Les dimanche 22 et 29 janvier 2017, le Parti Socialiste et les organisations politiques qui lui sont directement accolées inviteront le Peuple de gauche à venir désigner leur candidat commun pour l'élection présidentielle du printemps prochain.
Après une primaire de la droite et du centre qui a mobilisé près de 4,5 millions électeurs et débouché sur la très large désignation (66,6%) de François Fillon, ce rendez-vous citoyen souffrira tout à la fois de la comparaison avec le scrutin de la fin novembre et des dégâts politiques générés par la politique des gouvernements de François Hollande depuis l'automne 2012 (voire même depuis juin si on prend en compte sa renonciation européenne dès les premières semaines de son mandat) et donc des divisions profondes de la gauche.
Pourquoi faut-il réussir la primaire ?
Pourtant le résultat de cette primaire de la gauche – même avec un périmètre plus restreint que celui que nous étions nombreux à souhaiter – reste déterminant pour sortir la gauche et la France de l'impasse dans laquelle François Hollande (au point que celui-ci a renoncé à se représenter) les a conduites. Soit la primaire de la gauche confirme (même d'une courte tête) les tenants de la ligne libérale qui a présidée à la politique gouvernementale et la fracture de la gauche sera aggravée avec pour conséquence une longue glaciation politique et la condamnation à l'impuissance de la gauche pour de nombreuses années ; soit elle débouche (même d'une courte tête) sur la résurgence d'une gauche socialiste et s'ouvre une opportunité (même ténue et sans garantie de résultat) pour ressouder le camp progressiste en engageant le débat sur un projet et un candidat commun avec les écologistes et les communistes pour tenter de conjurer la défaite annoncée au soir du premier tour de l'élection présidentielle.
Car il faut être bien clair sur l'enjeu de la séquence politique : si la gauche reste fracturée et divisée, comme l'ont voulu François Hollande et Manuel Valls, si elle s'éclate face à un FN à 25% et une droite rassemblée en plusieurs candidatures (un candidat socialiste, Mélenchon, Jadot et l'imposture libérale Macron – qui n'est pas de gauche), aucune d'entre elles ne sera en mesure de réunir au soir du premier tour suffisamment de suffrages pour être qualifiée pour le second. Déjà historiquement affaiblie en termes d'intention de vote et la tripartition du paysage politique, la gauche s'affaiblirait plus encore collectivement, au bord du suicide. Il ne suffit plus de faire jouer la menace de l'extrême droite dans cette élection pour réussir à rassembler les morceaux épars du camp de la transformation (les gens ont bien compris que la droite et les sociaux-libéraux ont créé les conditions politiques qui ont permis la nouvelle progression du FN et « l'impératif moral » invoqué par une certaine « gauche » à cet égard en est devenu ridicule). Il y a nécessité à apporter une alternative à la victoire « annoncée » par les médias et les instituts de sondage de François Fillon, dont le projet (casse de la sécurité sociale et des services publics, austérité aggravée) ou certains aspects de sa personnalité (la revendication de son identité chrétienne « ce qui signifie que je ne prendrai jamais une décision qui soit contraire à la dignité humaine », annexant sans leur demander leur avis ceux de nos concitoyens qui sont chrétiens, récusant aux candidats qui ne seraient pas chrétiens la volonté à respecter la dignité humaine) ne convainquent pas les Français. La position dominante de François Fillon ne l'est que par défaut et sa victoire n'est pourtant pas assurée par la déconfiture actuelle de la gauche, tant son programme social inquiète beaucoup de nos concitoyens qui en désespoir de cause pourraient alors se laisser séduire par Marine Le Pen.
Quatre Français sur dix disent s'intéresser à la primaire de la gauche. Certains parient sur une faible mobilisation, qui inévitablement profiterait à ceux qui ne veulent voir se déplacer que les derniers soutiens indéfectibles de la politique gouvernementale. Nous avons besoin que le peuple de gauche – à tout le moins une fraction importante de celui-ci – se mobilise pourtant en masse pour permettre tout à la fois de créer une dynamique de rassemblement et offrir une légitimité citoyenne suffisante pour affronter la droite et l'extrême droite. Fin novembre 2016, les Français ont démontré qu'ils savaient se saisir des occasions qui leur étaient données de donner leur avis. Il faut espérer qu'ils le fassent aussi les 22 et 29 janvier prochains ; je me risque à un objectif : vu l'état de la gauche, atteindre ou dépasser 1,5 millions électeurs serait un résultat encourageant. Mais pour l'atteindre il faut convaincre les Français de la qualité de nos débats, de nos propositions, de notre éthique collective. Ce qui est difficile à réaliser si les débats s'enlisent encore comme ces dernières semaines sur les thématiques identitaires ou sur des considérations tactiques dignes de congrès du PS.
Un débat politique... pas un champ de foire
Je vais donc, après avoir peigné un tableau de la situation et des enjeux politiques de cette primaire, m'attacher à définir ce qui motive mes choix politiques de fond dans cette primaire.
Chacun sait que j'étais engagé intensément dans la campagne de Marie-Noëlle Lienemann ; elle a souhaité renoncer pour des raisons qui lui sont personnelles – bien que je considère toujours que son projet était le plus pertinent – au premier rang desquelles se trouve la volonté de ne pas en rajouter dans l'éparpillement des candidatures et de permettre le rassemblement de la gauche socialiste. Il me semble donc que pour atteindre l'objectif qu'elle pointait en se retirant, il n'est pas possible de rester silencieux : il faut s'engager et tâcher de faire gagner dans les urnes le projet qui s'en rapproche le plus.
C'est le choix que j'ai fait en rejoignant avec mes camarades de Maintenant la Gauche la campagne d'Arnaud Montebourg. Je ne prétendrai pas que j'ai toujours partagé la démarche du candidat du made in France – sinon je n'aurais pas préféré à l'origine Marie-Noëlle Lienemann – mais pour un certain nombre de sujets essentiels, sa démarche et son projet répondent à mes attentes, bien plus que tout autre candidat.
D'abord et avant tout construire un véritable rapport de force sur la construction européenne
Je crois que la question de la construction européenne est déterminante et qu'elle atteint aujourd'hui un point de non retour. Le projet d'unification européenne est une entreprise inédite, qui pouvait prétendre offrir un dépassement pacifique des nationalismes – pas des nations et du patriotisme – ; pour un militant socialiste, donc internationaliste, cette dimension est enthousiasmante... à condition qu'elle se réalise par et pour la souveraineté populaire, qu'elle la renforce même. Or depuis 1995, depuis le Traité d'Amsterdam et les suivants, la construction européenne s'est enlisée dans un modèle a-démocratique, parfaitement décrit par Emmanuel Todd dans son essai intitulé Après la Démocratie (2008), soumis tout entier au concept technocratique de l'ordo-libéralisme.
Ce refus de la souveraineté populaire s'opère d'abord par la contrainte de règles financières et budgétaires atemporelles dont l'inefficacité face aux crises économiques est désormais évidente ; ces règles inscrites dans les traités empêchent les États de choisir leurs politiques économiques, financières et budgétaires, donc interdisent aux citoyens des différents États membres de l'Union Européenne de choisir librement des politiques qu'ils veulent voir mise en œuvre. Votez pour la gauche française, la gauche italienne, la gauche néerlandaise ou la gauche radicale grecque et vous écopez de la politique de la droite allemande (tout ou partie des trois premières étant par ailleurs convaincues qu'il n'y a plus d'autre politique possible). L'échec économique, la régression sociale, l'aggravation de la situation sociale qu'induisent ces politiques aboutit à l'assimilation par les peuples de la construction européenne à l'ordo-libéralisme et donc à son rejet progressif, de plus en plus au travers de réflexes nationalistes, xénophobes, identitaires. Ce refus de la souveraineté populaire s'est incarné enfin à plusieurs reprises dans le contournement ou la négation des scrutins démocratiques : contournement du rejet du TCE par référendum en France et aux Pays-Bas en 2005 par l'adoption d'un projet identique 3 ans plus tard par voix parlementaires ; affirmation lamentable par le président de la commission européenne qu'« il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens » pour disqualifier par avance les résultats du référendum grec contre l'austérité en juillet 2015. Les citoyens européens comprennent ainsi peu à peu que la construction européenne serait un moyen de les priver de leur capacité à décider de leurs destins. La construction européenne file ainsi peu à peu vers la falaise et menace d'emporter le bébé avec l'eau du bain.
Réagir est donc une nécessité absolue. Briser la fatalité de la dérive ordo-libérale de la construction européenne est la condition essentielle pour réaliser trois objectifs qui devraient être au cœur de n'importe quel projet de gauche :
mener une politique économique qui promeuve le bien-être collectif, l'égalité et l'émancipation économique et sociale ;
restaurer la souveraineté populaire et une démocratie efficiente ;
réorienter la construction européenne dans un sens plus démocratique, et pour plus de pragmatisme économique.
C'était le mandat donné par le peuple Français à François Hollande ; il y a failli dès juin 2012. Cela reste une urgence vitale, aujourd'hui plus que jamais, après le Brexit, alors que la crise des migrants se poursuit, qu'une crise politique se profile en Italie, que la crise grecque n'en finit pas et que la crise bancaire menace l'Allemagne. Pour cela, il n'est plus possible de faire preuve de naïveté devant nos partenaires. François Hollande a abdiqué dès juin 2012 – et a encouragé Tsípras à le faire en juillet 2015 – car il avait de longue date « accepté » l'idée que les conceptions de la gauche française seraient ontologiquement minoritaires en Europe. S'en tenir à cette analyse nous condamne à l'échec, au marasme démocratique et économique, donc aux pires perspectives politiques. Manuel Valls et Vincent Peillon ne proposent pas grand chose de mieux.
Benoît Hamon propose de travailler à la construction d'une coalition des gauches européennes. C'est une proposition importante, nécessaire, mais terriblement insuffisante. Il est absolument nécessaire de s'employer à substituer à la coalition de fait entre social-démocrates et conservateurs (ex- démocrates chrétiens) une alternative rassemblant la gauche radicale dans sa diversité, les écologistes et les membres du PSE. Mais si tant est que les social-démocrates engagent réellement ce débat sur un changement de stratégie – en l'état cela prendra très longtemps avant qu'il ne s'ouvre et soit tranché –, le temps que cette nouvelle coalition soit majoritaire au Parlement européen et également parmi les gouvernements européens, l'Union européenne aura eu le temps de se suicider à plusieurs reprises à coup d'austérité et d'ordo-libéralisme.
La proposition d'Arnaud Montebourg est à la fois plus réaliste, plus potentiellement efficace, et donc plus à gauche au bout du compte. La France doit assumer la confrontation avec les conservateurs allemands et leurs alliés en Europe sur un certain nombre de questions majeures comme la suspension de la directive « travailleurs détachés » ou la réfutation pratique des principaux points du pacte de stabilité. C'est en assumant cette confrontation, en provocant le rapport de force que d'autres États membres sortiront de l'attentisme et de la soumission dans laquelle l'abdication de François Hollande les avait figés – l'Espagne, la Belgique, le Portugal, l'Italie, la Grèce, potentiellement aussi l'Irlande (pour laquelle l'eurogroupe avait contraint les partis au pouvoir à renier tous leurs engagements avec des conséquences politiques désastreuses pour eux).
Assumer le rapport de force permettrait aussi d'accélérer le nécessaire débat dans la social-démocratie européenne pour s'engager vers la constitution d'une coalition des gauches européennes qui viendrait ainsi renforcer en dynamique l'offensive française pour la réorientation de la construction européenne. Sur l'Europe, Arnaud Montebourg – comme Marie-Noëlle Lienemann – est le seul à avoir la tête sur les épaules.
Rompre avec l'austérité, relancer l'économie
Voilà quatre ans qu'avec Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann et Jérôme Guedj, nous dénonçons les effets pervers d'une politique de rigueur budgétaire découlant directement des principes austéritaires inscrits dans les traités européens et une politique de l'offre libérale indifférenciée, donc peu efficiente. Sans compter la politique fiscale erratique et illisible qui les a accompagnées.
Personne n'ira expliquer ici ou ailleurs, qu'il est pertinent de présenter en permanence des budgets en déficit, mais force est de constater que la politique de réduction des dépenses publiques à marche forcée initiée depuis la fin du mandat de Nicolas Sarkozy a produit des effets ambivalents du point de vue des objectifs attendus avec de graves conséquences sociales : la dette a continué à exploser ; les déficits publics commencent tout juste à se réduire mais au prix d'un effondrement de l'investissement public et des carnets de commandes des PME ; la France, comme la zone euro, est aujourd'hui dans une situation de quasi-déflation ; les recettes fiscales de l’État ont au mieux stagné ; le chômage a continué de progresser durant tout le quinquennat et ne baisse depuis un trimestre que par le recours aux CDD très courts, aux stages et aux formations, en réalité le chômage toutes catégories confondues à continuer de progresser ; la pauvreté s'est accrue comme jamais depuis des décennies.
La politique économique et budgétaire menée par les gouvernements de François Hollande a entretenu l'atonie de l'activité ; les entreprises n'ont pas réinvesti les milliards d'euros qui leur ont été offerts dans l'économie, faute de conditionnalité du CICE et du pacte de responsabilité, formes renouvelées de la TVA sociale. En terme de politique de l'offre, ce qui aurait pu être tenté – comme des nationalisations partielles temporaires afin de préserver des secteurs industriels stratégiques (ex. Florange) – a été écarté ou est resté en deçà des besoins (soutien à la modernisation de l'outil de production). La politique de baisse du coût travail pour retrouver de la compétitivité a été un échec cuisant, alors que rien de sérieux n'a été engagé pour développer des politiques de compétitivité hors coût (recherche-développement, innovation, modernisation).
Prenant acte de l’échec du laissez-faire pour sortir de la crise, Arnaud Montebourg souhaite renouer avec le volontarisme économique, et propose – comme l'avait fait Marie-Noëlle Lienemann – un plan de redémarrage de économique par l’investissement dans les transformations écologique et numérique d’un montant de 20 milliards d’euros en trois ans.
[la totalité du programme économique chiffré d'Arnaud Montebourg est disponible en pièce jointe PDF en fin d'article]
Cet effort d’investissement suit les recommandations pressantes de deux organisations internationales que personne ne peut suspecter de « surmoi marxiste », le FMI et l’OCDE qui demandent aux États membres de la zone Euro de reprendre les dépenses publiques notamment dans les investissements et les infrastructures afin de relancer la croissance mondiale. Une étude du FMI publiée en 2014 montre ainsi qu’une politique de grands travaux menée aujourd’hui bénéficierait de conditions « anormalement favorables » en raison des taux d’intérêts quasiment nuls. Cette étude montre que 1 % de PIB investi conduit à trois points de croissance supplémentaire au bout de 4 ans. C’est un effet vertueux qui permet un remboursement rapide de la dette contractée. Cinq pays du G8 ont annoncé des plans de relance budgétaire. Dix pays du G20. Aucun pays de la zone Euro n’a engagé un processus de relance budgétaire rejoignant ce mouvement international salutaire destiné à sortir de la crise. La France serait, si Arnaud Montebourg était élu président de la République, le premier de la zone euro à s'engager sur cette voie nécessaire, qui répond également à la nécessité de construire le rapport de force pour la réorientation de la construction européenne, dont j'ai longuement parlé plus haut.
Ce plan d’investissement développera les emplois non délocalisables, car il bénéficiera aux PME et à l’économie locale, suivant en cela le plan des mille projets de la Fédération Nationale des Travaux Publics, actuellement dormant dans les cartons des collectivités locales, faute de financements.
Il faut donc parfaitement assumer la nécessité d'accroître la dépense publique en terme d'investissements productifs, d’autant que les conditions de financement de l’État n’ont jamais été aussi favorables. Son impact sur l’économie, calculé par les économistes qui m’entourent, est très positif, tant sur la croissance, que sur la dette et le chômage, donc in fine permettra de susciter un retour des recettes de l’État et remettre en dynamique les comptes publics.
Ce plan d’investissement sera écologique en assumant l’objectif d’une économie décarbonée et circulaire : développement des circuits courts, des transports en communs comme alternative sérieuse au transport individuel, transition vers la voiture électrique et la voiture consommant 2 litres aux 100 km, investissements publics-privés dans les batteries et le stockage, dans les technologies de recyclage ; c'était l'un des points forts du projet de Marie-Noëlle Lienemann pour engager la transition écologique. A ce plan d’investissement public s’ajoutera un programme de rénovation thermique des bâtiments à hauteur de 100 milliards d’euros en cinq ans, assuré par des financements publics et privés, pour permettre des logements consommant moins d’énergie, selon les plans de Nicolas Hulot.
Enfin, ce plan d’investissement sera aussi numérique, afin de connecter au plus vite les villages ruraux et de réduire la fracture technologique.
Au demeurant ce qui explique le redressement « spectaculaire » de l'économie allemande intervenu après 2009 sont des mesures visant à soutenir l'activité et le pouvoir d'achat (soutien au chômage partiel, relance par l'investissement) et non les mesures Hartz IV anti-chômeurs décidées sous Gerhardt Schröder. Celui-ci est intervenu après le plan de relance ciblé décidé suite à la crise financière de 2008 par Angela Merkel, complété plus tard par la création d'un salaire minimum allemand exigé par le SPD. Sans s'aligner sur la politique de la Chancelière conservatrice, on pourrait tout de même tirer quelques enseignements de la réalité économique plutôt que célébrer aveuglèment la mythologie schrödèrienne comme le fit François Hollande en 2013 au 150ème congrès du SPD.
Compléter la relance de l'investissement par la relance du pouvoir d'achat
On a vu que la politique de l'offre a échoué en France, comme elle avait échoué ailleurs. Aujourd’hui, c’est bel et bien la demande qui crée l’emploi et non l’inverse, comme le supposent à tort les initiateurs du Pacte de responsabilité. Aujourd'hui c'est bel et bien un problème de demande, de consommation populaire, de remplissage des carnets de commandes que nous devons résoudre.
Venir en aide aux plus modestes, victimes d’une conjoncture défavorable, et soutenir la demande pour regarnir le carnet de commandes des entreprises procède donc d’une même démarche. Car ce dont ont besoin nos entreprises ce sont des carnets de commandes pleins, donc une relance de la consommation (la droite prétend la créer – à une moindre ampleur – par la demande des plus aisés avec une baisse généralisée de l’impôt sur le revenu ; on a vu ce qu'il en est de la théorie du ruissellement, elle n'apporte rien à l'économie, quand soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes se traduit immédiatement par une hausse la consommation de biens majoritairement produits en France).
Une société du travail doit être organisée autour de la juste rétribution du travail. Sur ce point également, le laissez-faire a conduit, à côté de l’explosion des hautes rémunérations, à la stagnation du salaire médian, c’est-à-dire des revenus du « Français moyen ». Cette situation ne peut plus durer, parce qu’elle est non seulement injuste, mais aussi inefficace pour l’économie dans son ensemble. Pendant que les salaires stagnaient, les budgets publics soutenant le pouvoir d’achat diminuaient, et les impôts sur les classes moyennes et populaires, augmentaient. Le pouvoir d’achat a donc reculé de 350 euros en moyenne par ménage depuis 2010.
La politique économique que soumet Arnaud Montebourg au peuple de gauche sera concentrée sur la reprise des gains de pouvoir d’achat, en particulier pour les classes moyennes et populaires, très marquées par des années d’austérité et de stagnation salariale.
Les gouvernement Hollande ont fait le « choix des entreprises » avec le CICE, avec les résultats qu'on connaît, il est temps de rendre du pouvoir d'achat aux classes moyennes et populaires. Arnaud Montebourg propose donc remodeler le pacte de responsabilité afin de rendre 10 milliards d’euros en réduction d’impôts aux ménages sur les 40 milliards alloués aux entreprises. Le CICE devra être également mieux ciblé afin de favoriser les secteurs créateurs d’emplois ; lorsqu'il était ministre du redressement productif, Montebourg avait demandé que le dispositif soit orienté, ciblé vers les secteurs réellement soumis à la concurrence internationale, il avait à l'époque perdu les arbitrages face au Président de la République et à Pierre Moscovici. Il faut espérer que s'il est élu, il mettra donc en œuvre ce qu'il avait plaidé vainement en 2012.
Longtemps promise par la gauche, la réforme fiscale a en effet souvent été réduite à des « mesurettes » techniques qui ont d'abord alourdi la charge fiscale des classes moyennes puis sapé la progressivité de l'impôt sur le revenu (et donc d'une certaine manière atteint son acceptation sociale et in fine sa légitimité). La question fiscale est donc devant nous ; Montebourg propose d'utiliser les 10 milliards d’euros du CICE réformé pour rendre la CSG progressive pour les catégories dont les revenus sont les plus faibles. Concrètement, tous ceux qui gagnent moins de 2000€ brut par mois auront un gain de pouvoir d’achat : 400€ par an pour ceux qui gagnent 1700€ ; 1200€ par an pour ceux qui gagnent le SMIC. Cette réforme fiscale douce, portée par l’économiste et député Pierre-Alain Muet, formera la base d’une imposition plus juste. Pour les salariés au SMIC cela représente un 13ème mois par la baisse de CSG. Rendue progressive la CSG – Pierre-Alain Muet a tiré les enseignements de la censure du conseil constitutionnel suite à l'adoption de l'amendement Ayraut/Muet à la loi de finances pour 2016, la mesure proposée ne devrait plus être censurable – pourra alors plus tard être fusionnée avec un impôt sur le revenu désormais prélevé à la source. C'est une étape donc vers ce grand impôt citoyen progressif que nous appelions de nos vœux avec Marie-Noëlle Lienemann. Ces réformes ne nous exonèrent pas à terme d'un travail sur le barème et les tranches d'imposition, mais il paraît raisonnable que le quinquennat 2017-2022 offre un peu de stabilité fiscale aux Français et aux entreprises.
Arnaud Montebourg reprend enfin une idée que Michel Rocard a popularisée il y a quelques années, consistant à indexer les salaires dans chaque entreprise sur les gains de productivité effectivement réalisés grâce aux efforts de la communauté des salariés.
Arnaud Montebourg se présente donc avec sincérité comme le candidat de la feuille de paie, le candidat de la feuille de soin et de la quittance de loyer, autre axe de campagne précédemment développé par Marie-Noëlle Lienemann. Il suffit pour cela de regarder ses propositions pour le logement et l'assurance-maladie.
* * *
Ces questions me paraissent prioritaires au regard de toutes les autres. Elle sont à la fois stratégiques et suffisamment concrètes au regard de la vie quotidienne et des priorités de nos concitoyens (emploi, rémunération, santé...) pour prévaloir sur d'autres considérations et assurer les fondements d'une discussion indispensable sur un programme commun de la gauche et des écologistes : dès le 30 janvier 2017, s'il était désigné par les électeurs de la primaire de gauche, Arnaud Montebourg s'est engagé à travailler avec les écologistes, les communistes et Jean-Luc Mélenchon pour résoudre l'impasse politique qui menace toute la gauche. Emmanuel Macron est sorti – depuis longtemps – du champ de la gauche, et il paraîtrait invraisemblable de rouvrir des fractures que ce dernier a largement contribuer à élargir tout au long du quinquennat aux côtés de François Hollande et de Manuel Valls.
Pour ceux de nos concitoyens qui espèrent encore qu'une politique conséquente, cohérente et ambitieuse de gauche soit mise en œuvre, ce qui suppose d'accéder au pouvoir, on voit bien que l'enjeu de la primaire est déterminant. Tous ceux qui ont été déçus par les reniements de François Hollande, choqués par la brutalité et la rhétorique identitaire de Manuel Valls, mais aussi tous ceux qui - comme de nombreux socialistes rassemblés autour d'Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann et Jérôme Guedj - ont dénoncé dès l'origine les errements puis les trahisons du quinquennat Hollande en matières économique, sociale et européenne ont intérêt à se mobiliser les 22 et 29 janvier prochains. C'est là à gauche que la clarification politique se fera ; nous avons l'occasion de clore une fois pour toute la parenthèse libérale insensée imposée par François Hollande, Manuel Valls et Emmanuel Macron (alors même que son échec avait été consommé bien avant en Grande-Bretagne et en Allemagne).
Quelle que soit l'issue de la présidentielle, tous ceux qui souhaitent que la gauche gouverne pour transformer le pays ont intérêt à venir voter Arnaud Montebourg les 22 et 29 janvier pour remettre le Parti Socialiste au cœur de la gauche (non pas pour qu'il y soit hégémonique mais pour qu'il offre ce qu'il reste de sa force à la gauche), permettre un gouvernement de la gauche unie qui applique un programme cohérent ou en cas de défaite permettre une recomposition offensive de la gauche qui ouvre des perspectives pour l'avenir. Une désignation de Manuel Valls serait l'assurance d'une défaite de la gauche dès avril prochain et d'une fracture durable en son sein, car elle donnerait les clefs du PS de manière artificielle aux libéraux exacerbant la rupture avec les écologistes et la gauche radicale.
Frédéric FARAVEL
membre du conseil national du Parti Socialiste
membre du bureau fédéral du PS Val-d'Oise