Et si on respectait nos statuts autant dans leur esprit qu'à la lettre…
Après le lancement par Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire par intérim du PS, désigné le 15 avril dernier par le conseil national, la fédération du Val-d'Oise du Parti Socialiste a choisi d'approfondir trois thématiques pour contribuer à cette démarche :
1 - Comment faire progresser notre Europe ?
2 - Comment faire progresser notre démocratie ?
3 - Comment faire progresser notre Parti socialiste ?
D'autres thématiques avaient été évoquées par plusieurs camarades du comité de pilotage, avec la volonté d'aborder les questions économiques et sociales qui sont fortement discutées aujourd'hui au regard de la politique conduite par le gouvernement. Mais cette thématique n'est pas spécifiquement désignée dans la liste définie par le Secrétariat national. Pourtant, alors qu'elle n'est pas non plus présente dans la liste des thématiques abordées par les états généraux, la fédération abordera la question du fonctionnement du PS, avec un questionnaire militant, et l'espoir de recueillir plusieurs contributions sur le sujet. On notera qu'on peut donc adapter la liste des thématiques des états généraux en fonction des circonstances, mais faisons fi du mauvais esprit et contribuons sur ce sujet nécessaire, puisqu'il parle de la manière dont nous vivons ensemble dans notre organisation politique.
Alors que les statuts du Parti Socialiste impliquent de convoquer un congrès pour la fin de l'année 2014, ce dernier a choisi de repousser l'échéance sine diepour réunir des «états généraux», qui doivent selon lui «reformuler l'identité socialiste». Programme ambitieux s'il en est !
On peut s'étonner d'une telle feuille de route quand la déclaration de principes du PS a été réécrite et adoptée en 2008 ; la fédération du Val-d'Oise du Parti Socialiste s'était d'ailleurs largement impliquée dans le processus, en défendant dans les amendements qu'elle avait adoptés le souhait de conserver la référence à l'aspiration révolutionnaire des socialistes, qui y donneraient la traduction au travers de leur action réformiste (l'amendement avait été voté à l'unanimité par la convention fédérale présidée à l'époque par Dominique Lefebvre). Il ne s'agissait pas ici de sauvegarder une «vache sacrée», parallèle aux vieilles lunes du putsch révolutionnaire à la sauce bolchévique, mais de considérer que les grands principes de la Révolution Français, transcrits dans la devise de la République «Liberté, Égalité, Fraternité», conservaient leur portée révolutionnaire au sens plein du terme, c'est-à-dire dans la perspective de la transformation de la société, et que n'ayant toujours pas été réalisés dans les faits, ils avaient vocation à être encore et toujours revendiqués par le PS pour ce qu'ils représentaient.
Depuis avril dernier, le rôle du PS se limite à publier des communiqués dépités et sans effets, après chaque nouveau ballon d'essai libéral lancé par un ministre des gouvernements Valls (seuils sociaux, 35 heures, contrôle des chômeurs, à chaque fois derrière le paravent du dialogue social, alors que les confédérations syndicales n'ont rien demandé et se retrouvent ainsi mises sur la défensives face au patronat).
Si Jean-Christophe Cambadélis et le Parti avec lui prétenden résoudre la crise idéologique et culturelle qui étreint toute la gauche européenne, et au-delà, depuis 20 à 30 ans, en 3 mois d'états généraux du PS, ce serait faire preuve d'une naïveté confondante ; ou bien ce serait signer que les états généraux sont bien une stratégie occupationnelle de diversion.
Les militants socialistes doivent pouvoir reprendre la parole et s'exprimer sur les politiques conduites par le gouvernement qui s'éloignent chaque jour un peu plus des valeurs et des principes du socialisme démocratique.Ils doivent pouvoir le faire sans restriction et sans que l'on ne limite leur avis à quelques thèmes choisis pour détourner l'attention. En effet, les questions économiques et sociales, qui sont pourtant au cœur des divergences entre socialistes tant dans le Parti qu'au Parlement, sont volontairement écartées des sujets soumis aux militants dans le cadre des états généraux.
C'est donc un Congrès du Parti Socialiste que nous exigeons désormais de voir convoquer dans les plus brefs délais, dans le respect de ses statuts et de son fonctionnement démocratique !
En effet, comme nous l'avons déjà expliqué plus haut, les statuts du PS disposent clairement que « Le congrès national se réunit dans les six mois suivant les élections présidentielle et législatives. Il se réunit également à mi-mandat. » (Article 3.2.1 - Périodicité du congrès national) ; ainsi après avoir été convoqué régulièrement pour le mois d'octobre 2012, le congrès aurait donc dû être convoqué à nouveau deux ans plus tard en octobre-novembre 2014. C'était l'une des obligations de notre premier secrétaire par intérim qui aurait donc gagné en cohérence à faire de sa préparation la priorité de son début de « mandat ».
Accessoirement cette modification des statuts du PS, effectuée en 2012, lui permettait d'être compatible avec l'introduction des primaires citoyennes pour la désignation du candidat socialiste à l'élection présidentielle. Nous y reviendrons plus bas.
Opportunément, l'organisation des états généraux fournit ici un prétexte pour repousser la date du congrès sine die, une commission d'organisation du congrès est annoncée depuis plusieurs mois et devrait être constituée à l'occasion du Conseil National du dimanche 12 octobre. Là aussi, précisons le la commission d'organisation du congrès est régie par des règles précises : « Commissions de préparation du congrès - Une commission nationale de préparation du congrès est mise en place par le Conseil national. Une commission fédérale de préparation du congrès est mise en place dans chaque fédération. La composition des commissions de préparation du congrès est fixée par le règlement intérieur. La commission nationale de préparation du congrès a pour objet, sous le contrôle du Bureau national, de veiller au bon fonctionnement matériel des opérations et à l’égalité de traitement et d’accès aux facilités administratives entre toutes les contributions. » (Article 3.2.3 des statuts) ; l'article du règlement intérieur qui est signalé ci-dessus est le suivant : « Article 3.2.3 - Commissions de préparation du congrès - La Commission nationale de préparation du congrès a pour objet, sous le contrôle du Bureau national, de veiller au bon fonctionnement matériel des opérations et à l’égalité de traitement et d’accès aux facilités administratives entre toutes les contributions. Elle est mise en place par le Conseil national qui convoque le congrès, elle comprend le Premier secrétaire du parti, les Secrétaires nationaux concernés, désignés par le Bureau national et deux représentants par motion déposée au congrès précédent. »
Il conviendra donc de vérifier si cette fameuse et promise commission d'organisation du congrès respectera nos règles communes.
La date de notre congrès est, elle, soumise à de nombreux aléas depuis l'annonce des états généraux. Désormais, avec le changement de calendrier des élections départementales et régionales, elle est devenue incertaine et d'aucun – parmi les responsables nationaux du Parti, Luc Carvounas, sénateur et secrétaire national en charge des relations extérieures, proche du Premier Ministre – explique qu'un congrès en 2015 impliquerait une grave cacophonie. Ce type d'argument est reproductible à l'infini et l'on attend le moment où nous expliquera que la proximité de l'élection présidentielle n'est plus compatible avec la tenue d'un congrès. Or, tant du point de vue statutaire, donc juridique et administratif, il n'est pas acceptable que le congrès soit repoussé indéfiniment et que sa direction actuel soit prolongée sans vérifier que sa légitimité politique est valide.
Rien n'empêche aujourd'hui le Premier secrétaire de convoquer au printemps 2015 donc avec à peine plus de 6 mois de retard le prochain congrès du PS : le conseil national peut parfaitement sur sa proposition voter avant ou au lendemain des élections départementales la convocation d'un congrès qui se tiendrait au tout début de l'été, avec un vote des militants fin juin avant la fin de la période scolaire et un congrès national lors du premier week-end des vacances d'été.
Il est vrai que jusqu'ici les dirigeants du Parti Socialiste se sont arrangés avec la lettre des statuts du PS, comme l'ont démontré les récentes déclarations croisées du Premier secrétaire par intérim et de son secrétaire national aux relations extérieures : ce dernier indiquait qu'effectivement les primaires citoyennes étaient inscrites dans les statuts du PS depuis octobre 2012, mais qu'il n'y avait pas lieu d'en organiser puisqu'il n'y avait pas de candidats. Il est vrai qu'à deux ans de l'élection présidentielle, peu de candidats ont pensé à se déclarer. Ce qui est plus étonnant c'est que le Premier secrétaire par intérim a indiqué sur les radios qu'il n'y avait pas d'obligation à organiser des primaires citoyennes, car les statuts du PS ne seraient qu'indicatifs !?! On croit rêver. Les statuts du Parti ne sont donc rédigés que de manière indicatives et si c'est le cas il n'y aurait donc pas lieu de les appliquer quel que soit l'article !?! C'est sans doute ce que pourront répondre désormais aux responsables du parti, tous les élus socialistes qui sont en délicatesse avec son fonctionnement : pas besoin de reverser les indemnités d'élus, pas non plus besoin d'une discipline de vote et donc les menaces d'exclusion, très souvent émises ces dernières semaines, ne sont donc elles-mêmes qu'indicatives…
Pourtant, dans toute association et organisation politique, les statuts sont la règle commune ; ils doivent être respectés et s'ils ne le sont pas par la direction, ses militants sont en droit d'en contester les décisions devant le tribunal administratif. Or, l'organisation des primaires est bel et bien inscrite dans nos statuts : «Article 5.3.1 - Principe des Primaires citoyennes - Le candidat à la présidence de la République est désigné au travers de primaires citoyennes ouvertes à l’ensemble des citoyens adhérant aux valeurs de la République et de la gauche et coorganisées par les formations politiques de gauche qui souhaitent y participer. Les candidats aux primaires doivent s’engager à soutenir publiquement le candidat désigné et à s’engager dans sa campagne. Au moins un an avant l’élection présidentielle, le Conseil national fixe le calendrier et les modalités d’organisation des Primaires.» Les statuts ne précisant pas si la situation est différente en présence d'un Président socialiste sortant, celui-ci doit donc s'y soumettre.
De fait, cette tendance à s'arranger avec les règles de notre parti (on l'a vu quand Harlem Désir a tenté de compter les absentions pour empêcher l'adoption des amendements au texte de la convention Europe de 2013) traduit une tentativede dévoiement du fonctionnement de notre parti : Jean-Christophe Cambadélis veut pousser à une nouvelle révision des statuts du Parti Socialiste. Celle-ci n'est par ailleurs pas autorisée hors d'un congrès ordinaire.
L'objectif du Premier secrétaire par intérim est implicitement de mettre à bas le système des motions et de thématiser les congrès du Parti : c'est un retour à la SFIO d'avant 1969 ! Sur quelles bases représenter la diversité de pensée du Parti Socialiste, si ce n'est la représentation proportionnelle fondée sur des textes de fond soumis au vote des militants ? Certains ont effectivement de plus en plus de mal à écrire des textes de fond, c'est leur problème ; notons que c'est aussi un problème de considérer que le Parti doit systématiquement être conduit par une majorité pléthorique dont le texte de référence n'a aucune structuration politique, comme c'était le cas de la motion 1 en 2012, et qui soumet ainsi le parti à n'être qu'un espace de gestion des prébendes de différents barons socialistes qu'ils représentent des territoires ou de très anciennes motions qui s'étaient confrontées au vote des militants pour la dernière fois en 1991.
Nous alertons les camarades pour rappeler que la suppression de la représentation proportionnelle des textes a été envisagée deux fois :
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-> lorsque la SFIO s'est transformée en Section Française de l'Internationale Communiste (qui deviendra le PCF) en décembre 1920 soumettant les militants aux 21 conditions de Zinoviev, la minorité préférant autour de Léon Blum «garder la vieille maison» en conservant la représentation proportionnelle en son sein ;
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-> aux lendemains de la Libération, en 1946, lorsque Léon Blum, Daniel Mayer et leurs amis – traumatisés par les débats entre tendances et surtout leur affrontement avec Paul Faure, le secrétaire général ultra-pacifiste qui finit par soutenir la Révolution Nationale – obtinrent sa suppression pour que la direction conserve l'intégralité du pouvoir dans le Parti. Mis en minorité dans le même congrès par les amis de Guy Mollet qui devint secrétaire général de la SFIO, ils furent systématiquement écartés de toutes les responsabilités. La SFIO passa les 23 années suivantes à exclure des militants minoritaires, à subir des scissions multiples, à perdre des adhérents et à fondre électoralement ! Ses erreurs politiques expliquent aussi ce chemin funeste, mais son incapacité interne à gérer ses débats et sa diversité ont accéléré l'enfermement et la dégringolade. La refondation du Parti Socialiste entre 1969 et 1974 s'est faite sur la correction de ces erreurs, en réintégrant différents clubs ou micro partis qui s'étaient éloignés de la SFIO (et qui étaient plus à gauche qu'elle) et en restaurant dès 1971 la représentation proportionnelle pour faire du nouveau PS un parti de rassemblement de tous les socialistes !
La représentation proportionnelle, affectée à un vote sur des textes d'orientation, doit donc être impérativement conservée. On ne comprendrait pas qu'au prétexte d'une «thématisation» des congrès, les responsables et dirigeants du parti soient choisis sur un mode incertain, à la tête du client ou en fonction de leur intégration dans une baronnie locale. Ce serait un retour en arrière terrible.
Des adaptations pourraient cependant être réalisées :
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-> l'inscription dans les statuts du parti que la désignation des candidats du PS pour les scrutins de liste respecte la proportionnelle des motions, ce qui est une pratique courante dans nombre de fédérations mais que conteste encore le secrétaire national aux élections, Christophe Borgel ;
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-> l'évolution des primaires citoyennes dans le sens du respect du vote militant lors de la consultation sur la rénovation organisée par Martine Aubry, lorsque celle-ci était Première secrétaire : en effet, les militants avaient voté pour deux modèles de primaires – le premier tel qu'elles ont été organisées à l'automne 2001, le second en y associant les autres partis de gauche. Les deux propositions avaient reçu la majorité des suffrages militants, mais c'est le deuxième modèle qui avait recueilli largement le plus grand nombre de votes. Il conviendrait donc que le PS modifie ses statuts pour y intégrer le principe de primaires citoyennes élargies à toute la gauche ;
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-> la question du rapport au pouvoir de notre parti ressurgit régulièrement. Il est d'autant plus marquant aujourd'hui que le Parti ne joue pas pleinement son rôle depuis deux ans et que la politique gouvernementale tourne le dos au projet adopté en juin-juillet 2011, aux engagements du projet présidentiel de François Hollande et … au texte de la motion majoritaire du congrès de Toulouse. Il convient donc d'adapter nos règles à cette innovation politique : lorsque les actes et les choix politiques d'un gouvernement PS contredit à ce point l'orientation adoptée au congrès précédent, il doit être impératif de convoquer de manière anticipée le congrès du parti pour que les militants se prononcent.
Notre parti a toujours été une organisation démocratique, foncièrement attachée au débat; nous ne pouvons plus entendre les appels au «débat dans le respect» quand ceux-ci visent uniquement à éteindre toute discussion ou délibération collective; nous ne pouvons plus entendre qu'il n'existe pas d'alternative à la politique menée lorsque le seul argument qui nous est opposé est celui de l'autorité institutionnelle et que chaque jour nous démontre l'inefficacité de la politique conduite et son injustice avérée. Si je reviens sur le cadre que certains tentent d'imposer au débat politique, c'est parce qu'il nourrit ce climat délétère chez les adhérents du Parti Socialiste, plusieurs agressions physiques ayant été récemment constatées dans certaines fédérations du parti.
Frédéric FARAVEL