L'intervention d’Édouard Philippe n'aura finalement surpris personne hier midi. Les pires craintes qui pouvaient s'exprimer avant son allocution devant le CESE ont été confirmées, nous donnant raison sur les principaux arguments qui avaient motivé notre opposition au projet de réforme et le début d'un puissant mouvement social.
UNANIMITÉ SYNDICALE CONTRE LE PROJET
Le Premier ministre aura réussi le tour de force à réunir l'unanimité des confédérations syndicales contre le projet annoncé hier, alors qu'il espérait trouver un point d'appui sur ce qu'il appelle les syndicats « réformistes » (CFDT, CFTC, UNSA).
L'exécutif – il est évidemment impossible de distinguer Emmanuel Macron et Édouard Philippe dans les arbitrages et la méthode –, après avoir fait preuve de mépris pour les fonctionnaires et les enseignants, aura démontré à nouveau le peu de cas qu'il fait des partenaires sociaux et du dialogue social. Souhaitant créer un effet de surprise, il a tenu volontairement à l'écart tous les syndicats, y compris ceux sur qui il comptait, pour ne pas avoir à les prévenir de décisions qu'ils désapprouvaient.
Peu importe désormais que le gouvernement promette que la valeur du point serait déterminé à l'avenir par les partenaires sociaux, la CFDT elle-même reconnaît que c'est un piège, se souvenant des injonctions contradictoires de la lettre de cadrage sur l'assurance chômage pour permettre à Bercy de reprendre la main en fin de processus.
LA TRIPLE PEINE POUR LES SALARIÉ.E.S
Le projet Macron-Philippe-Delevoye propose donc la compilation des pires mesures défavorables :
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l'âge d'équilibre à 64 ans est un report de fait de l'âge légal de départ à la retraite (c'est le principal reproche émis par la CFDT). On mesure les dégâts d'une telle mesure quand l'espérance de vie en bonne santé (à la naissance) est de 64,9 ans pour les femmes et de 62,5 ans pour les hommes, et que le taux d'emploi des 55-64 ans est aujourd'hui de 52% (ce qui laisse envisager une dégradation supplémentaire du niveau de pension) ;
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la retraite par points est confirmée, ce dont personne ne doutait plus. Comme la CGT, FO, la FSU, Solidaires ou la CFE-CGC (pourtant pas forcément hostile en soi au principe), nous avons pointé les effets nocifs d'un tel système : l'avantage du point est qu'il peut être baissé ce qui ne donne aucune garantie de revenus à l'avenir ; le passage au régime universel conduira nécessairement à une baisse des pensions puisque le calcul se fera sur l'ensemble de la carrière (y compris les plus mauvaises années) et non plus les 25 meilleures années pour les salarié.e.s du privé et les 6 derniers mois pour les fonctionnaires ;
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l'inégalité entre générations devient un principe de la réforme. Alors que le gouvernement avait annoncé que la solidarité intergénérationnelle serait une des lignes directrices de son action, il tente désormais de diviser les salarié.e.s en annonçant que le nouveau système ne s'appliquerait qu'à celles et ceux nées à partir de 1975. Les agents de la SNCF et de la RATP mobilisés ont immédiatement annoncé qu'ils ne se laisseraient pas prendre à cette tentative de division et démobilisation. Nous sommes convaincus que ce sera identique dans les autres professions.
RENFORCER LA MOBILISATION POUR LE RETRAIT
Le Président Macron et le gouvernement ont donc choisi la voie de l'affrontement. Nous sommes plus que jamais convaincus que le projet soumis est fondé sur des contre-vérités (le déficit qui le justifierait est artificiellement construit ; il est idéologique et découle d'une volonté en soi de toujours réduire la sphère de la puissance publique), nocif pour les salarié.e.s du privé comme du public (il peut d'ailleurs être interprété comme un prélude au démantèlement espéré par les Libéraux du statut de la fonction publique) et qu'il ne vise qu'à renforcer le poids des assurances privées et de la capitalisation, malgré le discours lénifiant sur la sauvegarde de la répartition.
Nous avons déjà expliqué que des solutions multiples existaient pour pérenniser dans la durée notre système de retraites solidaires par répartition ; le gouvernement ne les a même pas examinées. Aujourd'hui la mobilisation doit être totale pour obtenir le Retrait du projet.
Frédéric Faravel
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