Le socialisme français prend place dans le mouvement ouvrier né au XIXème siècle, qui dénonce le capitalisme et cherche à assurer une répartition plus égale des richesses. Les “Lumières” et la Révolution Française lui donnent un premier ferment : Rousseau émet déjà une sérieuse critique de la propriété privée mais les idées proprement socialistes apparaissent comme telles au cours de la première moitié du XIXème siècle. La «conjuration des égaux» de Buenarotti relate le programme de Gracchus Babeuf (1760-1797) et des insurgés jacobins, exécutés en 1797.
DES HISTOIRES POLITIQUES CONCURRENTES ET COMPLEXES
Sous l’Empire et la Restauration, c’est l’époque des Socialistes “utopiques” qui vont exercer une influence sur les ouvriers-artisans, mais sans jamais envisager les moyens de faire aboutir concrètement leur réflexion... À l’exception d’Étienne Cabet (1788-1856) qui envisage un Etat Communiste autoritaire, où les libertés individuelles sont bannies, tous les penseurs socialistes du temps tentent de conjuguer intervention de l’État et liberté.
Henri de Saint-Simon (1760-1825), noble français, développe le thème de la solidarité sociale et de l’Etat régulateur, il inspirera les premières coopératives ouvrières. Charles Fourier (1772-1837), horloger ruiné, imagine les phalanstères, communautés autonomes assumant toutes les fonctions de la société, il ne condamne pas le capital en lui-même, et si sa réflexion porte en elle un fort courant pour la libération des mœurs, il faut signaler l’antisémitisme qui anime sa haine du “commerce”. Robert Owen (1771-1858), industriel britannique, insiste moins sur l’Etat que sur la nécessité des coopératives...
La génération suivante approfondie encore le débat. Louis Blanc (1811-1882) réclame la nationalisation des grands moyens de production pour contrôler l’économie, et un État qui assure la protection sociale et une législation du travail. Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), ouvrier imprimeur, théorise une société de petits producteurs indépendants, substituant à l’État des associations professionnelles et communales, opposant à une société commandée autoritairement une fédération sur libre consentement de la base. Flora Tristan (1803-1844), féministe et socialiste, propose de constituer en 1843 une Union ouvrière universelle pour obtenir le droit au travail et l’organisation du travail.
Karl Marx (1818-1883) et Friedrich Engels (1820-1895), philosophes allemands, tirent les leçons de l’échec relatif des penseurs français. À travers L’idéologie allemande(1845), Le manifeste du Parti Communiste (1848) et Le Capital (1867) ils développent une vision de l’Histoire, de la Philosophie et de l’Économie qui aboutit à un socialisme « scientifique ». La société divisée en classes a vu le pouvoir passer dans les mains de la bourgeoisie détentrice du capital et des moyens de production. 1789 est une « Révolution bourgeoise », la bourgeoisie peut depuis exploiter toujours plus le prolétariat et rabaisser les artisans, leur paupérisation devant aboutir à la Révolution prolétarienne, dirigée par des partis ouvriers révolutionnaires. La dictature du prolétariat dans un État socialiste permettrait d’instaurer la collectivisation des moyens de production ; une société sans classe en sortirait, l’État deviendrait peu à peu inutile et le stade « communiste » de la civilisation permettra à chacun de voir sa liberté et ses besoins satisfaits.
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VIOLENCE POLITIQUE OU DÉMOCRATIE ?
L’entrée d’Alexandre Millerand dans le gouvernement de Waldeck-Rousseau en 1901, comme ministre du travail, est le principal prétexte d’éclatement le premier regroupement des partis socialistes, mais il s’agit surtout pour chacun de préserver son “pré-carré”. Deux orientations s’opposent :
• celle du Parti Socialiste de France, autour de Jules Guesde (P.O.F., marxiste) mais aussi d’Edouard Vaillant (P.S.R.), qui se veut “révolutionnaire” et condamne le “ministérialisme” ;
• celle du Parti Socialiste Français, autour de Jean Jaurès (socialistes indépendants) et des “possibilistes”, qui soutient le “bloc des gauches” et entend unir les valeurs du Socialisme et de la République, et où se mêlent réformisme et aspirations révolutionnaires.
Les amis de Jean Allémane réunis dans le Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire, tout en restant proches de Jaurès, maintiennent leur autonomie, leur ouvriérisme et leur méfiance vis-à-vis des élus.
Le compromis qui permet l’unité de 1905, imposé par l’Internationale Socialiste, amène le Parti Socialiste Unifié – Section Française de l’Internationale Ouvrière (S.F.I.O.) à adopter une déclaration de principes marxiste qui reconnaît la lutte des classes et qui se donne pour finalité la socialisation des moyens de production et d’échange. Viviani et Aristide Briand quittèrent rapidement la S.F.I.O. pour satisfaire leurs intérêts propres : ils mèneront bientôt des politiques gouvernementales très conservatrices. Les controverses demeurent vives sur la question du pouvoir, sur la place des réformes, sur le rôle du syndicalisme, sur les moyens de lutter contre les menaces de guerre.
Jean Jaurès, cependant, impose peu à peu son ascendant par sa capacité de synthèse entre les idées de réforme et de révolution, entre le patriotisme et l’Internationalisme, qui correspondent mieux que celles de certains marxistes français à un électorat composite où se côtoient ouvriers, paysans, fonctionnaires et intellectuels. À la veille de la guerre, le socialisme devient une force notable (avec 100 députés, il est le deuxième groupe de la Chambre) : un rapprochement s’esquisse avec la C.G.T. syndicaliste révolutionnaire (reprise en mains par Edouard Vaillant et les allémanistes, après la parenthèse anarcho-syndicaliste) et la gauche du Parti Radical dans la lutte contre la « loi des trois ans ».
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UNE TROISIÈME FORCE ?
Les espoirs et les désillusions marquent les socialistes de l’immédiat après-guerre. Leurs idées influencent très largement les programmes et les politiques de la Libération. Ils jouent un rôle majeur dans les gouvernements du général De Gaulle et ceux du tripartisme (P.C.F./S.F.I.O./M.R.P.). Vincent Auriol devient le premier Président de la IVème République. Mais les socialistes se trouvent aussi confrontés à la concurrence à gauche d’un parti communiste, qui est au sommet de son influence électorale (28,5%), et au centre d’un nouveau parti, le Mouvement Républicain Populaire (démocrates-chrétiens). Leurs médiocres résultats électoraux précipitent une crise identitaire, au regard des ambitions qui les animaient. À Léon Blum et Daniel Mayer – qui veulent ouvrir le parti, lui donner une définition humaniste et en faire un parti de gouvernement qui s’assume – une majorité composite, animée par Guy Mollet (1905-1975) premier secrétaire du Pas-de-Calais, oppose l’identité traditionnelle du parti, défend une ligne marxiste pseudo-orthodoxe et l’unité d’action avec le P.C.F. Le congrès d’août 1946 enregistre la victoire de Guy Mollet, donc des cadres fédéraux contre la direction nationale (ce sera l’unique fois dans l’histoire du parti).
Mais la rupture du tripartisme, en mai 1947, et l’entrée dans la guerre froide, avec la montée du Rassemblement du Peuple Français, amènent la S.F.I.O. à entrer dans des coalitions de “Troisième Force” (S.F.I.O./Radicaux-U.D.S.R./M.R.P.) et développe un anticommunisme assez primaire qui se décalque dans le syndicalisme : les socialistes quittent la C.G.T. désormais à direction communiste et créent Force Ouvrière (avec l’aide de financements américains) tandis que la Fédération de l’Éducation Nationale devient indépendante. La S.F.I.O. vit un malaise permanent, prise entre une doctrine obsolète et les contraintes de politiques médianes qui lui ôtent toute initiative : elle connaît rapidement un déclin électoral et militant.
En 1954, le radical Pierre Mendès-France (1907-1982), plus que Guy Mollet, paraît incarner le renouveau de la gauche non communiste. La guerre d’Algérie accuse les divisions de la gauche : héritiers d’une conception évolutionniste de la décolonisation, analysant le nationalisme algérien dans le contexte de la guerre froide, une majorité de socialistes derrière Guy Mollet, président du Conseil du Front républicain (1956/57), acceptent les contraintes (pouvoir militaire, censure, tortures…) d’un conflit qui ne veut pas dire son nom. Une minorité (Daniel Mayer, Robert Verdier, Gilles Martinet, Alain Savary) met en accusation la politique menée en Algérie et dénonce l’usage de la torture. La scission est inévitable avec la crise du 13 mai 1958 et l’attitude de la direction du parti face au retour du Général De Gaulle : le Parti Socialiste Autonome est fondé à l’automne 1958.
Les premières années de la Vème République sont difficiles pour les socialistes. La S.F.I.O. quitte finalement le gouvernement pour retourner dans l’opposition en décembre 1959. Affaiblie, elle doit faire face à la concurrence du Parti Socialiste Unifié, né en 1960 de la fusion de la fusion du P.S.A., l’Union de la Gauche Socialiste et de différents groupes et clubs de gauche, qui veulent renouveler la politique. Après la fin de la guerre d’Algérie, deux débats majeurs agitent la gauche non communiste jusqu’en 1971 : Comment tenir compte des institutions nouvelles, tout particulièrement de l’élection du Président de la République au suffrage universel ? Comment rassembler les électorats de la gauche ?
François Mitterrand (1916-1996), contre Mendès-France, G. Mollet et Gaston Deferre (1911-1986), impose sa stratégie d’Union de la Gauche avec le Parti communiste en mettant à profit le coup d’éclat que représente sa « glorieuse défaite » devant le Général De Gaulle en 1965. Cependant, la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste (F.G.D.S.), qu’il constitue la même année, n’est qu’un cartel électoral entre la S.F.I.O., le Parti Radical et « sa » Convention des Institutions Républicaines (C.I.R.). La forte progression de la gauche aux législatives de 1967 est remise en cause par les divisions issues des hésitations de la gauche traditionnelle face à Mai 1968.
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L’EXPÉRIENCE JOSPIN OU LA RECONSTRUCTION INCOMPLÈTE DU PARTI SOCIALISTE
Lionel Jospin, surfant sur l’exercice de démocratie militante et son score au 2nd tour de l’élection présidentielle, impose un nouveau processus de rénovation, fondé à la fois sur un “droit d’inventaire” des années Mitterrand et sur la revendication d’un “réalisme de gauche”. Mais la base électorale du parti continue de subir une érosion dans les catégories populaires et chez les jeunes, se centrant de plus en plus sur les classes moyennes et moyennes supérieures. Cependant l’autorité de Jospin permet un apaisement interne propice à un travail politique dans les domaines programmatique, stratégique et structurel.
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