ne cesse de reculer devant les objectifs qu'il s'est fixé tout en faisant reposer le poids des efforts sur les plus fragiles. Il est temps de conduire des politiques d'écologie populaire. La transition écologique est complémentaire avec la création de centaines de milliers d’emplois ; elle doit organiser à une vaste échelle une reconversion professionnelle qui permette de maintenir les emplois actuels, d’en créer de nouveaux, et de qualité ! Le plan présenté le 26 mai suppose, justement, une planification écologique pour ne pas relancer un modèle insoutenable et pour rendre complémentaires ces exigences sociales et écologiques.

Ce plan en 34 points est une première étape prometteuse. Nous souhaitons donc durablement nous inscrire dans cette démarche car nous considérons qu'elle est en cohérence avec deux convictions pratiques et stratégiques qui nous animent : la nécessité de construire un véritable programme commun de gouvernement pour la transformation concrète du pays ; la nécessité de construire, pour le porter au pouvoir et en accompagner la mise en œuvre, d'un nouveau Front populaire, qui mobilise au-delà des seuls partis politiques.

Nous sommes également convaincus qu'il ne suffit pas de rêver du « monde d'après ». Les forces qui nous ont conduits dans l'impasse actuelle ne vont pas gentiment s'écarter pour laisser émerger un monde et une société plus fraternels parce qu'une partie des Français aura été confinée pendant deux mois et que des centaines de milliers d'êtres humains dans le monde auront été victimes du CoVid-19. Au contraire, à bien des égards, dans notre pays et dans le reste du monde, les exemples sont légions indiquant que le choix du libéralisme autoritaire ou même la dérive fasciste pourraient être l'issue du processus. Nous ne pouvons rester les bras ballants. Nous nous tenons donc prêts à poursuivre le travail, pour compléter les 34 mesures déjà proposées et aussi pour réfléchir aux voies et moyens concrets de leur mise en œuvre.

Demain commence aujourd’hui !

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27 mai 2020 3 27 /05 /mai /2020 13:12

Avant de reproduire ici la réponse que j'ai adressé à un ami suite à un commentaire très agressif qu'il avait laissé sous une publication que j'avais postée sur mon mur facebook pour présenter la vidéo d'un YouTubeur (sur)nommé Usul intitulée méchamment « le grand retour de la gauche bourgeoise » (vous pouvez y accéder en cliquant sur le titre), je dois vous présenter le cadre général.

Cette vidéo réagit à la publication d'une tribune signée par une centaine de personnalités publiques, engagées ou non dans un parti politique, et intitulée « Au cœur de la crise, construisons l'avenir » (idem) avec parallèlement le lancement d'une page Facebook et d'un site internet. Malgré sa longue liste de signataires et sa publication le même jour dans Libération et L'Obs, elle n'a pas faite l'unanimité et Marianne a publié un édito intitulé lui « Tribune "construisons l'avenir", le retour de la gauche guimauve » (ibidem)...

Grosse ambiance donc à gauche, où le confinement s'il a permis quelques rencontres en distanciation physique et grâce à zoom ne semble pas avoir encore chassé les vieux démons. Le « déconfinement progressif » est arrivé mais les egos restent chatouilleux. Je me suis donc fendu d'une longue réponse à mon ami Jérôme (qui lui a signé la tribune « construisons l'avenir ») pour lui expliquer ma position, mon recul sur cette affaire, mes tentatives pour tenter de conserver le sens de l'humour, mon agacement face aux postures et arrières pensées des uns et des autres et mon souhait malgré tout cela que nous travaillons sérieusement à un rassemblement fondé sur un programme commun de gouvernement, qui convainque nos concitoyens de renvoyer Macron, Le Pen et la droite dans l'opposition.

Frédéric Faravel

Qu'il sera long et pénible le chemin jusqu'à l'indispensable rassemblement de la #gauche ...

Bonjour Jérôme,

Je t'écris ici pour ne pas ajouter à la polémique que certains estiment devoir engager et ce qui m'étonne, alors que, dans la manière choisie par ma pomme pour présenter cette vidéo, je ne ferme aucune porte (je parle de "présentation caustique" et j'appelle à "se mettre autour de la table"), c'est toi qui tient les propos les plus agressifs (je m'attendais plus à une réaction de ce type chez d'autres, mais non il a fallu que ce soit toi, c'est décevant)... donc je me permets une mise au point comme ça tu auras ma réaction de fond et de forme (les deux se rejoignant) à ce texte "génial" initié par Guillaume Duval (rédacteur en chef d'Alternatives économiques, dont j'ai aujourd'hui vu la réaction) et Christian Paul (ex député PS de la Nièvre)... Plus personne aujourd'hui ne pense autrement qu'en supporteur de club de foot, outre le fait que je n'aime pas le foot, ça commence sérieusement à me gonfler...

Alors, pour commencer...

1- quand je poste une publication je n'engage pas mon organisation politique, quand bien même ce serait un article, un CP, une vidéo, un slogan, une affichette ou un visuel de mon organisation, la présentation que j'en fais m'appartiens... donc à la rigueur sous ce post tu pouvais me demander de revenir sur terre, mais pas à la GRS ou à mes « amis de la GRS » car tu sous-entends, plus que probablement à tort, que cette vidéo a provoqué la même hilarité chez eux que chez moi...

2- Il est quand même assez cocasse de voir à quel point une vidéo dont la tonalité comique ou humoristique n'échapperait à personne d'un peu détaché provoque comme réactions excessives chez vous. Que l'excès participe du comique c'est une chose, l'excès de la colère surjouée quand on se prétend sérieux ne peut selon moi s'expliquer que de deux manières :
a) Usul a fait mouche et les egos ont été flétris et ne le supporte pas ;
b) cette réaction est une mise en scène...

Je penche pour la première – ne serait-ce que parce que je ne crois pas que Guillaume Duval et toi participiez aux travers que je pointerai plus bas. Et puis, franchement, Jérôme, je suis moi-même de cette « gauche bourgeoise » que ce youtubeur dénonce, j'ai ri de voir certaines de nos petites manies ou déformations quasi-professionnelles tournées en ridicule... faut aussi savoir prendre du recul par rapport à ça, si tu t'es senti visé je me suis senti visé aussi, mais je ne le prends pas comme toi... et puis j'avoue partager, soit dit en passant, cette idée que je reprends dans la présentation que je fais de la vidéo, cette consternation de voir que l'écologie devient comme l'Europe autrefois le cache sexe de gens qui souvent n'ont plus grand chose à raconter (je ne te range, pas plus que la majorité des signataires de la tribune, pas dans cette catégorie, mais quand je l'ai lue avant même sa publication c'est une des premières réactions que j'ai eues)...

Qu'il sera long et pénible le chemin jusqu'à l'indispensable rassemblement de la #gauche ...

3- il y a un truc très gênant dans ce qui se passe et dans ce que cette tribune implique... c'est peut-être involontaire (voire même cela va à l'encontre de leur intention d'origine) de la part de Guillaume et Christian, mais quand même...

La présentation qui en est faite depuis le départ donne la fâcheuse impression que c'est un aboutissement plutôt qu'un point de départ. C'est un peu gonflé et d'une certaine manière ça dirait pas mal de choses sur la très très très haute et définitive opinion que vous auriez de tout ce qui sort de votre plume. Ainsi « on » donne à croire qu'il y a ceux qui en sont et ceux qui n'en seraient pas, et que les seconds auraient raté le coche. Peu importe les critiques qu'on pourrait faire de bonne foi, et de la démarche, et du fond du texte, nous serions marqués d'un stigmate, qui entacherait en général notre capacité future à participer à des initiatives collectives... parce que tu m'excuseras, Jérôme, d'y faire un peu attention, mais c'est exactement comme ça que le présentent les entourages d'Olivier Faure et de Yannick Jadot et que Le Monde le présente régulièrement. J'ai même lu (alors là je ne me souviens plus si c'était dans le quotidien du soir ou pas) dans un média lu dans notre milieu de la « gauche bourgeoise » les explications complaisantes et mensongères relayées par ces entourages concernant les raisons qui auraient poussé certain(e)s à ne pas signer.

Je vais te dire un truc : nous sommes à la GRS très attentifs à l'initiative #PlusJamaisCa avec OXFAM, la CGT, ATTAC, Greenpeace... nous avons salué dès le départ cette initiative, par contre nous avons trouvé que le texte qu'ils avaient publié pour le 1er mai ne nous correspondait pas, nous n'avons donc pas voulu nous y associer et nous avons publié le nôtre ; cela ne nous empêche pas d'avoir participé à la dernière réunion qu'ils ont organisée... Là encore, la façon dont Le Monde présente les choses (« LFI et le NPA refusent de s'y associer » et sans citer la position d'autres partis autour de la table) est mensongère ; je ne vais pas m'engager pour LFI, je n'en suis pas membre, mais LFI à ce que j'en sais compte bien discuter tranquillement avec ces organisations sans que sa signature soit acquise de principe à l'avance... à ce que je sache, le texte a été publié avec les signatures des seules associations et syndicats, les délais pour réfléchir et discuter côté politique ne sont pas écoulés.

Je suis donc profondément amer par cette façon de faire pour s'assurer qu'on consolide deux blocs politiques antagonistes au sein de la gauche, sans être dupe des responsabilités tout aussi éminentes de LFI dans cette situation...

Qu'il sera long et pénible le chemin jusqu'à l'indispensable rassemblement de la #gauche ...

4- Peut-on considérer calmement qu'on a le droit de trouver ce texte mal foutu voire mauvais ? Sans que cela empêche toute autre initiative mieux ficelée et surtout un futur travail programmatique que j'appelle de mes vœux.

Car pour faire des comparaisons historiques (j'ai ce débat régulièrement avec d'autres personnes : non je ne pense pas que le choses doivent se reproduire à l'identique pour l'avenir) je préfère mener un tout de suite un travail de cette sorte plutôt que de le précéder par un débat visant à « réduire les écarts idéologiques » et de le conditionner à cette « réduction ». Par expérience, je sais que ces discussions sur le sexe des anges sont stériles ; soit on considère qu'on est grosso modo dans le même camp et on travaille ensemble sur un programme commun de gouvernement (dont l'élaboration ne doit selon moi pas se limiter aux seuls partis politiques), soit non... mais cela signifie qu'il faut dès le départ discuter de choses concrètes, lister sur ces questions concrètes des points d'accord et de désaccord et choisir de privilégier la mise en application de réponses concrètes sur lesquelles on s'accorde.

Faire précéder cela d'une discussion générale sur les « valeurs » et les « bonnes intentions » ne sert à RIEN. Je me souviens de 1995 dans ma commune de l'époque où il avait fallu purger toute une discussion absconse et conflictuelle sur l'histoire de la gauche française au risque de s'engueuler et de claquer la porte avant de pouvoir discuter sérieusement d'un programme municipal commun : une fois venu cette discussion enfin concrète, les difficultés s'étaient singulièrement aplanies (cette remarque pour illustrer que ma réflexion n'est pas qu'en chambre ou hors sol en faisant référence au congrès d'Epinay du PS en 1971 que je n'ai pas vécu).

Comprenons nous bien : quand j'ai lu (avant sa publication) la tribune initiée par Guillaume et Christian (j'avoue ne pas connaître le tout premier texte martyre dans ce processus), j'ai eu la désagréable impression de me retrouver devant une motion majoritaire d'un congrès du PS dans les années 2000 ou 2010. Beaucoup de phrases toutes faites, beaucoup de passages qui contredisent d'autres passages, beaucoup d'invocation à des « valeurs » un peu trop évanescentes. Oui je l'avoue le discours sur les « valeurs » (encore un truc où sémantiquement nous nous sommes faits piéger collectivement par la droite sans même chercher à faire de la triangulation) « m'emmerde ». Ça fait donc des années que je ne veux plus signer ce type de texte – et je me suis réinterrogé à cette occasion sur le rapport avantages/inconvénients sans revenir sur mon principe finalement.

Remarque complémentaire sur le fait que lorsque je poste une publication sur facebook, elle n'engage pas automatiquement tous mes amis politiques ou mon parti : tu auras remarqué que les organisations en tant que telles ne signent pas votre tribune, cela n'a pas empêché – et d'ailleurs personne ne le leur reproche ni en interne ni publiquement – certains de nos responsables de la signer. Cela n'empêche pas notre direction politique de continuer à échanger avec les initiateurs. Ceux des membres de la GRS qui l'ont signée (nous en avons discuté) ne sont pas moins critiques sur la qualité de ce texte, voire même le jugent « très mauvais » ; ils ont juste fait un autre choix que le mien en examinant le rapport avantages/inconvénients... tu pourras noter également que ni Fabien Roussel (secrétaire national du PCF), ni Julien Bayou (secrétaire national d'EELV), ni David Cormand (député européen, ex secrétaire national d'EELV) n'ont signé cette tribune, qu'il y a peut-être quelques raisons à cela et qu'il ne faut pas jeter d'opprobre sur d'autres qui ont refusé de signer parfois pour les mêmes raisons.

Tu vois on n'est pas des bêtes, on discute avec tout le monde, vraiment tout le monde … ce qui n'est pas le cas de tout le monde malheureusement...

Qu'il sera long et pénible le chemin jusqu'à l'indispensable rassemblement de la #gauche ...

5- je conclurai ici par des considérations plus politiciennes tu m'en excuseras.

Mais je crains que cette initiative ait échappé à ces initiateurs et promoteurs les plus sincères, en tout cas les plus dénués d'arrière-pensées. C'est parfois une bonne chose : cette initiative aurait pu être tout d'un coup saisie par des centaines de milliers de citoyens, déclenchant une dynamique politique qui les dépasse. Ce n'est pas le cas... mais ce n'est pas grave non plus, cette tribune sera une des briques, parmi mille autres, qui servira à une construction future, mais elle n'est pas LA construction future.

Pour moi (je peux me tromper évidemment), elle a échappé à ses auteurs en étant captée de la plus mauvaise manière : telle que la presse a fini par la présenter, telle que la presse a fini par en réécrire la genèse, elle est devenue la chose de MM. Jadot et Faure. Elle est devenue leur outil pour cristalliser et consolider l'idée de deux blocs en confrontation à gauche, comme certains avaient théorisé voici quelques années les « gauches irréconciliables ».

Je ne suis pas dupe ni aveugle au point de considérer que la stratégie de LFI serait étrangère à la constitution de ces deux blocs. Pour ceux qui comme nous cherchent à mettre tout le monde autour de la table c'est « 1 partout, la balle au centre ». C'est pourquoi j'insiste encore sur ce que je disais dans le point précédent : il faut travailler sur du concret, pas sur des « valeurs »... Les groupes parlementaires LFI, GDR et "socialistes & apparentés" arrivent à s'entendre sur des résolutions et motions communes à l'Assemblée, parce que c'est du pratique !

Par contre, je demande à tous qu'on arrête de mettre des oukases sur les uns et les autres, pour ensuite dire qu'ils ont fait bande à part et que ce sont des salauds ! Je ne suis pas un haut dirigeant politique, tout le monde se fout de mon avis, donc j'en parle d'autant plus librement que je ne suis pas totalement coupé des informations et des processus en cours... Le PCF a fait des propositions d'amendements à ce texte ; elles ont été refusées ce qui explique (peut-être) que Fabien Roussel ne soit pas signataire... Certains aussi ont pu considérer que ce texte confortait un peu trop le tropisme centre-écologiste de Yannick Jadot, avec parmi les signataires des personnalités dont la clarté vis-à-vis de la politique conduite par Emmauel Macron est franchement douteuse, le même Jadot refusant encore dernièrement sur un plateau de TV de se situer dans l'opposition ; cela explique peut-être que Ruffin, Autain, Bayou ou Cormand n'en soient pas signataires, plutôt que les assertions de l'entourage d'Olivier Faure dans la presse indiquant pour les deux premiers qu'ils auraient été terrorisés par Jean-Luc Mélenchon (Ruffin terrorisé par Mélenchon, y a de quoi se marrer).

Quitte à essuyer un refus, il eut été assez simple d'envoyer officiellement le texte à LFI, cela n'a pas été le cas, il est arrivé par d'autres biais. Aujourd'hui LFI n'a même plus besoin de refuser de participer à une initiative, certains refusent a priori de chercher à les y associer, non parce qu'ils craignent un refus mais par principes... Tout cela a d'ailleurs amené quelques personnes à regretter leur signature à cette tribune...

Personne n'est blanc dans ces différentes affaires ! Exemple : que Bayou dise ses 4 vérités à Méluche dans le JDD ne me dérangeait absolument pas, parfois il faut se dire les choses et je partageais quelques unes de ses saillies... mais la façon dont a été amenée l'université de rentrée "commune" fut très maladroite, entre ostracisme et volonté de diriger hégémoniquement le processus. J'ai remarqué qu'ils avaient mis un peu d'eau dans leur vin depuis quelques jours, c'est bien. Mais pourquoi EELV a-t-elle donc refusé d'entrée de jeu de participer à l'initiative que nous avions prise avec « Déconfinons le Débat » (tu devrais aller regarder c'était chouette) ? Et quand, une semaine avant, le PS a lancé une initiative "commune" sur l'abrogation des décrets de réforme de l'assurance chômage, on a été un peu surpris de découvrir que tout le monde y participait sauf nous, alors qu'on n'avait même pas été sollicités (que l'on ne nous rétorque pas qu'on serait trop petit, GDS est dedans) et qu'on discutait avec les responsables du PS tous les jours !

Donc oui tout cela est un peu compliqué et oui l'accusation d'ostracisme à l'égard de la FI est fondée. Je trouve cette stratégie stupide et suicidaire, tout comme je trouve stupides et suicidaires tous les obstacles qu'y mettent de leur côté une large partie des dirigeants de LFI. En conclusion, tu comprendras, cher Jérôme, que je sois très au-delà des réactions excessives que suscitent ma publication. Comme je le disais en conclusion de celle-ci, il est temps de se mettre sérieusement autour de la table, tout le reste, tout le reste !, c'est l'écume des choses.

Frédéric Faravel

Usul vs la "gauche bourgeoise" ... brrrrrrrrrr, un vrai thriller !...

Usul vs la "gauche bourgeoise" ... brrrrrrrrrr, un vrai thriller !...

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22 mai 2020 5 22 /05 /mai /2020 15:20

Dès le 16 mars 2020, la commune de Bezons a été confrontée comme tout le pays au confinement et aux conséquences de la crise sanitaire provoquée par la propagation du COVID-19. Cette crise n'a pas seulement causé des contaminations et des décès douloureux (ils sont peu nombreux à l'échelle d'une commune mais représentent toujours un drame humain), elle a été un facteur d'aggravation de la crise économique et sociale, plongeant des dizaines de familles en difficulté dans la précarité totale, compliquant pour toutes et tous notre quotidien.

Pendant deux mois, Dominique Lesparre et quelques adjoints au Maire (Florelle Prio, Arnaud Gibert, Nadia Aouchiche, Catherine Pinard, Martin Lolo et Françoise Salvaire) encore actifs - avec les cadres et agents municipaux fortement mobilisés - ont tenu bon au service de tous les Bezonnais, pour faire vivre la solidarité, assurer le maintien des services publics essentiels dans un cadre très contraints, coordonner l'action avec les commerçants et les supermarchés, soutenir les associations et leurs initiatives ; ils ont fait face.

Merci au Maire, à son équipe, aux fonctionnaires et à tous les agents publics pour leur action. On aurait aimé que tous les élus soient aussi consciencieux...

Alors, #MerciDominique

Frédéric Faravel

L'action municipale de #Bezons avec Dominique Lesparre et son équipe pendant 2 mois face au #COVID19 au service des Bezonnais
L'action municipale de #Bezons avec Dominique Lesparre et son équipe pendant 2 mois face au #COVID19 au service des Bezonnais
L'action municipale de #Bezons avec Dominique Lesparre et son équipe pendant 2 mois face au #COVID19 au service des Bezonnais
L'action municipale de #Bezons avec Dominique Lesparre et son équipe pendant 2 mois face au #COVID19 au service des Bezonnais
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22 mai 2020 5 22 /05 /mai /2020 09:54

J'ai donné voici quelques jours un entretien à Jérôme Vallette pour le mensuel ComPol - mensuel jumeau de Courrier Cab - dont l'objet était la comparaison entre vecteurs et finalités de la communication politique soit au service d'un maire, soit au service d'un(e) parlementaire. Deux expériences dont je peux témoigner, comme fonctionnaire territorial, ancien Directeur de Cabinet d'un maire d'une commune de 30.000 habitants et comme collaborateur parlementaire.

Vous trouverez ci-dessous le résultat de cet entretien qui vient de paraître officiellement aujourd'hui, et téléchargeable ici gratuitement pendant la période d'état d'urgence sanitaire, dans le n° 133 de ComPol. J'aurais aimé avoir plus d'espace pour développer ma pensée que j'ai été contraint de condenser excessivement. Je prendrai vos commentaires pour y réfléchir.

Frédéric FARAVEL

Entretien pour le mensuel COMPOL (mai 2020) : « Nous avons un travail en amont de conseil, d'échanges et d'analyse »

Vous avez été collaborateur parlementaire à l’Assemblée mais aussi dircab [Directeur de cabinet]. Quelles sont les différences sur le plan de la compol [communication politique] ?

À l'Assemblée nationale je n'avais pas de missions de ce type et c'était il y a plus de 15 ans.

Au service d'un maire, il y a d'abord une dimension institutionnelle, la collectivité ayant des outils de communication qui sont avant tout un service public que je n'ai pas trouvé au Sénat. Au Sénat, le biais institutionnel n'existait pas pour nous, même lorsque Mme Lienemann était vice-présidente, nous n'avons pas utilisé d'outils institutionnels. Si certains sénateurs doivent jouer de leur écharpe pour communiquer, Mme Lienemann est identifiée pour elle-même. La personnalité de l'élu.e joue énormément. À Guyancourt, le maire n'avait pas d'ambition personnelle et voulait avant tout bien agir pour sa collectivité et ses administrés, la voie institutionnelle était donc surexploitée ; les moments forts étaient la rédaction des discours, un travail chronophage et stressant… Mais les résultats étaient souvent gratifiants : un ministre nous avait félicités pour avoir fait passer des messages politiques forts sans sortir du cadre légal à la veille des municipales. La longévité politique de Mme Lienemann et son expérience en responsabilité n'ont pas entamé son agilité intellectuelle, sa volonté d'aller au fond des dossiers pour être force de proposition, et sa capacité d'indignation. Elle écrit ses interventions orales elle-même… quand elle les écrit. Elle gère aussi en grande partie ses relations presse. Nous avons un travail en amont de conseil, d'échanges et d'analyse, nous écrivons des articles en suivant ses consignes et commandes. Et en aval, une forme de service après-vente sur les supports numériques.

Quelles sont les «cibles» des sénateurs ?

Difficile à dire… Mme Lienemann n'est pas une sénatrice ordinaire. Elle s'adresse à tout le monde et le poids des grands électeurs est relatif à Paris. Qu'importe le mode d'élection ou le type de Chambre, elle aborde l'élaboration de la loi pour la nation et les “citoyen.ne.s” ; ça ne l'empêche pas de savoir prendre en compte les préoccupations des collectivités (avec des idées très précises sur la décentralisation) ou de divers corps intermédiaires (voir son implication dans le monde HLM). Mais sa cible ce sont les “Français.e.s”.

Quels outils de com’ avez-vous mis en place depuis votre prise de fonction ?

En 2014, le site Internet était le principal support. Nous avions une page Facebook et un compte Twitter. Elle avait aussi un profil Facebook personnel. Nous avions un outil numérique performant pour les newsletters qui sont devenues hebdomadaires. Nous avons développé la régularité et normalisé les publications sur sa page pour créer des habitudes qui fidélisent et augmentent son auditoire. Le recours à l'image et à la vidéo pour illustrer son message s'est développé sur la page puis sur Twitter. Nous avons eu recours à des prestataires, mais aujourd'hui nous produisons nous-mêmes l'essentiel. Elle intervient en plus totalement spontanément sur Twitter et son profil personnel. Nous avons créé une chaîne YouTube, reflet de son activité parlementaire et de ses convictions (à travers les médias ou sans eux). Nous avons normalisé ses communiqués de presse avec l'outil newsletters. Tout cela nourrit ses newsletters dont le fichier de destinataires a été fortement développé.

ComPol n°133 à télécharger au format PDF

L’outil numérique est-il désormais le canal principal d’expression d’un parlementaire ?

Nous ne produisons quasiment plus de papier… Nous avons investi dans l'outil vidéo, y compris en matériel, pour valoriser son action parlementaire, ses propositions et convictions.

C'est un vecteur qui touche plus facilement le grand public qui ne supporte plus les textes longs et rébarbatifs. C'est donc pratique, y compris quand on veut exprimer une pensée complexe. Attention à ne pas tomber dans le piège de l'appel aux émotions. Il ne faut pas abandonner l'écrit pour autant ; nous avons publié des fascicules numériques assez denses. Le tout vidéo m'inquiéterait un peu…

Votre élue est une figure de la vie politique qui a récemment monté un nouveau parti. Est-ce que cela a changé sa stratégie de com’ ?

Mme Lienemann est une femme libre avec de fortes convictions. Si elle a respecté le cadre du PS, où elle a milité de 1971 à 2018, elle n'a jamais demandé la permission pour s'exprimer, surtout quand le PS a viré social-libéral. La création de la Gauche républicaine & socialiste, avec Emmanuel Maurel et bien d'autres, rend juste encore plus cohérente son expression et son appartenance partisane. Je pense même que, comme Emmanuel, sa communication politique a permis de valoriser la GRS.

On voit fleurir les tribunes collectives. Ces procédés sont-ils adaptés à l’époque ?

Notre pays cherche une alternative au duo Macron/Le Pen ; la crise en a renforcé la nécessité. Ce n'est pas simple… Un parti politique doit produire des slogans, des actions, mais aussi de l'idéologie. On a trop souvent des appels creux, illisibles et bourrés de contradictions : « au cœur de la crise, construisons l'avenir » en est la caricature. Mais il ne faut pas être défaitiste. Il arrive que certaines de ces tribunes soient des moments d'élaboration idéologique et surtout d'affirmation de convergences politiques pour prétendre agir. Un parlementaire fabrique la loi (théoriquement), mais il n'existe pas de bonne loi en soi. Cela dépend de la vision politique qu'on a de la société et du monde. Un parlementaire doit assumer que ses choix, pour transformer le réel, sont aussi fonction de principes et d'idéologie.

PROPOS RECUEILLIS PAR J. V.

l'entretien page 5 au format image

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12 mai 2020 2 12 /05 /mai /2020 13:08

Lundi 11 mai 2020, j'animais le webinaire proposé par la page facebook "Ne les laissons plus faire !" qui avait invité Nicolas Glière, professeur de français et membre des "Stylos rouges", pour échanger sur la façon dont avaient été gérés la crise sanitaire et le confinement par l'éducation nationale, la façon dont avait été très mal engagée le déconfinement et la réouverture des établissements scolaires, la situation de l'école en France et ce qu'il conviendrait de faire après.

Je tiens à préciser que les propos tenus par les uns et par les autres n'engagent qu'eux-mêmes et que je ne partage pas forcément ce qui a pu être dit sur certains points par l'intervenant principal. Ainsi pour ma part je continue de considérer que la question d'un retour le plus tôt possible des élèves à une scolarité normale est un objectif urgent, et qu'il convient pour cela que l'Etat réunisse les conditions pour le rendre possible, plutôt que de se décharger sur les collectivités et leurs autorités territoriales d'une part et les parents d'élèves d'autre part.

Frédéric Faravel

Voici mes propos introductifs pour lancer le webinaire avec Nicolas Glière :

"Bonjour à toutes et à tous,
Bienvenus pour le septième webinaire organisé par "Ne les laissons plus faire !". Aujourd'hui, c'est le 11 mai 2020 et on ne pouvais pas ne pas parler du début du processus de déconfinement progressif.

Il y aurait évidemment plusieurs webinaires à faire sur le sujet, mais nous avons choisi de nous concentrer sur le déconfinement scolaire.

Alors, dès l'annonce de l'horizon du 11 mai par le président de la République, on a soupçonné que la réouverture des écoles était invoquée avant tout pour faciliter le retour au travail des parents, l'argument social et du décrochage servant de prétexte plus que d'objectifs réels.

Les jours qui suivirent n'ont pas rassuré : on a vu un ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, Jean-Michel Blanquer, totalement pris au dépourvu ; on a vu le gouvernement demander 10 jours pour présenter un plan qui finira d'ailleurs par contredire une partie des annonces que le ministre avait faites entre temps ; on a entendu enfin que le retour à l'école se ferait sur la base du volontariat, tant des familles que des communes, en rupture complète avec la logique républicaine...

Tout cela sur fond d'une inquiétude légitime bien sûr, mais qui parfois sur les réseaux sociaux tournaient à la psychose, des enseignants, des parents d'élèves et des élus... Le protocole élaboré par l'Etat pour encadrer la réouverture des établissements s'est avéré souvent inapplicable pour nombre de collectivités territoriales, qui ont pour cette raison demandé ou décidé son report... Les tous derniers arbitrages se faisant dans la semaine précédant le 11 mai, nombre d'inspection d'académie n'avaient pas les réponses aux questions posées par les municipalités. Résultat... dans le Val-d'Oise par exemple, Le Parisien annonce que 80% des élèves ne seraient pas revenus en classe le 11 mai.

Pourtant, la question sociale, la question du décrochage et la question de l'isolement des élèves (qui sont d'abord des enfants) font bien partie du problème à résoudre. En septembre prochain, le virus sera toujours là et on a du mal à imaginer que la rentrée scolaire puisse se dérouler dans des conditions aussi dégradées que celles qui nous sont proposées aujourd'hui."

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6 mai 2020 3 06 /05 /mai /2020 17:00

La France est progressivement entrée le vendredi 13 mars 2020 par la fermeture des écoles, bars, cafés et restaurants, puis le mardi 17 mars pour l'ensemble de la population, dans la stratégie du confinement pour tenter de contenir la contamination et les décès qui en découleraient.

Or la crise du CoVid-19 a d’abord percuté nos sociétés parce que nous avions collectivement baissé tous les niveaux de prévention et tous les outils dont nous disposions avant la cure néolibérale pour y faire face. Le confinement a été ordonné non parce que c’était la seule manière de lutter contre l’épidémie mais parce que nous n’avions plus d’autres choix après l’incurie des choix politiques des 20 dernières années.

La baisse des moyens de l’hôpital se traduisant par la baisse du nombre de lits de réanimation et de lits en général nous laissait collectivement vulnérables face à une vague qui aurait pu submerger l'hôpital public. La délocalisation des industries pharmaceutiques – non qu'elle ait été décidée par les gouvernements eux-mêmes mais qu'ils n'ont rien fait pour l'empêcher – nous a également rendus vulnérables aux ruptures de chaînes d'approvisionnement, nos importations de médicaments et de principes actifs provenant essentiellement d'Inde et de Chine, pays tous deux fortement touchés par l'épidémie. Une large « littérature » tant parlementaire que professionnelle existait avant la pandémie sur les causes, les risques et les effets des pénuries de médicaments ; nous en avons fait les frais de manière ô combien dramatique ces dernières semaines, les stocks des hôpitaux fondant comme neige au soleil avec la plus grande peine pour les renouveler.

Ces défaillances révélées par la crise sanitaire actuelle sont évidemment la conséquence de choix politiques ; ce sera aux citoyens le moment venu de dire quelles conclusions ils en tirent et s'ils sanctionnent le gouvernement actuel et sa majorité parlementaire qui, dans la continuité des gouvernements précédents, ont choisi de poursuivre l'austérité en matière de politique de santé et de mener une politique industrielle défaillante.

Mentir n'est pas un choix politique

Si elle est également le résultat d'une absence de politique industrielle, la pénurie de masques (de tout type) et le manque de réactivité dans les dispositifs de tests de dépistage ne relèvent pas du même ordre que les considérations précédentes.

CoVid-19, confinement, déconfinement : comprendre, avancer et redresser

Le gouvernement n'avait pas de manière transparente informé les Français et leurs représentants de l'abandon de la stratégie de prévention décidée progressivement de 2003 à 2010 sous les ministères de Philippe Douste-Blazy, Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot (qui en parallèle avait posé les bases des difficultés de l'hôpital public dont nous faisons les frais aujourd'hui... qu'elle ne se sente pas exonérée de toute responsabilité) lors des précédentes menaces épidémiques : à partir du quinquennat de François Hollande, puis sous celui d'Emmanuel Macron, les gouvernements de Manuel Valls et d'Edouard Philippe – Marisol Touraine puis Agnès Buzyn étant ministres de la Santé – ont abandonné le renouvellement des stocks de masques chirurgicaux et FFP2. En 2011, la France pouvait compter sur un stock de 600 millions pour les seuls masques FFP2 ; en février-mars 2020, elle n'en avait plus au maximum que 100 millions, ce qui était très largement insuffisants pour affronter l'épidémie même en les réservant aux soignants. Parallèlement le choix de s'en remettre à l'importation pour répondre aux besoins provoquait l'effondrement des commandes de l'Etat aux entreprises françaises ; c'est par exemple une des raisons pour lesquelles Honeywell a décidé de fermer en 2018 l'usine de Plaintel dans les Côtes-d'Armor qui produisait en 2010 quelques 200 millions de masques FFP2 par jour et qu'on a aujourd'hui le plus grand mal à relancer (https://bit.ly/2WmPkii ; https://bit.ly/2SxTcvQ ; https://bit.ly/2zWfyk6).

De même, l'entretien donné au Monde le 17 mars 2020 par Agnès Buzyn (https://bit.ly/2WmRi1X) jette un certain trouble lorsqu'elle affirme qu'elle avait prévenu le gouvernement de la gravité de la situation et qu'elle savait que les élections municipales ne pourraient se tenir. Si ces déclarations sont sincères, plusieurs questions se posent : d'abord sur le sens des responsabilités personnelles de Mme Buzyn, puisque, bien que « sachant » la gravité de la situation, elle indique dans le même entretien avoir réclamé de conduire les listes LREM à Paris pour prendre la suite de Benjamin Grivaux, tout en sachant donc que les municipales n'iraient pas au bout (!?). Or donc si le gouvernement était informé de la situation, Agnès Buzyn aura donc menti sciemment et publiquement à plusieurs reprises en niant la gravité de la situation ; le gouvernement et le président de la République auront menti jeudi 12 mars 2020 aux responsables des partis représentés au parlement en expliquant qu'il n'existait aucune contre-indication à tenir le premier tour des élections municipales le dimanche 15 mars ; les membres du gouvernement auront menti tout au long des mois de janvier à avril en indiquant aux Français que les stocks de masques étaient suffisants et que les masques pour l'ensemble de la population n'étaient pas utiles, alors qu'un rapport de l'Inspection Générale de l'Administration préconisait le contraire dès 2005 (https://bit.ly/2SAz5gt) – ce même rapport servant de base aux politiques de précaution mises en œuvre par la suite.

Ces mensonges dans l'action publique ne pourront évidemment pas uniquement se solder par une éventuelle sanction électorale ; il est plus que probable que de nombreuses procédures juridiques seront engagées pour mesurer et sanctionner le cas échéant. Nous ne sommes pas encore dans ce temps, mais dans celui où, confrontés aux différents mensonges du gouvernement, les citoyens français – déjà terriblement sceptiques vis-à-vis des responsables politiques – éprouvent une défiance désormais radicale à l'égard de la parole publique.

La défiance conduit à la panique, qui empêche la décision politique

La stratégie de confinement n’a sans doute pas sauvé plus de personnes que si nous avions choisi de conserver les moyens dont nous disposions auparavant, mais c'était sans doute la seule qui restait pour éviter une submersion des hôpitaux en l'absence de masques pour tous et de tests massifs.

CoVid-19, confinement, déconfinement : comprendre, avancer et redresser

Désormais l’absence de confiance des citoyens dans l’action et la parole publiques rend même le déconfinement difficilement gérable car le gouvernement a généré un effet de panique irrationnelle dans la population. Cette défiance implique que chaque information rassurante est mise en doute ou peu intégrée – comme celle qui expliquait voici quelques jours que les enfants souvent porteurs sains n'étaient finalement pas fortement contagieux ; par contre, le lendemain, l'annonce par l'hôpital Necker d'une vingtaine de cas en Île-de-France d'affection enfantine similaire au syndrome de Kawazacki et d'un lien possible avec le CoVid-19 (lien confirmé depuis), après des alertes semblables en Grande-Bretagne, a provoqué une sorte d'angoisse généralisée par le biais des réseaux sociaux, entraînant une hausse de la revendication populaire de reporter la réouverture des écoles primaires ou d'avoir la droit de ne pas amener ses enfants à l'école à partir du 11 mai 2020.

Aucun argument rationnel n'est audible encore aujourd'hui à ce propos : le syndrome de Kawazacki est rare ; les cas d'affections similaires sont plus nombreux que d'habitude puisque la contamination au CoVid-19 semble favoriser chez certains patients son apparition, mais ces cas restent très peu nombreux et statistiquement les enfants de moins de 14 ans continuent d'être une population qui développe extrêmement rarement des formes avancées et encore moins graves du CoVid-19... rien n'y fait, même rabâchés, les arguments rationnels ne passent plus.

Un autre élément a été de nature à nourrir la défiance civique, c'est la manière choisie par le président de la République pour annoncer un processus progressif de déconfinement à partir du lundi 11 mai 2020. Emmanuel Macron avait fait de l'avis des scientifiques, érigés en comité à ses côtés, l'alpha et l'oméga de ses prises de décision depuis la mi-mars. Que les informations scientifiques doivent nourrir la décision politique, c'est une évidence ; en faire un horizon indépassable revient tout à la fois à déresponsabiliser et rendre impuissant tout arbitrage politique. Ainsi au moment d'annoncer un processus progressif de déconfinement sans plus faire référence à l'avis du comité scientifique, qu'il avait érigé pourtant en critère absolu, le Prince Président a décrédibilisé sa parole et le processus qu'il entendait engager, alors même que cela aurait pu être a contrario interprété comme un sain retour à la responsabilité de l'arbitrage politique.

Plus inquiétant sur ce que cela nous apprend de l'exercice de l'Etat par Emmanuel Macron, il semble de plus en plus probable que le président de la République ait annoncé le processus progressif de déconfinement sans s'appuyer sur un début de stratégie réfléchie en amont. En clair, Emmanuel Macron a dit à son gouvernement « j'ai annoncé le 11 mai, débrouillez vous maintenant pour ne pas me faire mentir. » Ainsi a-t-on vu dans les jours qui ont suivi un cafouillage généralisé, avec un ministre de l'éducation nationale incapable d'expliquer quelle était la stratégie de son ministère pour permettre le retour des élèves à l'école, au collège et au lycée ; ainsi a-t-on découvert qu'aucune concertation en amont n'avait été engagée avec les administrations concernées et les représentants des agents appelés à assurer ce retour des élèves ; ainsi a-t-on attendu pendant près de 10 jours une explication de la stratégie gouvernementale, sans avoir d'assurance sur les masques et les tests pour la population à déconfiner, sans même parler de la présentation laborieuse, et parsemées d'erreurs, des premières cartes des départements rouges et verts (mais aussi oranges)…

Une stratégie de défausse

Emmanuel Macron l'avait promis : il n'y aurait pas de faillites et l'État agirait pour l'hôpital et les entreprises « quoi qu'il en coûte ». C'est d'abord pour les salariés qu'il en a coûté : les soignants furent parfois contraints de se « fabriquer » des sur-blouses de fortune en sacs poubelle ; les salariés de première ligne eurent le plaisir de voir leurs droits et protections réduits par la mise en sommeil de pans essentiels du droit du travail (durée et temps de travail, jours de congés, RTT, médecine et inspection du travail) pour une durée qui excède largement ce que l'on peut imaginer être celle de l'état d'urgence sanitaire, tout cela sans se voir garantir des conditions de protection sanitaire minimales. Pour les autres, le recours à la seule stratégie sanitaire encore possible pour contenir l'épidémie les a condamnés au chômage partiel et à assister de chez eux semaine après semaine à la concrétisation des menaces de faillite et de « plans sociaux » à venir (sans compter ceux pour qui le télétravail n'a pas forcément permis de sauver leur entreprise).

CoVid-19, confinement, déconfinement : comprendre, avancer et redresser

L'exécutif s'est également déchargé de ses responsabilités sur les citoyens. En annonçant que le retour à l'école des élèves à partir du 11 mai 2020 se ferait également sur la base du volontariat des familles, il a alimenté la psychose dans la population qui y a vu la justification de ses propres angoisses. En République, s'il n'y a que l'instruction qui est obligatoire, il est de la responsabilité de l'État de garantir à tous la même qualité d'accueil et d'enseignement scolaire. Face à la perspective du déconfinement, il revenait donc à l'Etat d'assurer aux parents que les élèves seraient tous accueillis dans les mêmes conditions en tout point du territoire national et en garantissant leur sécurité sanitaire : la reprise de l'école sur la base du volontariat place les parents d'élèves dans un état de panique morale et intime proprement invivable, depuis lequel ils doivent arbitrer seuls entre les incertitudes de la sécurité sanitaire, le bien être scolaire et psycho-social de leurs enfants, et la pression de leurs employeurs qui ne manqueront pas dans la situation de dépression économique d'arbitrer entre ceux de leurs salariés qui auront choisi « la mort dans l'âme » de reprendre le chemin du travail et les autres.

L'exécutif se défausse sur les enseignants puisqu'il a indiqué que les élèves dont les parents refuseraient le retour dans les établissements à partir du 11 ou du 18 mai recevraient le même suivi de la part de leurs enseignants que celui qu'ils ont reçu depuis le 16 mars. Les enseignants se verront donc non seulement contraints d'assurer la classe dans des conditions extrêmement dégradées et d'assurer en plus en fin de journée ou quand ils le pourront la continuité pédagogique avec les élèves qui ne seront pas retournés en classe.

L'exécutif s'est enfin défaussé de ses responsabilités sur les collectivités et sur les Maires. En effet, n'ayant pas préparé en amont la stratégie de sortie progressive du déconfinement annoncé au débotté par le président de la République, les dix jours d'improvisation totale qui suivirent laissèrent évidemment libre champ à de nombreux maires qui voyaient difficilement comment mettre en œuvre la réouverture des écoles dans un temps si court et sans information précise d'un point de vue sanitaire. Le gouvernement aurait alors dû tenir un discours rassurant (aurait-il été seulement reçu vu le passif exposé plus haut ?) sur l'amélioration de la situation sanitaire et les informations scientifiques plus rassurantes, sur le fait qu'il était en train de réunir les conditions pour réussir la réouverture des établissements scolaires. Las, le gouvernement a laissé la charge aux collectivités d'assurer seules la responsabilité de la réussite matérielle de l'opération, face à l'inquiétude des habitants ; il a mis également un terme au peu de cadre national qui existait en concédant – aveu de son incapacité à garantir des moyens et le matériel de protection – que l'avis négatif des maires dans les départements en zone rouge serait fortement pris en compte.

Au-delà de la médiocrité des membres de l'exécutif, on peut s'interroger sur leurs possibles arrières-pensées politiques. L'essentiel des collectivités territoriales sont dominées par leurs adversaires politiques qu'ils mettent donc au défi de résoudre la quadrature du cercle. Le niveau de préconisation négative du protocole de déconfinement des établissements scolaires est tellement restrictif que sa mise en œuvre est parfaitement irréaliste ; la mobilisation quotidienne en terme de nettoyage et de désinfection des locaux implique souvent des moyens dont la plupart des communes ne disposeront pas. De plus, de nombreux agents territoriaux et enseignants qui sont des gens comme les autres et soumis à la même angoisse que le reste de la population ne souhaitent pas reprendre le travail alors que le gouvernement est incapable d'avoir un discours clair et crédible sur les conditions sanitaires et épidémiques. De même, la majorité des parents refusent aujourd'hui d’envoyer leurs enfants, mais la pression des patrons va monter ; le chantage à l’emploi sera plus fort que jamais.

La première manœuvre de l'exécutif vise ici à se désengager des risques juridiques vis-à-vis des parents pour la partie qui relève de l’Etat en cas de contamination avérée.

La seconde est de mettre les Maires dans la situation intenable de prendre seuls la responsabilité de refuser la réouverture des écoles et le fiasco d'un mauvais protocole gouvernemental. Une partie des parents d'élèves sous pression économique de leur employeurs finira bien par chercher un bouc émissaire et le gouvernement dira alors que c’est la faute politique des collectivités.

Après avoir détruit la confiance avec les Français, le gouvernement est en train de détruire le lien avec les territoires de la République, ce qui ne peut qu'être source de graves désordres pour l'avenir. Dans ces conditions, la lettre ouverte au gouvernement publiée par 329 maires d'Île-de-France pour demander un rééchelonnement du processus de déconfinement est parfaitement rationnel (https://bit.ly/2YzmXjw) ; leurs revendications sont encore mesurées, il s'agit :

  • « De ne pas faire reposer sur les maires la responsabilité juridique, politique et morale de la réouverture des écoles, mais de les associer dans une concertation avec le Préfet de département, qui doit assumer l'entière responsabilité de sa décision prise sur proposition du maire ». En effet, quel maire pourra dire à ses administrés que l'école rouvre parce que le gouvernement en a décidé ainsi mais qu'il refusera d'assurer ce qui relève de sa responsabilité directe à savoir la restauration scolaire, l'accueil périscolaire et le nettoyage des locaux ? Là encore il s'agit d'une revendication de restauration d'un cadre national de l'action publique ;

  • « De demander à votre gouvernement de prioriser clairement les enfants qui pourront/devront reprendre le chemin de l'école en Île-de-France en tenant compte du contexte familial de chaque enfant et en suivant un impératif de justice et d'équité ». La politique d'éducation doit être nationale, elle ne peut se faire au doigt mouillé. On voit donc encore une fois cette demande de cadre qui est aujourd'hui défaillant ;

  • « Que des moyens financiers suffisants soient conférés aux communes pour qu'elles puissent assurer l'accueil périscolaire dans le strict respect du protocole sanitaire, qui induit nécessairement un coût et une mobilisation de personnel supplémentaires ». Pas besoin de commenter ;

  • « De faire en sorte que s'arrêtent des logiques administratives incompréhensibles en termes d'équipements du personnel éducatif, et de privilégier un équipement pour tout le personnel d'une école par l'Education nationale, alors que de nombreuses communes pallient actuellement le manque de masques et de sur-blouses depuis le début du confinement en distribuant gracieusement leurs stocks aux professeurs qui n'en ont jamais reçu par leur ministère de tutelle ». Pour illustrer ce propos, certains parents d'élèves ont pu recevoir des courriers électroniques de certains chefs d'établissements indiquant qu'après consultation de leurs inspecteurs, c'était aux collectivités d'assurer le matériel de protection et de désinfection pour l'ensemble des adultes (enseignants compris) quand il avait été pourtant assuré que ce serait évidemment de la responsabilité de l'Etat.

mise sous plis par les agents municipaux des masques commandés par la Ville Bezons pour envoi aux Bezonnais, le mardi 5 mai 2020

mise sous plis par les agents municipaux des masques commandés par la Ville Bezons pour envoi aux Bezonnais, le mardi 5 mai 2020

Trouver ensemble les moyens de sortir de la crise et de vivre avec le virus

Résumons : une stratégie de confinement parce que nous n'avions plus d'autres choix après les années de sape contre notre système de santé ; une communication en partie mensongère et totalement hasardeuse pour tout le reste ; une absence totale de méthode et d'organisation ; une défiance et une panique généralisée dans la population… L'action gouvernementale face à la crise sanitaire a sans doute limité la casse en termes de morts du CoVid-19, mais elle a commencé à détruire notre économie et va provoquer une crise sociale sans précédent, dont les effets seront sans doute plus durables et délétères que la maladie elle-même.

On voit à quel point la confiance est atteinte tant du point de vue de la parole de l'exécutif que de son action concrète. La majorité de l'Assemblée nationale et celle du Sénat lui ont pourtant permis d'être délesté dès le 23 mars 2020 de tout contrôle parlementaire avec l'état d'urgence sanitaire. L'avis négatif du Sénat ce lundi 4 mai 2011 sur le plan de déconfinement du gouvernement (accepté par l'Assemblée nationale) ne rachètera pas vraiment sa faute originelle.

Plutôt que d’exiger par un nouveau projet de loi la prorogation de l’état d’urgence sanitaire sans véritable contrôle parlementaire, l’exécutif – présidence de la République et gouvernement – ferait mieux d’assumer pleinement leurs responsabilités : ils doivent rendre possible le déconfinement, donc assurer à toutes et tous masques et tests, et non se défausser sur les collectivités, les salariés et les parents. La France doit pouvoir retrouver une activité normale aussi vite que possible sauf à être confrontée à un effondrement économique et social dont les conséquences seront pires que celles de l’épidémie. Jusqu’ici l’exécutif n’a pas fait preuve que les pouvoirs exceptionnels dont il dispose étaient justifiés par l’efficience de son action.

Comment sortir de l'impasse ? Plusieurs responsables gouvernementaux sont discrédités ; l'action gouvernementale et la parole de l'Etat gagnerait également à ce qu'ils soient mis de côté et le président de la République – qui a déjà en tête l'élection présidentielle – gagnerait également à entamer une cure de silence, tant il brouille l'action publique. Il est peu probable qu'un gouvernement d'union nationale puisse être mis en place, tant les dissensions politiques étaient déjà fortes et se sont accentuées ses dernières semaines.

Il faudrait donc trouver une solution pour créer un consensus qui assure l'action publique du soutien minimal qui permettrait le retour d'un minimum de confiance y compris parmi nos concitoyens. Il conviendrait pour cela que l'exécutif s'engage sur des mesures importantes, qui permettent aux forces républicaines de se parler à nouveau : garantir une priorité humaine et financière durable à l'hôpital public et à l'ensemble de notre système de santé, mettre fin à la suspension du droit du travail, annoncer l'abandon définitif des réformes de l'assurance chômage et des retraites, assumer enfin que l'Etat prenne des mesures de réquisition et de réorientation des productions pour affronter les nouveaux besoins prioritaires… Sur ces bases, et en y associant les forces sociales, on peut alors envisager un comité de suivi républicain qui associe l'ensemble des partis républicains représentés au Parlement qui puissent fonctionner par consensus pour établir une stratégie collective de sortie de crise.

Alors que certains à gauche ne pensent qu'à se projeter dans le monde d'Après, sans voir que le risque est grand qu'il soit pire qu'avant, il y a pourtant urgence à réellement se préoccuper de se qui va se passer et qui doit se passer dans un « monde Avec »... avec le CoVid-19.

Nous ne pouvons rester confinés durant les 18 ou 24 mois pendant lesquels le CoVid-19 continuera vraisemblablement d'être actif. Nous ne pouvons pas continuer de priver nos enfants d'une instruction publique normale – on a mis un siècle à sortir les enfants des familles pour l'instruction publique ce n'est pas pour considérer aujourd'hui un retour contraint à la maison sous couvert d'un vernis « continuité pédagogique » comme un progrès. Nous ne pouvons laisser les Français sombrer dans le chômage du fait d'un effondrement économique qui pourrait bientôt obérer si l'on ne réagit pas toute capacité de rebond. Il en va de leur sécurité économique et de leur sécurité sociale. Il en va du devenir de notre pays et de la pérennité du cadre républicain et démocratique qui nous fait vivre ensemble.

Frédéric Faravel

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1 mai 2020 5 01 /05 /mai /2020 07:00

Je partage ici le texte que nous avons rédigé avec Augustin Belloc de Cergy à la demande de notre parti, pour synthétiser le message que la Gauche Républicaine & Socialiste souhaitait adresser aux travailleurs et à leurs organisations syndicales alors que pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale les salariés se verront interdits de défiler pour porter leurs revendications un premier Mai.

Frédéric Faravel

LE 1ER MAI 2020, PENDANT ET APRÈS LE CONFINEMENT, LA GAUCHE RÉPUBLICAINE & SOCIALISTE EST PLUS QUE JAMAIS DANS LE CAMP DES TRAVAILLEURS

Ce 1er mai 2020 va se dérouler dans une configuration inédite. La traditionnelle Fête du Travail se célébrera sous confinement, sans rassemblements ni manifestations. Il serait impensable que cette journée si particulière passe sans rappeler les exigences du monde du travail ; celles qui précédaient l’épidémie et qui ont été exacerbées par celle-ci ; celles qui se sont faits jour à l’occasion de l’état d’urgence sanitaire ; celles qui prennent une importance renouvelée au regard des leçons qu’il faudra tirer de la période.

30 AVRIL 2020 | COMMUNIQUÉ

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Il y a d’abord un triste constat : les ordonnances prises par le gouvernement pour mettre en œuvre l’état d’urgence sanitaire ont acté la mise en sommeil de pans entiers du code du travail pourtant essentiels (encadrement de la durée du travail, droits aux congés, médecine et inspection du travail…) sans que l’on ait apporté aux salariés des garanties sur leur protection sanitaire lorsqu’ils poursuivaient leur travail sur site malgré le confinement. Le terme prévisionnel de cette suspension partielle du code du travail est fixé au 31 décembre 2020, bien au-delà de la fin probable de l’état d’urgence sanitaire (même s’il était prolongé au-delà du 23 mai 2020). Les salariés ont ici bon dos, et des situations de travail dégradées, durablement et volontairement installées, pourraient à la fois épuiser les salariés et ne pas empêcher la propagation du virus dans des secteurs économiques essentiels. Il aurait pourtant fallu plus que jamais protéger les salariés, parce que l’on n’a jamais eu autant besoin de ceux qui sont en première ligne. La condamnation (légère au demeurant) d’Amazon par le tribunal de Nanterre puis la Cour d’Appel de Versailles ne doit pas être l’arbre de l’exemple médiatisé qui cache la forêt du non droit qui s’est généralisé.

DÉFENDRE LE CODE DU TRAVAIL

Plus que jamais nous sommes convaincus que la logique qui prévaut depuis 10 ans de réduire les droits et protection des salariés, notamment après la loi Valls-El Khomri et les ordonnances Macron-Pénicaud, est profondément délétère. Notre pays, son économie et ses entreprises ne se porteront pas mieux parce que l’on aura démantelé le code du travail. Nous appelons donc à mettre un terme aux ordonnances de mars et avril 2020 qui concernent le code du travail au plus vite. Nous appelons également à revenir sur les démantèlements décidés sous les quinquennats Hollande et Macron.

Le confinement aura mis en exergue l’inadaptation de la législation sur le travail face aux évolutions économiques contemporaines. Chacun aura constaté que les plateformes numériques auront continué à abuser de l’exploitation de livreurs qui ne peuvent prétendre en France à bénéficier de la protection due aux salariés, puisqu’ils sont hypocritement considérés comme des autoentrepreneurs. Nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre que la jurisprudence rétablisse peu à peu le bon sens : notre droit doit être corrigé pour que les travailleurs ubérisés soient enfin reconnus comme des salariés. Le télétravail a été aussi une solution plébiscitée pour assurer la continuité de l’activité dans de nombreuses entreprises de services et administrations publiques ; il a évidemment de nombreux avantages, mais même les salariés et fonctionnaires qui apprécient cette méthode, même les cadres et dirigeants d’entreprises qui imaginent faire évoluer grâce à lui leur cadre de vie, tous ont constaté les abus en termes d’horaires, d’intensification et de sollicitations. Le droit à la déconnexion qui nous a été vendu comme l’un des points positifs de la loi El Khomri ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés et ne fonctionne pas réellement là où il a fait l’objet d’un accord d’entreprise. Il faudra remettre en discussion cette question car il est probable que ces situations de travail continuent de se développer.

“Le confinement aura mis en exergue l’inadaptation de la législation sur le travail face aux évolutions économiques contemporaines. Chacun aura constaté que les plateformes numériques auront continué à abuser de l’exploitation de livreurs qui ne peuvent prétendre en France à bénéficier de la protection due aux salariés”

“Il serait indigne de notre pays que les soignants ne reçoivent pour solde de tout compte que nos applaudissements et notre reconnaissance la main sur le cœur.”

RÉVISER LA HIERARCHIE SOCIALE DES MÉTIERS

Plus que jamais nous sommes convaincus que la logique qui prévaut depuis 10 ans de réduire les droits et protection des salariés, notamment après la loi Valls-El Khomri et les ordonnances Macron-Pénicaud, est profondément délétère. Notre pays, son économie et ses entreprises ne se porteront pas mieux parce que l’on aura démantelé le code du travail. Nous appelons donc à mettre un terme aux ordonnances de mars et avril 2020 qui concernent le code du travail au plus vite. Nous appelons également à revenir sur les démantèlements décidés sous les quinquennats Hollande et Macron.

Le confinement aura mis en exergue l’inadaptation de la législation sur le travail face aux évolutions économiques contemporaines. Chacun aura constaté que les plateformes numériques auront continué à abuser de l’exploitation de livreurs qui ne peuvent prétendre en France à bénéficier de la protection due aux salariés, puisqu’ils sont hypocritement considérés comme des autoentrepreneurs. Nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre que la jurisprudence rétablisse peu à peu le bon sens : notre droit doit être corrigé pour que les travailleurs ubérisés soient enfin reconnus comme des salariés. Le télétravail a été aussi une solution plébiscitée pour assurer la continuité de l’activité dans de nombreuses entreprises de services et administrations publiques ; il a évidemment de nombreux avantages, mais même les salariés et fonctionnaires qui apprécient cette méthode, même les cadres et dirigeants d’entreprises qui imaginent faire évoluer grâce à lui leur cadre de vie, tous ont constaté les abus en termes d’horaires, d’intensification et de sollicitations. Le droit à la déconnexion qui nous a été vendu comme l’un des points positifs de la loi El Khomri ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés et ne fonctionne pas réellement là où il a fait l’objet d’un accord d’entreprise. Il faudra remettre en discussion cette question car il est probable que ces situations de travail continuent de se développer.

REVALORISER LA FONCTION PUBLIQUE

Nous devons aussi mettre fin au mépris subis par les agents publics (fonctionnaires et contractuels) : leur engagement dans la crise sous diverses formes a démontré à nouveau à quel point ils étaient utiles et essentiels à notre République et à notre vie en société. Action des pompiers et force de l’ordre, capacité des enseignants à assurer la continuité pédagogique en période de confinement, mise en œuvre des plans de continuité de l’action publique dans les collectivités territoriales, agents des hôpitaux publics et des centres de santé… La fonction publique subit un dénigrement culturel permanent, du « mammouth à dégraisser » au non remplacement des départs en retraite ; les suppressions de poste dans les préfectures se font aujourd’hui sentir sur l’efficacité de l’État sur le terrain ; et depuis 12 ans, le point d’indice des fonctionnaires est gelé, affectant au premier chef la rémunération des salariés les moins gradés, sans parler des rémunérations des enseignants français qui sont les plus faibles d’Europe occidentale. La République française ne peut plus faire l’autruche sur la situation de ses premiers serviteurs.

LA CATASTROPHE SOCIALE NE DOIT PAS S’AJOUTER À LA CRISE SANITAIRE

Ce 1er mai 2020 doit être l’occasion d’appeler de nos vœux un redressement de notre pays. Une fois l’état d’urgence sanitaire passé, nous ferons face à un chômage massif ; l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi en mars à hauteur de 7,1% risque de nous paraître un moindre mal. D’ores-et-déjà la réforme de l’assurance chômage imposée par décret, déjà injuste avant la crise, apparaît parfaitement indécente au regard des conséquences de celle-ci. Face à ce qui s’annonce comme une avalanche de faillites, nous devrons bâtir une stratégie anti-chômage qui ne peut se contenter de mesures macro-économiques mêmes marquantes ou radicales. L’État – la restauration de sa capacité de planification de l’action – doit avoir un rôle essentiel ; or à bien des égards, nous craignons que la crise du CoVid-19 sous la présidence Macron illustre non pas son retour mais la fuite en avant d’un système déresponsabilisant dans lequel l’État se met au service du secteur privé en abandonnant son rôle de producteur de biens communs.

C’est aussi pour cette raison que nous en appelons au plus vite – dès l’été – à la réunion d’une conférence sociale où les organisations syndicales doivent pouvoir jouer pleinement leur rôle, avec pour sommaire, les sujets suivants :

  • Droits et protections des travailleurs ;
  • - Indemnisations du chômage ;
  • - Stratégie de redressement productif, associant relocalisation des activités, autonomie productive nationale dans les secteurs stratégiques (avec une stratégie offensive de capital public) et transition écologique, avec des salariés plus intégrés dans le pilotage économique des entreprises ;
  • - Égalité réelle entre les femmes et les hommes dans le monde du travail ;
  • - Négociation sur les salaires et l’échelle des salaires, alors que certains dirigeants d’entreprise appellent déjà leurs salariés à accepter une baisse de leur rémunération au prétexte qu’ils auraient réduits la leur et celles des cadres dirigeants.

La crise du CoVid-19 a plus que jamais mis à jour les erreurs et les dégâts du néolibéralisme sur nos sociétés ; elle a révélé que les plus modestes des travailleurs étaient souvent les plus nécessaires à notre vie collective. Sa résolution doit être l’occasion une forme de « décence commune » après des années d’hubris capitaliste débridé. Le 1er mai 2020 sera confiné, il ne doit pas être silencieux et inutile pour les travailleurs. La Gauche Républicaine & Socialiste prendra contact avec les acteurs politiques et sociaux du pays pour promouvoir ces propositions

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29 avril 2020 3 29 /04 /avril /2020 15:52
Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale allemande

Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale allemande

Je me permets de publier ci-dessous cette tribune publiée le 28/04/2020 à 18:14 dans Marianne par Coralie Delaume. Coralie Delaume est essayiste. Elle collabore à Marianne et anime notamment le blog l’Arène nue. Elle a publié Le couple franco-allemand n'existe pas (Michalon, 2018), mais aussi, avec David Cayla, La fin de l’Union européenne (Michalon, 2017) et 10 + 1 questions sur l'Union européenne (Michalon, 2019).

Le pays d’Angela Merkel s’en sort mieux face au Covid-19 que la France, l’Espagne ou l’Italie. Mais il doit son avantage sanitaire et industriel surtout aux mécanismes européens conçus pour lui.
Coronavirus : l’Allemagne, redevenue bon élève ? Pas si simple - par Coralie Delaume

C'est entendu, l'Allemagne s'en sort mieux que la France. Moins de 6.000 morts du Covid-19 outre-Rhin à la date du 27 avril pour près de 23.000 morts dans l'Hexagone. Un confinement commencé plus tard et appelé à se terminer plut tôt. Ne parlons pas du plan de relance économique, spectaculaire : 1.100 milliards d'euros mis sur la table sans hésiter, au pays du « zéro noir » (équilibre budgétaire parfait) et du « frein à l'endettement » constitutionnalisé. Voilà de quoi remettre de l'eau au moulin des zélotes français du « modèle allemand », qui en avaient bien besoin. Avant la crise sanitaire, leur pays de référence montrait des signes de faiblesse. Le ralentissement économique chinois, les tensions commerciales sino-américaines et le début d'une rétractation des flux commerciaux planétaires plombaient l'Allemagne mercantiliste. Elle tutoyait la récession et l'on commençait à douter de sa supériorité. Mais aujourd'hui, on peut à nouveau s'émerveiller de ses prouesses.

Nous allons donc en souper une fois de plus, du « modèle allemand » ! La République fédérale dispose de masques, de tests et de respirateurs autant que de besoin ? Elle peut les fabriquer parce qu'il lui reste des usines. Or s'il lui en reste, c'est parce qu'elle « aime » son industrie. Quant au montant de son plan de relance économique, il doit tout à la vertu budgétaire de notre grand voisin. Endetté à hauteur de 61 % de son PIB seulement, celui-ci dispose d'importantes marges de manœuvre. Et Le Monde d’écrire aussitôt : « par la puissance de son excédent budgétaire, l’Allemagne fait une leçon de rigueur ».

LE MARCHÉ UNIQUE A FORTIFIÉ L'ALLEMAGNE

Le problème est que ces propos mélangent de justes constats avec des explications courtes. Bien sûr l'Allemagne est demeurée une puissance industrielle et cela l'avantage considérablement dans la crise. Le poids de l'industrie y représente 23% du PIB contre seulement 12% de celui de la France, et le pays peut aujourd'hui mobiliser les PME industrielles de son Mittelstand pour produire ce dont son système de soins à besoin. Mais ce n'est pas parce que l'Allemagne « aime » son industrie quand nous détesterions la nôtre. De même, si la RFA peut aujourd'hui dépenser sans compter pour limiter les effets économiques du Covid, ce n'est pas qu'elle a été « rigoureuse » quand nous aurions été « laxiste ». La montagne d'excédents sur laquelle elle est assise et dont elle peut aujourd'hui mobiliser une partie, ne doivent pas grand-chose à la « vertu », ni à quelque autre considération morale que ce soit. Les atouts – incontestables – dont dispose la patrie de Goethe pour affronter l'épreuve doivent beaucoup aux modalités de son insertion dans l'Union européenne, à la configuration du Marché unique et à l'existence de l'euro.

Le Marché unique tel qu'il fonctionne depuis la signature de l'Acte unique en 1986, tout d'abord, a considérablement fortifié l'industrie de l'Allemagne (et de tout le cœur de l'Europe). Pour des raisons historiques, le pays était déjà en position de force industrielle lorsque les « quatre libertés » (libre circulation des capitaux, des personnes, des services et des marchandises) ont été établies. Comme l'explique l'économiste David Cayla, cela tenait à l’histoire économique longue de l'Allemagne, aux modalités de son entrée dans la Révolution industrielle au XIX° siècle, au fait que la présence de charbon et de minerai de fer dans la vallée du Rhin ou en Saxe avaient alors permis l'éclosion de pôles industriels puissants. A l'échelle européenne, des industries moins performantes ne s'en sont pas moins développées dans d'autres pays, restés longtemps protégées par les frontières nationale. Y compris lorsque le traité de Rome est signé en 1957, car seule la libre circulation des marchandises dans le Marché commun est alors mise en place.

POLARISATION INDUSTRIELLE

Lorsque le Marché unique succède au Marché commun et que sont posées les quatre libertés, c'est terminé. Grâce à la libre circulation des capitaux notamment - qui sera parachevée avec l'entrée en vigueur de l'euro – le capital productif peut aller s'investir sans entraves dans les régions où l'industrie est préalablement plus développée. Apparaissent peu à peu ce que les économistes appellent des phénomènes et « polarisation industrielle », à la faveur desquels la richesse va s'agglomérer au cœur industriel de l'Europe, délaissant les périphéries. Voilà pourquoi l'Allemagne (mais également d'autres pays du cœur comme l'Autriche) ont développé leur industrie cependant qu'elle disparaissait doucement dans les pays d'Europe périphérique... mais aussi en France. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En un peu moins de 20 ans (2000-2018), la production industrielle a crû de 26 % en Allemagne (et de près de 6% en Autriche) alors qu'elle chutait en Italie (-19%) mais également en France (-5,7%).Ceci dit, la période considérée est aussi celle de l'entrée en vigueur de l'euro. Or la monnaie unique, tout le monde en convient aujourd’hui, est une côte mal taillée. Elle est trop forte pour les uns et trop faible pour les autres. Selon le FMI par exemple, l'euro serait sous-évalué de 18% pour l'Allemagne et surévalué de presque 7% pour la France. De quoi accroître artificiellement la compétitivité-coûts du made in Germany, et plomber un peu plus encore celle de l'industrie française.

Coronavirus : l’Allemagne, redevenue bon élève ? Pas si simple - par Coralie Delaume
INDUSTRIE PUISSANTE ET COMPÉTITIVE

Si l'on considère enfin que depuis l'élargissement de l'UE aux pays d'Europe orientale, l'industrie allemande dispose d'un vaste hinterland industriel à l'Est, où elle fait massivement fabriquer des sous-ensembles à faibles coûts pour ne se charger elle-même que de l'assemblage, la boucle est bouclée. L’Allemagne « aime » sans doute son industrie, mais la sur-perfomance de celle-ci est liée à des structures qui produisent mécaniquement leurs effets. Ces structures sont celles du Marché et de la monnaie uniques. Dans le cadre de ces mêmes structures, il est impossible à l'économie française d'égaler l'allemande.

Quant aux marges de manœuvres budgétaires du pays d'Angela Merkel, elles sont en partie liées elles aussi au fait qu'il est un grand gagnant de l'intégration européenne. Bien sûr, l'austérité n'y est pas pour rien. Le pays sous-investit par phobie des déficits. Beaucoup d'équipements publics (ponts, routes, autoroutes) sont en mauvais état, et l'institut patronal IW estimait récemment le besoin d'investissements du pays à 45 milliards par an. Il n'y a guère que le système de santé qui n'ait fait les frais du malthusianisme budgétaire, ce que l'historien Johann Chapoutot explique fort bien : « L’Allemagne a économisé sur presque tout (…) . Elle a appliqué son mantra ordo-libéral du zéro déficit. C’est ce que demandait l’électorat de la droite allemande, fait de retraités, qui détient des pensions par capitalisation privée. (...) [Mais] en raison de la volonté de cet électorat également, il n’y a pas eu d’économies sur les hôpitaux, car c’est un électorat âgé, qui veut faire des économies, mais pas au détriment de sa santé. » Reste que grâce à son industrie puissante et compétitive, notre voisin dispose d'excédents courants gigantesques. Or les excédents des uns étant les déficits des autres, on s'aperçoit que l'Allemagne s'est muée en véritable « pompe aspirante » de l'épargne de ses partenaires. Sa dette tient lieu de « valeur refuge », recherchée par ceux qui veulent investir en euros à moindre risque, et les taux à 10 ans auxquels elle emprunte sont tout bonnement négatifs.

La République fédérale dispose dans cette crise d'avantages directement liés à la configuration de l'Union européenne. Ces atouts ont comme contrepartie les faiblesses des autres (Italie, Espagne, France), qui sont désindustrialisés et endettés. Les trajectoires économiques des pays du cœur de l'Europe et des pays périphériques divergent du fait des structures communautaires. En résultent des capacités de relance très différenciées. Au terme de la présente crise plus encore qu'après celle de 2008-2012, certains pays (dont l'Allemagne) auront pu relancer vigoureusement leur économie quand d'autres (dont la France) auront dû s'auto-limiter et connaîtront une récession plus profonde. L'euro-divergence va donc continuer de croître, dans des proportions inégalées. Elle met en péril tout l'édifice.

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