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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

14 janvier 2013 1 14 /01 /janvier /2013 12:38

501972_des-combattants-du-groupe-islamiste-ansar-dine-a-kid.jpgLa France intervient militairement depuis vendredi 11 janvier 2013 après-midi, auprès de l'armée malienne, contre les groupuscules djihadistes qui ont pris le contrôle du nord-est du pays (en subjuguant les indépendantistes Touaregs) depuis près d'un an.

Je refuse toute position qui s'opposerait aux actions armées par principe, logique dans laquelle s'enferment fréquemment certaines organisations de gauche ou certains responsables politiques, dont je peux par ailleurs partager d'autres analyses.

En l'occurrence, l'intervention française au Mali était justifiée depuis longtemps et nécessaire au regard des exactions perpétrés par les islamistes radicaux contre les habitants de la région et contre son patrimoine historique et sa culture. Si d'aucuns souhaitaient encore s'interroger sur les motivations d'une telle intervention, il suffirait de rappeler trois éléments :

On peut cependant s'étonner de plusieurs éléments dans la stratégie française avant de regarder sur le moyen terme le cadre général de la résolution du conflit. Sur son blog, l'ancien ministre français de la défense, Paul Quilès, pose par ailleurs un certain nombre d'interrogations qu'il faut examiner ("A propos du Mali", 11 janvier 2013 et "Que va-t-il se passer au nord du Mali ?", 13 janvier 2013). L'interview croisée ce matin sur France Inter de Marc Trévidic et Jean-Pierre Filiu me paraît également de nature à éclairer le sujet (vous retrouverez à la fin de cette note les éléments de cet entretien).

Pourquoi ajouter aux deux principaux et évidents objectifs de guerre des éléments qui brouillent le message politique ? En effet, aussi importants que soient pour les citoyens français la sécurité des 6.000 ressortissants français et  le sort de nos otages au Sahel, il est évident qu'ils ne représentent aucunement des objectifs de guerre : les Français et Franco-maliens résidant dans la partie sud-ouest du Mali pouvaient parfaitement être évacués ; l'offensive militaire franco-malienne n'améliore en rien opérationnellement les capacités à hâter la libération des otages. Ces ajouts décalés dans la bouche du Président de la République dénotent une certaine fébrilité de l'exécutif français, qui paraît ne pas être assuré de son droit - alors qu'il ne devrait pas - et cherche des justifications annexes vis-à-vis de son opinion publique ou de certains "partenaires" géopolitiques.

Il serait souhaitable dans les circonstances présentes que nos dirigeants montrent plus de détermination et de convictions.

Pourquoi répéter les erreurs idéologiques de nos alliés américains ? En effet, François Hollande a également justifié l'intervention militaire française de "guerre contre le terrorisme", permanente et quasi-sacrée... C'est un discours qui a servi à justifier les interventions militaires américaine sous George W. Bush, qu'il serait utile de ne pas reprendre, car il est faux sur le fond, source de dérive et que ce combat contre un terrorisme mythifié ne peut être que perdu, comme il l'a été en Afghanistan, comme il est en passe de l'être au Pakistan et comme nous l'avons importé sans le résoudre en Irak.

Soyons clairs sur les adversaires auxquels la France et l'Afrique de l'Ouest sont confrontés. Bien qu'ils soient fortement armés et entraînés (on a laissé faire en partie en ne menant aucune opération de police ces dernières années contre les camps d'entraînement d'AQMI en Mauritanie et au Mali), peut-être renforcés par des éléments ayant fuit la chute du régime khaddafi, les combattants djihaddistes qui occupent le Mali ne sont rien de moins que des criminels (perpétrant assassinats et violences en tout genre contre la population) et des trafiquants (commerce illicite d'alcool - AQMI eux-mêmes - , de drogue et d'otages), qu'il ne s'agirait pas de grandir en les faisant rentrer dans une espèce de mythologie de l'ennemi terroriste désincarné. Nos adversaires actuels n'ont rien à voir avec des combattants indépendantistes Touaregs du Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA), qu'ils ont par ailleurs marginalisé.

Pourquoi être intervenu aussi tard ? Evidemment la communauté internationale a mis longtemps à prendre la mesure de ce qui se passait au nord du Mali, ne voyant pas que la victoire du MNLA contre l'armée malienne (on y reviendra) était suivie à brève échéance par la mise en place de l'équivalent de l'émirat taliban au milieu du Sahel, avec pour objectif général d'établir un Califat sur toute l'Afrique de l'Ouest.

Au demeurant, la résolution de l'ONU (citée plus haut) n'a fini par être adoptée que le 20 décembre 2012, après la visite de François Hollande en Algérie. Ce dernier Etat avait demandé qu'on privilégie la négociation avec une partie des djihaddistes, oubliant au passage que la principale force était composée par AQMI, héritière du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) lui-même issu des GIA qu'avait laissé échapper le pouvoir algérien. Il n'est pas improbable que l'Etat FLN ait joué dans cette partie de l'Afrique un rôle trouble, croyant pouvoir accroître son influence sur la base du quasi effondrement de certains Etats d'Afrique noire.

Depuis le 20 décembre, il eut été parfaitement possible d'intervenir, comme la France vient de le faire, sans attendre l'improbable et toujours autant improbable force internationale africaine UA-CEDEAO. Le discours officiel de la France a donc continué à être celui d'un simple accompagnement logistique de cette force à venir, laissant du temps au temps pour les islamistes de se renforcer et de poursuivre leurs exactions.

C'est pourquoi le changement de pied du 11 janvier m'interroge, bien qu'il rompe heureusement avec un coupable attentisme. A quoi répond ce subit retournement stratégique ? d'autant que je ne crois pas à une nouvelle débandade complète de l'armée malienne : la perte de Konna dans la nuit du 10 au 11 janvier - qui sert d'élément déclencheur à l'appel du président malien et à l'intervention française - fait suite à une série d'accrochages et de replis stratégique, qui semblent parfaitement adaptés à une stratégie pour faire sortir à découvert les combattants djihaddistes, dans une région où ils étaient plus exposés à des bombardements aériens.

Suffira-t-il de libérer le nord-est du Mali pour résoudre la crise ? Nous n'avons fini de vivre et d'essayer de comprendre les contrecoups du Printemps arabe. Cet évènement majeur doit interroger fortement l'égoïsme des sociétés européennes, sauf à abandonner nos voisins de la rive méridionale et orientale de la Mer Méditerranée au désespoir et à l'aventurisme islamiste. Les peuples du Maghreb et du Machrek ont besoin d'un véritable partenariat économique et humain ; ils ont besoin de notre confiance.

N'oublions pas par ailleurs que l'établissement d'un sanctuaire islamiste radical au nord-est du Mali a été rendu possible par de nombreux éléments. J'en ai parlé plus haut, il y a la volonté de l'Algérie de Bouteflika de se débarasser de ses problèmes chez ses voisins et de compter sur leur déstabilisation pour apparaître comme la puissance régionale régulatrice au moment où Khaddafi était discrédité.

Mais il y a aussi des facteurs endogènes qui expliquent l'effondrement de l'Etat Malien et l'instabilité de ses voisins. La Mauritanie, le Niger, le Tchad mais aussi le Sénégal de Wade, la Côte-d'Ivoire de Gbagbo, et la Guinée voici peu de temps sont gangrénés par la corruption et les trafics, dépossédant les citoyens de ces Etats découpés par l'ancien colonisateur français de leur démocratie (Sénégal) ou de leur lente marche vers la démocratie (partout ailleurs) lorsqu'elle était enclenché. La poigne de fer de Blaise Compaoré au Burkina Faso stabilise encore ce pays, mais pour combien de temps... Un jour où l'autre l'assassin de Sankara finira sans doute par subir les mêmes maladies qu'il a régulièrement encouragées chez ses voisins.

La jeune démocratie malienne avait fini sous la présidence d'Amadou Toumani Touré par s'enfoncer dans cette corruption et les préférences claniques et tribales qui sappent toute autorité étatique. Les militaires qui ont préféré cédé le terrain aux independantistes Touaregs ont commis dans la foulée un coup d'Etat qui a accru l'instabilité plutôt que de remplir leur mission concernant le maintien de l'intégrité territoriale du Mali.

Si les forces françaises et africaines parviennent in fine à chasser les criminels et les trafiquants islamistes de leur émirat fantôche du Nord-Mali, il faudra que les cadres politiques africains s'attaquent frontalement aux maux profonds de leurs Etats (on espère que c'est déjà le cas au Sénégal) sauf à faire subir à l'Afrique de l'Ouest et au Sahel le supplice de Sysyphe et offrir régulièrement aux islamistes (qui trouveront bien quelques refuges en Mauritanie, au Niger ou dans les sud libyen et algérien) une possibilité de reconstituer quelques sanctuaires.

Il faudra forcément passer par la réouverture sérieuse de la question Touareg, grand serpent de mer politique sahélien et du partage équitable des ressources et revenus miniers du désert. Les discussions avec les ennemis d'hier, ceux du Mouvement National de Libération de l'Azawad devront être sérieusement engagées et déboucher sur un vrai partenariat capable de soutenir un nouveau contrat social malien.

Frédéric FARAVEL

en attendant les vidéo vous pouvez réécouter ici l'interview croisée de Marc Trévidic et Jean-Pierre Filliu

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