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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

7 janvier 2015 3 07 /01 /janvier /2015 13:46

nouveau-logo-psÀ quoi sert un parti politique ? Quelle peut être l'utilité d'un Parti socialiste ?

Aujourd'hui, la plupart des partis qui ont une visibilité dans l'opinion publique servent avant tout à sélectionner des candidats et à tenter de les faire élire. Les partis politiques sont donc avant tout des machines électorales. Ils le sont parfois indépendamment du discours porté et des projets soumis aux électeurs, c'est-à-dire que le projet politique qui soutient les candidatures est devenu secondaire, s'effaçant derrière des stratégies de communication, de triangulation, de clientélismes divers et variés, etc.

Il y a plusieurs raisons à cela : pour la gauche, la crise idéologique subie depuis plus de 30 ans par les gauches social-démocrates et communistes les ont laissé avec peu de ressources mobilisatrices pour leurs camps politiques et sociaux ; l'exercice de la décentralisation a fait émerger des élus locaux en grand nombre qui se sont habitués à gérer des collectivités locales, dont les marges de manœuvres financières sont réduites, leurs budgets n'ayant souvent pas vraiment plus de 5% de leur masse pour donner l'occasion de faire des choix qui distinguent une gestion de droite d'une gestion de gauche. Avec l'effacement idéologique, une partie des grands élus locaux ont même tenté de théoriser qu'un projet politique national pouvait être l'addition des « innovations » des « territoires », alors que la gauche avait vécu jusque là dans l'idée que l'exercice de son pouvoir dans les collectivités était une occasion d'expérimenter localement son projet global pour en démontrer l'utilité dans le but d'accéder au pouvoir national. Quel renversement ! Quelle défaite intellectuelle et idéologique !

La caricature a été atteinte au niveau national quand le think tank Terra Nova a publié en 2011 une note stratégique impliquant que les socialistes, par efficacité électorale, devaient abandonner les catégories populaires à leur condition sociale et s’en détourner électoralement. Le nouveau bloc majoritaire du PS, porteur de progrès, est composé selon Terra Nova par les diplômés, les jeunes, les minorités des quartiers populaires, les non-catholiques, les urbains. Ce nouveau sujet politique collectif est soudé principalement par des valeurs culturelles d’«ouverture» et de «tolérance». Pour élargir ce noyau électoral et l’emporter, cibler les classes populaires acquises aux valeurs conservatrices de la droite serait renier les valeurs culturelles de gauche. Le projet social était donc remplacer par un tableur excel à mille lieues de la tradition républicaine et socialiste.

L'atténuation des angles saillant des projets politiques a été (relativement) masqués dans les collectivités du fait même des limites du pouvoir local, mais à l'occasion de la déroute socialiste lors des élections municipales de mars 2014, et celles annoncées pour les élections départementales et régionales en 2015, c'est désormais l'appareil politique, la diversité de ses cadres et le maillage territorial du Parti Socialiste qui pourrait être durablement atteint. C'est là que nous atteignons ce que Laurent Bouvet – qui n'a pas toujours raison par ailleurs – décrit comme la « mort des deux corps du roi » : si sous la monarchie, c'est le corps spirituel (pour nous idéologique) qui était permanent passant d'un corps physique à un autre, dans la « république socialiste décentralisée » le décès ou l'effacement progressif du corps idéologique a précédé de près de 30 ans celui du corps physique (appareil, cadres politiques, maillage territorial). Le politiste conclut donc que le PS a vu mourir ses deux « corps » et ne donne donc plus très cher de la peau de ce qui reste de l'appareil politique de notre parti.

Éviter l'acte de décès du Parti Socialiste, suppose donc que l'on se repose un moment la question de la définition de son rôle dans la société, dans la République.

La représentation que se fait le socialisme français de lui-même veut qu'il soit issu ou du moins soit l'héritier du mouvement ouvrier, des idéologies critiques (mais constructives et dynamiques) du capitalisme et de la modernité économique et industrielle que sont les socialismes utopiques des penseurs français de la première moitié du XIXème siècle et le socialisme autoproclamé « scientifique » inventé par Karl Marx et Friedrich Engels. Le socialisme français, comme les travaillismes nordiques et anglo-saxons et les autres partis social-démocrates européens, ont toujours affirmé leur ambition de transformer la société, d'en extirper les causes des inégalités sociales, de créer les conditions durables de l'émancipation (donc l'épanouissement) collectif et individuel. Peu à peu, et assez rapidement à l'échelle historique, dans notre famille politique, s'est également imposé l'idée que seules la démocratie et l'éducation populaire étaient les outils politiques décents et durables pour atteindre ses objectifs, plutôt que la violence, la terreur et la contrainte politiques (attention, ces dernières n'ont pas grand chose à voir avec le concept de « dictature du prolétariat » de Marx et Engels, mais sont l'interprétation – sous forte influence nihilo-populiste – qu'en donna Lénine et ce déjà bien avant la deuxième révolution russe).

Ce rappel historique et philosophique est nécessaire pour établir que dans un parti socialiste démocratique conséquent le projet de société, le projet historique, la vision, l'orientation politique précède très largement l'outil démocratique et électoral qui doit participer à sa réalisation/concrétisation.

Dans ces conditions, si le PS veut éviter sa propre mort, il doit impérativement travailler – et cela peut prendre du temps – à résoudre et dépasser la crise idéologique qui a atteint le socialisme démocratique sous les effets conjugués de la révolution néo-libérale des années 1970 et de l'effondrement du bloc soviétique. Le rôle d'un parti socialiste démocratique, la tâche qu'il confie à ses militants, n'est donc pas en priorité de sélectionner et de faire élire des candidats – cela arrive dans un second temps et on a vu que l'absence durable de cohérence politique finissait par coûter cher électoralement – mais de définir une vision et orientation politiques qui établissent une analyse de la société et les perspectives de transformation sociale. Cette tâche ne sera par ailleurs possible que si nous sommes ancrés dans la société. Pour citer Michel Rocard, qui paraphrasait Karl Marx en conclusion de sa contribution aux états généraux du PS : « Camarades, c'est bien de vouloir changer le monde. Mais vous n'y arriverez que si vous commencez, comme je l'ai fait, à travailler comme des forcenés à longueur de vie pour comprendre comment il marche… » Le rôle d'un militant socialiste et d'un parti socialiste n'est pas de « représenter de manière utile » nos concitoyens, ou de répondre à leurs attentes lorsqu'elles sont conçues comme l'addition d'intérêts individuels, mais de comprendre les ressorts profonds des fonctionnements économiques et sociaux pour trouver les moyens de les transformer et remettre la société sur la voie de l'égalité et de l'émancipation. Le rôle d'un militant et d'un parti socialistes, c'est de travailler à rassembler les citoyens pour chercher ensemble les moyens de concrétiser des objectifs qui nous dépassent. Léon Blum écrivait en 1919 dans une brochure de formation intitulée « pour être socialiste » et rebaptisée « de quoi est né le socialisme ? » : « Le socialisme est donc une morale et presque une religion, autant qu'une doctrine. » Il ajoutait l'année suivante le 27 décembre 1920 lors du congrès de Tours, qui solda la séparation entre socialistes et communistes une démonstration qui fixe une autre tâche essentielle d'un parti et d'un militant socialiste : « Si vous estimez que le but c’est la transformation, que c’est la transformation qui est la révolution, alors tout ce qui, même dans le cadre de la société bourgeoise, peut préparer cette transformation, devient travail révolutionnaire. Si là est la révolution, alors l’effort quotidien de propagande qu’accomplit le militant, c’est la révolution avançant un peu chaque jour. Tout ce qui est organisation et propagande socialiste, tout ce qui est extension à l’intérieur de la société capitaliste de ces organisations ouvrières de toutes sortes, […] tout cela est révolutionnaire. » Le rôle des socialistes est de se doter avec sérieux et ténacité d'un projet de société et de tenter de mobiliser la société pour permettre sa mise en œuvre, ce qui n'empêche à aucun moment de multiplier les allers-retours avec le peuple, de renforcer la démocratie participative, car en aucun cas le parti ne doit être une espèce d'avant-garde éclairée, coupée de la société. L'armée de militants professionnels préparés au renversement du pouvoir bourgeois n'a réussi qu'une seule fois en Russie et dans des circonstances exceptionnelles, et surtout on a vu les résultats qu'il en a résulté : ils sont d'ailleurs en grande partie responsables aujourd'hui de la crise politique des gauches internationales.

Se sentant mis en cause par des camarades qui leur reprochaient que le conseil national du PS du 13 décembre 2014 soit exclusivement consacré à des questions d'organisation et de fonctionnement sur la base d'un rapport un peu hors sol présenté par Christophe Borgel, les amis du Premier secrétaire répliquaient sur le mode léniniste que les questions d'organisation étaient des questions politiques ; ce n'est pas faux, sauf qu'ils oublient largement que les modes d'organisation d'une formation politique ne sont pas détachables de l'image que le Parti a de lui-même, des tâches idéologiques qu'il se fixe et donc de la précision ou de la confusion de son orientation politique. Lorsque Lénine – dès la fin du XIXème siècle – développe ses thèses pour donner une orientation totalitaire à la social-démocratie russe et européenne, les modes d'organisation du parti qu'il propose sont cohérents avec sa vision idéologique, ce qui lui vaudra d'être combattu tout autant en cohérence par Rosa Luxemburg, l'autre pôle mythologique de la radicalité socialiste de l'époque.

Pourquoi le rapport de Christophe Borgel présenté lors du CN du 13 décembre 2014 était-il « hors sol » ? parce qu'il traduit la confusion politique et idéologique de la direction actuelle du Parti socialiste… Ce n'est pas parce qu'il y aurait une mauvaise structuration du Parti que la société civile, les associations, les syndicats rechignent aujourd'hui à rencontrer les représentants du PS (quand ils n'ignorent tout simplement pas ses fédérations départementales) ; ce n'est pas parce que les modalités d'adhésion au PS seraient complexes (ce n'est vraiment pas le cas) que le parti connaît aujourd'hui une perte massive de ses adhérents (en tout cas à ce qu'en dit la presse, car le BNA n'a toujours pas fait le point sur l'état des fichiers, malgré les nombreux démentis estivaux et automnaux de la direction du parti) ; ce n'est pas parce que nous serions mal organisés sur twitter, que nous manquerions de pédagogie ou que nos infographies (ou celles du gouvernement) ne sont pas assez percutantes que l'exécutif et le PS sont désavoués par l'opinion publique : c'est l'effet de la politique économique gouvernementale, qui les éloigne de nous et qui est en contradiction avec nos engagements de campagne et nos valeurs. Pour retenir électeurs et militants socialistes, il n'y a pas besoin d'un « choc de simplification » bureaucratique et partisan, il faut pratiquer la gauche acoustique, et répondre à leurs attentes, respecter la cohérence entre nos engagements et nos actes au pouvoir.

Tant que les socialistes n'auront pas compris et intégré cette réalité cuisante, ils seront à la fois incapables de regagner une dynamique dans la société et de faire vivre correctement leur organisation partisane. Si nos propositions sont fondées sur une mauvaise analyse de la société, nous serons incapables de construire l'alliance de classe qui permettra à nouveau de l'emporter électoralement ; si nous ne redéfinissons pas les bases idéologiques qui sous-tendraient la reconquête de l'hégémonie culturelle, nous pourrons faire toutes les campagnes électorales que nous voudrons, nous ne regagnerons pas la confiance des catégories populaires, qui ont perdu la conscience de classe qui les caractérisaient des années 1920 à 1980. Si nous continuons d'utiliser les mots et les concepts des néo-libéraux, nous serons victimes de la triangulation que nous avons voulu mettre en œuvre, et les droites radicales et le Front National continuerons de prospérer chez les ouvriers et les employés (aux côtés de l'abstention), sur fond de mise en compétition des « opprimés », des « déclassés » contre les « assistés », avec un renforcement de l'ethnicisation de certains rapports sociaux et politiques propices à ce qu'on appelait autrefois la « lepénisation des esprits ». Si nous ne nous mettons pas au clair sur notre rapport au pouvoir, notre rapport à une démocratie toujours plus abîmée par les logiques de la Vème République, nous ne pourrons pas faire fonctionner correctement notre organisation politique qui ne sait plus où elle en est entre la démocratie proportionnelle héritée de son identité politique et la personnalisation croissante instillée dans nos statuts sous la pression du régime institutionnel actuel.

Un parti démocratique, socialiste et favorable à l'action parlementaire ne peut pas continuer à fonctionner avec la concentration des décisions entre les mains de quelques responsables tout puissant : la limitation des candidatures au poste de premier secrétaire réservée au seul premier signataire des deux motions arrivées en tête, l'élection du premier secrétaire au suffrage direct des militants (plutôt que par les délégués au congrès qui avait été la règle instituée au congrès du Bourget en 1993), la désignation des cadres et représentants à tous les niveaux du parti par les seuls mandataires des motions plutôt que par les assemblée générales de motions, l'intégration des premiers secrétaires fédéraux au conseil national et du tiers des secrétaires de section dans les conseils fédéraux sont autant de réformes statutaires héritées du référendum Jospin de l'automne 1995 qu'il faudrait aujourd'hui réinterroger car elles n'ont en rien été des avancées de la démocratie interne, elles n'ont en rien amélioré la capacité du parti à élaborer son orientation politique et à la diffuser parmi nos concitoyens.

Si donc la première tâche d'un parti socialiste démocratique est d'élaborer un projet de société, une orientation politique, en associant les militants à cette élaboration, alors il est indispensable de donner aux militants socialistes les outils intellectuels, critiques, les connaissances, nécessaires à leur intervention dans l'élaboration de l'orientation politique. C'est pourquoi le rôle de la formation dans le parti est vital. Pendant de trop nombreuses années, son action dans ce domaine s'est borné à donner des capacités gestionnaires à ses élus locaux et à apporter à ses cadres des compétences techniques pour conduire des campagnes électorales et organiser des réunions ; ce n'est pas inutile, mais il y a lieu de s'étonner qu'on forme nos cadres à conduire des campagnes électorales abstraction faite du projet politique qu'ils doivent porter, qu'on forme nos élus locaux sur la gestion des collectivités abstraction faite du rôle de celles-ci dans le projet de transformation social que devrait porter le PS.

Il est donc essentiel que la formation idéologique redevienne une priorité du parti ; pour être pertinente, celle-ci doit battre en brèche la pensée unique, sortir des sentiers battus trop souvent jalonnés des poncifs de l’idéologie néo-libérale, aiguiser l’esprit critique des militants, les éloigner de la « zone de confort » intellectuel dans lequel le parti s'est trop longtemps contenté de les cantonner pour éviter de faire naître trop de débats en son sein.



Les rapports problématiques du Parti Socialiste au pouvoir

Il ne s'agit évidemment pas ici de dire que tout ou partie des socialistes auraient des problèmes avec l'exercice du pouvoir. Ce type d'assertion fait partie des poncifs médiatiques, sous-tendus par une analyse néo-libérale de la plupart des groupes de presse, qui fourbissent un arsenal en illégitimité des socialistes au pouvoir qui auraient du mal à assumer la difficulté des responsabilités et à dépasser leur « sur-moi » marxiste.

Que ce soit aux responsabilités locales ou nationales, les socialistes n'ont évidemment aucune difficulté à assumer l'exercice du pouvoir. Et la première partie du quinquennat matignonesque de Lionel Jospin démontre que l'ensemble des socialistes est assez à l'aise avec l'exercice de l’État lorsque l'on met en œuvre les engagements de campagne.

Ici il sera question de s'interroger sur les difficultés rencontrées par le Parti Socialiste à exister et à être utile en tant qu'organisation politique lorsque les siens sont aux responsabilités. D'une certaine manière, on pourrait transposer la réflexion à tous les échelons de responsabilité (la section avec la municipalité, la fédération avec le conseil général, … la région et les EPCI non puisque le PS n'a jamais réussi à transposer efficacement ces niveaux d'organisation dans son organisation), mais nous nous contenterons ici d'évoquer le pouvoir national.

Quelle que soit la période d'exercice du pouvoir, le problème de l'utilité du PS est posé.

« Le PS fermé pour cause de gouvernement » après l'élection de François Mitterrand en 1981 ; l'édredon Hollande de 1997 à 2002… La différence de ces deux périodes avec les autres, c'est qu'au moins de 1981 à 1983, puis de 1997 à 2000, tout ou du moins une grande partie du programme électoral du parti avait été mis en œuvre comme annoncé aux électeurs. Après 1983 et après 2000, les choix gouvernementaux n'ont jamais été réellement débattus dans le parti : la « parenthèse » théorisée par Jospin en 1983, le cantonnement au rôle de porte-parole du gouvernement sans même préparer le mandat suivant avec François Hollande de 2000 à 2002.

Entre 1988 et 1993, la situation est différente, car le président de la République a été réélu sans véritable programme et sans que le Parti socialiste lui-même en ait réellement préparé un auparavant, s'en remettant déjà à l'aura présidentielle pour lui permettre de revenir au pouvoir en 1988 après une cohabitation au détriment du RPR et de l'UDF. Le Parti a connu dans ses conditions une période d'instabilité gravissime, sans boussole qui lui permette de tenir son organisation. Elle n'a pris fin qu'à l'automne 1995 avec le retour de Lionel Jospin au premier secrétariat et l'élaboration d'un nouveau programme électoral qui a conduit ce dernier à Matignon au printemps 1997.

De 2002 à 2009, le PS conduit par François Hollande n'a pas non plus tiré les enseignements des périodes précédentes et notre actuel président de la République n'a pas présidé à la tête du PS à l'effort d'élaboration nécessaire qui lui aurait permis de reprendre le pouvoir. La théorisation de « l'alternance » simple et de la « cohabitation territoriale » a servi de substitut indigent à toute stratégie et projet politiques.

De 2009 à 2011, après le remplacement dans des conditions difficiles de François Hollande par Martine Aubry, le Parti Socialiste a cependant repris un travail d'élaboration programmatique, pas à la même échelle qu'en 1996 et 1997, mais non négligeable ; le PS en 2011 avant les primaires citoyennes disposait d'un corpus très cohérent qui lui permettait d'aborder les élections présidentielles et législatives de 2012 dans de bien meilleures conditions qu'en 2002 et 2007. C'est François Hollande qui a été désigné par le biais des primaires citoyennes comme candidat socialiste à la présidentielle, sur la base d'un programme substantiellement différent de celui du parti, mais entre le discours du Bourget et les 60 engagements du candidats Hollande celui-ci a été clairement identifié par les électeurs, ce qui a permis au candidat d'arriver en tête du premier tour le 22 avril 2012, puis de l'emporter le 6 mai.

Pourtant, depuis juin 2012 et l'abandon de toute velléité de renégocier le TSCG, il apparaît nettement que les engagements du candidat tout du moins sur le plan économique et social ne sont pas mis en œuvre par le président et ses gouvernements.

Le Parti Socialiste se trouve donc plus que jamais pris au piège des institutions de la Vème République : un pouvoir législatif soumis à l'exécutif, doublé d'une déviation radicale de l'action gouvernementale par rapport aux engagements, sans que la direction du parti soit associée aux arbitrages au-delà des mises en scène habituelles. Le parti a été réduit sous la direction d'Harlem Désir a publié des communiqués de presse en contradiction totale avec l'orientation de la motion arrivée en tête au congrès de l'automne 2012, voire parfois en contradiction complète avec les déclarations de ses responsables quelques semaines plus tôt. Depuis son remplacement par Jean-Christophe Cambadélis en avril 2014, la direction du parti tente de se montrer plus incisive lorsque des ballons d'essais libéraux sont lancés dans la presse par différents ministres en exercices (seuils sociaux, indemnisation des chômeurs, etc.), mais à aucun moment cela n'a eu de conséquences sur l'action gouvernementale ou sur les groupes parlementaires socialistes. Car dans le même temps, la direction du PS continue d'exiger de ses responsables et des parlementaires un légitimisme sans faille menaçant d'exclure des parlementaires qui voteraient contre des dispositions gouvernementales. Le Parti Socialiste empêche donc lui-même, en renforçant la position de l'exécutif sur le législatif, les parlementaires de contester certains aspects de la politique gouvernementale dont il conteste par ailleurs également d'autres annonces, tout cela sans que qui que ce soit ne disposent plus de repères programmatiques, renforçant à l'occasion des états-généraux du PS la distorsion entre les discours et les actes.

C'est tout à la fois la conséquence jusqu'au-boutiste de la logique de la Vème République renforcé caricaturalement par le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral en 2000, qui soumet finalement tous les pouvoirs et contre-pouvoirs aux errements du l'exécutif, mais aussi une pratique particulière du pouvoir de François Hollande, qui reprend d'une certaine manière à l’Élysée les modes de gouvernance qu'il avait employé à la tête du PS de 1997 à 2008 : maniant le flou et l’ambiguïté, personne ne sait à part le Président lui-même qu'elle est la direction qu'il va imprimer à son action quand il échange avec ses interlocuteurs.

 

L'un des enjeux du congrès qui vient sera de savoir comment le Parti Socialiste peut reprendre une position forte dans le débat sur la politique gouvernementale et de peser sur les choix pour les deux ans qui nous séparent de la prochaine élection présidentielle. C'est un nouveau rapport au pouvoir qui reste à créer, notamment en renforçant la coopération avec les groupes parlementaires tout en mettant fin au caporalisme qui y règne pour que les députés et les sénateurs socialistes puissent eux-mêmes à nouveau peser avec le parti sur les choix de l'exécutif.

Frédéric FARAVEL

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19 décembre 2014 5 19 /12 /décembre /2014 10:35
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16 décembre 2014 2 16 /12 /décembre /2014 16:10

nouveau-logo-psLa direction sortante du PS nous a saisi, samedi 13 décembre 2014 après-midi [oui parce que Jean-Christrophe Cambadélis, qui avait décidé que les CN devaient durer toute la journée, a finalement jugé que la période ne valait pas plus qu'une après-midi] de propositions de réformes statutaires qui ne devraient pouvoir être tranchées que par le prochain congrès. Sur cette procédure, nous avions bien entendu que notre Premier secrétaire intérim avait déclaré à la radio que nos statuts n'avaient qu'une valeur indicative, mais jusqu'à preuve du contraire ils restent notre règle de vie collective.

Comme pour les états généraux du PS, bien qu'il y ait des propositions sympathiques dans le rapport présenté par le camarade Christophe Borgel, nous avons dans nos mains (même si la presse l'a eu avant les responsables socialistes) un texte qui navigue entre des passages d'une naïveté confondante et un sabir technocratique affligeant.

Il traduit parfois une méconnaissance surprenante et inquiétante de nos statuts, notamment concernant la manière d'adhérer à notre parti... ce qui est proposé reprend exactement ce qui devrait déjà être appliqué aujourd'hui.

Sur la formation, nous nous réjouissons de la remise à l'honneur de la formation idéologique - nécessaire dans un parti qui prétend associer ses militants à l'élaboration de son orientation politique -, cependant nous nous inscrivons en faux quant à la volonté affichée - et déjà présenté dans certaines fédérations et Unions régionales - de prédésigner hors de tout cadre démocratique de futurs candidats, qui auraient le droit d'accéder à ses formations au prétexte de la reconquête des territoires.

Nous nous associons au souhait d'améliorer la visibilité de l'intervention numérique du parti et des socialistes, mais à la seule condition que l'on ne caporalise pas l'expression des camarades.

Comme pour les états générauxn ce rapport dénote d'une contradiction grave entre les objectifs affichés et les pratiques réelles dans le parti, à tous les étages : nos instances de contrôle tant nationalement que dans les fédérations ne fonctionnent pas normalement. Nos instances de débat et décision - conseils et bureaux nationaux et fédéraux - sont la caricatures d'elles-mêmes, c'est-à-dire une succession d'interventions qui ne se répondent pas et dont personne ne tient compte en conclusion.

Si le parti n'est pas capable aujourd'hui d'entretenir un lien constructif et durable avec la "société civile", les associations, les syndicats, personne dans la direction ne s'interroge sur l'effet de la politique économique gouvernementale, qui les éloigne de nous et qui est en contradiction avec nos engagements de campagne et nos valeurs. Cela n'a rien à voir avec notre organisation interne.

Pour retenir électeurs et militants socialistes, il n'y a pas besoin d'un "choc de simplification" bureaucratique et partisan, il faut pratiquer la gauche accoustique, et répondre à leurs attentes, respecter la cohérence entre nos engagements et nos actes au pouvoir.

Une grande action de rénovation du Parti avait été conduite sous les auspices de Martine Aubry ; nos statuts ont été révisés à l'unanimité lors du dernier congrès à Toulouse. On peut pas dire aujourd'hui que l'application suive !

Lorsque la direction actuelle du PS saura faire respecter le fonctionnement normal de notre Parti, alors seulement il sera temps de regarder avec intérêts ces améliorations qu'elle juge nécessaires.

En l'état, le mieux étant l'ennemi du bien, il serait préférable de ne pas tirer de plan sur la comète à coups d'usines à gaz ; il serait préférable que la direction sortante se concentre sur le respect de nos règles actuelles.

C'est pourquoi dans ces conditions il n'était pas possible de voter pour ces propositions.

Frédéric FARAVEL

Rapport Borgel sur le fonctionnement du PS

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9 décembre 2014 2 09 /12 /décembre /2014 16:45

nouveau-logo-psHier soir, se tenait à Gonesse le conseil fédéral du PS Val-d'Oise. Nous avions le plaisir de recevoir en première partie de réunion Jean-Paul Huchon, Président du conseil régional d'Île-de-France, et Emmanuel Maurel, vice président, qui faisait là ses adieux socialistes à sa vice présidence pour se mettre en conformité, une fois le budget de la région votée, avec ses convictions sur le non cumul des mandats. Nous avons eu doublement du plaisir, puisque le président du conseil régional a réclamé plus d'équilibre dans la politique menée par le gouvernement, histoire de ne pas totalement désespérer les électeurs socialistes et permettre aux collectivités territoriales de conduire leurs missions. Il donnait d'autant plus de force à cette demande qu'il revendiquait un bilan de gauche à la tête de la région, un bilan d'actions acquis grâce à une majorité de gauche rassemblée dans toutes ses composantes. Comme quoi c'est possible.
Evidemment ce point de l'ordre du jour nous a conduit au-delà de 23 heures et j'ai dû rogner sur l'intervention que j'avais prévue ; je la restitue donc ci-dessous en intégralité.

Avant d'aborder les élections départementales, je souhaite faire quelques remarques sur la situation politique. Ce week-end avait lieu une élection législative partielle dans une circonscription il est vrai difficile, puisqu'il s'agissait de celle que François Baroin a abandonné pour rejoindre le Sénat. Mais cette partielle, comme les précédentes qui se sont accumulées depuis 2012, apporte des enseignements graves : le candidat socialiste, notre candidat recueillait 29% des suffrages en juin 2012, il n'en recueillait plus que 14,5% dimanche soir, il est éliminé, le second tour verra s'affronter à nouveau FN et UMP.

Election après élection, les résultats se confirment et il faudrait être aveugle pour ne pas voir que les mêmes causes produisent les mêmes effets : les électeurs socialistes votent avec les pieds.

J'ai bien lu que certains - le député PS du Val-d'Oise Dominique Lefebvre n'ayant rien trouvé de mieux dimanche soir que d'agresser publiquement sur twitter le Président du conseil général et ancien député de l'Essonne Jérôme Guedj - n'avaient aucune retenue et tentaient d'écarter la responsabilité collective des socialistes au pouvoir pour la rejeter toute entière sur les camarades qui proposent - oui proposent - un changement de politique économique.

Qui peut sérieusement penser que les électeurs socialistes de l'Aube auraient déterminé leur choix, leur désaveu sur autre chose que leur déception, leur désaccord avec une politique gouvernementale, qui ne porte pas de fruits, qui est même contre-productive en termes d'activité économique et d'emplois, une politique qui est en décalage pour rester poli avec nos engagements de campagne ? Ce désaveu a commencé dès les premiers mois du quinquennat, dès les premiers accrocs à nos engagements, avant même que les voix "dissidentes" se soient faites entendre. Il a été immédiat et brutal dès les premières partielles, mais la défaite serait donc à mettre à la charge de la gauche - au sens très large - du PS... La politique raconté aux télétubbies...

Voilà donc le climat politique qui va encadrer notre prochaine campagne, et pour revenir sur l'intervention de Jean-Paul Huchon, nous devons au minimum exiger du gouvernement que des signes forts soient donnés pour les électeurs puissent à nouveau considérer que voter PS, cela a un sens :

  • ne pas donner l'impression une nouvelle fois que l'on cède devant les exigences du MEDEF, car depuis le début du quinquennat seul ce camp social semble avoir l'oreille du gouvernement, quand les salariés encaissent tout à la fois la menace accrue du chômage, la dégradation de leurs conditions de travail et celle du pouvoir d'achat. C'est pourquoi je suis convaincu que le PS et les parlementaires de la majorité de gauche peuvent et surtout doivent rejeter le projet de loi  qui sera présenté mercredi - et qui une nouvelle fois ne fait que répondre aux vieilles lunes du patronat - sous peine de voir une nouvelle frange de notre électorat s'éloigner de nous ;
  • Nous devons également exiger de sortir de la logique folle qui fait supporter aux collectivités locales une baisse excessive des dépenses publiques, dont non seulement elles ne sont pas responsables du déficit et de la dette, et qui aujourd'hui les empêchent d'assumer correctement leur rôle auprès des habitants : le Département est censé agir pour les plus faibles, pour les familles, ses investissements remplissent les carnets de commandes des PME. Car les collectivités locales font 66% des investissements publics, baisser les dotations c'est donc affaiblir l'activité économique.
    Le budget n'est pas encore définitivement voté, incitons donc nos parlementaires à un sursaut pour nous donner les moyens d'agir de faire campagne dans des conditions à peu près normales.

J'en viens à la question des accords avec nos partenaires politiques : je le redis, et je l'ai fait plusieurs en conseil, en bureau fédéral, au sein de la commission électorale, nous n'aurons aucun accord ni départemental (le PCF et EELV n'en veulent pas c'est donc réglé) ni même local sans aborder les questions de fond, dont font partie la question du financement des collectivité locales et le périmètre du département du Val-d'Oise sur lequel planent les nombreux risques engendrés par la réforme territoriale. Je ne connais pas d'élu communiste ou écologiste qui accepterait de discuter avec nous pour un accord local, sans que ces questions soient traités dans la discussion et soient donc abordées durant la campagne.

Par contre, je le redis à nouveau il n'est pas non plus possible de tomber dans des marchés de dupes, que certains ont proposé : on ne fait pas d'accord départemental, on ne discute de rien, mais on ne présente pas de candidat ici contre vous, vous ne présenterez pas de candidats là. Un tel gentleman agreement serait fondé sur du sable, il évite toutes les questions qui nous exploseraient à la figure durant la campagne, il empêcherait de porter notre discours socialiste - pas gouvernemental, socialiste - sur un canton entier ! Croyez-vous sérieusement un seul instant qu'une telle combinazione amenérait les électeurs communistes à voter pour les candidats socialistes sur le canton où le PCF se serait effacé ? Croyez-vous un seul instant par ailleurs que cela vous protège d'une éventuelle candidature Front de Gauche sur ce même canton ?

Je suis contre tout montage bancal, certains membres de ses instances refusaient même l'idée de construire un ticket d'union dans un ou plusieurs cantons si c'était pour avoir des candidatures communistes opposées ailleurs dans le département ; a contrario, j'aurais là plutôt choisi l'efficacité politique qui nous aurait permis d'espérer un ou une conseiller(e) départemental(e). N'ayant pas eu de réponse claire à ce sujet je ne voterai pas pour donner la complète latitude à la direction fédérale pour boucler les négociations avec les partenaires.

Frédéric FARAVEL
mandataire fédéral de la motion 3
membre du bureau fédéral du PS95 

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5 décembre 2014 5 05 /12 /décembre /2014 14:44

LE MONDE | 03.12.2014 à 17h47 

Michel_Rocard.jpgLe Parti socialiste (PS) vit l’une des crises les plus profondes de sa longue histoire. Pourtant, quel paradoxe. Né du refus de la cruauté inhérente au capitalisme, ce parti s’est formé autour de la certitude longtemps affirmée, puis oubliée sans être pour autant démentie, que le capitalisme était caractérisé par une instabilité structurelle qui finirait par l’emporter. Or le capitalisme est toujours là.

Il a survécu à deux guerres mondiales et aux deux crises les plus gigantesques de son histoire (1929, 2006). Le capitalisme semble maintenant entré dans une période de convulsions, de drames, et de contradictions dont on ne voit guère comment il pourrait sortir.

C’est dans cette situation, que certains, y compris dans nos rangs, et faute d’avoir vu le PS de France porteur de solutions, veulent déclarer sa désuétude et programmer sa disparition. Ce serait pire qu’une folie, une faute et sans doute un geste suicidaire pour la France.

Les forces de progrès ont toujours besoin d’un emblème, d’un nom qui soit un signe de rassemblement. Dans cette période inquiétante où s’effondrent nos anciennes convictions et nos savoirs, la seule certitude qui demeure est que la somme des intérêts individuels qui constitue le marché est incapable de définir et de défendre l’intérêt général.

Certes, la liberté fut si menacée au XXsiècle qu’il ne faut transiger en rien sur sa priorité. Mais l’histoire a fait que le nom de la social-démocratie porte toujours la trace et l’honneur de ces combats. Et ce qui est menacé aujourd’hui est l’intérêt général. Il faut assurer leur compatibilité. Le nom du socialisme, s’il n’a plus guère de contenu concret, dit au moins cela, et ne dit même que cela.

La France n’est pas seule dans cette affaire, et il ne s’agit pas que de nous. Si le PS français est plus affaibli que d’autres, cela ne nous donne en rien le droit de les y entraîner. La disparition du sens de l’international est une des causes majeures de l’affaissement du PS français. Or à peu près tous les objectifs qu’il faut poursuivre maintenant sont internationaux, sinon mondiaux : réguler la finance, endiguer l’effet de serre, réconcilier chrétiens et musulmans, assurer la transition énergétique, recommencer la construction européenne, établir avec le milliard de Chinois ces rapports d’amitié dans la société civile qui dépassent le commerce comme la diplomatie. Préservons une affiliation qui peut nous y aider, notre nom compris.

Jaurès n’a pas quitté les mémoires

C’est le militantisme qu’il faut réinventer, le recréer moins électoral, plus social, territorial, environnemental et international. Nous ne le ferons pas seuls. La terre des ONG est en friche pour nous. Il n’y a aucune raison de les y laisser seules. L’affiliation internationale est ici la clé.

Dans un monde où tous les repères se diluent, les traditions prennent un poids croissant. En crise intellectuelle, la tradition socialiste au moins ne s’est pas déshonorée. Elle demeure, Jaurès n’a pas quitté les mémoires. Et puis, regardez les conservateurs de France : ils changent de nom tous les cinq ou dix ans, et ne savent même plus raconter leur histoire. Quant à l’espoir de recréer de l’émotion et du rassemblement autour d’une tradition, il est hors de portée pour eux.

L’un des drames les plus profonds de la période est la disparition du temps long. Depuis que l’écran a remplacé l’écrit, tout ce qui est complexe comme tout ce qui se situe et se comprend dans la longue durée a disparu de nos façons de réfléchir. C’est un suicide de civilisation. Les médias le leur demandant, les politiques d’aujourd’hui jouent à l’instantané (effet d’annonce…), ce qui est stupide et inefficace, et contribue à tuer leur beau métier qui consiste à planter des cèdres – des institutions, des procédures, des règles – en évitant de tirer dessus pour qu’ils poussent plus vite.

Si le consensus se fait sur la vision, il vaudra aussi pour la méthode : c’est progressivement que se mettront en place les éléments de la nouvelle société, dans l’énergie, le temps, la culture puis l’art de vivre. La machine devra continuer à marcher tout au long, ses cruautés et ses injustices ne s’effaçant que progressivement.

Cela appelle une dernière réflexion nécessaire, concernant le gauchisme. Qu’est-ce que le gauchisme sinon l’attitude consistant à refuser le discours politiquement correct auquel se sont ralliés les institutions et les chefs en place ? Il est des moments où une cure de gauchisme est nécessaire.

LA DISPARITION DU PS SERAIT PIRE QU’UNE FOLIE, CE SERAIT UNE FAUTE
ET SANS DOUTE UN GESTE SUICIDAIRE POUR LA FRANCE

Le gauchisme, je connais, j’en sors, j’en suis, c’est ma famille. J’avais 16 ans, mon pays baignait dans la joie de la liberté retrouvée. Il tomba d’accord, tout entier, socialistes compris, pour entreprendre en Indochine la reconquête de son empire colonial. Je dénonçai cette honte, et me découvris gauchiste. Moins de dix ans après, rebelote, à propos de l’Algérie. L’accord était général. De nouveau, je fus gauchiste, et moins seul dès le début. Nous sauvâmes au moins l’honneur de la gauche.

Et puis un bref moment – Mai 68 – je fus un chef gauchiste, estampillé extrémiste par le ministère de l’intérieur, pour avoir osé réclamer le droit à la parole dans la société hiérarchisée.

Franchement, n’y avait-il pas aussi quelque gauchisme à proclamer, dix ans plus tard, que l’accord solennel de toute la gauche autour du programme commun de gouvernement puis des 110 propositions du candidat ne préparaient pas la vraie transformation sociale dont la France et le monde avaient besoin ?

Une cure de gauchisme n’est donc ni pour me surprendre ni pour me déplaire. Mais, mais… le fondateur du gauchisme, au fond, est un camarade à nous qui s’appelait Karl Marx. J’ai grand crainte que nos gauchistes d’aujourd’hui ne soient en train d’oublier sa plus forte leçon. Il ne l’a pas écrite comme telle, c’est sa vie qui la donne. Elle est évidente à résumer : «Camarades, c’est bien de vouloir changer le monde. Mais vous n’y arriverez que si vous commencez à travailler comme des forcenés pour comprendre comment il marche…»

En l’absence d’une soudaine explosion générale, aussi peu probable que souhaitable, ce sera lent. Le peuple que nous défendons aura toujours besoin de ses emplois, c’est-à-dire que la machine marche. Or elle ne peut fonctionner que dans ses règles, qui certes ne sont pas les nôtres, mais sont celles dont elle a besoin. Si nous avons ensemble une vraie confiance et une vraie unité autour de notre vision de l’avenir long, nous n’avons pas le droit de dérégler la machine par des brutalisations de court terme qui peuvent l’affaiblir. Il n’y a de gauchisme utile que pertinent et cohérent.

Voilà la raison qui nous fait obligation de renouvelerrenforcerréunir notre Parti socialiste, dans la France d’aujourd’hui, le seul outil de demain. Ce faisant, nous pourrions même contribuer au réveil de quelques partis frères, renforçant par là la chance de voir éclore la société des hommes à la place de celle de l’argent.

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25 novembre 2014 2 25 /11 /novembre /2014 18:23

nouveau-logo-psAlors que le congrès du Parti Socialiste est enfin (!) convoqué pour le début du mois de juin 2015, les militants socialistes vont être appelés à voter le mercredi 3 décembre sur le projet de "charte des socialistes pour le progrès humain".

Ce projet est censé être l'aboutissement du travail fourni par les militants et les sections socialistes, dans une synthèse préparée par Guillaume Bachelay. Il ne s'agissait pas pour nous de faire de ce temps un pré-congrès, et nous avons choisi d'infléchir au maximum cette charte. Nous avons notamment obtenu l’abandon de l’idée de «nouveau progressisme» que l’actuelle direction du PS voulait progressivement substituer à l’affirmation du Socialisme, dans la droite ligne de la troisième voie de Tony Blair et Gerhardt Schröder et des "espoirs" de Manuel Valls.

Malgré notre participation loyale et sérieuse à cet exercice, il est évident que tous nos amendements n'ont pas été acceptés. Certains ont été repris, permettant de réparer plusieurs de ses défaillances. Ce texte conserve néanmoins beaucoup trop d’ambiguïtés et nous parait très déséquilibré au regard des priorités que nous défendons et des attentes du peuple de gauche. Nous l'avons déjà dit nous ne pourrons donc pas voter pour ce texte.

Dès son titre, il présente le principal écueil que nous avions craint dès l'origine de ces états généraux : il y a un risque de distorsion terrible entre ce qu'on écrit, des beaux principes, des belles valeurs, un beau programme et ce qu'on fait quotidiennement au gouvernement, qui est largement différent.

La direction actuelle du Parti Socialiste n'a même pas eu le loisir de goûter tranquillement aux belles formules, parfois technocratiques, de la plume du n°2 ; en effet, elle a été confrontée directement aux contradictions dans lesquelles le plonge son soutien automatique au gouvernement : Emmanuel Macron s'est rappelé dès jeudi dernier à notre bon souvenir, en exigeant un nouvel assouplissement des 35 heures et une aggravation des règles concernant les accords de maintien de l'emploi (créés par l'ANI). Dès lundi matin, l'annonce de la publication d'un rapport qu'il a commandé laisse planer une inquiétude en réclamant un gel des salaires en France, ce qui serait non seulement injuste mais rajouterait en inefficacité économique à la politique actuellement menée.

Depuis, la direction sortante du PS rame et ne sait plus comment faire pour désavouer ces nouveaux ballons d'essai, sans rien vouloir changer sérieusement à la politique gouvernementale.

Ici, la charte qu'elle a élaboré ne lui sera pas d'une grande utilité. Et nous savons une nouvelle fois que c'est de l'affirmation d'une ligne politique dont le Parti Socialiste a besoin. Une ligne politique choisie par les militants à qui on aura enfin laissé la liberté de se prononcer. Se prononcer après un débat où les difficultés créées au pays et à la gauche par la politique économique et sociale de nos gouvernements ne seront pas éludées.

Mais ceci est encore devant nous !

Frédéric FARAVEL

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19 novembre 2014 3 19 /11 /novembre /2014 14:19

nouveau-logo-ps.gifLe conseil national du Parti Socialiste s'est prononcé samedi 15 novembre en faveur de la convocation du congrès du PS pour les 5, 6 et 7 juin 2015. Voilà des mois que nous étions nombreux à réclamer ce rendez-vous démocratique et nécessaire, qui aurait dû se tenir en ce moment même si les statuts de notre parti avait été respectés.

Le Premier secrétaire par intérim n'avait d'ailleurs plus tellement le choix que de proposer cette solution à la commission de préparation du congrès le 13 novembre, alors que la Haute Autorité du PS, saisie par la fédération de la Nièvre (sur une proposition des camarades de Maintenant la Gauche dans ce département), avait indiqué lundi 10 novembre que l'on ne pouvait pas reporter au-delà du premier semestre 2015 notre congrès.

Le congrès du Parti Socialiste qui battra son plein au printemps prochain ne sera pas un congrès comme les autres. Les militants socialistes sont confrontés à une situation inédite : nos gouvernements successifs appliquent une politique très éloignée de celle que nous avions soumise aux citoyens pour l'élection présidentielle et les élections législatives en 2012 et qui avait recueilli la majorité de leurs suffrages. Dès juin 2012, des coups de canifs ont été donnés à notre programme en abandonnant la renégociation du Traité Merkozy, au prétexte d'un illusoire plan d'investissement européen de 120 milliards d'euros qui n'a jamais vu le jour, puisque notre gouvernement a ensuite (dans les semaines qui ont suivi) donné son accord à une baisse du budget européen. L'annonce du Pacte de Compétitivité – la hausse de la TVA et les 20 Mds € de Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) – était à la fois en contradiction avec nos engagements de campagne (abrogation de la TVA sociale) et les orientations et déclarations de la nouvelle majorité du PS, issue de la motion 1, lors du congrès de Toulouse (automne 2012). Dans l'année 2013, l'accord sur la flexibilité du marché du travail et la réforme des retraites s'éloignaient également de nos engagements et de nos valeurs. L'annonce dès janvier 2014 d'un Pacte de Responsabilité approfondissait le sillon social-libéral inauguré à l'automne 2012 : 41 Mds € d'allégements de cotisations pour les entreprises, 50 Mds € de réduction des dépenses publiques.

logo MLG 2-copie-2C'est ce tropisme social-libéral que Maintenant la Gauche avec Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann avait pressenti dès septembre 2012 en déposant sa motion et que nous déplorons de voir concrétiser depuis.

Les soutiens zélés de cette orientation libérale expliqueront que nous sommes conformes à nos engagements puisque nous avions annoncé la nécessité du «redressement», notamment par la baisse des déficits et de la dette, du pays. Seulement, nous avions également indiqué que le chemin à prendre pour ce redressement se ferait «dans la justice», avec une attention toujours forte portée aux intérêts des salariés et des plus fragiles de nos concitoyens ; nous avions indiqué durant la campagne électorale que s'il y avait un problème de compétitivité en France il n'était pas lié.

Or les concessions sur le droit du travail, les crédits d'impôts et allègements de cotisations sans ciblage et sans discernement, accordées aux entreprises sans contrepartie, ne donnent pas de résultats sur le terrain de l'emploi, le chômage continue d'augmenter ; les réductions de dépenses publiques ne permettent pas diminuer le déficit public et notre dette continue de croître car l'économie est atone et les recettes fiscales sont en conséquence moindres qu'attendues. Les réductions budgétaires ont même pour effet d'accroître, notamment dans les collectivités locales, le phénomène puisque l'investissement public peine alors qu'il devrait prendre temporairement le relais des acteurs privés frileux pour que les carnets de commandes des PME soient un peu moins vide qu'aujourd'hui. La politique économique et sociale de notre gouvernement est donc entrée dans un cercle vicieux qui le conduit à l'échec : le gouvernement socialiste ne peut se prévaloir de la baisse de la dette et des déficits car sa politique ne le permet pas, et nos partenaires européens conservateurs sont de plus en plus méfiants et exigeants, nous plaçant sur la défensive alors que nous devrions prendre la tête de la lutte pour une réorientation de la construction européenne ; le chômage continue de progresser avec son lot de drames humains et notre électorat perd chaque jour un peu plus confiance en nous, considérant que nous menons une politique plus favorable au patronat qu'à l'emploi et aux salariés.

Dans ce contexte, ce qui pose problème à nos électeurs ce ne sont pas nos débats ou nos «dissensions» internes mais la distorsion de nos discours et nos écrits avec les actes au gouvernement, et l'absence de résultats tangibles qui découlent de ceux-ci.

Nous ne dirons jamais que l'ensemble de la politique conduite est mauvaise : notre action pour la refondation de l'école, l'économie sociale & solidaire, le mariage pour tous, le logement (bien que le gouvernement Valls 2 soit en train de détricoter sans raison la loi ALUR votée par toute la gauche), l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, le travail sur l'assurance maladie ou encore le compte pénibilité pour les retraites vont dans le bon sens et constituent de réels progrès. Mais c'est l'orientation global de la politique économique et sociale qui pose problème parce qu'elle est contraire à nos engagements et qu'elle ne donne pas les résultats escomptés par ceux qui l'ont imposée. Entre temps, nous avons également abandonné l'ambition de la grande réforme fiscale pour un impôt citoyen juste et réellement progressif (pourtant défendu depuis de nombreuses années par François Hollande, mais aussi bien d'autres) et le chantier pour une véritable régulation bancaire est reporté aux calendes grecques.

Le-pacte-de-responsabilite-ne-cree-pas-l-unanimite-au-PS arTout ceci s'est fait sans que les militants socialistes ne soient associés, la logique des institutions de la VèmeRépublique écrasant aussi bien les parlementaires (qui sont nombreux à voter certains textes par légitimisme mais avec des doutes croissants) que le parti ; les expressions critiques ont été dénigrées et méprisées, parfois insultées, tant dans le PS qu'à l'Assemblée Nationale. On nous explique à longueur de journée qu'il n'existe pas de propositions alternatives et qu'il n'y a qu'une politique possible, alors que Maintenant la Gauche fait des propositions concrètes, ciblées, chiffrées et réalistes depuis deux ans, et que les parlementaires du collectif «Vive la Gauche !» ont multiplié les suggestions pour infléchir l'orientation générale. Pourtant, il n'y a rien de plus mortifère que d'expliquer comme Margareth Thatcher qu'il n'y a qu'une politique possible, surtout quand cette politique échoue. Et cette politique met chaque jour à mal un peu plus la majorité politique qui a permis l'élection de François Hollande le 6 mai 2012 : les ponts sont presque rompus avec le PCF, les relations sont de plus en plus précaires avec les écologistes d'EELV ou le MRC. Or nous avons besoin que la gauche soit rassemblée pour mener à bien nos engagements.

logos partisNous avons payé durement lors des élections municipales et européennes ces incohérences et les contradictions inhérentes à la politique menée ; nous risquons encore d'en subir lourdement les conséquences lors des élections départementales, et même régionales si rien n'évolue d'ici là.

Pour réussir la seconde partie du quinquennat, il faudra avoir le courage de changer de cap. Le congrès devra donc être un moment de clarification et confrontation idéologique, qui prenne à bras le corps la question de la politique économique menée par le gouvernement.

Il est donc grand temps que les militants socialistes s'emparent des questions qui nous sont posées collectivement et fixe l'orientation du PS, sans faux semblant.

La motion 3 Maintenant la Gauche participera pleinement à ce débat, elle déposera évidemment avec ceux qui rejoignent son analyse et ses propositions une contribution générale. Nous travaillerons à réunir les conditions qui permettront au Parti de sortir de l'impasse dans laquelle il a été placé, pour qu'une nouvelle orientation, une nouvelle majorité et une nouvelle direction politique remplace l'actuelle équipe qui n'a plus de cohérence ni de mandat politique précis. Les motions qui seront soumises au vote des militants seront déposés en avril 2015 ; d'ici là nous pourrons mesurer les convergences et les divergences entre les signataires des contributions. Nous sommes convaincus que l’unité et le rassemblement ne peuvent se faire qu'autour d’une ligne politique partagée. Nous partirons donc du socle qui était le nôtre au congrès de Toulouse, que nous avons complété, pour l’élargir et gagner. Nous serons vigilants dès maintenant quant au fonctionnement démocratique du Parti.

Nous le disons clairement à la direction sortante et au Premier secrétaire par intérim : la période politique que nous traversons ne permet pas – si l'on veut réellement sortir de l'ornière – de présenter des textes mi-chèvres/mi-choux, qui disent tout et son contraire, dont on ne comprend pas clairement l'orientation et qui évitent de se confronter aux questions posées par la politique gouvernementale. Le Parti nous a souvent habitués à des textes sans saveur et sans odeur, rédigé pour permettre des synthèses absconses et inopérantes, utile uniquement à la préservation de petits pouvoirs de pacotille. Ce type de manœuvre ne serait utile à personne !

Emmanuel-Maurel-Manuel-VallsNous le disons également franchement aux soutiens les plus convaincus de Manuel Valls : assumez l'orientation très claire et clivante que le Premier Ministre a développé à plusieurs reprises dans la presse ! Assumez le renversement complet de l'action politique vers des solutions libérales ! Assumez l'abandon du mot « socialiste » ! Assumez la volonté de renverser nos alliances politiques vers le centre et le centre-droit ! Et soumettez cette orientation aux militants socialistes ; puisque vous appelez vous aussi à la clarification paraît-il, vous devez une démarche honnête, transparente et courageuse aux socialistes pour qu'ils disent leur accord ou leur désaccord avec vos thèses. Si jamais vous vous cachez une nouvelle fois derrière la direction sortante sans défendre votre orientation vous détourneriez le congrès à des fins politiciennes médiocres. Faisons ensemble le constat que vous et nous, tous les socialistes, valons mieux que cela !

Nous appelons tous les socialistes à prendre désormais la parole et à ne plus se la laisser prendre. Nous appelons tous ceux qui ont été déçus depuis deux ans et sont partis sur la pointe des pieds, sans bruit ou en claquant la porte, à se mettre à jour de leur cotisation ou à adhérer/ré-adhérer (la date limite d'adhésion pour avoir le droit de vote semble être le jeudi 20 novembre à 23h59, vous avez donc jusqu'à demain soir).

Venez dire haut et fort par votre vote que vous souhaitez que notre Parti reste Socialiste et qu'il pèse sur le gouvernement pour réorienter profondément sa politique, réussir le quinquennat et donc remettre la gauche et les idéaux socialistes et républicains en selle pour 2017. Nous ne pouvons nous résoudre à vivre le duel annoncé entre une droite conservatrice radicalisée et Marine Le Pen, sur les décombres de la gauche.

logo MLG 95-copie-1Frederic_Faravel_12-10-2014.jpgL'alternative de gauche est possible, ici & maintenant !

Frédéric FARAVEL
Mandataire fédéral de la motion 3

NB : Nous avons été étonnés, comme d'autres sans doute, que notre premier secrétaire fédéral ait adressé aux militants un courrier dans lequel il met en avant la résolution votée par le bureau fédéral le 20 octobre. Cette résolution ne porte pourtant rien d'autres que le fait de prendre acte de l'existence de la commission de préparation du congrès qui avait été déjà réunie, après avoir été promise depuis la fin du printemps par la direction du parti. Cette résolution ne caractérise pas la situation politique du pays et n'a été rédigée qu'en réaction à la résolution proposée lors du conseil fédéral de septembre par des membres des instances fédérales issus de la motion 3 et de la motion 1 et que le premier secrétaire fédéral avait refusé de soumettre au vote. Bien que le débat y soit plus ouvert que précédemment, voilà des mois que les instances fédérales ne peuvent jamais trancher des débats politiques et se prononcer clairement par un vote. Il est vrai qu'en caractérisant la situation politique la direction fédérale aurait été contrainte de constater les échecs électoraux et leurs causes politiques... elle préfère donc les textes sans portée politique. Si nous apprécions l'ambiance bien plus apaisée qui préside désormais à nos débats, nous déplorons la dépolitisation des instances dirigeantes de notre parti et donc leur perte d'efficacité. C'est une chose qu'il faudra changer.

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10 novembre 2014 1 10 /11 /novembre /2014 15:36

Suite à la saisie de la Haute Autorité du Parti Socialiste sur la question du respect des statuts du parti quant à la convocation de son congrès ordinaire (prévu en ce moment initialement), cette autorité vient de rendre son avis. Celui-ci doit selon elle être organisé au premier semestre 2015.

Je vous laisse apprécier sa réponse ci-dessous.

Frédéric FARAVEL

2014-11-07_HauteAutoritéPS_AvisSaisineNievre

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28 octobre 2014 2 28 /10 /octobre /2014 14:37

Emmanuel-Maurel-Manuel-Valls.jpgLe PS vient de connaître une semaine passablement agitée. D'aucuns annoncent déjà que l'organisation est au bord de l'implosion, certains le souhaitent sans doute et au plus haut niveau. Mais comme toujours il faut éviter les raccourcis.

L'oracle du Nord parle enfin

33337.jpgDimanche 19 octobre, Martine Aubry donnait un long entretien au Journal du Dimanche, pour accompagner la publication de sa contribution aux états généraux du Parti socialiste ; l'hebdomadaire titrait «Je demande que l'on réoriente la politique économique». Tous les médias expliquaient qu'elle donnait ainsi une charge d'une virulence inégalée, après s'être longtemps tue. Pourtant, à y regarder de plus près, le discours de la maire de Lille paraît assez posé – surtout si on le compare à sa colère de l'été sur le découpage régional –, et son passage du lendemain matin sur France Inter ait venu confirmer cette analyse. Que dit-elle en somme ? Que la réorientation économique dont parle le JDD se borne à infléchir le pacte de compétitivité en ciblant le CICE vers l'investissement ; que les expériences de Blair et Schröder dates déjà d'une quinzaine d'années et qu'ils n'ont pas donné les résultats économiques et sociaux durables qu'on leur prête ; que le libéralisme économique et le social-libéralisme ne sont pas nos références et qu'il faut bâtir une nouvelle social-démocratie fondée sur la société bienveillante du care, du share et du dare ; que le pays a besoin d'une réforme fiscale, dont la pièce maîtresse serait la fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu pour créer le grand impôt juste et progressif annoncé dans le projet du PS adopté en juillet 2011. Elle dit qu'il faut mieux associer ceux qu'on appelle les «frondeurs» qui ont été mal traités par l'exécutif et qu'on gagnerait à les entendre. Quand le journaliste demande s'il faut qualifier François Hollande et Manuel Valls de sociaux-libéraux, elle se dérobe et refuse de répondre. On a connu attaque plus violente.

Loin de moi l'idée de dénigrer cette prise de parole, je n'en partage pas toutes les analyses mais je considère au contraire que dans la situation de blocage politique et d'échec économique et social devant lesquels se trouvent le pays, l'expression même modérée de Martine Aubry est utile.

Cependant, à voir les réactions qui ont suivi dans l'entourage de l'exécutif, il semble bien que le diagnostic posé à la fin de l'été sur les raisons qui avaient provoqué le remaniement se soit aggravé. Les mois passant l'augmentation constante du nombre des chômeurs et l'absence obstinée de la croissance vient marquer l'échec de la politique de l'offre décidée dès l'automne 2012 ; l'échec patent des choix politiques de François Hollande et Manuel Valls (politique de l'offre, austérité, soumission aux exigences de la commission européenne et d'Angela Merkel) «agit comme un acide» [expression de Laurent Joffrin] qui effrite chaque jour qui passe un peu plus la solidité des attelages politiques et la confiance des dirigeants dans la politique conduite, sans parler de la confiance de l'opinion. Ainsi la plus posée des critiques constructives apparaît désormais comme une attaque mortelle à laquelle il faut immédiatement riposter sous peine d'être terrassé.

La violence de la contre-attaque

Et le Premier Ministre n'a donc pas tardé à réagir, devant un parterre tout choisi, celui du forum républicain du Parti Radical de Gauche ; quel meilleur endroit en effet pour répondre à une contribution aux états généraux du PS que l'aéropage d'un autre parti ?

Et quant à répondre, Manuel Valls n'est jamais pris de court et il en rajoute généralement dans la provocation. Ainsi, toutes celles et ceux qui le critiquent sont rhabillés pour l'hiver qui vient, et personne ne peut résolument prétendre que la réponse du dimanche 19 octobre s'adressait directement à Martine Aubry :

  • «On ne fait pas avancer la gauche avec les idées d’hier. On ne fait pas avancer la gauche avec une vision du monde dépassée. On ne fait pas avancer la gauche et la France en niant la réalité de l’économie du marché, de la mondialisation.» ainsi proposer des réponses différentes des siennes aux sujets cités, c'est avoir une vision du monde dépassée et nier la réalité de l'économie de marché et de la mondialisation ;

  • «Je mets en garde la gauche quand elle s’abandonne au sectarisme. [] Quand la gauche se fragmente. Quand elle est dans la posture. Quand elle ne se parle qu’à elle-même, alors, à ce moment là, elle rate son rendez-vous avec l’Histoire.» Tous ceux qui ne suivent pas sont donc dans la posture du sectarisme, et ne parlent qu'à eux-mêmes. Sur le fait de regarder son nombril, le premier ministre avait déjà dit quelques pages plus haut «Ne vous laissez pas aveugler par nos débats internes», or je serais tenté de lui demander où se déroulent et sont tranchés les débats internes, on ne m'a pas donné l'info ;

  • «il ne faut pas se complaire dans la critique facile. Il faut assumer pleinement ses responsabilités» là encore le camarade Valls oublie que si critique il y a, elle s'est pourtant toujours accompagnée de propositions que ce soit celles de Martine Aubry, des «frondeurs» ou de «Vive la Gauche !» ;

  • «Gouverner la France pour changer, pour réformer, pour répondre à l’attente des Français. C’est ce choix que nous avons fait ensemble. D’autres ne le font pas. L’histoire les jugera. Nous, nous assumons les responsabilités. Et ensemble, vous et moi, vous et nous, nous sommes la gauche de la réforme. Ni vous ni nous, ni moi ne croyons à la rupture. Nous croyons au changement, à la réforme. C’est cela, la gauche qui gouverne, c’est cela la gauche qui dit la vérité. C’est cela la gauche qui combat les illusions. C’est cela la gauche qui assume ses responsabilités pour réformer et toujours faire avancer le pays au service des Français.» On mettra sans doute ces quelques phrases sur le compte de l'envolée lyrique d'une fin de discours (les forums du PRG ça prête tellement à l'enthousiasme), mais en attendant d'être jugé par l'histoire, ceux qui ont la malchance d'être en désaccord avec le Premier ministre ne savent pas assumer leurs responsabilités, se bercent d'illusions et, à défaut d'être pour la rupture, ne sont pas pour la réforme et le changement.

Voilà qui était bien envoyé à l'encontre d'une ministre qui a beaucoup réformé et changé dans le sens du progrès social et qui assume encore – comme beaucoup d'autres – ses responsabilités exécutives à la tête d'une grande collectivité. La violence de la réponse de Valls ne se départ pas d'un certain mépris qui fait échos aux propos qu'Emmanuel Macron quelques jours plus tard habillant le sien du «respect» qu'il avait pour l'action ministérielle passée de la maire de Lille dont il ne partage pas l'analyse.

La sortie du bois officielle des anciens ministres

Mardi 21 octobre, deux jours à peine après cette passe d'armes, se déroulait le vote du volet recette du projet de loi de finances pour 2015. Le débat sur le PLF avait déjà donné lieu à des échanges d'amabilité entre la rapporteure générale du budget et un député socialiste valdoisien zélé, démontrant le niveau de tension interne, mais la surpris était ailleurs. L'abstention des députés socialistes rassemblés dans le collectif «Vive la Gauche !» était annoncé et ne constituait pas une surprise ; mais d'aucun imaginait qu'ils avaient peu ou prou atteint leur étiage avec les 29 abstentions socialistes lors du vote de confiance du 16 septembre. Pourtant, sur le volet recette du budget, ce sont bien 39 députés socialistes qui se sont abstenus le 21 octobre. La presse a surtout noté l'abstention de trois anciens ministres de François Hollande : Delphine Batho, Aurélie Filipetti et Benoît Hamon.

Jean-Christophe Cambadelis, le premier secrétaire du PS a été le premier à ouvrir le feu en fustigeant une attitude «déplorable» et «pas loyale». L'intérimaire de la Rue de Solférino avait peu de temps auparavant déclaré être "choqué" par l'attitude des deux anciens ministres. Et d'estimer que «ceci pose un problème éthique» et qu'on «ne peut pas à la fois accepter l'arbitrage, le trouver juste puisqu'ils n'ont pas démissionné, et, quand on est sorti du gouvernement pour des raisons secondaires, en faire une question de distinction absolue avec la ligne gouvernementale». Peu après c'est le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, qui a dénoncé sur RMC et BFMTV un «manquement au devoir».

Secu-les-votes-sur-les-budgets-se-suivent-et-devraient-se-r.jpgAurélie Filipetti ne s'est pas démontée pour autant dénonçant la mauvaise foi du premier secrétaire et assurant n'avoir «aucune leçon à recevoir de qui que ce soit». «Je dois des comptes à mes électeurs et aux Français» «J'ai quitté le gouvernement à la fin du mois d'août sur un désaccord de fond avec la politique qui était menée, et cette politique se poursuit (...) Il n'y avait aucune raison que je ne montre pas la même attitude (...) C'est un désaccord de fond et je me suis abstenue donc sur ce budget.»

Moins relevée l'explication de vote de François Lamy, ancien ministre délégué à la Ville et bras droit de Martine Aubry, ne manquait pourtant pas de saveur. Lui qui s'était abstenu le 16 septembre expliquait que son vote positif sur le volet recette ne changeait rien à son analyse : «Aujourd’hui, mon vote positif de la loi de Finances 2015 ne vaut pas approbation de celle-ci. Ce texte ne permet pas de relancer la croissance par l’investissement, l’innovation ou la formation ni de soutenir la demande, et va freiner l’investissement des collectivités au détriment de l’emploi. Nous sommes au pouvoir et nous sommes tous conscients de nos responsabilités. Oui, il faut réformer ce pays, mais la réforme n’a de sens pour la gauche que si elle est synonyme de progrès et de justice sociale. Oui, la gauche ne pourra réussir que si elle est rassemblée. Mais ce rassemblement ne pourra se réaliser qu’autour d’une politique comprise par les Français, produisant des résultats tout particulièrement en matière de lutte contre le chômage et de création d’emplois, et préparant l’avenir du pays

L'expression des désaccords de Benoît Hamon viendrait plus tardsur RFI, le lendemain, où il a expliqué que la politiquedu gouvernement, qui, selon lui, «menace la République (...) parce qu'elle réduit les capacités d'intervention de la puissance publique». «Et la menace de la République, c'est la préparation, tout droit, comme on s'y prépare pour 2017, d'un immense désastre démocratique.(...) Non seulement l'arrivée au second tour de la présidentielle de Marine Le Pen sans coup férir, mais en plus la menace que demain, elle dirige le pays.» Contacté par Le Monde, il a précisé son propos : «Je ne dis pas que c'est le gouvernement qui menace la République, mais la politique de réduction des déficits. En affaiblissant l’État, qui est l'instrument de l'égalité, on affaiblit la République.» La première charge est effectivement inédite dans les annales de la République pour un ministre à peine sorti du gouvernement deux mois plus tôt et dont il était un des élèves modèles jusque fin août, mais les précisions qu'il donnait ensuite resitue totalement les propos ébouriffant du mercredi matin dans le cadre de la critique portée par la gauche du PS – Maintenant la Gauche en tête et la sensibilité de l'ex-ministre Un Monde d'Avance par épisode – depuis deux ans : la politique économique telle qu'elle a été décidée depuis l'automne 2012 nous conduit à l'échec et désarme l’État ; s'il n'y a pas de sursaut et de réorientation profonde, cet échec s'amplifiera et pavera le chemin de l'extrême droite.

Stéphane Le Foll demandait dans la foulée que Benoît Hamon démissionne du PS, quant au Premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis, détournant un peu les propos de Benoît Hamon, fermait une fois de plus le débat politique : «on ne peut pas dire : “le gouvernement menace la République.” On ne peut pas tenir des propos comme ça. C'est le FN qui menace la République.»

Il n'était pourtant pas au bout de ses peines.

il faut en finir avec la gauche passéiste

L'Obs (Le Nouvel Observateur, nouvelle formule) avait fait monter la mayonnaise depuis plusieurs jours. Manuel Valls allait enfin s'exprimer et dire quelle était sa vision de la gauche. Après un début de semaine réussie, on risquait donc de la terminer en beauté. L'entretien n'est pas si révolutionnaire que cela, le Premier Ministre prenant soin d'abord de promouvoir la politique de son gouvernement qui – si on ne l'avait pas encore compris – obtiendrait des résultats si on lui en donnait le temps.

11569412Pourtant dans les deux dernières pages se glissent quelques savantes provocations qui reflètent à n'en pas douter la pensée profonde du titulaire de Matignon. Au détour d'une question sur le nouveau prix Nobel (libéral) d'économie, il fait de nouvelles ouvertures en faveur du contrat unique. Plus loin, il balaie d'un revers de main ce qui marque les grandes réformes de la gauche, plaçant le quinquennat Hollande sous le signe de la «modernité» et refusant que l'on parle de symboles pour des engagements de campagne comme le droit de vote des étrangers ou l'encadrement des loyers, loi votée qu'il a enterrée. C'est à cette occasion qu'il enchaîne la dénonciation d'une «gauche passéiste» – celle donc qui serait attachée aux conquêtes sociales et politiques des décennies précédentes et qui en espèrent encore – et le refus de se définir comme socialiste : «L'Obs : cette gauche est pragmatique plus qu'idéologique ? Oui parce que l'idéologie a conduit à des désastres mais la gauche que je porte garde un idéal : l'émancipation de chacun. Elle est pragmatique, réformiste et républicaine.
- Pas socialiste ? Je le répète : pragmatique, réformiste et républicaine.»

Le lecteur me permettra ici de faire un point d'analyse.

On savait que le Premier ministre s'était à de nombreuses fois prononcé pour l'abandon de la référence au socialisme. Mais cette fois-ci, il le fait avec plus de brutalité que précédemment puisqu'il l'ignore sciemment, la renvoie aux dérives totalitaires du XXème siècle avec lesquelles il la confond donc, et enfin il donne un contenu intellectuel avec sa rupture avec le socialisme : en effet, la gauche qu'il porte garde donc un idéal : «l'émancipation de chacun». Peut-être sans le savoir, mais je n'y crois pas, Valls revient au débat parlementaire fondateur qui eut lieu les 12 et 14 juin 1906 entre Jean Jaurès, leader d'un socialisme français pas encore unifié, et Georges Clemenceau, alors ministre de l'intérieur qui venait d'envoyer la troupe tirer contre les gréviste, et qui est le grand modèle de Manuel Valls. Qu'il préfère Clemenceau, le répresseur, à Jaurès est déjà en soi un marqueur et cela a déjà été dit ; mais il s'inscrit dans la lignée intellectuelle et philosophique de Clemenceau plus profondément : en choisissant de ne parler que de «l'émancipation de chacun», il la sépare de l'émancipation collective ce qui est inconcevable pour Jaurès et les socialistes : «Oui l'individu agit sur le milieu, mais le milieu détermine aussi les limites, les moyens d'action des individus et les invite, les oblige, s'ils veulent vivre, à se transformer. Votre doctrine de l'individualisme absolu, votre doctrine qui prétend que la réforme sociale est contenue toute entière dans la réforme morale des individus, c'est – laissez-moi vous le dire – la négation de tous les vastes mouvements de progrès qui ont déterminé l'histoire, c'est la négation de la Révolution française elle-même.» On ne saurait être plus définitif avec les chimères de Clemenceau et Valls : sans profonde transformation sociale, sans transformation des rapports de force économiques, l'action des gouvernements se bornera à consolider la puissance des détenteurs du capital et des moyens de production au détriment de l'intérêt général. Sans établissement d'un rapport de force favorable aux travailleurs, c'est-à-dire comme le voulait Jaurès porter «la République jusque dans l'atelier» il n'y aura pas d'émancipation collective et donc l'émancipation individuelle ne sera une réalité que pour une catégorie de privilégiés.

Cette émancipation collective qui permet l'émancipation individuelle qui a toujours été l'horizon de la gauche socialiste et républicaine, Manuel Valls ne se contente pas de la répudier, il la caricature : «Le temps des solutions globales, identiques pour tous, est révolu.» C'est donc une vraie rupture avec ce qui fait la gauche en France, pour se raccrocher à d'autres traditions ou expériences – le Radicalisme clemenciste pour la France ou le social-libéralisme de Blair et Schröder – qui ne sont pas moins datées que celles qu'il prétend dénoncer, et qui n'offrent pas – c'est le moins qu'on puisse dire – de garanties supérieures de réussite.

Le Premier Ministre poursuit en disant qu'il peut être envisagé pour le PS de changer de nom. Au regard de ces déclarations précédentes, cela devient logique, et il a raison de dire que ce serait l'aboutissement d'un processus, au bout duquel il semble être arrivé lui-même. On pourra rire à la lecture de sa revendication d'une «gauche qui marche et qui assume les responsabilités», quand on constate à quel point la politique qu'il mène «marche» en comparaison de celle conduite 15 ans plus tôt par l'ancienne première secrétaire. Voulant éviter «l'insulte», il n'a pourtant pas hésiter à juger tous ceux qui partagent des critiques plus ou moins fermes à l'encontre du social-libéralisme de «dépassés» ; on s'étonnera qu'il dénonce «la gauche qui renonce à réformer, qui choisit de défendre les solutions d'hier plutôt que de résoudre les problèmes d'aujourd'hui» quand il a lui-même enterré la réforme fiscale, l'encadrement des loyers et s'apprête à le faire pour une autre loi votée celle sur l'économie sociale et solidaire.

Quel serait ce parti qui succéderait au PS ? Il fonctionnerait sans doute sans «verticalisme» invalidé «à l'heure des réseaux sociaux». Pourtant, on a peine à croire qu'il n'y ait pas une sérieuse dose de verticalité dans le parti vallsiste que l'on nous promet, lorsque l'on constate au quotidien à quel point il demande l'alignement sur son autorité. Comme Fabius en 1990, comme Ségolène Royal entre 2006 et 2008, Manuel ne rêve que d'un parti de supporters (mais lui n'espère pas mobiliser des foules militantes) où l'horizontalité se vivrait dans l'obéissance à sa doxa libérale.

Quelle stratégie pour ce nouveau parti ? La maison commune des progressistes… On lit d'ailleurs qu'il aurait fallu «tendre la main à François Bayrou» en 2012, ce qui donne une idée du périmètre stratégique de la gauche vallsiste. Cette mauvaise conscience des sociaux-libéraux a été relayée quelques jours plus tard sur Europe 1 par Jean-Marie Le Guen, elle constitue donc un axe fort de leur discours. Mais il y a fort à parier que l'on ne se bousculera pas au portillon pour rejoindre sa maison commune : ni le PCF, ni les écologistes, ni le MRC, ni le MdP ne semblent tentés par elle. François Bayrou et les centristes non plus d'ailleurs au passage. Les seuls intéressés sont le PRG à qui le Premier Ministre a offert le 19 octobre des concessions déjà éventées depuis plusieurs semaines, et le groupusculaire Front démocrate écologique et social de Jean-Luc Benhamias, fondé dans le seul et unique but de «soutenir le Président de la République». C'est dire le rabougrissement de la base politique de la politique que Manuel Valls nous propose et l'impasse électorale à laquelle elle nous conduit.

Cambadélis crie halte au feu

PHOcf8fdd96-5b45-11e4-9c00-ce9a9873a4a1-805x453.jpgAprès avoir lu l'entretien du Premier Ministre, le Premier secrétaire par intérim a dû hurler en lui-même. Lui qui rêvait de devenir le chef du PS et qui n'y arrive qu'au moment où il se déchire, parce que la politique conduite au pouvoir est aux antipodes de son message politique, et que le Premier ministre propose de le dissoudre !

Bien sûr Manuel Valls ne saurait être celui qui provoque la guerre interne. Donc, la faute en revient à nouveau à tous ceux qui rappellent quels étaient nos engagements de 2011 et 2012. Et le Premier secrétaire en appelle aux militants pour les rappeler à l'ordre, en cherchant à jouer sur la fibre légitimiste toujours forte.

Pourtant, son rôle n'est pas de lancer une pétition interne pour masquer les difficultés mais de créer réellement les conditions du rassemblement des socialistes et de la gauche.

Or depuis deux ans, la politique conduite par les gouvernements (ratification du TSCG, pacte de compétitivité, ANI, retraites, pacte de responsabilité, abandon de la réforme fiscale) – en décalage avec la plupart de nos engagements de campagne – a créé un trouble profond dans nos rangs et au-delà dans l'électorat socialiste qui s'abstient massivement aux élections et envisage de s'abstenir fortement à nouveau pour les prochains scrutins.

Marie-Noëlle Lienemann caractérisait bien la situation qui permettait les sorties du Premier Ministre le jeudi 23 octobre : «Il ne veut pas répondre aux questions qu'on lui pose sur l'efficacité de sa politique, ses dangers dans certains cas. Du coup, il essaie de contourner le sujet en se préoccupant de la vie du PS plutôt que de la vie de la France».

Ce trouble est renforcé par l'absence de résultats et même des conséquences contraires aux effets recherchés. Ceux qui comme Maintenant la Gauche ou après ce courant ont alerté sur la situation et ont proposé d'autres solutions conformes aux engagements des présidentielles et législatives ont été accusés de semer le désordre. Cependant, quand d'autres responsables proposent de rompre avec ce qui fait l'identité de la gauche ils sont accueillis avec mansuétude par la direction du parti.

La situation actuelle est grave parce que face à la crise économique, sociale et politique que nous vivons, le PS n'est plus en capacité de définir qu'elle est son orientation. Lors de sa désignation en avril dernier le premier secrétaire par intérim aurait dû permettre de clarifier l'orientation du parti en convoquant le Congrès comme prévu par les statuts à l'automne 2014. Las, il a décidé de reporter sine die celui ci pour engager des états généraux dont on voit bien aujourd'hui qu'ils répondent pas aux enjeux de la période et qu'ils permettent aujourd'hui au Premier Ministre d'attaquer de front les fondements du socialisme démocratique trouvant là l'occasion de ne pas soumettre l'échec de l'orientation portée par François Hollande et Manuel Valls.

Il est donc temps qu'un congrès d'orientation et donc de clarification soit convoqué au plus vite. Tant que les militants socialistes ne se seront pas prononcés sur politique qu'ils veulent défendre et mettre en œuvre, tous les appels jouant sur un réflexe légitimiste seront vains et n'empêcheront pas le trouble de s'amplifier et la gauche de se diviser, donc mettront à mal nos capacités à redresser le pays dans la justice, ce qui est ce à quoi nous nous étions engagés.

Or, plus le congrès sera convoqué tardivement moins il permettra de résoudre nos dilemmes actuels : le hiatus continuera à croître entre la politique conduite par François Hollande et Manuel Valls, nos engagements de campagne et les principes du PS. Avec une possibilité toujours accrue de débordements et que des lignes rouges soient franchies tant dans le parti que dans le groupe parlementaire. Emmanuel Maurel pointe un autre problème : «Dans un an, les effectifs seront tellement réduits que l’incertitude n’en sera que plus grande. Le plus grave, ce ne seront pas les tensions, mais le délitement du parti après les nouvelles déroutes électorales, qui vont créer de la panique en interne. Le parti sera exsangue en 2016.» C'est sans doute ce que recherchent les responsables de l'exécutif un parti rabougris, frileux et recroquevillé sur ses derniers élus, qui acceptera un congrès pré-présidentielles où l'on ne discutera que de la menace du Front National et de la nécessité de se rassembler pour faire taire tout ce qui nous mine depuis deux ans et risque de nous miner encore. Luc Carvounas, proche du premier ministre, l'avoue d'ailleurs sans ambages «ce congrès devra être un congrès d'orientation et pas de clarification politique, comme le dit l'aile gauche, un congrès utile pour celui qui représentera le parti à la prochaine présidentielle» ; on l'aura remarqué dans sa bouche l'utilité ce n'est surtout pas de sortir de la confusion.

Un congrès urgent et ouvert

Un bon connaisseur du parti explique dans Mediapart : «La base militante n’aura plus grand-chose à voir avec les derniers congrès qu’on a connus : on aura perdu l’influence des barons locaux et l’appareil des régions, le dernier qui reste au parti, les militants travaillant dans les collectivités territoriales et les cabinets ne seront peut-être plus adhérents mais chômeurs, les grosses fédérations qui faisaient l’élection auparavant auront toutes été mises sous tutelle, et leurs fichiers auront donc été nettoyés.»

Cinq ensembles cohabitent aujourd'hui dans le Parti Socialiste et c'est de leurs dynamiques respectives ainsi que de leur agencement les unes avec les autres qui déterminera l'issue du congrès s'il est convoqué dans des délais décents.

  1. Les sociaux-libéraux assumés : ce groupe rassemblent ceux qui défendent la même orientation que le Premier Ministre Manuel Valls et qui se reconnaissent dans les propos qu'il a réaffirmés devant les Radicaux de gauche et dans L'Obs. Christophe Caresche, Jean-Marie Le Guen, Emmanuel Macron, François Rebsamen ou Jean-Jacques Urvoas ont le mérite d'assumer à la fois le désir de renverser la stratégie politique du PS pour l'orienter vers le centre, en faisant une croix sur la majorité des écologistes et sur les communistes pour fonder leur maison des progressistes, et le bonheur qu'ils vivent de pouvoir mettre en œuvre la politique libérale dont ils semblent avoir toujours rêvé sans jamais la défendre dans le PS (ils n'ont jamais soutenu Jean-Marie Bockel). Ils lancent régulièrement des appels à purger le PS de son aile gauche, qui prend parfois dans leur bouche une extension importante. Porte-parole du gouvernement mais aussi des hollandais "canal historique", Stéphane Le Foll s'est aussi laissé aller à réclamer le départ de Benoît Hamon, mais il ménage cependant les amis de Martine Aubry. Enfin, ne leur en déplaisent, mais les amis de Pierre Moscovici, parti à Bruxelles pour la Commission européenne, sont orphelins de leur lider maximo et les membres de Besoin de Gauche chercheront sans doute à combler leur manque affectif.

  2. L'appareil du parti autour de Jean-Christophe Cambadélis : ne soyons pas trop durs avec le Premier secrétaire par intérim. Comparé à la direction d'Harlem Désir, le parti a retrouvé depuis avril un semblant d'activité ; les états généraux donnent l'impression que certaines sections ou fédérations débattent encore mais devant un parterre militant de plus en plus restreint. «Les minorités sont consultées et respectées» concède Emmanuel Maurel, qui regrette cependant dans le même temps que «sur le fond, on ne (sache) pas ce qu’il pense». Et de résumer son sentiment : «Il est habile, mais il fait comme s’il n’y avait pas de réalité de la pratique du pouvoir.» Tout de même, le parti ne va pas si bien que cela : le premier secrétaire a instauré des suivis de fédération par les secrétaires nationaux comme à l'UNEF-id qu'il a fondée et une réunion de la "majorité du CN" la veille du conseil national ; les participants revendiquaient photos à l'appui le 11 octobre 700 participants et une trentaine de députés présents. On peut s'étonner de la faible présence parlementaire et qu'une salle qui a été utilisée lors de la campagne d'Anne Hidalgo fut alors pleine à craquer avec 400 personnes alors qu'on compte sur les photos du 11 octobre (même recadrées) les rangées vides. Mais Christophe Borgel nous a rassuré depuis, ils étaient en fait 800 le samedi 11 octobre, ce qui explique donc que la salle du conseil national le lendemain fut à moitié vide. Peu importe, cette querelle de chiffres ; le plus grave est que lors de ce CN (où fut distribué un recueil de textes de Jean Jaurès d'où j'ai tiré son débat avec Clemenceau – cela aura au moins servi à ça !), les interventions ce sont enchaînées sans qu'elles aient une suite et sans que les questions et propositions portées par certains membres reçoivent une réponse ou une réaction de la direction du parti et du premier secrétaire. Un sentiment d'inutilité. On pourra cependant concéder à Cambadélis la gestion des équilibres, postant de temps à autres des communiqués désapprouvant les ballons d'essais les plus caricaturaux des ministres libéraux comme sur les seuils sociaux ; il désapprouve également la pertinence d'un changement de nom – comment voulez-vous redéfinir l'identité socialiste (prétexte des états généraux) si le Premier ministre veut supprimer le socialisme ? Mais sur l'essentiel, les amis de Jean-Christophe soutiennent l'orientation sociale-libérale du gouvernement. Si «Cohérence socialiste» – Alexis Bachelay, Yann Galut, Valérie Rabaud et Karine Berger – réclame quelques infléchissements de la politique libérale et un congrès de clarification comme «Maintenant la Gauche», leur menace de se compter seuls paraît peu crédible et tout porte à croire qu'ils se joindront aux amis de Cambadélis.

  3. Le centre «frondeur» : les amis de Martine Aubry défendent avec une bonne partie des «frondeurs» une orientation d'infléchissement de la politique gouvernementale actuelle. Comme Jean-Marc Germain, Laurent Baumel ou Christian Paul, et quelques autres, ils rejettent les outrances sociales-libérales de la baisse du «coût du travail» et de la politique de l'offre, mais ne demandent pas de réorientation profonde. Ils peuvent être tiraillés à l'idée de rompre définitivement avec l'appareil actuel du PS (Jean-Marc Germain reste membre de la direction), mais la contribution de Martine Aubry rend difficile d'envisager un alignement sur l'immobilisme actuel.

  4. discours Maurel samediL'aile gauche socialiste en quête de rassemblement : depuis le congrès de Toulouse à l'automne 2012, l'aile gauche du PS c'est «Maintenant la Gauche», conduite par Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann. Avec 14% des suffrages militants pour la motion et 28% pour le Premier secrétaire sur le nom d'Emmanuel Maurel, la motion 3 a surpris les commentateurs, ses anciens partenaires rangés dans la motion gouvernementale lui ayant promis un score inférieur à 5%. Depuis ce courant a dépassé ses propres handicaps – pertes de ses principales figures médiatiques et de l'immense majorité des parlementaires – par un travail et une expression régulière de propositions politiques, qui ne le cantonne pas à la dénonciation et au commentaire : plan de relance écologique et social, sursaut européen, propositions pour une réforme fiscale de gauche, et récemment encore un manifeste pour une alternative à gauche ici et maintenant (c’est-à-dire une série de propositions concrètes à engager immédiatement pour réorienter demain matin la politique gouvernementale). Mais Emmanuel Maurel se voit contester le leadership par les parlementaires et cadres d'Un Monde d'Avance, la sensibilité de Benoît Hamon qui avait choisi de ne pas se compter au dernier congrès. UMA – et sans doute Benoît Hamon – considère que c'est autour de sa sensibilité que doit s'organiser le rassemblement de la gauche du PS, au regard de ses relais parlementaires ou dans les réseaux de jeunesse et de sa capacité supposée à faire le lien avec les «frondeurs» modérés et les amis de Martine Aubry. Cependant, on ne connaît aujourd'hui ce que représente UMA, dont les parlementaires se sont largement divisés sur les votes du PLFR et PLFRSS ou sur le vote de confiance, car cette sensibilité n'a pas par définition recueilli le vote des militants. Benoît Hamon peut aussi porter comme une croix non pas son passage au gouvernement mais son soutien explicite jusqu'au printemps dernier (il a avec Arnaud Montebourg permis à Manuel Valls de devenir premier ministre) à l'orientation gouvernementale ; il aurait sans doute eu moins de difficultés s'il était resté dans son « couloir de nage » en se contentant de l'ESS ou de l'éducation nationale ; il est lui-même contesté en interne par Pouria Amrishahi, député des Français de l'étranger, et pour le manque de stratégie dans sa sortie du gouvernement par Henri Emmanuelli. Par ailleurs, Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann n'ont pas à rougir de leur capacité à parler à Martine Aubry et aux partenaires écologistes et communistes, que Hamon avait mis en scène le dimanche 5 octobre à Vieux-Boucaux. Une partie de la motion 4 a déjà commencé à travailler avec «Maintenant la Gauche» et personne ne comprend ce que souhaitent les amis d'Arnaud Montebourg entre des parlementaires qui ont voté la confiance le 16 septembre et des cadres du parti qui souhaitent engager le débat avec les autres contestataires de la ligne gouvernementale. Enfin, il existe des députés socialistes non alignés avec qui il faudra travailler. Cependant «La volonté unitaire doit pouvoir surpasser tout ça» a raison d'insister Emmanuel Maurel.

  5. Une majorité de militants perdus : D'aucuns ont tendance à dire que le parti socialiste compte avant tout une majorité légitimiste qui est elle aussi bousculée par la politique conduite depuis deux ans. Elle est tiraillée par son réflexe de loyauté vis-à-vis de l'exécutif, le constat de l'échec électoral et l'éloignement croissant des politiques menées avec non seulement les engagements de la campagne des présidentielles mais plus largement des valeurs socialistes. Manuel Valls comme Jean-Christophe Cambadélis jouent l'un et l'autre sur cette fibre légitimiste, dénonçant à la vindicte militante les contestataires qui seraient responsables tout à la fois des difficultés du pays et du naufrage du parti. Ce type d'argument peut faire long feu et il y a fort à parier que les provocations libérales du Premier Ministre finissent par être contre-productives. Dans le même ordre d'idée, ils jouent avec la menace (réelle) du Front National pour inciter au rassemblement silencieux face à l'ennemi fasciste. Mais dans un cas comme dans l'autre, tout dépendra de la capacité des opposants à la ligne actuelle de faire comprendre que le parti ne mourra pas d'un changement de direction et d'une clarification et que tant la montée du FN que la situation économique et sociale du pays sont aggravées par la politique libérale appliquée à la France... et à se mettre en dynamique, la force allant toujours à la force.

Personne ne peut aujourd'hui expliquer ce qui sortira d'un congrès dont on ne connaît pas même la date. Mais nous ne pourrons mettre un terme aux tensions croissantes entre socialistes, sur fond de situation dramatique pour notre République, sans que le PS dispose enfin d'une orientation politique qui lui permette d'avoir une position forte face ou aux côtés du gouvernement ; c'est donc bien une clarification qui est attendue.

C'est aussi à Manuel Valls d'assumer enfin en son nom sa ligne politique devant les militants socialistes : qu'il leur propose courageusement une motion où sont inscrits le choix du social-libéralisme, de l'autorité, le changement de nom du parti et le renversement stratégique que constitue sa maison des progressistes qui éloigne une partie de la gauche pour se tourner vers le centre. Dans ce cas là, il y aura toujours un parti socialiste et il se pourrait qu'il soit plus large que le Premier Ministre ne le croit.

En effet, je suis convaincu que comme moi la majorité des militants socialistes n'ont pas de mal à assumer leur filiation avec la "vieille maison" de Jean Jaurès et Léon Blum ; nous savons ce que nous devons à l'héritage du mouvement socialiste français, nous faisons le tri entre sa part d'ombres et de lâchetés (il y en a) et l'immense aspiration humaine qu'il représente. Si Manuel Valls souhaite s'enfermer avec Clemenceau qui a dans les actes déserté la gauche dès les lendemains de la résolution de l'Affaire Dreyfus, on le lui laisse volontier.

Frédéric FARAVEL

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17 octobre 2014 5 17 /10 /octobre /2014 13:12


C'est quoi le socialisme en 7 secondes par FredMouflon

pour compenser le son un peu pourri : "être socialiste, c'est avoir la conscience de l'égalité humaine, alors que toute la société est fondée sur les privilèges"

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