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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

17 juin 2018 7 17 /06 /juin /2018 20:44

Lundi 11 juin en fin de journée, le maire de Bezons et l'association Bezons-West Bani Zeid (qui anime les relations entre la commune de Bezons et une collectivité de Cisjordanie) inauguraient une plaque commémorative dénommant une allée de la Nakba.

Le texte sur la plaque était le suivant :

« ALLÉE DE LA NAKBA
En mémoire de l'expulsion des 800 000 Palestiniens et de la destructions des 532 villages en 1948 par le criminel de guerre David Ben Gourion pour la création de l’État d'Israël.
 » (cf. illustration plus bas)

Je le dis tout net, la faute principale de cette plaque est la qualification par les responsables de l'événement de David Ben Gourion comme « criminel de guerre ». Non seulement c'est impropre juridiquement et faut historiquement et en cela c'est un point que je condamne avec énergie. D'aucuns diront que la traduction en arabe en-dessous est de mauvais goût, mais là on aborde un terrain glissant.

Il n'en reste pas moins que la Nakba, rigoureusement décrite par les deux premières lignes de la plaque, est une véritable tragédie humaine qui mérite non seulement d'être prise en considération, mais également qu'on cesse de la mépriser ou de la nier d'une manière ou d'une autre – objectif de tous ceux qui cherchent à faire croire que rappeler son existence équivaut à la volonté de détruire l’État d'Israël, à de l'antisionisme qui serait ici le faux nez de l'antisémitisme. Elle ne se rapporte pas comme certains veulent le faire croire à l'existence de l'Etat d'Israël en soi (cf. deuxième illustration plus bas).

Ainsi, je ne comprends pas une partie de l'argumentation du Préfet du Val-d'Oise pour exiger (ce qu'il a obtenu) le retrait de la plaque : en effet, celle-ci serait « une prise de position rompant ainsi avec le principe de neutralité républicaine dans le domaine international, domaine réservé à l’État en vertu des articles 52 et suivants de la Constitution, seul apte à à déterminer et s’exprime en matière de politique étrangère de la France. » ; par ailleurs, l’initiative serait « étrangère à tout intérêt communal […] et donc ne relève pas de [la] compétence de maire ». Est-il donc du domaine réservé de l’État de considérer qu'un fait historique avéré n'aurait pas le droit d'être dit ? En fait, il s'agit là de dire qu'on n'a pas le droit d'en parler parce que cela gêne un État tiers... De même, que vient faire l'intérêt communal pour dénommer des places : n'y a-t-il pas des places Mandela, des monuments aux rapatriés d'Algérie ou même une Place des Martyrs Assyro-Chaldéens (à Sarcelles, devant la cathédrale assyro-chaldéenne) ? Les deux arguments s'effondrent quand on dresse la liste des monuments en mémoire du génocide arménien ce qui a pourtant le luxe de déplaire au gouvernement turc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_m%C3%A9moriaux_du_g%C3%A9nocide_arm%C3%A9nien).

Le seule argument valable du Préfet – au regard du conflit en cours et de l'incapacité avérée d'aborder ce dossier avec calme et raison – c'était la menace de trouble à l'ordre public (renforcée il est vrai par la provocation inutile et détestable sur Ben Gourion). On peut dire que malgré le retrait de la plaque les faits lui ont donné raison (certains diront que cela a même légitimé dans leurs têtes les auteurs des débordements qui ont suivi), ce qui dit plus d'un malaise français sur ce sujet que cela n'engage selon moi la responsabilité du maire de Bezons et de son équipe.

Les premières attaques sont venues – on pouvait s'y attendre – du CRIF, passé maître dans son rôle depuis une vingtaine d'année de relais des positions des gouvernements israéliens les plus droitiers, de divers groupes de la droite nationaliste et de l'extrême droite israélienne et de leur relais en France, ou encore une ancienne conseillère régionale ex socialiste – signataire du manifeste « contre un nouvel antisémitisme » qui réussit à mettre mal à l'aise plus d'un militant antiraciste : elle écrit sur facebook que « le maire pense qu’il est important d’épouser les haines communautaristes et antisémites pour assurer son pouvoir. Alors en toute irresponsabilité, il importe le conflit israelo-palestinien sur un territoire fragile, où le niveau socio-culturel est aussi bas que le niveau de violence est élevé. »

C'est insultant pour les Bezonnais et j'apprends que j'apprends que mes voisins ont un niveau socio-culturel bas et qu'ils sont violents... Belle généralisation, belle insulte collective. Donc parler de la Nakba serait en soi « épouser les haines communautaristes et antisémites ». Je me permets de lui poser la question : quand Shlomo Sand, historien israélien reconnu, rappelle la réalité de la Nakba dans son ouvrage Comment la terre d'Israël fut inventée que l'université de Tel Aviv est construite sur le village d'Al Sheikh Muwannis envahi en 1948, vidé de ses habitants puis rasé, épouse-t-il les haines communautaristes et antisémites ? Quand il explique à juste titre, lui qui se revendique Israélien, dans son ouvrage Comment j'ai cessé d'être juif que le principal problème de l’État d'Israël c'est son incapacité à imaginer une identité et une citoyenneté proprement israélienne déconnectées de la religion et de la mythologie ethnico-religieuse (à ce titre, j'ai dû écrire voici quelques années un papier sur les différents moments ratés par Israël pour engager un véritable débat sur la Laïcité et que son instrumentalisation temporaire à des fins électorales par Ehud Barak nous avait fait reculer pour plusieurs dizaines d'années), Shlomo Sand épouse-t-il les haines communautaristes et antisémites ? Quand dans son ouvrage Comment le peuple juif fut inventé il déconstruit une immense partie de la mythologie sioniste (dont sont issues une bonne partie des problèmes intrinsèques de la société israélienne), épouse-t-il les haines communautaristes et antisémites ?

Quand on essaie d'aborder les problèmes posés à une société donnée, à une situation géopolitique particulière, il arrive forcément un moment où l'on est confronté à une forme de déconstruction des fictions (nécessaires) et des mythologies sur lesquelles cette société est fondée, toute société est fondée sur des fictions et des mythes. Dire cela à propos d'Israël et des conditions de son indépendance fait-il de moi ou de plein d'autres un antisémite, un anti-sioniste, quelqu'un qui veut détruire l’État d'Israël ou lui dénie le droit d'exister. Vu le nombre de fois où je me suis fait traiter de suppôt de l’État d'Israël, comptant Yitzhak Rabbin parmi mes « idoles », je me permets d'en douter.

À ce stade de la démonstration, je me permettrait d'ajouter pour mettre un terme à quelques raccourcis : quand une partie de la communauté juive ultra-orthodoxe (ce qui représente au bas mot quelques dizaines de milliers de personnes) manifeste pour dénoncer le sionisme et l'existence de l’État d'Israël (pour des raisons d'interprétation religieuse), ils sont évidemment antisionistes, mais sont-ils antisémites ?

Pour finir, je connais un peu Dominique Lesparre et la situation politique à Bezons. Lui-même et son équipe municipale ont toujours défendu l'existence des deux Etats dans les frontières de 1967. Il n'a pas besoin de flatter le communautarisme dans sa commune pour être populaire et être régulièrement réélus et avoir des scores flatteurs à d'autres élections que les municipales, un examen un peu sérieux de son électorat démontrerait que cela ne lui est pas utile. Il est simplement convaincu qu'il défend une cause juste – elle l'est – celle du peuple palestinien ; il manque sans doute parfois de retenue, le dérapage sur Ben Gourion le démontre, mais c'est une cause qui lui tient à cœur depuis des années et qui ne doit rien à une démarche électoraliste.

Malheureusement, on en serait resté au CRIF ou à l'ex conseillère régionale ex socialiste, ce ne serait pas si grave. Pendant une semaine, l'équipe municipale, les agents municipaux ont reçu des lettres, des appels téléphoniques d'injures, d'insultes, de manière insistante, répétée, organisée, puis des menaces de mort, répétées, insistantes, organisées, jusqu'à ce que finalement jeudi dernier on atteigne le climax avec une alerte à la bombe... Il y a bien des candidats à ce type de manœuvres écœurantes et inacceptables : le Betar, la Ligue de défense juive (LDJ), tout ce que compte comme relais en France les soutiens des partis d'extrême droite israéliens. Quand on pense que la LDJ est toujours autorisée en France alors qu'elle est interdite comme organisation terroriste aux États-Unis et en Israël...

Bien sûr, pas de condamnation affichée sur les réseaux sociaux, aucune réaction de la part de l'ex conseillère régionale, je n'ai pas vu non plus de communication publique du Préfet pour dénoncer les menaces, les insultes qu'on subit les élus et le personnel municipal, des agents de la fonction publique, et de leurs enfants (puisque les menaces sont aussi adressées aux enfants dont les nervis de l'extrême droite israélienne disent qu'ils les retrouveront). Pourtant, quoi que l'on puisse reprocher aux élus, ils ne peuvent être tenus responsables de tels débordements qui ne peuvent en aucun cas recevoir une quelconque justification. Ils sont proprement inacceptables et la Ville de Bezons, ses élus et ses agents mériteraient qu'on leur témoigne un minimum de solidarité face aux agressions qu'ils ont subi. Ces actes sont intolérables : l’État, les élus, les partis politiques devraient l'exprimer. Ce que je fais ici.

Pour ma part, sur ce sujet comme sur d'autres, je continuerai d'essayer d'aborder les débats sous l'angle de la raison.

Frédéric FARAVEL

la plaque commémorative incriminée

la plaque commémorative incriminée

extrait de "Comment la Terre d'Israël fut inventée" de Shlomo Sand

extrait de "Comment la Terre d'Israël fut inventée" de Shlomo Sand

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25 avril 2018 3 25 /04 /avril /2018 08:57

Chacun s'est légitimement ému du discours prononcé par le Président de la République au Couvent des Bernardins devant la Conférence des Évêques de France, le soir du lundi 9 avril 2018. A cette occasion, pour reprendre le bon mot d'Emmanuel Maurel, il est plus apparu comme Chanoine du Latran que comme le Chef d'un État républicain et laïque. Non que l'exécutif ne doive pas dialoguer avec les associations confessionnelles ou que celles-ci n'aient pas le droit de s'exprimer sur la place publique, mais en appelant à réparer le lien abîmé entre l’Église et la République, lien qui n'existe plus et heureusement depuis la loi de 1905, en appelant les Catholiques à s'engager politiquement, il réduit les Français de confession catholique à une communauté, plus légitime que d'autres dans son esprit, semble-t-il. Cette vision est à rebours de notre tradition républicaine et des principes qui fondent notre « vouloir vivre ensemble », qui fondent la communauté nationale, la seule qui compte.

D'aucuns pourraient y voir une volonté de diversion, ils voient dans la stratégie du Président de la République une sorte de « guerre de mouvement », de mouvement perpétuel, ayant vocation à donner le tournis à son opposition pour qu'elle perde de vue l'essentiel. La disproportions des moyens engagés pour l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes peut par ailleurs renforcer cette impression.

Pourtant, il ne faut pas se tromper, Emmanuel Macron développe une stratégie extrêmement cohérente qui vise à mettre à mal notre modèle républicain et social, pour le remplacer par une vision néolibérale (économiquement), technocratique (institutionnellement) et autoritaire (politiquement). Et il attaque sur tous les fronts à la fois car ils sont dans son esprit complémentaires :

  • Le 9 avril donc, il mettait en cause la laïcité et la loi de 1905, car dans une vision néolibérale anglo-saxonne, mieux vaut s'adresser à des communautés que d'avoir à affronter une société engagée civiquement ;

  • il s'attaque à la SNCF car c'est un des symboles du service public à la française : dressant nos concitoyens contre les supposés privilèges des cheminots, il s'en prend avant tout au statut de l'entreprise publique et met à mal le maillage territorial qui permet l'égalité républicaine ;

  • il méprise élus locaux, parlementaires et corps intermédiaires de toute sorte, car dans une sorte de Bonapartisme new look, il cherche à réduire une expression plurielle de la souveraineté populaire en réduisant le Parlement devant l'exécutif, en négligeant la voix des salariés par l'intermédiaire de leurs organisations syndicales.

Alors ne nous y trompons pas ; passé l'émoi qui succède à la provocation sur la laïcité, retrouvons le sens de notre action, qui doit opposer à sa cohérence néolibérale une véritable cohérence républicaine.

Engageons nous plus franchement que jamais aux côtés du mouvement social qui se fait jour sous de nombreuses formes (SNCF, salariés de Carrefour, étudiants mobilisés contre la sélection à l'université, etc.) ; poursuivons notre travail en faveur d'un véritable ressourcement de la démocratie qui doit s'opposer à la réforme institutionnelle annoncée par le gouvernement.

La crise actuelle trouve ses racines autant dans les mécanismes économiques que dans le blocage des institutions françaises. Notre combat pour une VIème République parlementaire rejoint finalement celui pour une société socialement avancée : c'est celui de la République sociale !

Frédéric Faravel

Emmanuel Macron s'attaque à une certaine idée de la République
Emmanuel Macron s'attaque à une certaine idée de la RépubliqueEmmanuel Macron s'attaque à une certaine idée de la République
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11 avril 2018 3 11 /04 /avril /2018 08:26

L'ancien président de la République n'a rien compris de ce qui lui est arrivé et du naufrage dans lequel il a conduit la France et la gauche.

Dans le livre Leçons de pouvoir qu'il publie et pour lequel il est entré en intense promotion médiatique, François Hollande a une fâcheuse tendance à réécrire l'histoire et à ne pas prendre le recul sur la politique qu'il a conduite en contradiction avec ses principaux engagements européens, économiques et sociaux. Ainsi il écrit "Par leur virulence, leur insistance, leur dissonance, les frondeurs finissent par ébrécher la solidarité indispensable à toute pédagogie. Ils minent notre crédit politique et incitent une partie de la gauche, celle qui nous conteste depuis l'origine et qui a en fait rompu avec l'Europe, à entonner le grand air de la trahison, pour proclamer l'insoumission". Dans une interview qu'il accorde à L'Obs, le socialiste étaye son propos avec des mots encore plus durs. "C'est parce qu'ils se sont obstinés à penser qu'une autre candidature que la mienne était possible qu'ils ont faussé les choix et laissé un espace à Emmanuel Macron", déclare-t-il. Et François Hollande de proposer sa propre lecture, forcément biaisée de la fin du quinquennat et de la présidentielle. "C'est un frondeur qui a gagné la primaire et ses 6% montrent bien que son positionnement à fait fuir les électeurs. Ce n'est pas ma politique qui a été condamnée, c'est la leur", assure-t-il.

Pourtant les électeurs ont tout à la fois sanctionné un système politique sclérosé et la politique qu'il a menée ; n'importe quel candidat socialiste aurait été sanctionné, portant les stigmates de l'un comme de l'autre. L'ancien Président oublieux des faits politiques de son propre quinquennat, je me permets donc de lui apporter une réponse argumentée pour démontrer que son quinquennat était déjà délétère avant même l'apparition d'une quelconque "fronde" parlementaire.

Avec un peu de chance, c'est sans doute la dernière fois que j'aurais besoin de répondre à l'ancien résident de l'Elysée.

François Hollande dans le JT de France2, mardi 10 avril 2018

François Hollande dans le JT de France2, mardi 10 avril 2018

Les « Frondeurs » sont-ils responsables de l'échec du quinquennat ?

C'est un discours repris régulièrement par les soutiens de François Hollande – Stéphane Le Foll en tête – et de Manuel Valls. L'échec du quinquennat serait de la responsabilité des « frondeurs », qui par leur indiscipline auraient terni l'image de l'action gouvernementale, du Parti socialiste et empêché les Français de percevoir la pertinence de l'action gouvernementale et ses résultats...

C'est un conte pour enfants difficile à soutenir pourtant. Revenons en aux faits.

Quelques faits politiques ressentis dès les premiers mois

Dès les élections législatives de juin 2012, le nouvel exécutif considéra que la volonté du PCF de ne pas participer à la majorité présidentielle – quand bien même il participait depuis septembre 2011 à la majorité sénatoriale de gauche – impliquait de ne plus appliquer la principe de désistement républicain. Les candidats sortants du PCF ont donc fait l'objet d'une concurrence violente de la part des candidat.e.s socialistes, certains décidant même de se maintenir au 2nd tour face à ces candidats. Par la suite, les reports de voix à gauche en pâtiront.

On peut d'ailleurs considérer que le signal envoyé aux lendemains de la présidentielle de présenter des candidat.e.s contre J.-L. Mélenchon et F. Bayrou, deux candidats à la présidentielle ayant appelé à voter François Hollande au second tour, a envoyé un signal négatif à une partie de l'électorat de second tour de celui-ci : tout devait être strictement soumis à l'Élysée et sa stratégie hégémoniste.

Les élections partielles de décembre 2012 (Hérault, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne), de mars, de mai et de juin 2013 (Oise, Lot-et-Garonne, Wallis-et-Futuna, Français de l'étranger) se sont toutes soldées par un recul fort des candidat.e.s de gauche (certains étant éliminés au soir du 1er tour par le FN – Oise et Lot-et-Garonne – ou faute de participation) et parfois une défaite des député.e.s sortant.e.s de la majorité présidentielle (Hérault, 1ère et 8ème circonscriptions des Français de l'étranger). Ces mauvais résultats étaient complétés par des défaites dans des cantonales partielles.

Le désenchantement entre l'électorat de gauche (qui choisit l'abstention) est donc bien antérieur à la « fronde parlementaire » et prend dès le départ un caractère assez massif.

L'impact des choix gouvernementaux

Tous les éléments qui vont suivre sont antérieurs à la « fronde parlementaire ». Ils expliquent pourtant la rupture entre l'opinion et l'exécutif.

1- l'Europe

Dès juin 2012, F. Hollande annonce qu'il ne demandera pas la renégociation du Traité européen pour stabilité, la coordination et la gouvernance, signé à l'initiative de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel. Or c'est un des engagements majeurs du candidat Hollande. La ratification parle vote de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2012 entraîne donc logiquement parmi les député.e.s socialistes 9 votes contre et 20 abstentions ; chez les député.e.s écologistes (EELV étant considéré comme l'un des partis les plus « pro-européens »), ce sont 12 votes contre et 2 abstentions (sur 17). Mais surtout, cela reproduit le même phénomène que lorsque Nicolas Sarkozy avait obtenu la ratification parlementaire du Traité de Lisbonne en dépit du rejet référendaire du TCE 3 ans plus tôt par les Français : les député.e.s de gauche et de droite votent de la même manière en contradiction avec la majorité des Français ou les engagements électoraux.

A la lecture de L'abdication, remarquable essai écrit par Aquilino Morelle (qui fut le conseiller spécial du président de 2012 à 2014) et publié en janvier 2017 après l'annonce de François Hollande qu'il ne se représenterait pas, on apprend par ailleurs que le candidat Hollande avait envoyé quelques jours après le discours du Bourget Emmanuel Macron comme missi dominici auprès des conseillers d'Angela Merkel à Berlin pour rassurer la Chancelière. Il les a assurés que la France avec François Hollande serait « raisonnable » : traduction, le discours du Bourget, c'est pour les Français et la campagne électorale, nous ne toucherons pas au TSCG.

Dans l'électorat de gauche du Nord et de l'Est de la France, sensible à cette question, la fracture deviendra irrémédiable ; les intentions de vote pour le FN vont y progresser fortement dans la foulée, non par euroscepticisme mais par écœurement vis-à-vis des responsables politiques.

2- le pacte de compétitivité

En octobre 2012, deux semaines après ce vote, se tient le congrès du PS à Toulouse. La prochaine remise du rapport Gallois a fait monter la rumeur de la mise en place d'une « CSG sociale ». Les leaders de la majorité du PS prennent position à la tribune contre cette éventualité, alors que la majorité parlementaire a voté peu avant l'abrogation de la « TVA sociale ». Jean-Marc Ayrault retardera l'annonce des mesures dont certaines étaient prévues pour le congrès (j'étais derrière lui lorsqu'il relisait son discours en même temps que Martine Aubry déclamait le sien à la tribune ; il était fascinant de le voir rayer des pages entières au fur et à mesure que la Maire de Lille dénonçait les menaces qui planaient). Quelques jours plus tard, il annoncera le pacte de compétitivité : un crédit d'impôt pour les entreprises financé par la hausse de la TVA, alors qu'on vient supprimer la « TVA sociale ». Le gouvernement Ayrault applique donc les mêmes recettes qu'il a condamnées pendant la campagne. L'électorat percevra négativement ce revirement. Dans cette même logique, F. Hollande annoncera en janvier 2014 le pacte de responsabilité, c'est-à-dire la transformation progressive du crédit d'impôt en baisse définitive de cotisations sociales pour les entreprises, donc impossible à conditionner ou à critériser.

3- l'abandon de Florange

Arcelor-Mittal a annoncé sa volonté de fermer les hauts fourneaux de Florange ; ils sont pourtant rentables. Ce sont les derniers de France. Après des semaines de psychodrame, alors que le ministre du redressement industriel Arnaud Montebourg assurait qu'il avait trouvé un repreneur français potentiel pour les hauts fourneaux, plaidant pour une nationalisation transitoire, J.-M. Ayrault annonce pourtant qu'il n'y aura pas de nationalisation temporaire ni de repreneur, les hauts fourneaux seront fermés et ne subsistera qu'une vague activité de recherche sur place.

Après des semaines de luttes, les dernières « gueules jaunes » sont humiliées, le monde ouvrier également.

4- la réforme fiscale avortée

Jérôme Cahuzac, ministre du budget, avait annoncé qu'elle était déjà faite ; personne n'avait rien vu, et pour cause... Il démissionne après le scandale, entraînant dans l'élection législative partielle qui suit (juin 2013) l'élimination du PS par le FN. La grogne des Français contre l'injustice fiscale (demi-part des veuves, gel du barème, augmentations d'impôts) est importante.

Six mois plus tard, J.-M. Ayrault se rappelle les promesses de campagne sur la réforme fiscale et annonce vouloir remettre à plat la fiscalité française... il espère ainsi gagner du temps alors que montent les rumeurs de son limogeage. Il reçoit le soutien de Maintenant la Gauche et de deux groupes de parlementaires PS, la « gauche populaire » et la « gauche durable ».

Finalement, les municipales passent, J.-M. Ayrault est débarqué, la réforme fiscale définitivement enterrée, car les baisses d'impôt ultérieures déséquilibreront plus encore l'impôt sur le revenu.

L'impact des élections municipales

En mars 2014, les élections municipales s'achèvent par une bérézina. Il n'y a pourtant eu aucune « fronde parlementaire » auparavant. L'ensemble de la gauche redescend au niveau qu'elle avait atteint en 1971. Ce sont les résultats de ces élections qui vont convaincre plusieurs parlementaires d'exprimer les désaccords qu'ils avaient tus jusqu'ici (à l'exception des parlementaires de Maintenant la Gauche) et de tenter de réorienter la politique du gouvernement.

Les études d'opinion ont montré que ces municipales avaient été la conséquences d'une abstention massive à gauche, par désaveu de la politique conduite notamment par les catégories populaires, concernant les conditions de vie socio-économiques. C'est très bien expliqué dans l'essai Karim vote à gauche et son voisin vote FN sous la direction de Jérôme Fourquet (publié avec la Fondation Jean-Jaurès aux éditions de l'Aube, octobre 2015). Ce dernier démonte notamment la fable d'un vote des électeurs d'origine africaine ou maghrébine « de culture musulmane » qui auraient selon certains voté à droite, voire au FN, à cause du mariage pour tous.

Les causes du choix de l'abstention massive de cet électorat (qui avait voté Hollande à 86% le 6 mai 2012) aux municipales sont clairement de l'ordre de considérations économiques et sociales (emplois, salaires, logement, transports, écoles).

Qui a défendu les positions du Parti socialiste ?

D'avril 2014 à mai 2015, un groupe de parlementaires socialistes conteste les dérives de la politique conduite par l'exécutif. Durant cette période, cela se ressentira surtout sur la Loi Macron et la Loi Rebsamen et quelques demandes de conditionner le CICE. C'est donc assez limité et cela aurait été anodin si M. Valls, contre l'avis d'Emmanuel Macron, n'avait pas décidé de faire passer le projet de loi de ce dernier par 49.3 alors que cela ne se justifiait pas. Anodin aussi, si Benoît Hamon, Aurélie Filipetti et A. Montebourg n'avaient pas été virés du gouvernement fin août 2014 pour n'avoir rien dit de plus que ce qu'ils disaient d'habitude. D'ailleurs, le plus critique était A. Montebourg – les deux autres étant très discrets – qui avait fait le 10 juillet 2014 à Bercy un discours bien plus offensif que celui qu'il tiendra à Frangy un mois et demi plus tard ; le 10 juillet cela n'avait eu aucune conséquence, allez comprendre...

En juin 2015, le congrès du Parti socialiste s'achève sur un vote majoritaire en faveur de la motion conduite par Jean-Christophe Cambadélis et rédigée par Jean-Marc Germain, un des chefs de file des « frondeurs ». Cette motion reprend de manière atténuée les principales revendications des « frondeurs », celles-ci apparaissant plus ouvertement dans la motion B rédigée par le rassemblement des « frondeurs » et de Maintenant la Gauche. Sont réaffirmées la mise sous conditions du CICE et la revendication de « rétablir la hiérarchie des normes et de renforcer le principe de faveur » en droit du travail.

Le 27 juillet 2015, le bureau national du PS a adopté à l'unanimité le rapport Germain sur la préparation du budget pour 2016, qui traduit concrètement les exigences du PS sur le budget en cohérence avec l'orientation adoptée par la motion majoritaire lors du congrès. J.-C. Cambadélis ne le défendra pas auprès de l'exécutif, pas plus que les présidents de groupes parlementaires.
Donc ce que l'on reproche aux « frondeurs » c'est d'avoir défendu lors du débat budgétaire les positions issues de la motion majoritaire conduite par J.-C. Cambadélis et signée par M. Valls, traduite dans le rapport Germain adopté à l'unanimité par le BN du PS. Ce sera de fait le dernier vote formel lors d'un BN du Parti socialiste après le congrès de Poitiers.

Lors de l'examen de la loi travail, ce que l'on reprochera aux « frondeurs », c'est de défendre la position de la motion majoritaire pour « rétablir la hiérarchie des normes et renforcer le principe de faveur ». Or la loi El Khomri était bien un processus de renversement de la hiérarchie des normes assumé et revendiqué comme tel par la cheffe de file des sénateurs socialistes sur ce projet de loi, Nicole Bricq. À l'Assemblée nationale, par ailleurs, les député.e.s considéré.e.s comme « frondeurs » n'étaient pas en nombre suffisant pour mettre à mal la majorité parlementaire pourtant bien affaibli de M. Valls (rappelons nous que ce dernier a provoqué de fait le départ des écologistes du gouvernement et l'hostilité de la majorité d'entre eux quant aux inflexions qu'ils donnaient à la politique migratoire et à sa volonté de remettre en cause la loi ALUR) : M. Valls a choisi d'utiliser le 49.3 car en fait il craignait des défections ou des abstentions de député.e.s considéré.e.s comme sûr.e.s jusque là, preuve que le trouble dépassait largement les rangs des « frondeurs ». Sans cet usage hasardeux du 49.3 pas de motions de censure de gauche, devenues inévitables après l'hystérisation du débat parlementaire et pour éviter que les député.e.s de gauche votent une motion de censure de droite (les deux ne s'additionnant pas).

Malgré toutes ces crispations, avez-vous entendu un électeur ou un citoyen vous demander la tête des « frondeurs » ? ou dénoncer la hausse du chômage ou des impôts ? Avec un corps électoral comparable à novembre 2011, si les électeurs de la primaire avaient voulu sanctionner les « frondeurs », auraient-ils préféré B. Hamon (entré tardivement en « fronde ») à M. Valls ?

* * *

La lucidité impose de le reconnaître : parmi les causes de l’échec du quinquennat, il y a le rapport trop peu critique aux institutions de la Ve République dans lesquelles tout est soumis à l'exécutif. Dans le même temps, renonçant à son autonomie, le Parti socialiste s’est rendu volontairement inaudible. Or le rôle du Parti socialiste, c’est d’être l’acteur vigilant de la transformation quand nous gouvernons.

De 2012 à 2016, le Parti socialiste au contraire a décidé de ne plus rien décider et d'aggraver le fait que le parti et ses groupes parlementaires vivent trop souvent de manière autonome, si ce n’est distante. Les dirigeants du PS auront à l'avenir tout à la fois la mission de porter l’orientation du parti et de s’assurer qu’elle se nourrit et irrigue tout à la fois le travail parlementaire tant à l’Assemblée nationale, qu’au Sénat ou au Parlement européen. Tout cela démontre bien la nécessité de rétablir un équilibre favorable au pouvoir législatif comme nous le proposions dans « L'Union & l'Espoir ». J'ai quelques doutes sur la capacité de la nouvelle direction du PS, mais nous allons lui laisser quelques semaines le bénéfice du doute.

Frédéric Faravel

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9 avril 2018 1 09 /04 /avril /2018 13:29

Samedi 7 avril 2018, vers 16 heures, j'étais appelé à intervenir devant les délégués du congrès du Parti socialiste pour répondre au nom du texte d'orientation "L'Union & l'Espoir", dont le premier signataire est Emmanuel Maurel, à l'adresse aux Européens proposée par la nouvelle direction du PS.

Vous trouverez ci-dessous la vidéo et le texte de l'intervention.

Il me revient la tâche de vous expliquer les raisons pour lesquelles "L’Union & l’Espoir" s’abstiendra sur le texte qui nous est présenté.

La démarche proposée n’est pas inintéressante, mais nous croyons que la question européenne, ses enjeux méritent un véritable débat interne et approfondi. C’est d’ailleurs prévu à l’automne ; et il est heureux que nous préparions sérieusement les élections européennes en nous donnant enfin une orientation solide, qui parle à nouveau aux classes moyennes et populaires, qui permette enfin de faire reculer la défiance qui s’est enkystée à cause de la dérive ordo-libérale de la construction européenne à coup de Traité d’Amsterdam, de Traité de Lisbonne puis de Traité Merkozy !

La définition de notre orientation européenne mérite un temps prolongé et organisé de débat et de réflexion, avec les militants, pour ne pas réitérer les erreurs passées et répondre efficacement aux questions posées par une social-démocratie européenne, qui, si elle reste notre camp naturel, n’en finit pas de se débattre avec de graves contradictions.

Nos concitoyens méritent mieux qu’une nouvelle répétition des slogans des campagnes européennes précédentes, inaudibles car usés à force d’avoir été ressassés.

Et puis autant se le dire franchement camarades, la priorité de ce congrès, qui se tient en parallèle avec un mouvement social qui prend et dont les motivations sont fondées, était de s’adresser aux salariés qui luttent, aux Français qui voient leur pouvoir d’achat attaqué, leurs services publics mis à mal. Dire finalement à tous ceux pour qui naturellement nous devons nous battre que les socialistes sont à leurs côtés. Il est encore temps de s'adresser à eux, de parler au corps central de la société, de parler au peuple de gauche !

Le samedi 7 avril 2018, à la tribune du 78e congrès du Parti socialiste à Aubervilliers

Le samedi 7 avril 2018, à la tribune du 78e congrès du Parti socialiste à Aubervilliers

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26 mars 2018 1 26 /03 /mars /2018 15:15
Non, le retour de la croissance et le recul du chômage ne sont pas dus à la politique menée par Hollande

Les bonnes nouvelles :

  • La reprise économique. La croissance a été de +1,9% en 2017, après +1,1% en 2016, et pourrait franchir le cap de 2% en 2018 pour la première fois depuis 2007.

  • Le repli du chômage. Au 4ème trimestre de 2017, le taux de chômage a atteint 8,9% en France, soit son plus bas niveau depuis 2009. Même si la baisse de 0,7 point en un trimestre apparaît excessive1, pouvant donner lieu à une correction ultérieure, et si les données de Pôle Emploi sont moins favorables que celles de l’INSEE2, il est de fait que le taux de chômage diminue depuis la fin de 2015, en ligne avec des créations d’emplois soutenues (+ 130 000 en 2015, +235 000 en 2016, + 250 000 en 2017).

Une amélioration qui ne doit rien à la politique de François Hollande

  • La croissance française reste nettement inférieure à la moyenne de nos voisins (+1,9% contre +2,5%), comme c’est continuellement le cas depuis 2014. En vérité, notre pays ne fait que profiter du redémarrage de l’économie mondiale et, en particulier, européenne, ainsi que du début d’un nouveau cycle après une longue période de stagnation. Au bout d’un moment, il faut bien que les entreprises et les ménages se remettent à investir, ce qui a été favorisé par de bas taux d’intérêt, d’où plus de revenus, donc de consommation etc.. Impossible de prétendre que la politique de F. Hollande y soit pour quelque chose.

  • La preuve en est qu’il reste un point noir : le déficit commercial continue de se creuser, ayant atteint 62 Md€ en 2017 (soit +30% par rapport à 2016 et la plus forte dégradation annuelle depuis 2011), alors que toute la stratégie de F. Hollande, fondée sur la « baisse du coût du travail », visait à rendre l’économie française plus compétitive. Et la hausse des prix du pétrole n’explique pas tout ; l’aggravation du déficit manufacturier (de 35 Md€ à 41 Md€), alors que notre croissance est plus faible que celle de nos partenaires, constitue une terrible contre-performance, qui signe l’échec d’une politique. La compétitivité-coût s’est naturellement améliorée, à un prix exorbitant pour les finances publiques, mais cela n’empêche pas le recul de la part de nos exportations dans celles de la zone euro, passée de 17% à 13% entre 2000 et 2017.

  • Ce constat s’applique de la même manière à l’évolution de la situation de l’emploi. Malgré sa baisse actuelle, le taux de chômage français se réduit moins vite que chez nos voisins, de sorte qu’après avoir été constamment inférieur à la moyenne de la zone euro depuis 2008 (par exemple, 10% contre 12% en 2015), il lui est devenu supérieur en 20163. Difficile de parler de la réussite de F. Hollande dans ce domaine aussi…

  • Il aurait fallu faire autre chose. Le mal vient moins d’un dynamisme excessif de nos importations que de l’incapacité de nos entreprises à profiter de la bonne orientation de la demande mondiale, à cause d’une qualité insuffisante de leurs produits. La bonne stratégie eût consisté à favoriser leur montée en gamme en stimulant l’investissement productif mais aussi public, de même qu’en développant le niveau de qualification de la main d’œuvre - plutôt qu’en adoptant une stratégie « low cost » fondée sur la baisse du coût des travail et la flexibilité, digne d’un pays du tiers-monde…Ceci n’empêchait nullement de mettre en œuvre parallèlement un plan de relance de la consommation. Cette politique aurait produit des résultats importants et rapides en termes d’activité et d’emplois ; nous serions aujourd’hui en tête de la classe européenne au lieu de nous situer parmi les derniers.

L’économie française a commencé à décrocher par rapport à celle de ses voisins en 2014, au moment où la politique de l’offre était renforcée (Pacte de responsabilité), et il n’y a toujours aucun signe d’un effet positif de celle-ci aujourd’hui. Bien au contraire, puisque le déficit manufacturier s’aggrave. En vérité, on a distribué aux entreprises des dizaines de milliards d’euros sans contrepartie ni aucun bénéfice. De plus, on les a financés en alourdissant les prélèvements obligatoires et en sacrifiant des dépenses publiques utiles, notamment par la réduction des dotations aux collectivités locales, ce qui a durement pesé sur la croissance et le pouvoir d’achat.

1 Notamment parce que les créations d’emplois se sont limitées à 50 000, ce qui constitue un bon résultat mais paraît incompatible avec un tel repli du chômage.

2 Le nombre de personnes sans activité inscrites à Pôle emploi (catégorie A : 3,7 M, yc DOM) n’a presque pas diminué en 2017.

3 Par ailleurs, il n’est plus que 5,6% à l’échelle des pays de l’OCDE.

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10 mars 2018 6 10 /03 /mars /2018 18:27
5 bonnes raisons de voter L'Union & l'Espoir et Emmanuel Maurel le 15 mars 20185 bonnes raisons de voter L'Union & l'Espoir et Emmanuel Maurel le 15 mars 2018

Chères Camarades, Chers Camarades,

Le 15 mars vous aurez à faire un choix entre 4 textes d’orientation, 4 « Motions ».

La lassitude ou le découragement se sont emparés de beaucoup d’entre nous ces dernières années et ces derniers mois. Pourtant ce vote-là sera très important.

Voter pourquoi ? L’enjeu de ce congrès d’Aubervilliers est capital : il est celui de la survie pour notre parti. En 2012 nous avions tous les leviers pour transformer la société. En 2017, nous les avons presque tous perdus. Pacte de responsabilité, loi travail, déchéance de nationalité : les Français ne se sont pas reconnus dans notre action et, finalement, ne nous reconnaissent plus. Notre congrès de 2018 n'est pas un achèvement, un aboutissement, mais le début d'un processus de travail, de rassemblement et de reconquête.

« L'Union et l'Espoir », le texte d'orientation n° 4 dont Emmanuel Maurel le premier signataire, propose de bâtir avec les militants, le Parti socialiste de demain : un parti rassemblé, démocratique, ouvert, exemplaire, offensif. Un parti fier de ses valeurs, qui n’oublie pas pour qui ni pour quoi il se bat. Un parti qui appartient à ses militants.

À quelques jours du vote, il est bon de rappeler les enjeux de ce congrès, pour exprimer avec force ce qui me paraît être le chemin du redressement pour le socialisme français.

Le Parti socialiste, Emmanuel Maurel le connaît bien ; il connaît ses défauts, ses travers, mais aussi ses atouts : un réseau d'élus de terrain formidables qui s'engagent au quotidien pour améliorer la vie des Françaises et des Français ; des militants disponibles, aguerris, impliqués dans la vie de la société, dans les associations, dans les syndicats. C'est notre force. Nous sommes attachés au Parti socialiste, à sa démocratie interne (trop souvent théorique et malmenée), à ses rites, à ses militants. Nous ne nous résolvons pas à le voir encore s'étioler.

Pour se relever le Parti socialiste doit tourner une page de son histoire ; sans renier ce qu'il fut, il doit écrire une nouvelle aventure. Nous ne pourrons le faire que si nous sortons des sables mouvants de l'ambiguïté, qu'à la condition de mettre fin au flottement dont nous avons donné l'image. Les six premiers mois du quinquennat ont démontré de manière éclatante qu’on ne peut pas être socialiste « et en même temps » dans la complaisance à l’égard de Macron. Nous proposons le chemin de la clarté et de l'authenticité à gauche :

  • Clarté par rapport au bilan du quinquennat précédent ;

  • Clarté par rapport au nouveau pouvoir. Nous sommes un parti d’opposition et pas la force supplétive d’une majorité clairement marquée à droite ;

  • Clarté sur les orientations stratégiques, sur notre détermination à unir le parti puis la gauche.

Tout est possible, pourvu que l'on sache d'abord d'où nous venons mais aussi pour quoi et pour qui nous nous battons. Pour que les Français nous écoutent à nouveau nous devons penser le présent et l’avenir éclairés par nos fondamentaux : proposer d’améliorer concrètement la vie matérielle des gens, des ouvriers, des employés du privé comme du public, des retraités, des jeunes. Nous n’accepterons jamais de laisser le champ libre au Front National dans l’électorat populaire. Cela suppose de ne rien ignorer de ses aspirations et de ses préoccupations quotidiennes. Cela suppose d'être le parti de tous les jours de la vie. De la même manière, nous ne pouvons plus ignorer que la société civile produit de nouvelles revendications – la lutte pour les droits des femmes, les nouveaux comportements de consommation, la dénonciation des paradis fiscaux – auxquelles notre Parti doit offrir un débouché politique à l’échelle de notre nation et du continent.

Si les militants socialistes choisissent Emmanuel Maurel pour être leur Premier secrétaire, cela sera un signal envoyé aux Françaises et aux Français que nous avons déçus, signal que nous avons tiré les leçons de nos erreurs. Au sortir de notre congrès, avec « L'Union & l'Espoir », nos concitoyens pourront à nouveau comprendre où nous nous situons, que nous renouons avec nos fondamentaux et que nous nous ouvrons aux défis nouveaux. C'est essentiel pour être à nouveau au cœur de la gauche et remettre tout le monde autour de la table afin de reconstruire le rassemblement, condition nécessaire pour gagner et gouverner à nouveau, gouverner pour transformer la société dans le sens de l'égalité et de la justice sociale.

Au lendemain du congrès, la tâche qui nous attend est immense. Ensemble nous la surmonterons, et nous la surmonterons d'autant plus facilement que nous nous serons dotés d'une orientation claire, adaptée aux défis de notre temps. Face à une mondialisation libérale, face à l'impasse du libre-échange généralisé, face à la tragédie du changement climatique et des migrations de la misère, dans un monde politiquement instable, jamais une réponse socialiste républicaine, antilibérale et écologiste distincte de l’illusion sociale-libérale, présentée comme le progrès et la seule politique possible, n'a été aussi pertinente et nécessaire. Le rassemblement des socialistes est nécessaire – et nous y mettrons toute notre énergie –, il nous faudra de l'esprit, du caractère et de la force – et Emmanuel n'en manque pas – mais tout cela ne sera pas suffisant si nous ne nous sommes pas fixés auparavant un cap clair. Pour combattre nos adversaires des droites libérales et conservatrices, pour faire reculer nos ennemis nationalistes et xénophobes, pour créer les conditions du rassemblement des forces de progrès, Emmanuel Maurel saura porter votre voix, vos convictions et vos espoirs.

Chères Camarades, Chers Camarades,

Emmanuel Maurel vous propose de porter ensemble un socialisme décomplexé qui assume son utilité historique et ouvre un nouveau chemin pour faire vivre concrètement nos principes de Liberté, d'Égalité et de Fraternité, en France, en Europe et dans le monde. Ce n'est pas un hasard si les mots de la devise républicaine, issus de la Grande Révolution de 1789 et inscrits aux frontons de nos mairies, sont devenus ceux de l'Internationale Socialiste. Nous avons la mission de leur redonner vigueur. Il n'y a pas de fatalité à voir le socialisme démocratique décliner ; d'autres camarades aux États-Unis, en Grande Bretagne, au Portugal, ont entrepris cette renaissance. À nous désormais de relever le défi !

Pour y arriver, le Parti socialiste a besoin de votre engagement.

Frédéric Faravel

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12 février 2018 1 12 /02 /février /2018 14:41

Avec le soutien de plusieurs camarades socialistes, j'ai pris l'initiative de déposer une contribution thématique au congrès du Parti socialiste à Aubervilliers, dont la conclusion se déroulera le week-end du 7-8 avril 2018.

Il s'agit dans ce texte de rappeler les structures historiques et spécifiques du mouvement ouvrier français (au sens large) qui rendent impossible la transposition du "modèle social-démocrate" en France, de déconstruire la mythologie de la "Charte d'Amiens" et d'en tirer quelques enseignements pour proposer de nouveaux axes d'action, afin de renforcer tout à la fois la place du syndicalisme et la pertinence des propositions socialistes.

Vous trouverez à la fin de cet article le lien sur le site du Parti socialiste.

    Les premiers signataires sont : Geneviève Wortham (BN, 77), Bertrand Vasnier (membre titulaire du CN, 75), Frédéric Faravel (suppléant au CN, 95), Sébastien Lombard (BNA, 95), Gabriel Richard-Molard (suppléant au CN, FFE), Stéphane Mukkaden (Conseiller consulaire Islande-Norvège, FFE), Géraldine Gay (membre titulaire du CN, 11), Bruno Crinon (Trésorier de section, 95), Denis Février (CF, 95)

    Conjuguer à nouveau Socialisme & Syndicalisme - contribution thématique pour le congrès du Parti socialiste

    Les relations entre le socialisme français et le mouvement syndical ont toujours été complexes.

    L'industrialisation lente (en comparaison de l'Allemagne ou de la Grande Bretagne), la faiblesse relative des effectifs ouvriers et l'unification tardive des organisations politiques et syndicales qui prétendaient représenter le mouvement ouvrier en France expliquent à bien des égards une situation structurelle dont notre pays porte encore largement la trace.

    D'abord, déconstruire une partie de la « mythologie historique » du mouvement ouvrier

    La CGT, issue notamment de la fusion de la Fédération nationale des syndicats (créée en 1886, d'inspiration guesdiste) et de la Bourse du travail de Paris (créée en 1887), n'est créée qu'en 1895 et parachèvera son unité avec la fédération des bourses du travail qu'en 1902. Très tôt, elle subira la concurrence du syndicalisme chrétien (bien que la CFTC ne soit officiellement créée qu'à la Toussaint 1919) et de son mot d'ordre de « Paix sociale » ou encore de la Fédération nationale des Jaunes de France (officiellement créée en 1902), organisation corporatiste, antisémite et pré-fasciste.

    À cette difficulté évidente de pouvoir prétendre représenter le monde ouvrier dans son intégralité, la CGT naissante est le fruit d'une époque et d'une histoire politique bien française : en son sein se perpétue des conflits sur la forme d'action sociale qui existaient au sein de l'Association Internationale des Travailleurs entre coopératistes, marxistes et libertaires et que l'écrasement sanglant de la Commune n'a pourtant pas éteints.

    Ainsi lorsque le Parti socialiste aboutit enfin à son unité en 1905, une bonne partie des militants CGT considère avoir quelques raisons de se défier de la nouvelle organisation politique révolutionnaire :

    • sa déclaration de principes guesdiste qui soumet théoriquement l'action syndicale à l'action politique ;

    • la pratique de fait d'insertion dans les institutions républicaines de la SFIO qui découle du fait que dans notre pays la démocratie aient précédé l'organisation du mouvement ouvrier et la conquête des droits sociaux et économiques.

    De là découle l'adoption par le congrès de la CGT de 1906 (un an après la création de la SFIO) de la désormais célèbre « Charte d'Amiens » sous l'influence des anarcho-syndicalistes : rejet de toute soumission au parti, évidemment, mais au-delà de toute coopération réelle... pour les anarcho-syndicalistes, c'est le syndicat qui le moment venu transformera la société et l'organisera politiquement après avoir renversé la bourgeoisie au moyen de la « grève générale ».

    On retrouvera cette conception dans les puissants mouvements anarchistes d'Italie et d'Espagne (comme la CNT-FAI).

    Pourtant, il serait bon de rappeler que ce contrôle de la CGT par les anarcho-syndicalistes fut un épisode particulièrement bref ; dès 1909, la confédération repassait sous le contrôle des amis d'Édouard Vaillant, pilier essentiel de la SFIO et de son groupe parlementaire, héritier du blanquisme. S'établit alors ce que Léon Blum décrira dans son discours du congrès de Tours en 1920 de la manière suivante : « On était arrivé péniblement, après bien des tâtonnements, à une conception qui, somme toute, avait pratiquement donné satisfaction à tout le monde : autonomie des deux organisations, communauté de buts, mais avec différenciation des moyens, et possibilité, à chaque instant, par des croisements et des rencontres, d'action commune sur des objets déterminés. »

    Cet équilibre se maintiendra jusqu'en 1946, au-delà de la réunification de la CGT en 1936 (les partisans de l'Internationale Communiste et de l'Internationale syndicale rouge avait créé en 1921-22 la CGT-Unitaire), face à la conception communiste de courroie syndicale de transmission.

    La scission définitive et durable du syndicalisme français s'opère donc quand le PCF rompt avec l'alliance politique de la Libération pour contrer le plan Marshall : la CGT-Force Ouvrière et la Fédération de l'Éducation Nationale (le syndicalisme enseignant refusera de choisir entre la CGT contrôlée par les anciens « unitaires » et FO) surjoueront dès lors l'indépendance syndicale supposée naître de la « Charte d'Amiens » pour s'opposer à la toute puissante CGT communiste. Mais d'ores-et-déjà la CFTC, revivifiée par sa participation à la Résistance et l'unité d'action dans la clandestinité avec la CGT, occupait une place à part avec 26% des votes.

    La CFTC suivra une voie autonome, s'éloignant de l'Église Catholique, puis se déconfessionnalisant pour devenir en 1964 la Confédération Française et Démocratique du Travail. C'est sans doute le syndicat qui comprit le mieux les aspirations du monde ouvrier autour de 1968 et dans les années 1970, portant les combats sur les conditions de travail, le pouvoir ouvrier, l'autogestion, tout en se référant au socialisme dans sa charte, participant même aux Assises du Socialisme en 1974. Longtemps partenaire privilégiée du PSU puis du PS, la CFDT prendra cependant ses distances lentement à partir de 1978. La référence au socialisme sera officiellement abandonnée en 1988. De fait la CGT, quant à elle, choisit de ne plus être la courroie de transmission d'un PCF en déshérence dès le début des années 1990.

    En parallèle avec l'évolution politique, économique et sociale, de la construction européenne, de la mondialisation, de la chute plus ou moins rapide des grandes « forteresses ouvrières », de la transformation de la composition du salariat, l'histoire du syndicalisme français n'est plus depuis qu'une longue histoire de divisions ; scissions venant de la CFDT et de FO, implosion de la FEN, accompagnant et accélérant également la baisse des effectifs syndiqués. Ce qu'il y a de plus étrange dans cette histoire, c'est que désormais toutes les organisations syndicales françaises se réfèrent avec fermeté à la « Charte d'Amiens » alors que celle-ci ne correspond qu'à un très court moment de l'histoire de la CGT (ou de FO si on conçoit que cette centrale soit l'une des deux branches du syndicat historique).

    On conçoit donc combien notre histoire politique et syndicale est éloignée des modèles dont on nous rabâche constamment l'exemple :

    • le Labour party, émanation parlementaire des syndicats britanniques, ce qu'il tend en partie à redevenir depuis sa conquête par Jeremy Corbyn, et qu'il ne cessa jamais totalement d'être malgré les réformes internes imposées par Tony Blair avant qu'il ne devienne Premier ministre ;

    • la DGB, héritière des syndicats ouvriers créés par le SPD dans une conception « parfaitement » marxiste, et qui continue malgré quelques distances d'avoir des liens étroits avec le parti allemand ;

    • les liens étroits de la FGTB et du Parti Ouvrier Belge, puis du Parti socialiste wallon ; les liens organiques entre les partis social-démocrates et travaillistes et les centrales syndicales scandinaves...

    Aujourd'hui, que faire ?

    Osons le dire les conditions d'une social-démocratie « à la française » n'ont jamais existé et elles n'existent toujours pas. Elles se sont même à notre sens éloignées. Cela tient tant à notre histoire politique qu'à des structurations syndicales profondément différentes : oublie-t-on qu'une des conditions de la puissances des grands syndicats nordiques est que le bénéfice des accords collectifs qu'elles signent ne va qu'à leurs adhérents ? Pour en profiter un scandinave est obligé d'adhérer au syndicat, ce qui explique largement le taux de syndicalisation et leur audience au-delà même des rangs de la gauche...

    Doit-on cependant s'en tenir là et ne pas chercher à faire évoluer la situation ? Considérer que les syndicats sont condamnés par la mondialisation comme semble l'être la social-démocratie ? Nous pensons le contraire.

    Avec l'exercice durable du pouvoir par les socialistes, à partir des années 1980, une transformation culturelle et sociologique est intervenue dans notre parti. Elle a été largement décrite par Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki dans leurs travaux de recherche et leur ouvrage commun La société des socialistes. Le militantisme politique s'est « professionnalisé » : son recrutement s'est concentré sur les élus, ceux qui aspiraient à l'être, et ceux qui travaillaient pour eux. En parallèle, et de manière pas tout à fait fortuite, une vieille obligation statutaire est tombée progressivement mais rapidement en désuétude, avant d'être abandonnée dans le courant des années 1990 : l'adhésion à un syndicat professionnel... Aujourd'hui ne subsiste plus qu'une vague incitation à l'article 2.1.1.2.3 : « Les membres du parti sont encouragés à appartenir à une organisation syndicale de leur profession et au moins à une association, notamment de défense des droits de l’Homme, de solidarité, de consommateurs, d’éducation populaire, de parents d’élèves ou d’animation de la vie locale. » Le déclin du secteur entreprises du Parti et des GSE complète le tableau.

    Nous préconisons donc plusieurs mesures et orientations qui doivent permettre tout à la fois de ressourcer un parti socialiste et de renforcer le rôle des syndicats de salariés.

    1. Parce que nous pensons qu'un parti socialiste ne saurait s'enfermer dans l'action politique mais doit pouvoir avoir prise sur l'action économique :
      Les adhérents d'un parti socialiste doivent avoir l'obligation d'adhérer à un syndicat de salariés. Ironiquement, on pourrait presque dire que la diversité de la palette syndicale répond à la diversité des opinions permises dans un parti socialiste de rassemblement.
      Un parti socialiste doit encourager par tout moyen la recréation de groupes socialistes d'entreprise, capables de le nourrir sur la réalité du travail et de l'activité économique.

    2. Parce que nous voulons retrouver un équilibre perdu « autonomie des organisations, communauté des buts, différenciation des moyens, capacité d'actions communes » :
      Le Parti socialiste plaide autant que faire se peut pour l'unité d'action syndicale ; c'est louable et dans bien des cas c'est même nécessaire, comme l'a montré l'échec des mobilisations contre les ordonnances travail. Mais un parti socialiste cohérent ne saurait désormais se replier derrière une attente qui ne sera sans doute jamais satisfaite, au regard de la diversité « politique » existante entre les différentes organisations syndicales (bien que le mécontentement de toutes les centrales soit aujourd'hui palpable contre ces mêmes ordonnances). Sans aller jusqu'à doubler les syndicats comme a semblé le vouloir (sans succès) la FI, un parti socialiste doit être capable de prendre l'initiative et de proposer au débat des réflexions et des actions communes, tout comme il est capable de répondre à la sollicitation syndicale. Ne soyons pas naïfs : tout comme un parti socialiste doit être écosocialiste et n'a aucune raison de sous-traiter l'écologie à un parti écologiste, la question du travail et de l'entreprise dans sa réflexion ne peut totalement dépendre de de la réflexion et de l'absence de réflexion des syndicats de salariés. Le plus tôt ce parti socialiste sera capable de se redonner un
      corpus idéologique sur ces sujets – en dialogue avec les syndicalistes – le mieux cela sera. D'autre part, cela nous permettra de déterminer comment nous extraire de l'impuissance dans laquelle nous jette l'attente toujours reportée de l'unité syndicale : si nous avons une réflexion propre, alors nous pourrons déterminer avec quelles organisations syndicales nous sommes en mesure, dans le respect de leur autonomie, de mener des combats communs, voire de faire évoluer toute la gauche sociale et politique, de reconquérir le pouvoir et de transformer la société.

    3. Parce que nous considérons qu'il faut, malgré les contes libéraux, renforcer le rôle du syndicalisme dans la société :
      Contrairement aux différentes formes de bonapartisme auxquelles nous sommes parfois confrontées, nous croyons au rôle des corps intermédiaires. Nous considérons que les syndicats de salariés sont utiles pour représenter les travailleurs, pour défendre leurs intérêts et le cas échéant agir concrètement. Nous refusons donc la mort progressive du paritarisme qui sous-tend la politique d'Emmanuel Macron.
      Nous considérons que si l'obligation d'adhérer à un syndicat pour bénéficier des accords collectifs heurte la conception républicaine du droit et de l'intérêt général, il existe d'autre voie pour renforcer le syndicalisme. Un parti socialiste doit reprendre à son compte la réflexion sur le pouvoir salarié et même des formes d'autogestion. Nous considérons que les socialistes doivent porter absolument des propositions favorisant les coopératives salariés, contraignant à la reprise d'une entreprise par ses salariés, lorsque les propriétaires refusent les rachats ou défendent des solutions qui vont ouvertement contre les intérêts de l'établissement. Nous pensons enfin, que les salariés et leurs représentants disposent d'une expertise professionnelle et économique souvent supérieures à celles des actionnaires.

      Nous défendons une montée en puissance conséquente des représentants des salariés au sein des conseils d'administrations. Les négociations collectives devront systématiquement se dérouler avec les syndicats de salariés, que les représentants du personnel désignés y soient désignés en son sein ou que les organisations syndicales mandatent au sein de la branche un de leur représentants pour assister les salariés d'une entreprise qui en serait dépourvue.

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    10 février 2018 6 10 /02 /février /2018 18:18
    Présentation du texte d'orientation "L'Union & l'Espoir" pour le 78e congrès du Parti socialiste

    Je ne vais pas vous faire un résumé de notre texte d'orientation « L'Union & L'Espoir », il est suffisamment court et lisible pour que vous vous en fassiez une idée...

    Je vais m'atteler ici à vous présenter l'état d'esprit qui nous anime et qui a animé l'élaboration avec Emmanuel Maurel du texte d'orientation « L'Union & l'Espoir » qui est soumis le 15 mars 2018 au vote des militants socialistes.

    Nous nous appuyons sur une conviction : le Parti Socialiste français a encore un avenir, parce qu’il y a une utilité historique du socialisme français. Pour nous, la seule façon de survivre et de rebondir, c’est de sortir des sables mouvants de l’ambiguïté. Notre démarche s’inscrit donc sous le sceau de la clarté et de l’authenticité à gauche.

    1- Clarté par rapport au nouveau pouvoir : nous devons être dans une opposition résolue à Macron, qui est l’une des incarnations du modèle néolibéral, et il faut le dénoncer. Ça n’a pas toujours été le cas, parce les premiers mois du quinquennat Macron ont été marqués par une très grande confusion chez les socialistes français, qui ont voté de trois manières différentes à l’Assemblée nationale, sur la confiance au Gouvernement. Pas besoin au demeurant de qualifier notre opposition de constructive, nous n'avions pas besoin de le faire face à la droite au pouvoir, pourquoi le ferions-nous aujourd’hui ?

    2- Clarté aussi par rapport au bilan : le Parti Socialiste vient de passer cinq ans au pouvoir et il sera impossible d’y revenir sans retour critique sur cette période, qui – malgré quelques mesures positives – a été marquée par une perte de repères et par une pratique présidentialiste dans laquelle tout est soumis à l’exécutif. À force de se taire, le Parti a laissé le Président et les Premiers Ministres faire des erreurs, parfois majeures.

    3- Clarté enfin sur les orientations stratégiques : on doit tirer les conséquences de notre opposition à Macron et s’inscrire dans une démarche unitaire vis-à-vis des autres forces de gauche. Quand bien même on serait critiqué, même de façon très dure,il faut savoir être unitaire pour deux, pour trois, pour dix. Rappelez-vous que nous avons bien été capables de faire un programme commun avec le PCF quand celui-ci était devant nous et sous tutelle de l'URSS ; qu'est-ce qui peut bien nous faire peur aujourd'hui ?

    * * *

    Ce que nous proposons, c’est donc d’en revenir à un certain nombre de fondamentaux. La gauche n’a pas seulement perdu des électeurs : elle a aussi perdu des repères. Il lui faut une boussole.

    De quels fondamentaux parlons-nous ?

    Il est surprenant que le Parti Socialiste ne parle plus des salaires, qui restent encore au cœur de la répartition entre le capital et le travail. Il est incompréhensible que sous un gouvernement socialiste, non seulement on n’augmente pas les salaires, mais qu’en plus un ministre de l’économie (Michel Sapin) ait encouragé les entreprises à ne pas le faire !

    Il faut renouer avec ce qu’on n’aurait jamais dû cesser d’être : des partageux. Ce n’est pas parce que le monde a changé, que de nouveaux problèmes sont apparus, que l’on doit renoncer à ce qui fait notre identité, c’est-à-dire le partage : partage des richesses, partage des pouvoirs, partage des savoirs.

    Autre point fondamental : il y a désormais un lien évident entre la question sociale et la question écologique. Quand nous nous disons « écosocialiste », ce n’est pas une concession à l’air du temps : jusqu’à maintenant, on se battait contre les logiques d’exploitation qui touchaient l’être humain, mais l’exploitation touche aussi la nature. Il faut changer de modèle de production et de consommation.

    Quelle stratégie le socialisme français doit-il avoir pour renouer avec les classes populaires et les classes moyennes ?

    Il nous faut renouer avec le corps central du socialisme : les employés et les ouvriers. Pour ça, il ne suffit pas de le dire. Il faut que nos préoccupations et nos mots d’ordre soient en résonance avec nos déclarations.

    Je vais donner un exemple ; celui de l’expulsion locative : Chaque année, des dizaines de milliers de gens minés par des dettes locatives de quelques centaines ou milliers d’euros se retrouvent devant le tribunal, devant lequel ils négocient des sur-loyers de 10, 15, 20€ par mois, pour ne pas être expulsés. Macron explique que la baisse des APL est une mesure indolore. La vérité, c’est que 5€ pour plein de gens, c’est une catastrophe, c'est la menace d’être expulsé de son logement !

    Je écrivais plus haut à propos des salaires, il faudrait aussi évoquer les services publics, qui ont été largement dégradés durant ces dix dernières années alors qu’ils contribuent à l’égalité entre les territoires. C’est une condition indispensable si on veut s’adresser à cette France qui se sent délaissée.

    S'ajoute à tout cela la pratique macronienne du pouvoir. On dit de Macron qu’il est parvenu à unifier le libéraux de tous bords. Il est surtout parvenu à opérer la fusion entre les élites néolibérales, le monde des affaires, et ce qu’on appelait jadis la « noblesse d’État », c’est-à-dire la technocratie à la française.

    Mais cette prouesse n’évitera pas à Macron d’échapper à la réalité de sa politique, exprimée de façon très factuelle et très brutale par la dernière étude de l’OFCE, qui montre que l’essentiel de sa réforme fiscale profite aux très riches, alors que les ménages les plus pauvres en sont les grands perdants. Cette réalité-là lui collera à la peau. Dans le même temps, il augmente la CSG, baisse les APL, supprime quasiment l’ISF et met en place une flat tax sur les revenus financiers. Ce n’est pas une politique qui peut se prétendre équilibrée : c’est une politique de classe.

    Et on ne pouvait pas dire qu'on ne savait pas, qu'on découvre... C'était dans son programme !

    Même les classes moyennes, qui pouvaient lui faire confiance pendant un moment, se rendront compte que sa politique est extrêmement déséquilibrée en faveur des vrais possédants (dont ne font pas partie les classes moyennes).

    Macron méconnaît l’aspiration profonde des Français à l’égalité. Et c’est ce qui le rattrapera. Il est persuadé que la France est enfin mûre pour les grandes réformes libérales que l’élite appelle de ses vœux depuis des décennies. Mais il s’agit davantage d’une fin que d’un commencement pour le cycle néolibéral.

    Enfin, cette alliance des élites nie les corps intermédiaires, comme en témoigne le mépris de Macron pour les élus locaux, qui tissent pourtant un lien très fort entre les citoyens et les institutions. Macron a supprimé les emplois aidés et demandé des économies impossibles aux collectivités : la confrontation qui a commencé lors du Congrès des maires va s’amplifier.

    La confrontation inéluctable avec le monde syndical, hostile dès le départ ou déçu, qui est exclu de la pratique politique d’Emmanuel Macron, ne fera que croître.

    * * *

    Rien ne sera possible cependant si la gauche, toute la gauche, ne relève pas la tête.

    Macron n’a en réalité absolument pas fait reculer l’extrême-droite, et hélas les déboires actuels au sein du FN ne l’empêcheront pas de prospérer à nouveau. Pour nous, militants de gauche, le combat face à Macron et à Wauquiez – la droite pourrait retrouver un peu de vigueur avec lui – ne peut faire oublier que l’extrême-droite est encore vivace, notamment dans les classes populaires. Ce problème n’est pas derrière nous, contrairement à ce que certains amis du président essaient de faire croire.

    Nous voulons donc amorcer une dynamique unitaire à gauche. On l’oublie trop souvent, mais l’opposition se construit très concrètement, y compris au Parlement.

    Les groupes socialiste, communiste et “France Insoumise” ont déposé un recours commun au Conseil Constitutionnel contre les ordonnances : il y a eu une convergence concrète, au niveau parlementaire. Plus Macron déploiera son agenda de réformes, plus une opposition se cristallisera dans laquelle on retrouvera les différentes familles de la gauche. C’est vrai au Parlement, ce sera vrai également dans la société.

    L’unité ne se décrète pas, elle se construit. Elle se construit dans les luttes, qu’elles soient locales ou nationales. Cela pourra commencer avec l’université, mais aussi avec l’hôpital public, la réforme de l’assurance-chômage ou de l’assurance-maladie… Nous devons donc travailler à la naissance d’un front commun qui rassemblera de plus en plus largement au fil du quinquennat. Pour cela, il faut savoir être disposé au dialogue avec toutes les forces de gauche. Il est donc urgent que nous, socialistes, soyons clairs quant à notre rapport à Macron : c’est l’un des enjeux du quinquennat.

    * * *

    Chers camarades,

    Nous sommes dans un congrès du Parti socialiste, un congrès qui doit redonner une orientation politique à notre parti qui souffre cruellement d'en manquer, dans un contexte où nous sommes entrés dans le quinquennat avec tous les pouvoirs ou presque (Présidence, Assemblée nationale, Sénat, moyennes et grandes villes, régions et départements). Nous en sortons quasiment dépouillés de tout : il n'y a pas d'équivalent historique en France d'une telle dégringolade électorale et structurelle d'un parti politique, d'un parti de gouvernement qui plus est.

    Ne nous trompons pas de sujet, de moment et d'enjeux... Nous ne sommes ni dans une primaire, ni dans une élection présidentielle, ni à la veille de conduire une campagne électorale nationale ou de revenir au pouvoir. Gardons nous à ce stade des catalogues programmatiques ; le projet socialiste, le programme que nous proposerons, nous devrons le construire avec les militants en dialogue avec nos concitoyens. Par contre, il est bon de dépasser l'énoncé de simples généralités aussi généreuses soient-elles.

    Le texte "L'Union & l'Espoir", dont le premier signataire est Emmanuel Maurel, a évité ces deux écueils : il fixe un cap stratégique – celui de travailler au rassemblement de la gauche –, il offre aux socialistes la possibilité de sortir de l'ambiguïté sur notre bilan et de sortir de l'ambiguïté face au nouveau pouvoir qui n'est rien d'autre qu'une nouvelle nuance de droite. Nous avons respecté le cadre qui nous était imposé (50.000 signes, 5 thématiques imposées) ; il eut été utile que tous s'y plient.

    Au sortir de son congrès, avec “L'Union & l'Espoir”, les socialistes pourront dire quelle vision du monde, de la société ils ont, quelles pistes ils proposent pour les transformer, avec des axes forts de mobilisation immédiate. C'est indispensable pour que nos concitoyens nous reconnaissent à nouveau, qu'ils comprennent à nouveau où nous nous situons et pour quoi nous nous battons. C'est essentiel pour être à nouveau au cœur de la gauche et remettre tout le monde autour de la table afin de reconstruire le rassemblement, condition nécessaire pour gagner et gouverner à nouveau, gouverner à nouveau pour transformer la société.

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    8 février 2018 4 08 /02 /février /2018 16:42
    Notre idéal, la République sociale : Nous voulons la République parlementaire !

    Année après année, de réformes constitutionnelles hasardeuses (quinquennat et inversion du calendrier) en réformes constitutionnelles partiales, les institutions de la Vème République ont aggravé leur nocivité.

    Les citoyens n'ont plus le sentiment que leurs choix et leurs votes pèsent sur l'évolution des événements et de la société. Ils se sentent dépossédé de leur capacité à agir sur leur destinée collective ; désormais, c'est la notion de souveraineté populaire qui est clairement mise en cause.

    Le quinquennat de François Hollande n'a fait que renforcer cette impression populaire. Alors que le candidat avait clairement affiché sa volonté de rupture avec la pratique du pouvoir de Nicolas Sarkozy, le Président s'est – comme ses prédécesseurs – complètement moulé dans les institutions monarchisantes de la Vème République. Certes, la Justice est aujourd'hui plus indépendante qu'elle ne l'était avant François Hollande et Christiane Taubira, mais les principes de la délibération collective et du débat démocratique serein n'ont pas été renforcés.

    En tournant le dos à tout ou partie de ses engagements, notamment dans le domaine économique, le Président a joué pleinement de la soumission du pouvoir législatif au pouvoir exécutif ; les velléités de contestation en interne à la majorité parlementaire des choix économiques présidentiels se sont heurtés à la logique institutionnelle du régime actuel : elle renvoie toute décision réelle au sommet de la pyramide, avec un Premier ministre qui « exécute » la politique définie par le Président, une majorité parlementaire contrainte, un parti majoritaire sans grande marge d’initiative. Lors du quinquennat Hollande, les militants socialistes ont légitimement pu s'interroger sur l'utilité de leur parti : renonçant à son autonomie, le Parti socialiste s’est rendu volontairement inaudible. Le PS et ses groupes parlementaires ont vécu trop souvent de manière autonome, si ce n'est distante. C'est encore le cas d'ailleurs. Les dirigeants de notre parti auront tout à la fois la mission de porter l'orientation du parti et de s'assurer qu'elle se nourrit et irrigue tout à la fois le travail parlementaire tant à l'Assemblée nationale, qu'au Sénat ou au Parlement européen.

    La crise actuelle trouve ses racines autant dans les mécanismes économiques que dans le blocage des institutions françaises. Le mythe de l’homme providentiel dont découleraient tous les choix et la plupart des pouvoirs a démontré son inadéquation.

    Dans ce contexte, la « pratique jupitérienne » du pouvoir d'Emmanuel Macron nous fait un peu plus sentir les dérives présidentialistes et démagogiques de l'actuelle constitution, à laquelle s'ajoute une forme de dépossession de la démocratie par l'alliance fusionnelle d'une partie de la technocratie d’État et des milieux d'affaires, qui culmine aujourd'hui avec sa présidence.

    La réforme constitutionnelle qu'il prétend mener à bien n'est rien de mieux qu'un « populisme chic », une variante de l’antiparlementarisme à la sauce néolibérale qui voudrait que la réduction des effectifs des députés et des sénateurs rende la démocratie forcément plus efficace. Comme si le problème était le nombre, et pas les pouvoirs réels qu’on donne aux parlementaires pour exercer leur mandat ! Qui ne comprend que dans un mode scrutin uninominal territorial majoritaire, alors que chaque département doit disposer d'au moins un député, la réduction du nombre de députés – et de sénateurs – provoquera avant tout une réduction du nombre de circonscription dans les départements les plus peuplés : ainsi l'inégalité des citoyen.ne.s devant le suffrage deviendrait tout bonnement caricaturale.

    Non content de cantonner les parlementaires à un rôle supporteurs ou de spectateurs, ou de contraindre l'action des élus locaux par la diminution des dotations aux collectivités (celles-ci ont par ailleurs produit toutes proportions gardées un effort financier bien plus grand que l’État entre 2010 et 2017, alors qu'elles participent peu voire très peu aux déséquilibres des comptes publics), l'exécutif du « nouveau monde » méprise ouvertement tous les élus et les corps intermédiaires.

    Une vraie réforme constitutionnelle pour poser les bases d'une VIème République

    Nous considérons pourtant qu'une une réforme institutionnelle majeure s’impose. Les conditions de sa mise en œuvre seront toujours complexes, au regard des majorités à réunir. La voie du congrès reste aujourd'hui difficile, malgré la majorité godillot dont dispose Emmanuel Macron à l'Assemblée nationale. Elle continuera de l'être lorsque qu'une gauche républicaine, antilibérale et écologiste se sera reconstruite, rassemblée et aura reconquis la confiance des Français et le pouvoir.

    Néanmoins, il revient à la gauche de préparer une véritable réforme constitutionnelle, d’en clarifier la logique et le sens, mais aussi de modifier la pratique des institutions en donnant plus de pouvoir d’initiative au Parlement, en ne craignant pas de recourir au référendum à un moment où nos concitoyens ont le sentiment que leur avis ne compte pas.

    Nous proposons donc de constituer un comité national rassemblant les forces de gauche, des personnalités, des représentants du monde syndical et associatif afin de travailler à des grandes modifications constitutionnelles, en lien avec nos concitoyens, ce qui permettra que le débat public soit mûr pour en permettre l'adoption lorsque nous serons enfin à nouveau en capacité d'exercer la responsabilité du gouvernement de la France.

    D'ores-et-déjà, nous voulons mettre dans le débat plusieurs lignes fortes sur lesquelles devrait s'articuler une véritable réforme constitutionnelle.

    Rééquilibrer les pouvoirs entre exécutif et législatif

    Un gouvernement ne doit plus pouvoir utiliser la procédure du vote bloqué ou du 49.3. Mais beaucoup se joue dans la capacité des parlementaires eux-mêmes à prendre des initiatives, à manifester leurs prérogatives en exerçant leur droit d’amendement et de contrôle mais aussi d'évaluation des politiques publiques. Oui la démocratie a un coût et les parlementaires de tout bord auraient plutôt intérêt à exiger qu'on leur donne de véritables moyens (collaborateurs, interpellation, contraintes, etc.) pour exercer concrètement et réellement leurs nombreuses missions (jusqu'ici trop théoriques), plutôt que de se plaindre d'un contrôle accru et légitime sur la justification de leurs dépenses pour frais de mandat.

    Un parlement efficace c'est un parlement représentatif : l'injection d'une dose de proportionnelle est donc impérative. Pour les mêmes raisons évoquées plus haut d'égalité devant le suffrage, il n'est pas possible de retrancher des circonscriptions territoriales un pourcentage significatif de députés pour les faire élire à la proportionnelle sur une liste nationale. C'est pourquoi nous proposons que dans les départements les plus densément peuplés, le mode de scrutin appliqué soit la proportionnelle, le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours étant conservés pour les départements comptant peu de députés et peu densément peuplés.

    Nous proposons également que l'Assemblée nationale dispose d'un moyen de pression sérieux et constructif de pression sur l'exécutif sur le modèle existant en Allemagne, en Belgique ou en Espagne : la « motion de censure constructive » qui doit automatiquement prévoir un Chef de gouvernement et donc une coalition parlementaire durable de rechange pour remplacer celui qu'elle propose de renverser. Ce type de motion, inventé par la Loi fondamentale allemande, empêche ainsi toute coalition de circonstance (ou « coalition des extrêmes ») entre des partis qui, une fois la censure votée, ne pourraient se mettre d'accord sur le nom d'un nouveau chef du Gouvernement.

    Il faudra également réexaminer l'exercice du droit de dissolution pour prendre modèle sur ce qui existe au sein des autres démocraties parlementaires européennes, plutôt que d'en faire l'arme atomique constitutionnelle du Président de la République.

    Nous devrons revenir sur les excès présidentiels induits par la Vème République, en limitant son pouvoir de nomination prévu à l'article 13 et la durée des pouvoirs exceptionnels prévu par l'article 16 : le parlement réuni en congrès doit pouvoir se prononcer sur la pertinence des pouvoirs exceptionnels dans les 30 jours qui suivent leur mise en application.

    Il conviendra également de rénover le fonctionnement du conseil constitutionnel pour le transformer en véritable cour constitutionnelle, qui permette de consolider son rôle de défenseur des principes et libertés constitutionnelles sans qu'il n'empiète sur des domaines qui devraient appartenir au seul pouvoir législatif (notamment dans le domaine économique et social).

    Le Parlement doit enfin pouvoir se prononcer sur les questions internationales. L'engagement de la France dans les conflits armés ne peut pas résulter du seul ressort du président de la République.

    Réformer la haute fonction publique

    Il faut retrouver le respect de la fonction publique, dont les agents se dévouent au service de l’État et de l’intérêt général.

    La nature consanguine entre le « nouveau monde » macronien, étape aboutie de la fusion entre les intérêts des puissances financières et d'une partie de la technocratie de Bercy, est apparue au grand jour l'été dernier lorsque le gouvernement dénonça au Sénat tout amendement visant à mieux encadrer les conflits d'intérêts dans la Haute Fonction Publique ; afin que le message fut plus clair encore, il demanda à la majorité LREM-MODEM de l'Assemblée nationale de modifier le titre de la « loi Confiance dans la vie publique » en « Confiance dans la vie politique ».

    C'est pourquoi il est plus que jamais nécessaire d'engager une mutation de la haute fonction publique, garantir son indépendance et son intégrité. L’aller-retour entre la fonction publique et le privé, le « pantouflage », doit être interdit, les règles de déontologie cessées d’être tournées (quand on a été honoré par la haute carrière administrative et qu’on veut aller faire de l’argent pour le CAC40, on démissionne !).

    Il faut rallonger le délai permettant de quitter le public pour une mission privée dans le même domaine d’activité. Le mode de formation et de recrutement des hauts fonctionnaires devra être repensé comme leurs carrières, tant s’est creusé l’écart entre les citoyens et ceux qui devraient être les « hussards de la République ».

    Retrouver le sens de la décentralisation

    Il faut consolider la légitimité de l'action publique à tous les niveaux.

    La France n'a ni trop d'élus, ni franchement plus d'échelons que ses voisins. Les vrais enjeux sont :

    • la clarification des compétences ;
    • la simplification de la prise de décision ;
    • la redistribution des richesses et la solidarité ;
    • la garantie de l'égalité républicaine dans la décentralisation.

    Appliquons strictement le non cumul, dotons les élus d'un statut, améliorons les capacités d'intervention des citoyens, augmentons transparence de la gestion publique.

    L'engagement n° 54 de François Hollande en 2012 exposait des priorités, dont nous n'aurions jamais dû nous éloigner : « Renforcement de la démocratie et des libertés locales […] clarification des compétences […] pacte de confiance et de solidarité […] entre l’État et les collectivités garantissant le niveau des dotations […] réforme de la fiscalité locale en donnant plus d’autonomie […] et plus de responsabilité. Une véritable péréquation. »

    Les dotations des collectivités ont connu une baisse considérable et nous savons que le gouvernement actuel souhaite qu'elle se poursuivre.

    Osons dire que la manière dont ont été conduites les successives réformes territoriales de 2013 à 2016 fut difficilement lisible. Menons la réforme fiscale, notamment pour la fiscalité locale ; on voit bien que l'impasse faite sous les précédents quinquennats (assiette, bases et valeurs locatives) a favorisé la décision démagogique du gouvernement Macron-Philippe de supprimer l'essentiel de la Taxe d'habitation, en augmentant la dépendance des collectivités sans que cela rende notre fiscalité locale plus juste.

    Les doublons constituent des handicaps pour l’efficacité de l’action publique. Faisons le ménage avec précision. Garantissons l’égalité républicaine avec une vraie péréquation, le maillage des services publics et l’aménagement du territoire. Un enjeu politique est négligé : des populations entières ne se sentent plus représentées, fragilisant la République, favorisant le vote FN.

    Les élus locaux ne sont pas des gestionnaires mais des représentants du peuple. Les transformer en techniciens traitant de dossiers stratégiques est délétère. L'impuissance publique vient d'abord de l’État lui-même et du contournement de la souveraineté populaire dans l'Europe actuelle et la mondialisation libérale.

    L’implication citoyenne, le militantisme, la rénovation du politique

    D’une manière générale, sortir de la crise de défiance politique suppose de promouvoir la culture de la participation, ouvrir des lieux d’expression, faire des partis des lieux de débat et de contre-pouvoir, valoriser le militantisme et redonner du pouvoir aux citoyens.

    La gauche doit interroger sa pratique du pouvoir à tous les niveaux de la société. Depuis 30 ans, notre conduite dans les collectivités s'est souvent accompagné d'une volonté de tout contrôler parfois dans un souci d'efficacité de l'action publique mais aussi malheureusement dans l'objectif de limiter les contre-pouvoirs sur lesquels la gauche s'était pourtant appuyée pour conquérir de nombreuses agglomérations.

    Les socialistes doivent donc retrouver le chemin de relations saines avec le monde associatif et lui rendre sa capacité de contre-pouvoir et d'interpellation des pouvoirs publics à tous les niveaux.

    Frédéric Faravel

    Nos propositions avec "L'Union & l'Espoir"

    1. Constituer un comité national pour la réforme constitutionnelle rassemblant les forces de gauche, des personnalités, des représentants du monde syndical et associatif afin de travailler à des grandes modifications constitutionnelles, en lien avec nos concitoyens ;

    2. Introduire par la loi une dose de proportionnelle substantielle pour les élections législatives en l'instaurant pour l'élection des députés dans les départements les plus peuplés ;

    3. Créer une procédure de motion de censure constructive et réexaminer notre procédure de dissolution de l'Assemblée nationale ;

    4. Limiter les pouvoirs de nomination (art. 13) et la durée des pouvoirs exceptionnels du Président de la République prévus à l'article 16 ;

    5. Redonner au parlement son rôle légitime en politique étrangère, une intervention militaire ne pouvant pas résulter que de la décision du seul président de la République ;

    6. Rénover le fonctionnement du conseil constitutionnel pour le transformer en véritable cour constitutionnelle, qui permette de consolider son rôle de défenseur des principes et libertés constitutionnelles sans qu'il n'empiète sur des domaines qui devraient appartenir au seul pouvoir législatif ;

    7. Renforcer l'initiative parlementaires et la capacité des députés et sénateurs à présenter des amendements sur les projets de loi de finance et le budget de la sécurité sociale ;

    8. Améliorer la loi pour rendre effectif le principe du référendum d’initiative populaire ;

    9. Interdire le pantouflage des hauts fonctionnaires ;

    10. Engager dans le cadre de la réforme fiscale, une révision profonde de la fiscalité locale ; renforcer les dotations des collectivités territoriales pour qu'elles puissent garantir l'investissement public et accompagne réellement le développement économique des territoire.

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    25 janvier 2018 4 25 /01 /janvier /2018 16:50

    texte initialement publié le 20 janvier 2018 sur le site de "Nos Causes Communes" : https://bit.ly/2umm7Jl

    Le constat est répété à l’envie depuis de longue année, la construction européenne se fait sans associer les peuples, qui s’en détournent peu à peu, comme le démontre à chaque élection du Parlement européen le taux d’abstention ou la progression (inégale il est vrai selon les pays) des forces politiques europhobes, populistes ou national-populistes.

    Les traités européens qui se sont succédé depuis la chute du mur de Berlin ont en effet multiplié les transferts de compétences et de souveraineté des États-Nations vers des institutions supra-nationales, qui n’ont pour la plupart aucun compte à rendre devant les citoyens. Ainsi une partie de la gauche et des socialistes dénoncent depuis plus de vingt ans désormais l’indépendance de la Banque Centrale Européenne et l’insuffisance de pouvoirs réels du Parlement européen, devenu le symbole d’une perte de souveraineté populaire à l’échelle nationale jamais regagné à l’échelle européenne, tandis que l’autre partie a clairement abdiqué devant la logique ordo-libérale.

    La loi du plus fort et la loi du chacun pour soi se sont introduites dans la logique du projet européen, dont l’inspiration d’origine est pourtant que l’Union fait la force. Une somme règles communes n’a jamais bâti de conscience commune ; et même, une somme de valeurs partagées n’a jamais suffi à faire émerger un intérêt commun. Réduite à ses règles ou à ses valeurs, l’Europe est statique, elle stagne dans son économie, plonge dans ses inégalités, et se paralyse dans l’ordre international.

    Lorsque les failles de l’architecture économique et monétaire de l’union européenne et de la zone euro furent mises au jour par la crise financière de 2008-2009, la réponse des gouvernements européens conservateurs et libéraux fut de graver dans le marbre les politiques d’austérité au travers du TSCG, baptisé traité Merkozy, et depuis complété au parlement européen par les directives Six-pack et Two-pack. C’est sur ce dossier même que l’orientation du quinquennat de François Hollande s’est sans doute jouée dès les premières semaines, le Président de la République nouvellement élu refusant de renégocier ce traité, comme il s’y était engagé devant les Français, pour négocier des délais supplémentaires afin de se conformer aux mécanismes de contraintes budgétaires que nous avions dénoncé durant la campagne électorale.

    Les différents développements de la crise grecque depuis 2009 ont démontré à l’extrême la perversion de la dérive ordo-libérale de la construction européenne : des cures d’austérité sans précédent qui aggravaient les difficultés du pays et saignait à blanc le peuple grec. Lorsque Syriza a remporté les élections de janvier 2015, nous espérions dans une évolution du rapport de force, d’abord pour mettre un terme aux supplices infligés aux Grecs et ensuite et à plus long terme pour réorienter l’Union européenne. Mais six mois plus tard, le gouvernement Tsípras était contraint par l’eurogroupe d’accepter une nouvelle cure d’austérité enfermant la Grèce dans une logique de récession.

    Le gouvernement grec n’a pas reçu le soutien qu’il aurait pu espérer des gouvernements de gauche en Europe. La position de la France n’a consisté qu’à maintenir le lien et les négociations quand les pressions pour un Grexit brutal étaient trop fortes, mais son message peut se résumer à ceci : accepter les « règles du jeu » de la zone euro et abdiquer finalement toute prétention à mener une politique économique alternative.

    Alors que la crise grecque n’a pas trouvé d’issue réelle, la question qui se pose est la suivante : est-ce qu’on peut concevoir aujourd’hui une politique alternative dans le cadre européen tel qu’il est ? À la fois une alternative au niveau national, alors qu’on est pris dans un réseau de contraintes liées à notre appartenance à l’Union ; et à la fois une alternative au niveau européen, si plusieurs États membres se coordonnent pour infléchir la construction européenne, est-ce que le cadre actuel le permet ? C’est à cette question majeure que la gauche et les socialistes doivent aujourd’hui apporter une réponse car elle détermine la question de la souveraineté populaire, au moment où l’orientation ordo-libérale de la construction européenne semble impliquer un passage durable dans une période post-démocratique.

    * * *

    Remettre l'idée européenne au service des peuples

    Pour renouer avec l’idée européenne originelle, celle qui faisait sa dynamique et sa plus-value, il y a un ADN à retrouver : celui d’une gauche volontariste pour une France volontariste dans une Europe volontariste. Une Europe indépendante dans sa politique étrangère, protectrice économiquement, socialement solidaire. L’Europe des règles a fait long feu, c’est à une Europe de l’intervention, en somme, une Europe des projets, qu’il faut désormais s’atteler.

    * * *

    1. Pour une union des souverainetés

    Dans toute démocratie, la question de la souveraineté populaire est première ; sa garantie doit être la priorité des socialistes ; répondre au sentiment de dépossession démocratique de nos concitoyens français et européens est un impératif vital. Le fait que la construction européenne soit aujourd’hui vécue comme une perte de maîtrise collective de nos destins joue un rôle prépondérant ; les transferts massifs de compétences et de souveraineté des États membres vers des institutions supranationales, sans réelle reconstitution de souveraineté populaire et de contrôle démocratique à l’échelle européenne, est l’un des nœuds du problème. Mais l’indépendance totale de la BCE ou de la CJUE n’est pas seule en cause ; les règles budgétaires et financières, définies dans le traité de Lisbonne, le TSCG, le 6-pack ou le 2-pack entre autres, condamnent les États membres aussi bien que l’union à une logique ordo-libérale et austéritaire, qui rend les alternances électorales le plus souvent illusoires.

    François Mitterrand avait fait le pari avec le Traité de Maastricht qu’une fois les concessions faites à l’Allemagne réunifiée pour l’arrimer à la construction européenne (indépendance de la BCE, critères de convergence et non de gestion pour parvenir à l’UEM), ses successeurs français et européens compléterait le dispositif politique : cela n’a pas été fait par paresse ou par acculturation volontaire. Il faut reprendre l’ambition de départ : En lieu et place de la mise en œuvre de la « règle d’or » et de sanctions automatiques, il fallait la création d’un conseil macro-économique de l’euro, compétent pour fixer tous les trois ou cinq ans la feuille de route à suivre. Cela demeure indispensable. Un tel conseil pourrait définir le cadre des déficits à ne pas dépasser pour chaque État, en tenant compte et de la situation mondiale, et des différences nationales. Il aurait vocation à organiser un soutien substantiel à la croissance en répartissant la charge et fixant à chacun des objectifs atteignables. Dans ce cadre, les parlements nationaux devraient être consultés et voteraient une loi pluriannuelle de mise en œuvre. C’est l’idée du « gouvernement économique », tout le contraire de la règle dogmatique aveugle.

    Ne pas ouvrir ce chantier condamne l’Union à subir l’aggravation des déséquilibres financiers et commerciaux internes entre l’Allemagne et les autres États membres, donc à un risque grave d’implosion de l’euro et de la construction européenne, sans que les conséquences catastrophiques de cet aveuglement soient aujourd’hui quantifiables au plan politique, économique et social. Cela impose de réviser les traités et les directives budgétaires ; tout autre proposition visant à créer un parlement de la zone euro sans toucher au cadre rigide qui l’enserrerait ne serait que poudre de perlimpimpin. Ici la restauration de la souveraineté populaire et l’intérêt macro- économique des Européens se rejoignent.

    Être protecteur n’est pas être protectionniste. Les objectifs plus larges du gouvernement économique de l’Europe doivent accorder la priorité à la protection des industries et PME européennes. Deux obstacles majeurs empêchent aujourd’hui de poursuivre cette ambition : un commerce extérieur inadapté, et une fiscalité inadaptée. Comment se fait-il que nos tous partenaires/concurrents économiques soient capables du rapport de force avec la Chine à l’OMC pour qu’elle n’obtienne pas de statut d’économie de marché, quand l’Europe se signale par une docilité coupable ? De l’aveu de la Commission elle-même, son objectif à travers les grands accords commerciaux négociés en série est d’harmoniser les normes. Ce n’est pas un objectif de nature économique ; ce qui les inspire est une crainte de ne plus pouvoir commercer… Le commerce extérieur devient ainsi un instrument pour rabaisser nos normes, limiter la capacité de régulation future de nos États, et commercer sur cette base avec d’autres pays. Quel est le sens de cette braderie ? Si le commerce extérieur de l’Europe, à travers les accords, doit devenir un véhicule, qu’il soit le véhicule de nos ambitions : clause de réduction d’émissions carbones, clause de respect des conventions internationales sur le travail, clause de conditionnalité fiscale ! Ce sont celles-ci qui aideront nos entreprises, qui les respectent déjà massivement, dans le commerce international.

    Sans politique industrielle, l’Europe est désarmée. L’évocation d’Airbus et d’Arianespace suscite l’orgueil des européens. Malheureusement ces exemples ne cachent pas que la coopération industrielle est au point mort en Europe, car les ingrédients qui ont fait le succès de ces entreprises ne sont plus là. Les élites ne croient plus au patriotisme industriel et n’imaginent pas un patriotisme européen. Pendant ce temps, un nombre croissant d’États européens s’emploient à ne devenir que des plateformes d’atterrissage de multinationales américaines et chinoises. Les ingrédients indispensables à une politique industrielle européenne doivent être fournis : une augmentation conséquente des budgets des programmes dédiés à la recherche (Horizon 2020), des fonds d’investissement avec garantie de prêts spécifique à des filières, et l’action résolue de quelques grands États pour des fusions stratégiques entre européens.

    2. Un objectif national et européen : le mieux-êtres des citoyens

    Lutter contre l’austérité n’est pas un « marqueur » ou une valeur culturelle, c’est une nécessité économique et sociale. Politique également, car dès lors qu’un gouvernement assumera clairement un rapport de force pour exiger une Europe protectrice des travailleurs, protectrice des consommateurs, protectrice de la sécurité physique, sociale et sanitaire des populations, les raisons de voter pour des partis aux contours mal définis, souvent d’extrême-droite, seront bien moindre. Qu’est-ce que l’austérité ? En somme, il s’agit d’un gigantesque transfert, à toutes échelles : transferts des travailleurs vers les détenteurs de capitaux, du public vers le privé ; mais aussi un transfert du risque : pour garantir le risque financier pris par les marchés et projets privés, on fait absorber ou garantir ce risque par l’État, et par les populations, en les privant de droits et garanties : travail, logement, santé.

    Après la paix, c’est l’amélioration de la condition matérielle des peuples qui est à l’origine de la coopération des États ; en un mot, le progrès humain. Or, qu’observe-t-on aujourd’hui ? Cette condition se dégrade pour la grande majorité des européens, et s’améliore substantiellement pour une infime minorité. Notre coopération doit être réorientée vers ces objectifs, sans prétendre qu’il y ait une seule voie pour y parvenir. C’est sur la base de ces seuls objectifs, l’amélioration de l’accès au logement, l’amélioration des soins, l’amélioration du pouvoir d’achat par l’augmentation des salaires et la baisse des dépenses contraintes d’énergies, de transport et d’alimentation, que les pays doivent être jugés. S’il doit y avoir un « pacte budgétaire » en Europe, ce n’est que pour juger de l’avancement des États sur ces sujets fondamentaux.

    Depuis près de 30 ans, les inégalités sont reparties à la hausse en Europe, entre les rémunérations du capital et du travail, mais également entre les revenus des travailleurs. Depuis la crise financière de 2008 et la crise des dettes souveraines, ce rythme d’accroissement des inégalités s’accélère. Cette évolution a été démontrée et documentée à l’envi par les économistes. Aujourd’hui près de 24% des citoyens, soit près d’un européen sur quatre, est en dessous du seuil de risque de pauvreté (60% du revenu médian de son pays). Et la jeunesse, même quand elle travaille, est frappée la première : plus de 12% des jeunes travailleurs européen est en dessous de ce seuil. L’avenir est hypothéqué.

    L’invocation stérile de « l’Europe sociale » depuis 30 ans n’a pas dépassé le stade des vœux pieux, car ce label peut servir à ne désigner que de vagues chartes des droits sociaux ou des « socles » divers sans portée concrète. La gauche doit mettre en branle une dynamique intransigeante et ne céder rien à la poursuite de résultats concrets pour réduire la pauvreté, les inégalités, et mettre en œuvre les mécanismes d’une solidarité concrète. Ils s’appuieront nécessairement sur une politique fiscale refondée pour assurer l’équité dans l’impôt effectivement payé entre les contribuables, sur la cessation immédiate des politiques de déflation salariale et des projets de dérégulation financière comme l’Union des marchés des capitaux. Enfin les États doivent être prêts, selon des modalités à travers lesquels ils conservent leur souveraineté, à accepter librement des transferts nets entre pays membres, ce vieux tabou européen qui handicape la solidarité.

    3. Construire l’indépendance des Européens

    En matière de « projet européen », le réalisme souvent cède le pas aux bonnes intentions, l’idéal à l’idéologie, et la vigilance, à l’abandon. L’Europe demeure, et demeurera dans le court et le moyen terme, une coopération de nations. Les partis nationalistes n’ont pourtant rien à proposer qu’une nostalgie en matière de nations. Il n’y a pas d’« égoïsmes nationaux » mais des intérêts nationaux : le rôle de l’Union n’est pas de les contrecarrer, mais de favoriser et sublimer ceux qui sont convergents.

    Or l’Europe, peut-être bercée par une illusion de « fin de l’histoire » depuis l’effondrement soviétique, voit revenir le germe de la guerre : à ses portes, au Sud d’abord, à l’Est ensuite ; et sur son sol, avec l’importation du djihaddisme. La paix dont nous nous enorgueillissons est bien plus la cause que la conséquence de la construction européenne. Alors que notre continent n’appartient plus aux intérêts géostratégiques premiers des États-Unis et donc de l’OTAN, nous nous apercevons que cette Paix doit peu, trop peu, à notre propre capacité d’assurer la défense de notre intégrité. La plus urgente nécessité est donc celle de notre indépendance : c’est un intérêt que les nations européennes partagent.

    Une Europe indépendante est un continent qui dispose des capacités stratégiques suffisant à assurer sa défense. La mise en commun pure et simple de l’outil militaire est une chimère, mais une coopération beaucoup plus étroite, un commandement et des exercices conjoints, une doctrine partagée, enfin des efforts financiers d’au moins 2% du PIB pour tous les pays européens, sont à coup sûr une contribution essentielle à notre indépendance commune.

    Une Europe indépendante est une union soudée qui ne laisse pas de prise aux influences extérieures incompatibles avec nos objectifs. Un long alignement a conduit les européens à négliger l’Afrique et la Méditerranée, qui sont à long terme les clefs de notre équilibre régional.

    Une Europe indépendante est une terre d’asile sûre de ses moyens. La Haute Représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères a témoigné de l’impression de faiblesse que nous avons laissée aux autres grandes puissances, comme la Russie ou la Chine, en nous montrant divisés, effrayés, désorganisés, devant l’accueil de réfugiés, qui, en outre, fuient la guerre ou la persécution.

    * * *

    Les socialistes français ont fait l’erreur de considérer l’engagement européen comme un succédané à un internationalisme jamais pensé ; mais que reste-t-il de cette posture lorsque l’idée européenne a été détournée de son sens initial ?… Le PS avait appelé à l’été 2011 à assumer le nécessaire affrontement politique avec les conservateurs allemands. Il paraît aujourd’hui absolument nécessaire d’assumer la confrontation politique avec eux et leurs alliés.

    Si les socialistes européens, et parmi eux en premier les socialistes français, veulent sortir de l’impasse politique, il est urgent d’engager un dialogue structurel avec des forces nouvelles à gauche. Nous devons mettre fin au compromis historique avec les anciens démocrates-chrétiens, devenus conservateurs. Il ne s’agit plus simplement d’assurer la co-gestion du Parlement européen, pour un bon fonctionnement des institutions communautaires. Cela mine durablement la lisibilité et la cohérence de nos options politiques, et nous rend plus inaudible encore auprès des électeurs européens. Nous devons lui substituer un rapprochement avec le Parti de la Gauche européenne et les Écologistes. Seule cette option nous permet de rendre crédible la perspective d’une alternative politique sur les enjeux de la construction européenne.

    Les débats qui traversent la social-démocratie sur la construction européenne et la possibilité de la réorienter sont également posés chez nos partenaires écologistes, de la gauche radicale ou (post-) communiste : c’est une culture politique dominante dans la gauche radicale européenne, qui craint que toute déconstruction ou la crise durable d’un cadre international ne finisse par profiter à la droite radicale xénophobe. Ainsi l’idéal européen est finalement confondu avec sa traduction institutionnelle existante, alors même que l’écart entre les deux est régulièrement dénoncé.

    Évidemment, le temps qu’une alternative européenne de gauche soit suffisamment forte et coordonnée pour imposer une véritable réorientation de la construction européenne et donc un bouleversement profond des traités actuels s’inscrit forcément sur le temps long. Et il n’est pas dit que les peuples européens soient disposés à attendre jusque là. C’est dire l’urgence de la reconstruction d’une gauche socialiste et républicaine puissante en France, capable de reprendre le pouvoir, de développer un discours européen cohérent et d’en tirer toutes les conséquences lorsque le temps de l’action sera venu.

    Frédéric Faravel

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