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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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10 septembre 2019 2 10 /09 /septembre /2019 17:00

En avril 2019, Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, osait affirmer sur le plateau de Public Sénat que la grève dans les urgences de plusieurs hôpitaux parisiens n’était pas due aux conditions de travail ! Cinq mois et 249 sites en grève à travers tout le pays plus tard, les problèmes d’agressions et d’insécurité, d’abord mis en avant par la ministre, ont été relégués au second plan. Pour répondre à l’augmentation continue du nombre de patients, multiplié par deux en 20 ans, et supérieur à 21 millions en 2017, Mme Buzyn a annoncé hier rien de moins que ce qu'elle baptise un « pacte de refondation » (mazette !).

Or il y a loin de la coupe aux lèvres ! Et surtout les annonces du lundi 9 septembre – sans être inutiles – tombent parfaitement à côté des principaux enjeux auxquels sont confrontés personnels et patients des urgences hospitalières.

En effet, les 754 millions d'euros et les douze mesures du « plan » seront en réalité étalé sur 3 ans (2019-2022), dont 150 M€ pour l’année 2020. Elles viennent compléter les premières mesures prises avant l’été pour un montant de 70 M€ (dont 50 M€ sont destinés à financer une prime de risque mensuelle de 100 euros net pour les paramédicaux des urgences, et que toucheront désormais également les assistants de régulation médicale). Les moyens supplémentaires annoncés lundi devraient concerner à hauteur de 630 M€ « des renforts, en ville comme à l’hôpital, de médecins et soignants », MAIS sans aucune traduction précise en termes d’effectifs.

Or ces crédits supplémentaires seraient dégagés en économisant sur d’autres postes, de manière à ne pas toucher à l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam), l’enveloppe fermée qui contraint les dépenses de santé. Ainsi Christophe Prudhomme, membre de la CGT et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) déplore : « Si certaines mesures méritent discussions, il s’agit de redéploiement budgétaire, ce qui est contradictoire avec les annonces ». Les personnels réclament en effet légitimement un Ondam à 5 %, soit 4 milliards d’euros supplémentaires dans le budget de la santé. L'une des principales questions posées par les annonces de Mme Buzyn est de savoir d’où vont venir ces financements. Car si c’est pour déshabiller un autre service, cela revient à transférer le problème. Car Les urgences, c’est le haut de l’iceberg, mais tout l’hôpital est très malade…

Autre mesure clinquante mais en réalité imprécise, si ce n'est évanescente : la création annoncée d'ici à l'été 2020 d'un service d’accès aux soins (SAS). Objectif théorique de ce « service distant universel », accessible par téléphone ou par Internet : « Répondre à toute heure à la demande de soins des Français » et obtenir 24h/24 un conseil médical et paramédical, de prendre rendez-vous pour une consultation avec un médecin généraliste dans les vingt-quatre heures, de procéder à une téléconsultation, d’être orienté vers un service d’urgences ou de recevoir une ambulance. Si le coût du dispositif est déjà connu (340 M€ sur 3 ans), ses modalités ne seront précisées qu’en novembre (aura-t-on un numéro unique ou une cohabitation avec le 15 ?). Autre interrogation : combien faudra-t-il de médecins libéraux pour faire fonctionner un tel système ? Où les trouvera-t-on ?

La ministre a commencé la réunion avec les professionnels en expliquant que le vrai problème, c’était le manque de médecins traitants. Or, dans toutes ces propositions, elle ne fait rien pour enrayer la désertification. Ainsi le SAS ne résoudrait donc pas le problème, car si on manque de médecins libéraux, on ne fera que le déplacer.

En réalité, une partie des annonces reprennent des dispositifs déjà programmés. Cinquante maisons médicales de garde accueillant des médecins libéraux seront ainsi financées d’ici à la fin de l’année « à proximité directe » de tous les services d’urgences totalisant plus de 50.000 passages par an. Il s'agit pour le ministère de développer une offre de soins libérale présentant les mêmes attraits que les urgences. D’ici à la fin de l’année, tous les médecins de garde devraient donc disposer de terminaux permettant de pratiquer le tiers payant sur la part Sécu.

Le plan présenté hier prévoit par ailleurs de « lutter plus efficacement contre les dérives de l’intérim médical », en obligeant notamment les médecins intérimaires à fournir lors du recrutement une attestation sur l’honneur certifiant qu’ils ne contreviennent pas aux règles sur le cumul d’emplois publics. Autre volet du plan : les hôpitaux devront contractualiser avec les Ehpad afin de mettre en place des filières d’accès direct des personnes âgées, afin de ne pas faire des urgences la porte d’entrée – souvent éprouvante – de l’hôpital. Les établissements devront par ailleurs tous optimiser la gestion de leurs lits d’hospitalisation, par le biais de l’embauche de gestionnaires de lits et la mise en place de logiciels de prédiction des besoins.

Pour ne pas pénaliser les hôpitaux qui enregistreraient une baisse des passages aux urgences, notamment du fait d’une meilleure prise en charge par la médecine de ville, le financement des urgences sera revu, par l’intermédiaire du versement d’une « dotation populationnelle ». Autrement dit, les services d’urgences ne seront plus financés exclusivement à l’activité mais recevront une « enveloppe forfaitaire » dépendant de l’importance de la population couverte et de ses caractéristiques socio-économiques, ainsi que de la « densité médicale libérale dans leur territoire ».

On touche donc là aux véritables angles morts du « plan » de la ministre de la santé : elle retombe dans une démarche purement gestionnaire défendant au passage un « repositionnement » plutôt qu'une réelle « refondation » qui supposerait une remise en cause des logiques prévalant depuis le quinquennat Sarkozy et la loi Bachelot.

En effet, la tarification à l'activité n'est pas remise en cause mais seulement aménagée, à la manière d'une rustine sur une jambe de bois, et encore, cela n'est obtenu qu'après plusieurs plusieurs de grave crise sociale et de mobilisation inédite (arrêts de travail effectifs, arrêts maladie massifs, etc.) dans les urgences hospitalières.

Mais surtout, la ministre est passée à côté des revendications fondées sur l'expertise des professionnels médicaux et paramédicaux des urgences : un moratoire sur la fermeture des lits en aval et 10.000 postes en plus.

Sur le premier point, la ministre semble favorable à un moratoire, mais pas sur une ouverture de lits dans les services. Or chacun peut comprendre que c'est cette question des lits d'aval qui représente un des nœuds essentiels du dossier : si vous ne sortez pas – notamment les personnes âgées qui arrivent plus encore que d'autres publics par défaut aux urgence – les patients vers des hospitalisations adaptées, les services de médecine d'urgence continueront d'être embolysés. Le moratoire sur la fermeture des lits éviterait une dégradation supplémentaire et continue, mais sans ouverture de lits supplémentaires le phénomène d'engorgement perdurera.

Ce plan oublie enfin l’essentiel, à savoir des effectifs supplémentaires aux urgences, mais aussi ailleurs. Car ouvrir un lit, cela veut dire embaucher ; s’il n’y a pas de médecins, d’infirmières, d’aides-soignantes en plus dans les Ehpad, par exemple, les personnes âgées continueront d’aller aux urgences. Et dans six mois, on aura à faire face aux mêmes problèmes, surtout avec la grippe… Pour mémoire, la CGT demande aussi 40.000 postes pour les Ehpad.

Enfin la ministre a éludé la question des rémunérations alors que le collectif inter urgences estime nécessaire une augmentation de 300 euros mensuels. Il faut le marteler : une augmentation salariale reste une condition sine qua non, notamment pour rendre plus attractifs des métiers qui peinent à recruter. Les services subissent de ce fait un important turn-over. Au niveau de l’OCDE, la France est au 27e rang pour le salaire des infirmières. En Allemagne ou en Espagne, elles sont bien mieux payées. Du coup, on trouve de moins en moins d’infirmières dans les zones frontalières…

Malgré les impasses sur une véritable refondation, il y a évidemment des propositions intéressantes dans les annonces d'hier, mais même celles-ci vont prendre des mois, voire des années avant qu’on puisse voir un changement. C’est normal que cela prenne du temps, mais ce qui est dramatique c’est de ne pas répondre aux besoins immédiats, alors que des patients décèdent sur des brancards et que des soignants se suicident…
Pour de nombreux professionnels, la ministre n’est plus dans le déni, mais dans le mépris.

Frédéric Faravel

Pour de nombreux professionnels des Urgences hospitalières, avec l'annonce de son plan, Agnès Buzyn n’est plus dans le déni, mais dans le mépris.

Pour de nombreux professionnels des Urgences hospitalières, avec l'annonce de son plan, Agnès Buzyn n’est plus dans le déni, mais dans le mépris.

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