Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
Me contacter

en savoir plus

 

Trouve

Gauche Républicaine & Socialiste

4 juillet 2016 1 04 /07 /juillet /2016 15:25
Michel Rocard à la tribune d'un meeting pour la campagne de l'élection présidentielle de 1969

Michel Rocard à la tribune d'un meeting pour la campagne de l'élection présidentielle de 1969

Michel Rocard nous a quittés samedi 2 juillet 2016. Pour beaucoup d'entre nous, l'émotion est immense, tant il avait pu motiver notre entrée en politique, portant haut ce que certains appellent l'éthique de convicition. Ce qui est certain c'est que Michel Rocard a toujours eu chevillé au coeur et au corps l'idéal socialiste, quels qu'aient pu être ses confrontations avec de nombreux camarades ; tous d'ailleurs lui témoignent encore aujourd'hui et désormais pour l'éternité une grande estime et un immense respect. Débattre avec un homme comme Michel Rocard, que l'on partage ou non ses orientations, c'était finir plus intelligent une fois l'échange terminée. Il représentait l'honnêteté intellectuel et élevait toujours le débat politique.

Au soir de sa vie, il avait continué à nourrir les débats du Parti dont il souhaitait profondément qu'il reste socialiste. ce fut fait notamment à l'occasion des états généraux du socialisme organisé par le nouveau premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis. Que cette initiative ait débouché sur un texte vide et sans saveur intitulé "Charte des socialistes pour le progrès humain", que la direction du PS a déjà oublié (bien qu'elle ait imposé son inscription en préambule des statuts du Parti Socialiste au même rang que notre déclaration de principes, sa référence affirmée à l'écosocialisme est déjà battue en brèche tous les jours par le sous-titre "social-écologie" imposé au PS, qui n'a été validé par personne et n'a pas la même signification qu'écosocialisme), ne fait que souligner plus encore la hauteur de la réflexion de celui qui fut premier ministre et premier secrétaire du PS.

Le texte ci-dessous est sa contribution rédigée en novembre 2014 : elle bat en brèche tout ce que l'on aura pu dire sur le fait qu'il ait introduit le social-libéralisme en France ; elle démontre que tous ceux qui revendiquent son héritage - que ce soit François Hollande, Manuel Valls ou Emmanuel Macron - sont de fait désavoués vertement par sa réflexion et sa vision profondément socialiste et anticapitaliste, là où ils ne proposent qu'une absorption par le néo-libéralisme.

On n'est pas rocardien pour avoir été collaborateur de Michel Rocard, on l'est parce que l'on veut poursuivre et prolonger l'aventure du socialisme démocratique, parce que la vision politique que l'on défend s'ancre dans l'internationalisme et vise à l'émancipation complète de la personne humaine.

Oui, Michel Rocard nous a quittés, sa voix va cruellement nous manquer.

Frédéric Faravel

* * *

Réorienter le PS pour le redresser, une urgence, une nécessité

Le Parti Socialiste de France, vieux de cent dix ans au moment de ses états généraux, vit assurément l'une des crises les plus profondes de sa longue histoire.

Pourtant quel énorme paradoxe. Né du refus de la cruauté sociale inhérente au capitalisme, ce Parti s'est formé et développé autour de la certitude longtemps bruyamment affirmée, puis oubliée sans être pour autant démentie, que le capitalisme, au-delà de sa brutalité intrinsèque, était tout aussi profondément caractérisé par son instabilité structurelle, une instabilité qui mettait en cause sa pérennité et finirait par l'emporter. Or le capitalisme esttoujours là. Le PS a vu s'estomper puis disparaître les raisons de son ancienne conviction.

Pire, la Russie, la Chine et quelques autres ont abandonné l'espoir d'une économie sans marché après l'avoir poursuivi au-delà du crime, car le marché, à l'instar de l'homme lui-même, ne peut vivre sans liberté.

Or, depuis qu'il a survécu à deux méga-massacres appelés guerres mondiales, et aux deux crises les plus gigantesques de son histoire (1929, 2006) le capitalisme semble entré dans une période de convulsions, de drames, et de contradictions dont cette fois-ci, à la différence des précédentes, on ne voit guère comment il pourrait sortir.

Cette multi-crise a trois dominances. La première est que dans tous les pays avancés le système accuse l'usure et la fatigue. La croissance s'est arrêtée. Le capitalisme ne sait plus assurer l'emploi ni le revenu des hommes qui y vivent. Entre le tiers et la moitié de la population y survit dans la précarité et le chômage, 10 à 15 % dans la pauvreté.

La seconde est que la finance est devenue folle. Proliférant sans mesure et sans rapport à l'économie réelle, elle la fuit et se désintéresse de l'investissement pour se replier vers la spéculation au point d'y provoquer des bulles qui explosent quasiment chaque décennie.

La troisième est qu'après des millénaires de silence devant les prédations des hommes la nature se rebelle. Saturée à l'excès de pollutions et de déchets elle nous menace de mourir de chaleur d'ici un siècle ou deux, faute de pouvoir endiguer l'aggravation de l'effet de serre que nous provoquons.

Faut-il voir là les prodromes de cette longue phase chaotique qu'il nous arrivait autrefois de baptiser crise finale ? Faut-il pressentir que le pronostic initial était juste même si les formes de l'évolution sont autres que celles que nous attendions ?

Et voilà que faute d'avoir été fidèles aux intuitions de nos fondateurs nous ne sommes pas prêts.

L'écrasante victoire du capitalisme dans la deuxième moitié du XXème siècle a détruit les formes que nous voulions rationnelles de notre colère et de notre volonté de changement, elle a tué jusqu'à ce qui faisait notre identité (la propriété collective des moyens de production et d'échange), et nous a laissés sans voix comme sans remède efficace contre les injustices et les dysfonctionnements de ce système vainqueur… Nous vivons dans l'impression de n'avoir plus de projet, sinon celui de protester.

Pourtant un examen plus attentif de ce tragique XXème siècle aurait dû nous maintenir réveillés. Mais nous n'en avons pas pris le loisir, préférant préserver et cultiver l'intransigeance pourtant impuissante de nos premières convictions.

Le XXème siècle a battu tous les records historiques de la violence et de l'horreur parmi les hommes : entre 150 et 200 millions de morts violentes, moitié par la sauvagerie des totalitarismes internes (Allemagne, Russie, Chine à titre principal) et moitié par faits de guerre. Il s'agissait d'un conflit de trois quarts de siècle entre quatre coalitions politiques mondiales, trois grandes et une petite : fascisme, communisme, capitalisme pur et dur, et la petite dernière, la nôtre, la social-démocratie.

Dès que la nature des régimes fut claire, le socialisme se voulant démocratique - son nom de baptême est d'ailleurs social-démocratie - et se voyant incapable de renverser le capitalisme, préféra s'y rallier plutôt que de se compromettre en quoi que ce soit avec fascisme ou communisme. Ce fut son honneur, car la liberté était en cause, mais aussi l'appauvrissement de son identité.

Les régimes les plus brutaux et les plus rigides commencèrent par s'entretuer - Allemagne - puis disparurent ou changèrent par implosion - Portugal, Espagne, Russie, Europe de l'Est - ou par mutation - Chine.

Sur la longue période, le socialisme démocratique fut emporté par la tourmente. Déjà pendant l'entre deux guerres, en Europe, en France notamment, puis un peu plus tard en Amérique latine, en Asie du Sud et de l'Est, plus rarement en Afrique, il s'épuisa à vouloir préserver la perspective d'une révolution moins militarisée, plus authentiquement populaire et démocratique. Il n'y parvint et ne fut vainqueur nulle part.

Ce n'est que dans quelques rares pays, en général petits et développés, que la voie élective permit aux socialistes d'arriver au pouvoir et, intelligence, modestie et ténacité aidant, d'y rester longtemps. Le rapport des forces mondial n'y était pas. Un capitalisme agressif, permis et appuyé par le marché, qu'il défendait de manière flamboyante en le pervertissant profondément, avait gagné et imposa ses règles, notamment financières. Dans leur terre de refuge, la Scandinavie, nos amis social-démocrates, sans faire grand bruit, et en un demi siècle, parvinrent pourtant à préserver ce qui pourrait bien être l'essentiel, et que nous serions
heureux aujourd'hui d'avoir su préserver aussi chez nous : la liberté d'abord, le meilleur niveau d'emploi et de bien être pour tout le peuple connu en pays de marché, un haut niveau d'éducation générale et la plus forte protection sociale pratiquée au monde.

Nous autres français avons affecté de dédaigner ces résultats. Nous en voulions plus ; un plus que d'ailleurs nous n'avons su ni définir, ni décider, ni imposer. Nous avons préféré rester attachés à nos propres visions : que la moitié ou quasi des forces produisant pour le marché soit de propriété et de nature publiques, que les entreprises obéissent au commandement politique au moins en matière d'emplois, de prix et de traitement des hommes, que la protection sociale fut étatique plutôt que négociée entre syndicats et patrons… Tout cela n'a guère fonctionné : trop puissant, et à détermination internationale, le marché a tout emporté.

Il en reste tout de même que dans les combats sauvages du XXème siècle, la sociale-démocratie est bien la seule des quatre forces en affrontement qui ne se soit ni dénaturée ni déshonorée. Elle est même arrivée, par la pratique, à établir une sorte de liste des priorités qu'un gouvernement démocratique se doit d'assurer à son peuple et que le capitalisme n'assure plus. C'est un fanal qui est parfaitement de nature à nous éclairer aujourd'hui.

Car le grand capital qui avait su se parer du drapeau de la liberté, au service de qui se sont mobilisés, les peuples, les gouvernements et les armées de toutes les grandes démocraties, a gagné si puissamment et si complètement qu'il s'est senti seul vainqueur. Il n'a plus ressenti le besoin de s'accompagner de contrepoids ni de contrepouvoirs, ni même d'alliés en qui il ne voyait que des empêcheurs de s'enrichir.

Il décida formellement et mobilisa même pour cela des hommes de savoir - le monétarisme, 14 prix Nobel - de se débarrasser désormais de toute entrave à l'édification de fortunes personnelles. Le marché ne saurait avoir ni limites ni règles ni entraves. Et le capitalisme est tombé dans la perversion que nous lui devinions, mais qu'il avait tenu sous contrôle pendant un siècle et demi, celle de mourir asphyxié par le goût du lucre.

Ne même plus croître, ignorer le chômage et la précarité pour les renvoyer à la charité publique et à la police, encourager l'aggravation la plus intolérable des inégalités, nier l'importance et même l'existence de biens publics et d'un secteur public (école, santé, transports), ne plus accepter que l'Etat serve de régulateur aux dérèglements financiers quitte à s'accommoder d'un retour des crises décennales, inciter les états, les entreprises et surtout les particuliers à s'endetter vertigineusement pour continuer à consommer et pour constituer au profit des manieurs d'argent, les banquiers, une rente inutile mais dévastatrice, voilà en quoi consiste le capitalisme financiarisé d'aujourd'hui.

En outre il est tellement affaibli qu'il est totalement incapable de penser et d'entreprendre le sursaut nécessaire pour réconcilier l'humanité et la nature et permettre par là notre survie à long terme.

A l'évidence tout cela n'est guère soutenable, comme l'on dit aujourd'hui, et risque de finir dans des conflits dramatiques. Tout est à inventer ou à réinventer, les objectifs comme les forme de lutte. Tout ce que l'on sait est que la lutte pour la survie de l'espèce, est fatale et qu'elle s'annonce.

C'est dans ce moment et dans cette situation, que certains, y compris dans nos rangs, et faute d'avoir vu le PS de France porteur de solutions pour la période précédente, veulent déclarer sa désuétude et programmer sa disparition. Ce serait pire qu'une folie, une faute et sans doute un geste suicidaire pour la France. Et cela pour bien des raisons. D'abord les forces de progrès et de changement ont toujours besoin d'un emblême,

d'un drapeau, d'un nom qui soit un signe de rassemblement. Dans cette péride inquiétante où s'effondrent nos anciennes convictions et nos savoirs, la seule certitude qui demeure et que la réalité confirme, est que la somme des intérêts individuels qui constitue le marché est incapable de définir et de défendre l'intérêt général. Certes la liberté fut si menacée au XXème siècle qu'il ne faut transiger en rien sur sa priorité. Elle est la respiration des hommes. Mais l'histoire a fait que le nom de la sociale démocratie porte toujours la trace et l'honneur de ces combats. Et ce qui est menacé aujourd'hui est l'intérêt général. Il faut assurer leur compatibilité. Le nom du socialisme, s'il n'a plus guère de contenu concret, dit au moins cela, et ne dit même que cela. Transiger là-dessus serait une concession stratégique dramatique.

Deuxièmement la France n'est pas seule dans cette affaire et il ne s'agit pas que de nous. Si le PS français est beaucoup plus affaibli et déliquescent que beaucoup d'autres, cela ne nous donne en rien le droit de les y entraîner. Plus fortement encore la disparition du sens de l'international est une des causes majeures de l'affaissement du PS français, dimension européenne comprise. Or à peu près tous les objectifs qu'il faut poursuivre maintenant sont internationaux sinon mondiaux : réguler la finance, endiguer l'effet de serre, écologiser nos modes de vie, réconcilier chrétiens et musulmans, assurer la transition énergétique, recommencer la construction européenne, établir avec le milliard de chinois ces rapports d'amitiés complices dans la société civile qui dépassent le commerce comme la diplomatie et que nous savons conduire avec des latino américains et bien des africains, tout cela est transnational. Préservons une affiliation qui peut nous y aider, notre nom compris.

C'est le militantisme qu'il faut réinventer, le recréer moins électoral, plus social territorial, environnemental et international. Nous ne le ferons pas seuls. La terre des ONG est en friche pour nous. Il n'y a aucune raison de les y laisser seules. L'affiliation internationale est ici la clé.

Troisièmement, dans un monde où tous les repères se diluent ou s'estompent, les traditions prennent de ce fait un poids croissant. En crise intellectuelle, la tradition socialiste au moins ne s'est pas déshonorée. Elle demeure, Jaurès n'a pas quitté les mémoires. Et puis regardez les conservateurs de France : ils changent de nom tous les cinq ou dix ans, et ne savent même plus raconter leur histoire. Quant à l'espoir de recréer de l'émotion et du rassemblement autour d'une tradition il est hors de portée pour eux. Pourquoi nous affaiblir ?

Quatrièmement l'essentiel, le sens de la longue durée. L'un des drames les plus profonds de la période et la raison de l'impuissance des autorités de toute nature à y faire face est la disparition du temps long dans nos objectifs, nos réflexions et nos actions. Depuis que l'écran a remplacé l'écrit pour nos informations mutuelles, notre communication et notre culture, tout ce qui est complexe comme tout ce qui se situe et se comprend dans la longue durée a disparu de nos façons de réfléchir. C'est un suicide de civilisation. Les médias le leur demandant, les politiques d'aujourd'hui jouent à l'instantané (effet d'annonce…) ce qui est stupide et inefficace, et contribue à tuer leur beau métier qui consiste à planter des cèdres -des institutions, des procédures, des règles - en évitant de tirer dessus pour qu'ils poussent plus vite quand ils sont petits…

Sauf le cas fort improbable où l'école saurait nous apprendre à utiliser l'écran de façon critique - mais où est la culture nécessaire à cela ? - l'école ne suffira jamais à nous sortir de là.

Le temps long ne peut être défini, défendu et protégé que par des outils qui le servent en priorité. Tel est l'usage des partis politiques.

Camarades je vous le demande, quelle honte et quelle impossibilité y aurait-il pour les socialistes français à dire ceci ?
"Chers concitoyens.

Nous sommes parmi vous les socialistes, nous avons cent dix ans. Nous nous battons de manière continue contre l'injustice et pour une vie meilleure. C'est difficile, le rouleau compresseur capitaliste est cruel, puissant et efficace. Nous avons raté, à l'origine, le projet de révolution démocratique alternatif à la consolidation du capitalisme.

Mais lorsqu'il l'a réussie nous avons su inventer, mettre en place, défendre et longuement protéger cet état de bien être dont nous regrettons tous l'érosion aujourd'hui, sans d'ailleurs jamais comprendre pourquoi certains en France avaient eu l'idée folle et dangereuse de mêler le ciel à cette affaire en le baptisant "Etat-providence".

Ce fut notre plus beau succès, celui au nom duquel nous nous rappelons à vous aujourd'hui. Car nous avons aussi raté l'étape suivante, celle où nous sommes, celle des débuts de la mise en cause du capitalisme acquisitif.

Mais la longue histoire de nos combats nous a fait découvrir les formes nécessaires de la société de demain, réconciliée tant entre les hommes qu'avec la nature.

Sachant le nombre des hommes excessif par rapport aux ressources de la vie, elle sera moins soucieuse des quantités. A croissance lente ou nulle, n'utilisant que de l'énergie renouvelable, elle sera pour cela moins inégalitaire. Hommes et femmes y trouveront davantage leur dignité leur épanouissement et leur plaisir de vivre dans les émotions intenses qu'apportent la culture, la fierté de créer, et la jubilation qu'il y a à maintenir en permanence son corps dans la beauté et la santé. Plus encore elle tirera sa cohésion de la joie profonde que l'intensification, grâce à plus de temps libre, des relations interpersonnelles et familiales permet d'éprouver à la découverte de la richesse de l'autre et de ses différences porteuses d'identité. C'est le projet de la société des hommes pour les hommes. On y redécouvrira le sens perdu de la fête et du chant.

Son émergence sera progressive. Le Parti Socialiste, rénové, s'en veut le gardien. A ne s'occuper que du court terme on risque des écarts et l'éloignement de l'objectif. Les duretés et les échecs de la période récente nous ont servi de leçon : il ne faut jamais, dans les tempêtes du présent, perdre l'essentiel de vue. Or l'essentiel se joue sur la longue durée.

Chers concitoyens, partagez-vous la vision que nous vous en proposons ?"

Si le consensus se fait sur la vision, il vaudra aussi pour la méthode : c'est progressivement, à petits pas, que se mettront en place les éléments de la nouvelle société, dans l'ordre l'énergie, le temps, la culture puis l'art de vivre. La machine devra continuer à marcher tout au long, ses cruautés et ses injustices ne s'effaçant que progressivement.

Cela appelle une dernière réflexion nécessaire, concernant celle-ci le gauchisme.

Qu'est-ce que le gauchisme sinon l'attitude consistant à refuser parce que disqualifié le discours politiquement correct auquel se sont ralliés les institutions et les chefs en place. Il est des moments où une cure de gauchisme est nécessaire pour briser un consensus étouffant. Le gauchisme, je connais, j'en sors, j'en suis, c'est ma famille. J'avais seize ans, mon pays tout juste libéré baignait dans la joie de la liberté retrouvée.

Il tomba d'accord, tout entier, socialistes compris et même dirigeant, pour entreprendre en Indochine la reconquête militaire de son empire colonial perdu. Je dénonçai cette honte, et me découvrit gauchiste. Moins de dix ans après, rebelote, à propos de l'Algérie. L'accord était général, communistes compris et socialistes de nouveau dirigeant. De nouveau je fus gauchiste, et moins seul dès le début. Nous sauvâmes au moins l'honneur de la gauche.

Et puis un bref moment - Mai 68 - je fus un chef gauchiste, estampillé extrémiste par le ministère de l'Intérieur, pour avoir osé réclamer le droit à la parole dans la société hiérarchisée.

Franchement, n'y avait-il pas aussi quelque gauchisme à proclamer dix ans plus tard que l'accord général et solennel de toute la gauche autour du programme commun de gouvernement puis des 110 propositions du candidat ne préparaient pas la vraie transformation sociale dont la France et le monde avaient besoin, et ont d'ailleurs de plus en plus besoin ?

Une cure de gauchisme n'est donc ni pour me surprendre ni pour me déplaire.

Mais, mais… le fondateur du gauchisme, au fond, est un camarade à nous qui s'appelait Karl Marx.

J'ai grand crainte, une inquiétude aux limites du mortel, que nos gauchistes d'aujourd'hui, ne soient en train d'oublier sa première et plus forte leçon. Il ne l'a pas écrite comme telle, c'est sa vie qui la donne. Mais elle est évidente à résumer :

"Camarades, c'est bien de vouloir changer le monde. Mais vous n'y arriverez que si vous commencez, comme je l'ai fait, à travailler comme des forcenés à longueur de vie pour comprendre comment il marche…".

En l'absence d'une soudaine explosion générale, aussi peu probable que souhaitable, ce sera lent. Le peuple que nous défendons aura toujours besoin de ses salaires et de ses emplois, c'est-à-dire que la machine marche. Or elle ne peut marcher que dans ses règles, qui certes ne sont pas les nôtres, mais sont celles dont elle a besoin. Si nous avons ensemble une vraie confiance et une vraie unité autour de notre vision de l'avenir long, nous n'avons pas le droit de dérégler la machine par des brutalisations de court terme qui peuvent l'affaiblir. Il n'y a de gauchisme utile que pertinent et cohérent.

Voilà la vraie raison qui nous fait obligation de renouveler, renforcer, réunir notre parti socialiste, dans la France d'aujourd'hui, le seul outil de demain, si nous savons le préserver des pièges de la gestion du capitalisme avant de l'avoir changé. Ce faisant nous pourrions même contribuer au réveil de quelques partis frères, renforçant par là la chance de voir éclore la société des hommes à la place de celle de l'argent.

Michel ROCARD
Reykjavik, le 2 novembre 2014

La dernière contribution de Michel Rocard aux débats socialistesLa dernière contribution de Michel Rocard aux débats socialistesLa dernière contribution de Michel Rocard aux débats socialistes
Partager cet article
Repost0
20 juin 2016 1 20 /06 /juin /2016 19:48
au premier rang, Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris, Emmanuel Maurel, député européen, et Christian Paul, député de la Nièvre, principaux responsables de l'aile gauche du Parti Socialiste lors d'un conseil national du parti

au premier rang, Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris, Emmanuel Maurel, député européen, et Christian Paul, député de la Nièvre, principaux responsables de l'aile gauche du Parti Socialiste lors d'un conseil national du parti

Au lendemain des primaires de novembre 2011, qui l'avait vu être désigné candidat du PS, du PRG et du MRC, François Hollande s'était engagé à repasser par cette procédure de validation citoyenne pour l'échéance suivante, si jamais il était élu président de la République. Evidemment, depuis son élection le 6 mai 2012, le Président de la République a cherché à faire oublier les engagements du candidat Hollande, sur ce sujet comme sur bien d'autres.

Pourtant samedi 18 juin 2016, à la Maison de la Chimie, Rue Saint-Dominique à Paris, le Conseil National du Parti Socialiste a adopté à l'unanimité une résolution confirmant l'organisation de primaires citoyennes ouvertes pour un vote les 22 et 29 janvier 2017. Dès les premières minutes qui ont suivi le CN du PS, la direction du Parti - Jean-Christophe Cambadélis en tête - a tenté de faire raconter une petite histoire qui n'a pas grand chose à voir avec la réalité : le premier secrétaire du Parti Socialiste aurait habilement manoeuvré pour imposer à tous - et piéger les "Frondeurs" - une primaire taillée sur mesure pour adouber François Hollande, dans le cadre de "La Belle Alliance Populaire", coquille vide rassemblant artificiellement la direction du PS et ses satellites (micro-partis ou dirigeants d'associations sous perfusion du PS).

De la part d'un couple exécutif/parti qui a tout fait pour empêcher les primaires citoyennes la ficelles est un peu grosse. Il est vrai que le manque de subtilité d'EELV et du PCF lui a fourni le prétexte pour être à deux doigts de réussir à emêcher les primaires. En fait, malgré les déclarations tranchantes des dirigeants de ces deux partis refusant la participation du Président sortant et/ou du premier ministre, les représentants de la direction du PS avaient tout fait pour gripper progressivement la dynamique de rassemblement qui s'était bâtie depuis l'appel de nombreux intellectuels dans Libération, en repoussant toujours à plus tard l'échéance des décisions concrètes, contestant le principe de pluralité de candidatures socialistes sans lequel le rendez-vous n'avait pas grand sens. Parallèlement, depuis plusieurs mois, députés et ministres (comme Eduardo Rihan-Cypel ou Najat Vallaud-Belkacem) couraient les plateaux TV et radio expliquant que la primaire était inutile car le Président de la République était naturellement légitime à se représenter.

Plus près de nous encore, nous revenons de loin puisqu'en début de semaine dernière, le premier secrétaire avait envisagé un congrès extraordinaire du PS pour supprimer les primaires citoyennes des statuts du parti. C'est là en réalité la seule véritable habileté réussie du premier secrétaire du PS, or elle ne visait pas à pièger les "Frondeurs", mais à démontrer qu'au regard de la situation politique, François Hollande ne pouvait plus se permettre d'interdire la convocation de primaires. En effet, face à l'opposition de l'Elysée, Jean-Christophe Cambadélis mettait le Président devant le risque d'un congrès extraordinaire raté, où les militants du PS pouvaient probablement refuser la manoeuvre et devant laquelle l'opinion considérerait que l'exécutif, comme le parti, fuyait la démocratie... En termes d'image et de courage politique, cette option était intenable pour François Hollande.

C'est la raison pour laquelle François Hollande s'est résolu à laisser Cambadélis valider ces primaires citoyennes. "Si je ne suis pas en mesure de l'emporter dans des primaires, comment pourrais-je prétendre gagner l'élection présidentielle ?"... Il cite une de ses probables concurrentes.

Avec Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann et Jerome Guedj, avec toute la motion Maintenant la Gauche, nous avons demandé dès 2013 (et à l'époque nous étions bien seuls) que le Parti socialiste organise des primaires citoyennes lorsque le moment serait venu de préparer les élections présidentielles de 2017. Nous percevions déjà qu'après un peu plus d'un an de mandat, François Hollande n'était déjà plus le candidat naturel qui permettrait de rassembler le peuple de gauche. Les reniements sur ses engagements posaient déjà évidemment la nécessité que le peuple de gauche se prononce à nouveau.

Malgré un périmètre plus restreint que nous ne l'avions espéré (sans le PCF et EELV), mais plus large qu'en 2011 (puisqu'en plus du PRG s'y ajouterait l'UDE et peut-être Nouvelle Donne), cette décision répond à notre volonté revendiquée de renouveler les primaires citoyennes qui doivent permettre de désigner le candidat de la gauche pour la présidentielle (comme c'était clairement exprimé dès la page 30 de la motion B "à gauche pour gagner" du congrès de Poitiers).

En effet, François Hollande plus que jamais n'apparaît plus comme un candidat naturel pour sa réélection, mais même un handicap pour la préparation de la présidentielle au regard des conséquences de sa politique dans l'opinion publique et dans notre électorat. Personne n'est d'ailleurs aujourd'hui assuré que le Président sortant sera en situation de se représenter d'ici là.

Le choix de Jean-Christophe Cambadélis se comprend donc selon ces deux facteurs :

1- la direction du PS valide l'idée que - même pour elle - le président sortant n'est en rien le candidat évident de la gauche à la Présidentielle, et qu'à tout le moins il a l'impérieux besoin de repasser par cette procédure pour retrouver une légère légitimité et éviter d'être totalement ridicule lors du premier tour d'avril 2017 ;

2- si la situation politique personnelle du Président continuait de se dégrader et qu'il ne soit même plus en mesure de se représenter (jetant l'éponge en novembre ou en décembre avant la date de dépôt des candidatures aux primaires), la direction du PS a besoin d'avoir une procédure de sélection de son (sa) remplaçant(e)...

C'est pourquoi, dans ce contexte, pour ceux qui étaient membres du conseil national du PS, nous n'avons voté cette résolution qu'à deux conditions :

1- qu'en soient retirées les provocations agressives contre les écologistes et les communistes alors même que ce texte lançait un nouvel appel à nous rejoindre (c'est encore possible puisque le PCF a repoussé à novembre prochain sa décision finale) ;

2- que soit clairement précisé noir sur blanc que les règles qui présideront aux primaires pour 2017 soient calquées sur celles de 2011 (conditions de candidature, d'organisation, de transparence et d'ouverture du vote).

Tous les Français de gauche pourront donc voter les 22 et 29 janvier 2017 prochain. Nous devons tout faire pour qu'un maximum de participants nous rejoignent, car c'est la seule manière de faire émerger un débat ouvert et public sur la nature du projet que nous voulons défendre en 2017 et la candidature alternative que nous souhaitons porter pour la faire vivre.

Vous pourrez lire plus bas en pièce jointe la résolution qui valide cette procédure.

Désormais, nous allons pouvoir confronter le bilan de François Hollande à ses engagements et aux attentes du peuple de gauche, nous allons pouvoir proposer un(e) candidat(e) qui défendra un Projet de gauche ambitieux pour gouverner et transformer le pays ; un(e) candidat(e) qui sera capable d'emporter l'investiture contre le Président sortant si celui-ci s'y risquait.

Je continue de penser qu'il serait plus sage que François Hollande s'écarte de lui-même ; ce serait de sa part faire preuve de lucidité au regard des résultats de son action et de la situation politique qu'il a créée, mais aussi cela aurait l'avantage d'élargir encore le champ du rassemblement (à EELV, au PCF, au MRC...). Car il est évident que #LaBAP de Jean-Christophe Cambadélis n'est en rien un dépassement du PS mais une excroissance de celui-ci qui permet cependant de gommer la dimension socialiste du parti qui la conduit.

Pourtant, les caciques du PS vont évidemment apporter par légitimisme (ou par calcul qu'il vaut mieux en finir avec la séquence Hollande dans une défaite, plutôt que de voir un candidat alternatif être adoubé par une campagne courageuse reprenant le flambeau du socialisme démocratique, ce qui obscurcirait leur propre horizon) leur soutien au Président sortant ; ce sera le cas de Manuel Valls, Martine Aubry ou Jean-Christophe Cambadélis, qui lors de la conférence de presse suivant le conseil national du PS s'est déjà empressé de dénigrer tous les concurrents éventuels de François Hollande, alors même qu'il appelait les socialistes à éviter les travers comportementaux constatés dans la primaire LR. Le Premier secrétaire et son équipe feront évidemment tout pour piper les dés, tenter de reculer sur les conditions actées lors du CN du 18 juin, réduire le nombre de bureaux de vote, limiter au maximum le nombre de participants. A nous d'être plus convaincants et plus forts.

Quels que soient les candidatures alternatives que nous pourrions faire émerger - Marie-Noëlle Lienemann et Arnaud Montebourg sont à ce jour les plus sérieusement engagés dans cette démarche -, chaque voix exprimées dans ces primaires doit pouvoir être une voix contre le reniement sur le projet européen, une voix contre la loi Macron, une voix contre la loi travail, une voix pour un projet ambitieux ancré à gauche pour gouverner et transformer la société française dans le sens du progrès et de la Justice.

Frédéric FARAVEL

Partager cet article
Repost0
26 mai 2016 4 26 /05 /mai /2016 13:10

Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale, et Christophe Sirugue, député rapporteur sur le projet de loi El Khomri, pourtant désavoués par Le Foll et Valls hier, seraient en train de travailler à une réécriture du fameux article 2 du projet de loi El Khomri, qui inverse la hiérarchie des normes (La loi est supérieure aux accords nationaux interprofessionnels, qui ont eux-mêmes supérieurs aux accords de branche, qui servent de cadre obligatoire aux accords d'entreprise, les dispositions les plus favorables aux salariés que celles prévues au niveau supérieur étant appliquées).

C'est donc la nouvelle petite histoire qu'on tente de nous raconter depuis hier après-midi. Certains osent même dire que cela se fait en concertation avec Force Ouvrière.

Mais qu'en est-il réellement ?

En fait Christophe Sirugue ne fait que reproposer le pseudo "amendement de compromis" qu'il avait soumis le 10 mai matin au premier ministre et aux frondeurs. Que dit-il ? Que les branches pourraient donner sous un mois un avis sur les accords d'entreprise avant leur signature mais qu'un avis négatif ne serait pas contraignant.

Donc :
1- au regard du flux des accords les branches ne pourront pas tout assumer et un avis positif sera présumé avoir été donné pour des accords qui n'auront pas été examinés ;
2- sans possibilité pour les branches de donner un avis négatif contraignant, on reste bien dans une logique d'inversion de la hiérarchie des normes.

Le problème posé par l'article 2 reste donc entier et on nous prend une fois de plus pour des idiots ; au demeurant, je ne vois pas FO s'engager dans un marché de dupe qui confirme l'inversion de la hiérarchie des normes.

Pour être conséquent et cohérent, il faudrait donc supprimer l'article 2 dans son entier.

Au demeurant si l'exécutif tient tant à ne pas retirer le projet de loi El Khomri, la porte de sortie est assez simple : qu'il accepte de supprimer l'article 1er (qui prévoit qu'une commission réécrive en deux ans le code du travail avec un risque de donner ainsi les clefs de la décision à la droite), l'article 2 (inversion de la hiérarchie des normes), l'article 10 (seuil de conclusion des accords d'entreprise et référendum salarié sous pression patronale), l'article 11 (copier-coller des accords "compétitivité emploi" proposés par Sarkozy en 2012), l'article 30 (aggravation des critères de licenciement économique), l'article 41 (fin du transfert du contrat de travail lorsqu'il y a transfert d'entreprise) et l'article 44 (fin de la médecine du travail concrète).

Sur le reste, on peut discuter.

Frédéric FARAVEL

Loi Travail, article 2 : cacophonie pathétique autour d'un marché de dupe
Partager cet article
Repost0
28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 11:23

Le lundi 18 avril 2016, l'école de formation proposait à ses participants un panorama historique et politique des gauches européennes. Rémi Lefebvre, professeur à l'université Lille-2, ayant été empêché pour des raisons professionnelles de faire l'intervention prévue ce soir-là, j'ai donc assuré l'intervention.

Alors que la social-démocratie traverse une période de crise prolongée, mêlant tout à la fois des raisons stratégiques, sociologiques et idéologiques, il est utile de regarder quelle est la situation réelle de la gauche en Europe dans sa diversité. Social-démocratie, écologie politique, gauche radicale, les situations varient évidemment énormément selon les réalités nationales, mais de grandes lignes de lecture peuvent se distinguer à l'échelle européenne. Il était donc utile de faire le point sur les convergences, les divergences, les opportunités et les impasses au moment où la gauche espagnole négocie dans des conditions difficiles pour savoir si elle est capable de proposer un nouveau gouvernement.

IMG_0612

Vous trouverez ci-dessous les vidéos de la séance.

 

29e séance de l'école de formation sur le panorama des gauches européennes le lundi 18 avril 2016

29e séance de l'école de formation sur le panorama des gauches européennes le lundi 18 avril 2016

Partager cet article
Repost0
11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 20:49

Le samedi 9 avril 2016 après-midi aura démontré jusqu'à la caricature les impasses dans lesquelles se trouvent la gauche et tout particulièrement les socialistes, près d'un an avant les élections présidentielles, et qu'il nous faudra dépasser, si nous voulons éviter tout à la fois le ridicule, le déshonneur et l'élimination.

Comme les autres membres des instances nationales du Parti Socialiste, je suis resté enfermé durant quelques heures au troisième sous-sol du 101, rue de l'université dans la salle Victor-Hugo où se réunissait le conseil national du PS. Pendant ce temps, dehors, dans le monde réel, des dizaines de milliers de salariés défilaient dans les rues de Paris et de 200 autres villes du pays pour exiger le retrait du projet de loi El Khomri. C'était pourtant parmi ces personnes que se trouvaient ceux qui ont fait la victoire de la gauche en 2012 et sans doute même de très nombreux électeurs de François Hollande dès le 1er tour. C'était à leurs côtés que nous aurions dû être...

La mobilisation sociale compense à ce stade par la détermination le nombre "attendu" par les impatients ou ceux qui veulent la dénigrer. N'oublions pas que la fatigue et les désillusions ont profondément pénétré notre société et le peuple de gauche : il est dur de dépasser la résignation lorsque les mobilisations sociales sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy qui ont préparé le terrain au retour de la gauche à l'Elysée se sont vues "récompensées" par les reniements récurrents de son successeur. Car à tout prendre, personne - même les plus sceptiques - n'auraient imaginé qu'une telle dérive de la "gauche" au pouvoir fut possible. Plus encore, personne n'aurait imaginé qu'un projet de loi de loi comme celui porté par Myriam El Khomri fut envisageable, surtout à un an des présidentielles alors que les erreurs des 4 années précédentes ont déjà largement érodé le crédit présidentiel, le périmètre et la solidité de sa majorité présidentielle que auraient été nécessaires pour un sujet aussi important (abstraction faite de l'orientation du projet).

Comme pour chaque projet majeur du quinquennat Hollande, excepté le "mariage pour tous", il y a sans doute un élément de sidération récurrent qui accompagne la surprise y compris chez ceux (rares) qui se réjouissent de ses contrepieds. Mais la Nuit Debout semble désormais démontrer qu'un cap est franchi ; au-delà du renouvellement des modes d'actions politiques (pour la France, car on peut y retrouver de manière plus modérée les échos des Indignados de la Puerta del Sol ou du mouvement Occupy aux USA), et sans tomber dans les élucubrations et la novlangue gauchistes de fin d'AG du mouv', cette initiative inédite marque une sorte de "convergence des luttes"... ou plutôt comme le disait spontanément aux journalistes un participants/spectateurs, il s'agit d'une agrégation des mécontentements à gauche, le "ras-le-bol dépasse largement la seule loi El Khomri".

Comme précédemment, le projet de loi prend au dépourvu ceux qui ont permis l'élection de François Hollande - et qui sont aujourd'hui dans la rue - et ses propres soutiens politiques. A aucun moment, le Parti Socialiste n'a été associé aux décisions du quinquennat. Effacé au point de savoir s'il y avait encore un parti et premier secrétaire avec Harlem Désir, c'est peut-être pire encore depuis deux ans avec Jean-Christophe Cambadélis qui multiplient moulinés et coups de menton pour un vide politique tout aussi important. Faisons le bilan, au-delà de la répétition des déroutes électorales, de l'action de Jean-Christophe Cambadélis : ce sont des coups politiques d'appareil... un "référendum" bidon sur l'unité de la gauche aux régionales, une injonction à annoncer son soutien à François Hollande, le running gag de l'Alliance Populaire qu'on lance tous les deux mois, mais surtout le gain d'un congrès fondé tout à la fois sur l'appel au légitimisme et le mensonge (un mensonge réussi car Martine Aubry et ses amis ont préféré être aveugles et sourds, et d'une certaine manière - même en quittant le secrétariat national du PS - continuent de l'être).

Car enfin, répondant à un ami, premier secrétaire fédéral méridional (motion A), en marge du conseil national, qui me reprochait de "pourrir" Camba sur les réseaux sociaux, je tenais à remettre les choses en place : "Dis mois Camba nous dit qu'il applique la motion A votée par les militants en créant l'Alliance Populaire, mais tu ne crois pas que pour réussir et nous sortir de la panade il aurait pu s'enorgueillir d'appliquer sa motion sur des sujets autrement plus cruciaux ? comme le budget 2016 - sur lequel il avait réuni en juillet 2015 une large majorité du BN pour ne rien en faire et capituler devant l'exécutif - ou comme le droit du travail... votre motion dit exactement le contraire du projet de loi El Khomri... tu ne crois pas que c'était plutôt là-dessus qu'on attendait qu'il applique sa motion ?"... "Si, bien sûr..."

pour une analyse de projet de loi El Khomri cliquer ici

J'aurais pu continuer et être désagréable en disant que nous avions atteint le déshonneur sur cette histoire de déchéance de nationalité, avec le ridicule de Cambadélis s'excusant de n'avoir pas réussi à convaincre la droite de voter le compromis de l'Assemblée Nationale qui inscrivait à la fois la déchéance de nationalité et la possibilté de l'apatridie dans la constitution de la République française... Pourtant le Premier secrétaire s'était lui-même dicté devant le BN (et sans lui demander son avis d'ailleurs) les conditions de la sortie de crise : ni stigmatisation des binationaux, ni apatridie... donc Camba s'excuse devant les Français de ne pas avoir convaincu la droite d'adopter une solution qu'il condamnait publiquement devant les socialistes...

Comment s'étonner dans ces conditions que le PS perde des milliers d'adhérents ? Oh, ce n'est pas de façon bruyante... Ceux qui partent ne renouvellent pas leur cotisation plutôt que de claquer la porte avec fracas. Des quelques 135.000 adhérents en capacité de voter au congrès de Poitiers en juin 2015, seuls quelques 75.000 avaient participé. Le résultat en est qu'à peine plus de 86.000 socialistes étaient à jour de cotisation fin 2015 (ils n'ont pas tous voté) et que près de 110.000 adhérents potentiels sont encore dans les fichiers actifs du PS. En un an, le PS a perdu une capacité de 25.000 adhérents et dans les mois qui viennent d'ici la présidentielle il peut encore en perdre autant. On est loin des centaines de milliers de personnes que Cambadélis "voient" s'engager dans la campagne présidentielle.

Comment tenir dans ces considérations ? comment supporter d'assister à un conseil national du PS alors que votre coeur et votre raison vous pousseraient à rejoindre les manifestants ? Comment supporter tout cela pendant qu'on joue la montre, pour éviter de voir des dizaines de membres des instances nationales quitter l'Assemblée Nationale pour partir entre République et Nation, en faisant une présentation hors sol et sans débat contradictoire de l'avant projet de loi Egalité-Citoyenneté ?

Il faut se dire que le sujet majeur de ce CN est suffisamment important pour que le vote qu'on vous demandera  à la fin vous donne le coeur au ventre.

Le CN devait valider la participation théorique du PS à des primaires de la gauche et des écologistes. Les justifications en sont évidentes : avec la tripolisation de la vie politique, largement consécutive aux erreurs commises par François Hollande et ses gouvernements, le rassemblement est la seule manière pour la gauche d'assurer sa présence au second tour de l'élection présidentielle, seule la relégitimation par les débats avec les citoyens peut permettre à l'ensemble de la gauche de sortir de l'impasse dans laquelle ce quinquennat l'a plongée.

Cependant pendant plus de deux heures, jouant de l'évitement, du mépris et souvent de la condescendance, la direction du PS a tenté de fixer des conditions à ces primaires telles qu'elles ne pourraient jamais avoir lieu. L'essentiel se jouent d'ailleurs sur la capacité laissée aux socialistes de présenter plusieurs candidats. Qu'un seul socialiste puisse se présenter face aux représentants des partenaires et la compétition et le débat seraient déséqulibrés, que ce socialiste puisse être le seul président sortant et alors tous comprendraient le marché de dupe d'une opération de ré-adoubement artificiel qui ferait fi du de l'inventaire de son quinquennat.

Vous trouverez ci-joint le texte de la résolution du PS sur les primaires adopté en conseil national samedi à l'unanimité ; je l'ai votée tout en mesurant les difficultés qu'elle contient, car
il reste cependant d'énormes ambiguïtés souhaitées comme telles par la direction :

  • - la pluralité des candidatures socialistes à cette primaire n'est pas encore acquise, elle dépendra avant tout de notre capacité à mettre la pression d'ici juin pour que la direction du parti n'impose qu'une seule candidature PS à la primaire de la gauche. Si tel était le cas et que le CN tranchait entre différentes candidatures pour imposer qu'il n'y en ait qu'une seule face aux candidats des partenaires de gauche, il y a fort à partir que seule celle de Hollande s'il souhaite être candidat aboutirait ce qui ferait avorter immédiatement la primaire tant sur le projet que sur les personnes ;
  • - la direction du PS refuse qu'un cadre commun politique - ne serait-ce que minimum - soit défini, qu'il sorte ou non des débats citoyens qui doivent se tenir de la fin du printemps à l'automne. Ce n'est pas mon avis ni celui de l'aile gauche du PS qui souhaite que les débats citoyens soient pris en compte pour qu'on puisse faire le bilan du quinquennat et que les erreurs commises soient analysées et servent de leçons pour le programme à venir, et que les candidats à la primaire - en plus de soutenir le ou la gagnant(e) - s'engagent à défendre un nouveau rapport de la gauche au pouvoir et une nouvelle pratique des institutions (si ce n'est leur réforme profonde)...
  • - enfin, nous avons un véritable problème à partir du moment où le PS a décidé lors d'un précédent CN de ne pas avoir de programme pour les présidentielles (donc pour les législatives). Si en plus il ne devait y avoir qu'un seul candidat PS autorisé à se présenter dans les primaires, cela signifierait que le PS lui signerait d'autant plus un chèque en blanc sur les propositions qu'il porterait...

À partir du moment où Hollande était le candidat du PS, du MRC et du PRG en 2012, que la majorité parlementaire qu'il contraint (plus que de recevoir son assentiment) est composée des mêmes, que des membres du PS soutiennent sa candidature on ne peut exclure celle-ci a priori sauf à exclure le PS en tant que tel du périmètre de la gauche et donc TOUS ses membres du périmètre. Je le redis le meilleur moyen de démontrer qu'il n'est plus dans le périmètre de la gauche c'est de démontrer que son bilan et sa ligne sont largement désavoués par le peuple de gauche dans une primaire de la gauche. Et moi je regarde ça tranquillement car je suis convaincu que nous pouvons le battre.

Nous pouvons encore obtenir des primaires réellement ouvertes à condition de mettre la pression dans le parti et sur la place publique... Je ne vous cache pas qu'en l'absence de primaires réellement ouvertes je considère que nous serions déliés de tout engagement et obligation vis-à-vis du candidat qui serait soutenu par la direction du parti. Ce candidat sera sans doute éliminé au soir du 1er tour, soldant ainsi le naufrage définitif d'un appareil hors-sol, mais le reste de la gauche - un PCF en perdition qui aura vu le Front de Gauche mourrir de ses contradictions, EELV qui n'en finit plus de se décomposer (seule action directe efficiente mais finalement pas souhaitable non plus de François Hollande) - sera lui aussi explosé et les conditions de la recomposition de la gauche pour l'avenir du pays seront gravement compromises.

A nous donc de faire le lien entre les mobilisations qui commencent pour que François Hollande comprenne enfin que la responsabilté commande qu'il s'écarte ou pour que grâce au rassemblement de la gauche, celle-ci se dote d'une plateforme commune et d'un(e) candidat(e) qui saura la faire sortir de l'ornière et permettra que l'avenir de la République ne soit pas hypothéquée.

Frédéric FARAVEL

 

résolution du CN du Parti socialiste adoptée à l'unanimité le 9 avril 2016 sur les primaires à gauche

Les membres du CN dans la salle Victor Hugo de l'Assemblée Nationale (c. Mathieu Delmestre)

Les membres du CN dans la salle Victor Hugo de l'Assemblée Nationale (c. Mathieu Delmestre)

Partager cet article
Repost0
25 mars 2016 5 25 /03 /mars /2016 15:00

LE MONDE DES LIVRES | 23.03.2016 à 18h06 • Mis à jour le 24.03.2016 à 10h36 | Par Serge Audier

Quand la gauche se réinventait. Le PSU, histoire d’un parti visionnaire, 1960-1989, de Bernard Ravenel, La Découverte, 384 p., 24,50  €.

La gauche française traverse l’une des plus profondes crises identitaires de son histoire. Si, pour les uns, il faut accélérer la fin du socialisme et assumer un libéralisme économique décomplexé, d’autres cherchent des alternatives du côté des expériences anticapitalistes comme celle du Chiapas, Etat du sud-est du Mexique et berceau du mouvement zapatiste,ou des mouvements démocratiques comme Podemos en Espagne.
Une approche différente consiste à se retourner sur l’histoire de la gauche française, en examinant ses courants qui, minoritaires ou vaincus, ouvraient de précieux « possibles ». C’est ce que suggère le beau travail historique que publie Bernard Ravenel sur le Parti socialiste unifié (PSU) : son titre, Quand la gauche se réinventait, sonne comme une invitation à réactiver le geste de ce parti politique qui pesa plus que ses faibles résultats électoraux.

Né en avril 1960, autodissous en 1989, le PSU a été le foyer d’un sursaut éthique et démocratique. Porté par des figures politiques et intellectuelles – comme Claude Bourdet, Alain Savary, Gilles Martinet, Pierre Mendès France –, il incarne une « nouvelle gauche » qui se cherche alors un peu partout dans le monde. Mais le PSU répond aussi au contexte français, celui d’une guerre d’Algérie interminable qui viole le principe d’autodétermination des peuples. Devant l’impuissance du Parti communiste et la grave compromission du Parti socialiste – la SFIO de Guy Mollet – dans la sanglante répression algérienne, le PSU veut éviter à la gauche sa déchéance morale.

L’internationalisme restera une des constantes du PSU. Au-delà, il voulait inventer un socialisme dans la liberté, adapté au nouveau capitalisme, qui évite l’autoritarisme stalinien du Parti communiste, mais aussi le pâle réformisme d’une SFIO sous influence atlantiste. Comme son nom l’indique, le PSU visait à réunifier le mouvement ouvrier, scindé depuis le congrès de Tour de 1920 entre socialistes et communistes, sur des bases nouvelles. Issu de trois microformations – le Parti socialiste autonome (PSA), l’Union de la gauche socialiste (UGS) et Tribune du communisme –, il prônait un « réformisme révolutionnaire » original.

« Modifier radicalement les rapports sociaux »

Selon sa charte d’unification, le PSU souhaitait grouper travailleurs manuels et intellectuels pour conquérir le pouvoir et créer une société socialiste. Celle-ci consisterait en une organisation rationnelle de l’économie satisfaisant les besoins de tous, grâce à la collectivisation des principaux moyens de production et d’échange, et par la planification de l’investissement et de la production. Son originalité venait de son aspiration à « modifier radicalement les rapports sociaux » et à « introduire, en même temps qu’une réelle démocratie économique à tous les échelons de la production, la plus complète démocratie politique dans tous les rouages administratifs de la société ». Ce qui supposait une décentralisation des pouvoirs, depuis les régions jusqu’à l’entreprise – on appellera bientôt cela l’« autogestion ».

Cependant, l’unification sera bien difficile, même dans cette modeste formation. Née d’un « mariage de raison », selon la formule du mathématicien Laurent Schwartz, elle avait été cimentée par la guerre d’Algérie. Mais, très vite, bien des clivages, dans des congrès souvent houleux, allaient surgir, sur fond de divergences culturelles, notamment entre, d’un côté, laïcs et athées intransigeants, et, de l’autre, chrétiens de gauche.

Le PSU n’en garde pas moins son identité, y compris vis-à-vis de la stratégie plus classique de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) de François Mitterrand – d’ailleurs peu apprécié à cause, notamment, de son rôle durant la guerre d’Algérie. Le PSU présente en effet la particularité de rester en contact étroit avec les luttes syndicales dans les entreprises, mais aussi avec les luttes étudiantes et les manifestations anti-impérialistes contre la guerre du Vietnam. Nombre de militants syndicaux de la CFDT et d’étudiants de l’UNEF y sont aussi encartés…

Donner une dynamique politique à la rébellion

Aussi comprend-on le rôle-clé que joue ce parti dans le mouvement de Mai 68 – le jeune Michel Rocard s’imposant comme un des organisateurs des manifestations. Alors que le PSU porte des slogans comme « L’université aux étudiants ! L’usine aux travailleurs ! », il entend donner une dynamique politique à la rébellion. Selon les mots du bureau national du 17 mai, celle-ci doit être prolongée vers une union entre ouvriers, paysans et étudiants, autour de « la contestation de l’autorité et la revendication du pouvoir, du contrôle direct des étudiants, des travailleurs, des citoyens sur les décisions qui les concernent ». Si Mai 68 a été une explosion se diffusant de la révolte étudiante au mouvement ouvrier, le PSU n’y fut pas pour rien.

Reste qu’il peine à traduire son implantation sociale en réussite électorale, atteignant après l’échec de Mai 68 un peu moins de 4 % des voix aux élections législatives, tout comme Michel Rocard à l’élection présidentielle de 1969. En outre, après avoir été un des moteurs du PSU, celui-ci deviendra un protagoniste de sa crise interne. Lui et ses amis rejoignent en effet le Parti socialiste lors des Assises du socialisme en 1974, qui arriment au parti refondé par Mitterrand des forces de la CFDT et du PSU, sans que le projet autogestionnaire soit solidement intégré.

Aussi le PSU estime-t-il garder sa raison d’être. Dans l’effervescence post-68, alors qu’un pôle maoïste s’affirme, le parti accompagne les nouvelles luttes dans les entreprises et l’armée, ainsi que les « nouveaux mouvements sociaux » – féminisme, régionalisme, écologie, antinucléaire. Dans les années 1970, il sera au cœur des combats autogestionnaires pour la reprise de l’entreprise Lip de Besançon – Charles Piaget, l’animateur du mouvement, étant du PSU – et des résistances du Larzac. Là encore, il s’agit d’articuler dynamique politique et mouvements sociaux ou sociétaux.

Ainsi, en 1973, le PSU anime le Groupe pour la liberté de l’avortement et de la contraception stéphanois (Glacs), qui pratique des avortements dans les milieux populaires. Un autre combat pionnier portera sur les droits des travailleurs immigrés, victimes de conditions de vie et de travail exécrables. L’une des plus grandes originalités du PSU concerne, enfin, dès les années 1960, le thème de l’urbanisme et, bientôt, de l’écologie – une idée chère au successeur de Rocard à la tête du parti, Michel Mousel. Le PSU mena ainsi campagne sur « la ville livrée au capitalisme », prônant là encore le contrôle par les habitants de leur « cadre de vie ».

Après la victoire de la gauche en 1981, Huguette Bouchardeau, la candidate PSU, devient, en 1983, secrétaire d’Etat, puis ministre de l’environnement. Mais la rigueur et la conversion à l’économie de marché irritent le PSU, tandis que certains de ses anciens membres ou alliés de la CFDT sont des acteurs de ce tournant… Devant cette ironie de l’histoire, Bernard Ravenel, qui resta jusqu’au bout un responsable du PSU, préfère exhumer les « graines de l’avenir » plantées par ce parti démocratique, anti-impérialiste et écologique.

En construisant « un pont entre une génération et une autre », il espère contribuer à revivifier la pensée critique, et suggère que la gauche perd sa raison d’être si elle renonce à démocratiser radicalement la société et l’économie. N’est-ce pas là l’idéal toujours vivant du socialisme ?

Michel Rocard et Pierre Mendès France, lors d’un rassemblement de la gauche, à Paris, le 27 mai 1968. FONDATION GILLES CARON/GAMMA

Michel Rocard et Pierre Mendès France, lors d’un rassemblement de la gauche, à Paris, le 27 mai 1968. FONDATION GILLES CARON/GAMMA

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 20:22
François Hollande : du droit de vote des étrangers aux élections locales à la déchéance de nationalité, il aura fallu moins de 4 ans...

François Hollande : du droit de vote des étrangers aux élections locales à la déchéance de nationalité, il aura fallu moins de 4 ans...

 

Alors que Christiane Taubira venait de démissionner et que François Hollande nommait à sa place Jean-Jacques Urvoas qui s'est surtout illustré jusque là par des positions qui ne favorisaient pas l'idée de justice, Manuel Valls présentait devant la commission de lois de l'Assemblée Nationale le "compromis" dont l'élaboration avait été confiée à Dominique Raimbourg et ... Urvoas.
 

Selon lui, il était de nature à rassurer ceux qui s'étaient émus de la première version du texte. Qu'en est-il ?

Le seul point positif c'est la ratification de la convention internationale pour limiter l'apatridie, sauf que de fait cela implique que la déchéance de nationalité s'adresse ... aux binationaux nés Français ! Donc rien de nouveau sous le soleil sauf pour ceux qui aiment être pris pour des imbéciles... Enfin le nouveau texte élargirait la déchéance aux délits alors qu'elle n'était prévue par le projet de loi uniquement pour les crimes : ces propositions aggravent donc le texte précédent !!!

 

Or sur son blog, le premier secrétaire souhaite accréditer l'idée farfelue que les socialistes auraient été entendus : une telle présentation est une insulte à l'intelligence. Le texte est plus que jamais contraire aux principes socialistes ! Le PS devra se prononcer contre. Il faudra donc que les membres du bureau national fasse preuve de détermination et de courage lundi prochain lors de leur réunion pour couper court à une odieuse pirouette supplémentaire qui sinon mettrait à bas ce qu'il reste du peu de crédibilité de la direction de ce parti.

Frédéric FARAVEL
membre du bureau du Bureau National des Adhésions du PS
membre du bureau fédéral du PS Val-d'Oise

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 13:54

Suite au travail réalisé avec plusieurs collaborateurs de sénateurs socialistes, nous publions une tribune dans Le Plus de l'Obersateur afin d'illustrer l'inefficacité et le caractère inapproprié de l'article 2 du projet de loi de révision constitutionnelle.

LE PLUS. La déchéance de nationalité divisent les socialistes. Alors que l'examen de la révision constitutionnelle doit débuter le 5 février prochain, Naza Mokhtary, secrétaire de la section PS d’entreprise du Sénat, et d'autres collaborateurs parlementaires auprès de sénateurs socialistes, dénoncent dans une tribune le revirement d'une partie importante de leur famille politique sur ce sujet.

Édité par Sébastien Billard 

François Hollande et Manuel Valls place de la République, le 10 janvier 2016 (D. ALLARD/SIPA).

Contre toute attente, car au regard de nos positions pas si anciennes que cela, au regard de la place de l’égalité dans nos valeurs constitutives, on aurait pu s’attendre à ce que les militants, unanimement, fassent obstacle à cette mesure. On assiste au contraire à la décrédibilisation de la parole des militants qui y sont opposés.

 

Une inversion complète de nos repères et de nos valeurs

 

Pourquoi cette aphasie ? Parce que la majeure partie des militants socialistes est constituée d’élus, de collaborateurs d’élus et d’aspirants à être l’un ou l’autre.

 

Les auteurs de cette tribune n’y font pas exception : militants socialistes mais aussi salariés de parlementaires. La pérennité de notre contrat ne repose que sur la loyauté ; et c’est cette loyauté qui, entre autre, nous permet de payer nos loyers à la fin de chaque mois.

 

Nous nous sommes engagés dans cette voie professionnelle avec l’idée et la volonté de défendre les valeurs d’égalité, de liberté et de solidarité. Ces mots ne sont pas vains dans notre quotidien professionnel : ils représentent notre boussole. Aussi, nous ne pouvons nous résoudre à ce qu’un nombre significatif de parlementaires socialistes, sous le regard gourmand de la droite, s’accommodent d’une mesure qu’ils combattaient hier.

 

Nous faisons l’expérience traumatisante d’une inversion complète de nos repères et de nos valeurs, sans pouvoir exprimer haut et fort notre désaccord. Notre silence "public" n’exprime pas tant une crainte personnelle que le souci de mettre notre parlementaire dans l’embarras vis-à-vis de l’exécutif.

 

Une mesure inefficace dans la lutte contre le terrorisme

 

Pourtant, à ce jour, 21 fédérations départementales du PS ont d’ores et déjà pris position contre la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité.

 

Parmi elles, le 15 janvier dernier, la fédération de Paris s’est explicitement prononcée contre, proposant, faute de mieux, l’indignité nationale ; certains de nos camarades et de nos élus n’ont pas manqué de disqualifier nos convictions en taxant nos arguments de "boboïtude parisienne" aveugle aux réalités de la France.

 

À ces camarades, on rappelle humblement et sans gloire que les Parisiens ont vécu au plus près la tragédie ; qu'ils connaissent tous – a minima – quelqu’un qui a perdu un proche. Ce n’est donc pas par irresponsabilité ou cécité que nous sommes opposés à la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité.

 

Cette mesure, que tous s’accordent à reconnaître comme inefficace dans la lutte contre le terrorisme, n’a de symbolique que la ségrégation qu’elle opère entre mono et binationaux. L’argument, répété comme un mantra, que la déchéance de nationalité vise les terroristes et pas les binationaux, relève, à ce jour, de la fable.

 

Une réponse inappropriée aux attentats de 2015

 

Nous avons réalisé un tableau portant sur la nationalité des auteurs des attentats de 2015. Aucun d’eux n’auraient pu faire l’objet d’une déchéance à l’exception d’un Franco-belge !

 

Statuts administratifs des terroristes ou ayant été reconnus comme tels, car ayant commis les attentats de janvier et de novembre 2015

 

 

Chacun appliquera à ce tableau sa propre grille de lecture, mais, sans préjuger de la suite, personne ne peut plus dire que la déchéance étendue aux binationaux nés français est une réponse appropriée aux attentats de 2015.

 

Il semblerait que des compromis soient en cours de rédaction. Quelqu’en soit l’issue, on ne peut ignorer que réviser notre Constitution en la matière donnerait toute compétence au législateur – actuel et futur – de déchoir, en fonction de l’émotion du moment.

 

Dans toutes les hypothèses, y compris celle où la droite sénatoriale, majoritaire, envisagerait de jouer la surenchère constitutionnelle et la division, nous tenons à la disposition de nos camarades une note faisant la synthèse des arguments contre l’inscription de la déchéance de nationalité dans notre Constitution.

 
Partager cet article
Repost0
11 janvier 2016 1 11 /01 /janvier /2016 13:51
La "une" de Libération, édition du lundi 11 janvier 2016

La "une" de Libération, édition du lundi 11 janvier 2016

En "une" de Libération s'étale désormais un appel d'intellectuels et de quelques rares responsables politiques à une primaire à gauche. "Nous n’acceptons pas que la menace du FN, le risque terroriste et l’état d’urgence permanent servent de prétexte pour refuser de débattre des défis auxquels notre société est confrontée. Il n’y a pas de fatalité à l’impuissance politique."

a publicité pour une fois réussie autour de cette initiative - qui subit cependant la concurrence médiatique du décès impromptu de David Bowie - tient par ailleurs au fait qu'elle n'émane pas de dirigeants politiques dont ceux qui veulent à tout prix éviter le débat à gauche auraient tôt de dénoncer l'opération égotique. L'initiative ne réussira peut-être pas mais il me paraît indispensable de la soutenir, alors qu'une large partie de la gauche institutionnelle était empêtrée par les servitudes des appareils et de la vie parlementaire [signer ici].

Car des primaires de la gauche sont la condition sine qua none pour conjurer l'irréparable. La voie suivie jusqu'ici nous a conduit à l'échec collectif et au bord d'une défaite qui pourrait être plus violente encore qu'en 1993. Il convient désormais de tout faire pour créer les conditions du rassemblement de la gauche - socialiste (au sens large), démocratique et écologiste - pour 2017, afin que notre camp soit en position de l'emporter lors des élections présidentielle et législatives et d'écarter le spectre de l'extrême droite nationaliste, xénophobe et anti-sociale. Il est urgent d'entamer les discussions collectives pour définir une plateforme programmatique commune simple et intelligible pour nos concitoyens qui soient en mesure de répondre à leurs attentes, à leurs angoisses et à leurs aspirations :

- retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi par un redressement productif durable, en enclenchant solidement une véritable transition écologique ;

- refonder notre système de solidarité et de protection sur la base de la justice sociale ;

- assurer une présence réelle et concrète de la République pour nos concitoyens au travers de services publics forts, de libertés publiques garanties et protégées, du respect des droits des salariés ;

- restaurer les conditions de la souveraineté populaire et d'une démocratie réelle, par une réforme de nos institutions et un combat déterminé pour la réorientation de la construction européenne...

Dans ce cadre commun, l'ensemble des sensibilités de la gauche française peut alors donner rendez-vous et remobiliser le peuple de gauche, ceux qui ne veulent pas désespérer, ceux qui attendent plus de progrès et de justice sociale. Sur cette base, nous devons organiser des primaires ouvertes à toute la gauche – sans exclusive – pour désigner un ou une candidat(e) commun(e), qui pourra alors défendre devant les Français un véritable projet d'avenir, de justice sociale et de concorde républicaine.

Cependant, il faut être lucide le Président de la République sortant peut évidemment tuer dans l'oeuf toutes chances de relèvement en se présentant hors de tout cadre collectif sur le mode d'une candidature de "droit divin" - considérant qu'il y aurait une légitimité automatique pour le sortant à se représenter -, ou même en participant à une primaire à gauche. Dans le premier cas, aucun socialiste ne pourrait se sentir tenu d'avaliser cette candidature : les statuts du Parti Socialiste indiquent clairement que le candidat soutenu par le PS doit être désigné dans le cadre de primaires citoyennes ouvertes ; si tel n'était pas le cas le président sortant ne pourrait prétendre que nous faisions sa campagne, il pourrait également provoquer l'implosion de la famille socialiste (que tout ce qu'il avait fait jusqu'ici n'avait pas encore obtenu).

Mais, au-delà, soyons honnêtes avec la dyarchie exécutive française : François Hollande et Manuel Valls se sont totalement discrédités pour des raisons de confiance (reniement des engagements économiques, sociaux et européens du candidat Hollande), d'efficacité de la politique menée et fondée sur des choix contestables d'un point de vue de gauche (hausse du chômage, aucun redressement financier, régression des conditions de vie et de protection des salariés) et de valeurs (déchéance de nationalité, régression des libértés publiques) et qu'ils ne peuvent prétendre aujourd'hui rassembler la gauche qui est la seule manière qu'elle soit présente au second tour de la présidentielle.

François Hollande a érigé le cynisme comme un mode de gouvernement et de conservation du pouvoir à un point que peut-être même François Mitterrand n'avait pas imaginé. Il a failli, il a trahi les engagements pris devant ses électeurs, il a nié les intérêts de ceux pour qui la gauche est censée agir, il a diminué la souveraineté populaire et les intérêts de la République française en s'opposant pas à la dérive ordo-libérale d'une construction européenne devenue post-démocratique.

Aussi, si le Président sortant ou son premier ministre étaient candidats, les primaires à gauche, le débat sur l'inventaire de la politique conduite depuis juin 2012, l'élaboration d'une plateforme programmatique de rassemblement de la gauche n'auront tout simplement pas lieu : la gauche sera divisée donc battue et éliminée.

C'est donc une condition de salubrité publique que l'un comme l'autre se retire après un bilan aussi piteux. Il est temps d'entamer une campagne résolue pour exiger qu'ils s'écartent dans l'intérêt de la gauche, des catégories sociales qu'elle a pour mission de défendre et même de la République.

Frédéric FARAVEL

Partager cet article
Repost0
4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 22:07
Présidence déchue

Ainsi, le mercredi 23 décembre 2015, les deux têtes de l'exécutif annonçaient à leur gouvernement, leur majorité parlementaire et aux Français que l'inscription de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français était maintenu comme article 2 du Projet de loi de révision constitutionnelle.

La déception et les émotions violentes et légitimes que cette annonce a soulevées étaient à la hauteur des espoirs nourris par les « rumeurs » largement entretenues de retrait de cette mesure « discutable » les jours précédents, et notamment les 21 et 22 décembre, avec comme point d'orgue les informations données par la Garde de Sceaux, ministre de la Justice, Christiane Taubira à des médias algériens lors d'un déplacement de l'autre côté de la mer méditerranée. Pour imprudente et peu respectueuse des us et coutumes du pouvoir (on dit qu'on ne parle pas de politique intérieure à l'étranger, mais de si nombreux dirigeants du pays avaient déjà enfreint cette règle auparavant), il n'était pourtant pas étonnant, que la locataire de la Place Vendôme réponde aux questions posées par la presse algérienne, au regard de l'importance de la question de la bi-nationalité franco-algérienne. Il est fort probable qu'elle ait d'ailleurs répondu de bonne foi au moment où la question était posée, car les espoirs de retour à la raison du couple exécutif ne semblaient pas vains.

Les éternels zélotes de l'Elysée diront que nous nous bercions d'illusions, le Président de la République ayant été très clair lors de son intervention solennelle devant le congrès à Versailles. Il ne pouvait revenir en arrière et d'ailleurs, personne dans la représentation parlementaire n'avaient alors songé à dénoncer cette annonce. Il est vrai que sous l'effet de la sidération générale, trois jours à peine après les attentats, les critiques violentes n'étaient pas de mise le lundi 16 novembre ; pourtant déjà des voix s'étaient faites entendre une fois le congrès clôt pour contester la pertinence de cette mesure, sans que l'on sache très bien si elle serait dans le projet de loi de révision constitutionnelle ou l'objet d'une loi simple. Les débats étaient montés quand avait bruissé l'idée de constitutionnaliser la mesure et le soulagement avait point en début de semaine.

En effet, quelques jours plus tôt, le Premier Ministre n'avait-il pas convoqué à Matignon plusieurs journalistes pour prendre un verre et faire entendre que cette mesure n'était peut-être pas nécessaire et posait sans doute plus de problèmes qu'elle n'en réglait ? Les ministres n'avaient-ils pas défilé sur les plateaux pour dire que rien n'était tranché et que son maintien en tant que partie prenante de la révision constitutionnelle n'était pas pertinente ? Le Président de la République lui-même n'avait-il pas fait fuité que les arguments de Patrick Weill avaient fini par le convaincre.

La surprise fut donc totale et violente lorsque l'immense majorité des ministres découvrirent sur la table du conseil que le projet de loi de révision constitutionnelle comportait la mesure contestée. Il se dit que George Pau-Langevin découvrant le texte avec effarement aurait rappelé « Mais ce ne sont pas nos valeurs » ; le Président de la République aurait alors assumé le constat et exigé la solidarité sans faille des membres du gouvernement pour garantir l'autorité de sa parole.

De quoi s'agit-il ?

En effet, tout ou presque a été écrit sur cette mesure. Je reprendrai quelques arguments :

1- Cette mesure n’a strictement aucune efficacité, et c’est admis par ses propres promoteurs
On ne voit pas comment la déchéance de nationalité pourrait faire peur à des terroristes qui ne craignent pas de se faire exploser ou mourir. En matière de lutte contre le terrorisme, ça n’a aucun sens et c’est même contre-productif au niveau international, car on va renvoyer des gens vers d’autres pays où ils pourront tout autant poursuivre leurs activités dangereuses.

2- cette mesure n’est en pratique pas ou peu applicable
Le Premier Ministre a précisé que les personnes frappées par cette déchéance seraient jugées et condamnées en France et purgeraient leur peine de prison en France ; ce ne serait donc qu’à l’issue de leur peine qu’ayant été déchues de la nationalité française, elles seraient expulsées. Un tel dispositif n’est pas pertinent et même contre-productif, car il implique de perdre la maîtrise et la surveillance sur des individus qui resteraient potentiellement dangereux. Dans certains cas, notamment pour l’Algérie, les personnes concernées par une telle procédure ne pourraient pas être expulsées car menacées de la peine de mort. C’est le cas d’Algériens condamnés pour faits de terrorismes et toujours en France ; la déchéance de nationalité perd alors tout sens si elle en avait un.
Enfin le projet de loi ne prend pas en compte l’idée de nationalité effective. Certains États donnent leur nationalité sans qu’on le demande, comme le Maroc pour les descendants de Marocains ou, d’une autre manière, Israël avec la Loi du retour pour les Juifs. Il faudrait donc introduire la notion de lien effectif, par exemple la demande d’un passeport. Or le projet de loi ne comporte pas cette distinction et l’on peut se demander quel serait le sens de la déchéance d’un individu né français et possédant une autre nationalité d’un pays dont il ne connaît absolument rien. Par ailleurs si l’autre pays décide aussi sa déchéance de nationalité, il deviendra apatride sauf a chercher quel est le pays qui a prononcé sa déchéance le premier. On imagine les imbroglios juridiques…

3- L’adoption de cette mesure serait une victoire de l’extrême droite, divisant la gauche, mettant à mal l’unité nationale et ouvrant la porte à des nouvelles extensions. 
Pourquoi reprendre à notre compte une proposition de toujours de Jean-Marie Le Pen et du FN que toute la gauche et le PS ont toujours combattu. Pourquoi reprendre une proposition de Nicolas Sarkozy dans son fameux discours de Grenoble que nous avons fustigé ?
Rappelons que lorsque Nicolas Sarkozy avait prononcé en août 2010 ce discours abject, dont les annonces avaient été qualifiées par Michel Rocard comme étant inégalées depuis Vichy ou les Nazis (petit rappel pour tous ceux qui expliquent qu'on réduirait le débat depuis le 23 décembre à son point Godwin), les propositions portaient uniquement sur les binationaux nés étrangers qui se seraient rendus coupables de polygamie, d'excision ou d'atteintes à la vie de policiers ou de gendarmes ; seule cette dernière logique fut retenue, sans que cela diminue d'ailleurs son caractère indéfendable et qui fut dénoncée alors avec vigueur par toute la gauche, François Hollande compris.
Pourtant, Nicolas Sarkozy lui-même s'était dispensé de toucher à la constitution.

4- sans efficacité, inapplicable, le gouvernement veut donc agir sur les symboles. C’est à mauvais escient, car ils enfreignent la tradition républicaine.
La première préoccupation des autorités devrait être la cohésion nationale, la cohésion entre tous les Français quelles que soient leur origines. Or, Si cette réforme constitutionnelle était adoptée, elle inscrirait la marque dans notre loi fondamentale d’une différence entre deux catégories de Français, la marque de divisions parfaitement artificielles. Cela aura des effets très négatifs sur la cohésion que nous devons rechercher et probablement aucun effet réel contre le terrorisme. Un binational est un Français à part entière aux droits strictement identiques aux autres. Commencer fusse pour des exceptions à rompre avec cette notion laisse entrevoir la possibilité de le faire pour d’autres si l’intérêt national était en jeu. C’est à haut risque 
L’idée que des enfants nés Français ne rentreraient pas tous strictement dans le même cadre constitutionnel est une entorse aux principes du droit du sol, principe datant de la Révolution française et que l’extrême droite a toujours contesté. Car il suffirait d'inscrire dans la loi courante une telle réforme pour qu'elle fut possible – sans qu'elle fut pour cela pour autant plus défendable politiquement –, et de nombreux juristes ont rappelé que le décret-loi Daladier de 1938 restait actif si ce n'est utilisé et qu'il aurait suffit de l'amender pour le même résultat. L'intégrer dans la Constitution n'est pas de la même nature et c'est apporter une conséquence et une efficacité terrible aux agressions des djihadistes que de leur avoir donner ainsi le pouvoir d'avoir instillé une notion de division dans la Constitution de la République.
Certes la mesure ne doit viser que les terroristes mais une fois constitutionnalisée, la mesure peut «évoluer» au cours du temps et la notion de terrorisme, de crime contre le pays aussi. Évidemment en temps normal, quand la démocratie fonctionne bien, les risques sont plus que limités. Mais la constitution est aussi là pour nous garantir quand le pays, ses gouvernants sont tentés de dériver, de s’écarter de nos fondamentaux.
Enfin, il nous parait utile de préciser – puisque ceux qui à gauche défendent soudainement une position que nous avons toujours combattue saluent le respect de l’avis du Conseil d’État par l’exécutif – que le Conseil d’État ne s’est absolument pas prononcé sur le fond du débat laissant à l’exécutif l’entière responsabilité de ses choix. Il n’est donc pas possible de se cacher derrière cet avis pour y trouver une quelconque onction juridique et républicaine.

La fuite en avant de la « déchéance pour tous »

Les arguments des défenseurs de gauche de cette mesure ont vite fait long feu quand l'ampleur de la réprobation politique s'est faite sentir. En quelques heures, Christophe Caresche et Jean-Marie Le Guen déchantaient, car la contestation dépassait plus que largement ceux qu'ils avait désignés avec mépris comme « les indignés habituels ».

Manuel Valls dans le Journal du Dimanche dénonçait une gauche qui s'égare au nom de grandes valeurs, puis se fendait d'une longue publication sur FaceBook pour tenter d'argumenter plus solidement contre les opposants ; la « modernité » du procédé ne suffit pas à masquer les erreurs manifestes qui s'étaient nichés dans son texte et qui durent être corrigées à plusieurs reprises, notamment dans ses comparaisons européennes et internationales sur la bi-nationalité. Ces diverses déclarations publiques jetèrent d'ailleurs plus d'huile sur le feu et motivèrent la saisie par plus de deux cents militants socialistes de la Haute Autorité Éthique du Parti Socialiste, non pas au regard des décisions gouvernementales qui ne sont effectivement pas de sa compétence mais pour les propos publics tenus comme responsable socialiste en défense de ce projet qui entrent évidemment en contradiction totale avec la déclaration de principes du PS.

Point de trêve des confiseurs, la polémique enflait, et seuls Jean-Christophe Cambadélis – rebaptisé Cambaoutai par Libération – et la direction du PS trouvaient le moyen de n'en jamais rien dire, jusque dans les vœux du Premier Secrétaire du parti gouvernementale ou dans le communiqué de presse faisant suite aux vœux télévisuels présidentiels.

Ceux-ci semblaient d'ailleurs offrir une porte de sortie odieuse face à l'accusation de créer deux catégories de Français, pourtant totalement réfutée jusque là par le pouvoir et ses soutiens. Le Président n'a pas parlé de binationaux le 31 décembre 2015. Ainsi l'idée fut-elle développée de manière feutrée ce week-end puis affirmée ce lundi matin par Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, et Jean-Christophe Cambadélis que la déchéance de nationalité pourrait donc s'appliquer à tous les Français qu'ils aient ou non une autre nationalité. Ainsi le Premier secrétaire du PS, dont on disait qu'il s'était opposé jusqu'à la dernière minute dans les discussions avec la dyarchie exécutive, promeut désormais une solution qui vise à créer des apatrides !?! Fantastique avancée...

Deux textes internationaux sont évoqués pour rappeler les engagements internationaux de la France :

Ces considérations juridiques ouvriraient selon certains la possibilité d'engager la France sur cette voix, malgré les difficultés internationales relatives (qui nous en voudraient de réagir après avoir été si violemment frappés ?) ; cependant, cela reviendrait à revenir sur un des acquis moraux et politiques issus de la fin de la seconde guerre mondiale qui était de ne plus tolérer que des Êtres humains soient apatrides, c'est d'ailleurs clairement indiqué dans l'article 15 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme : « Article 15
1. Tout individu a droit à une nationalité. 
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.
 »

Quel magnifique message adresserait ainsi à la Communauté internationale la patrie des Droits de l'Homme et c'est le premier secrétaire du PS qui s'en fait le porte-voix ! J'ai un peu de mal à ne pas me laisser submerger par la nausée ! Qui ne voit d'ailleurs qu'une fois cette borne franchie plus aucune objection politique et morale ne sera possible contre une extension du principe de déchéance apatride à d'autres facteurs (sans compter que l'atteinte à la Nation pourrait être interprétée de différentes manières), et que cette extension viendra de la droite (je ne parle même pas du FN) et pourrait également venir de ceux qui aujourd'hui usurpent moralement l'étiquette socialiste.

Défendre la République sans tomber dans les calculs politiciens ?

Nous avons découverts dans Le Journal du Dimanche du 3 janvier 2016 que pour 14 parlementaires socialistes ce débat ne serait le fruit que de « postures sujouées et surannées » de gens qui n'auraient pas compris que le gouvernement protégeait les valeurs de la Nation, incapables de sortir des calculs et de la politique politiciennes.

Outre le fait que cette argumentation est en contradiction avec celle du Premier Ministre qui reconnaissait au moins que nous nous égarions au noms de grandes valeurs (et sans doute donc pas pour de petites raisons politiciennes), il faut s'interroger aussi sur les moyens donnés pour défendre la Nation : au-delà de ses principes et de ses valeurs dont nous avons parlé plus haut, personne ne doute que nous devions défendre la République et la France contre des agressions djihadistes. Mais la question justement est de savoir les moyens dont on se dote pour y arriver : où sont les efforts budgétaires nécessaires pour renforcer nos moyens d'investigations, de renseignements et d'instructions judiciaires puisqu'ils n'ont pas été pris en compte dans le budget 2016 qui vient d'être voté ? Où en est la nécessaire réorganisation de nos services de renseignement dont chacun s'accorde à constater qu'ils ont été perturbés par les réformes et fusions sarkozistes ? C'est sur ces deux champs prioritaires, plus que sur le renforcement douteux tant du point de vue des valeurs que de l'efficacité d'un arsenal juridique passé et à venir que nous devrions agir... Que devient l'inventaire de nos choix diplomatiques en faveur de monarchies pétrolières archaïques qui ont financé directement ou indirectement le monstre qui nous frappe aujourd'hui ? Rien, ce sont toujours nos meilleurs amis...

Quant aux calculs politiciens, il serait temps de regarder du côté de François Hollande qui n'a donc jamais su rien faire d'autre que des « coups » politiques. De plus en plus, l'intégration dès le 16 novembre 2015 de cette mesure de déchéance de la nationalité apparaît comme l'équilibre marchandé avec une partie de la droite pour faire adopter une révision constitutionnelle qui nécessite une majorité des trois cinquièmes au Congrès. Tout indique que son maintien dans le projet de loi présenté le 23 décembre n'a pour seule justification qu'une fois cette idée avancée devant le Congrès, le Président de la République cédant aux injonctions de la droite s'est convaincu qu'il avait plus à perdre en la retirant qu'en brisant le peu de majorité parlementaire qui lui restait, les arguments d'autorité ou catastrophistes étant déjà sortis pour faire plier suffisamment de parlementaires PS : rendez vous compte, François Hollande s'il n'avait pas la majorité suffisante au Congrès ne serait plus en mesure de se représenter ?! Voilà bien des calculs odieux et dans cette présidence, tout n'aura été que calculs et petite politique !

Sur le plan stratégique, le Président de la République est par ailleurs convaincu que la querelle sur ce thème sert ses intérêts. Au lieu d'être critiqué sur sa politique économique et sociale de droite, il est critiqué sur une mesure hors-sol, qui pour être inefficace et absconse a cependant le soutien des électeurs. Il pense ainsi qu'il remettra à nouveau le couteau sous la gorge d'une gauche qu'il aura à nouveau rendu exsangue pour que personne ne puisse lui contester la gloire de challenger Marine Le Pen au second tour de l'élection de 2017.

Mais Hollande se trompe : jamais la droite ne lui saura gré d'avoir fait avaler à la gauche un boa constrictor ; la course à l'échalotte sécuritaire est déjà lancée, et même un Alain Juppé qui s'oppose à la déchéance vient de publier un projet sécuritaire très réactionnaire. François Hollande vient de placer le débat politique sur le terrain de la droite et de l'extrême droite, cela lui sera fatal à lui comme à toute la gauche.

François Hollande a failli !

Pourtant, tout semblait lui sourire (?!) ; au soir du premier tour des régionales, certains de ses amis qui aujourd'hui le contestent dansaient sur les bords du volcan, argumentant que l'élection présidentielle était pliée en faveur du Président sortant, plus personne à gauche n'oserait « prendre la responsabilité devant l'Histoire » de faire à nouveau éliminer le mieux placé des candidats de gauche au soir du premier tour de la présidentielle. Et si par bêtise Mélechon s'entêtait à aller jusqu'au bout, il subirait le sort de la gauche alternative aux régionales en s'effondrant durant la campagne. À leurs yeux, Hollande était déjà réélu en 2017 face au FN. Calculs monstrueux qui avaient été mis à bas par l'annonce du 23 décembre, la contestation à gauche redonnant des raisons fortes à ceux qui s'opposent à lui de se présenter contre François Hollande. Jouer l'opinion contre ce qu'il reste de la gauche est donc le dernier atout dans les mains du Président sortant ; il n'a eu de cesse durant son quinquennat de la violer et de la mépriser, de l'avouer à François Fressoz dans Le stage est fini, tant sur les questions européennes que sur sa politique économique. François Hollande a érigé le cynisme comme un mode de gouvernement et de conservation du pouvoir à un point que peut-être même François Mitterrand n'avait pas imaginé.

De cette gauche usée, violée et méprisée doit maintenir sortir les ferments du renouveau : François Hollande a failli, il a trahi les engagements pris devant ses électeurs, il a nié les intérêts de ceux pour qui la gauche est censée agir, il a diminué la souveraineté populaire et les intérêts de la République française en s'opposant pas à la dérive ordo-libérale d'une construction européenne devenue post-démocratique. Il doit être écarté par tous les moyens civils.

La gauche qui a encore conscience d'elle-même, qu'elle se reconnaisse dans les aspiration du socialisme démocratique ou de l'écologie politique, avec des tonalités plus ou moins radicales, celle qui veut encore transformer radicalement la société, améliorer la vie quotidienne concrète de nos concitoyens doit s'accorder sur les moyens de proposer une autre voie, un vrai projet et un ou une candidat(e) de rassemblement pour 2017, afin que tout ne soit pas perdu.

Frédéric FARAVEL

Partager cet article
Repost0