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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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8 juillet 2007 7 08 /07 /juillet /2007 11:03
Chronique de la médiatrice
Cergy en différé, par Véronique Maurus
LE MONDE | 07.07.07 | 13h42  •  Mis à jour le 07.07.07 | 13h42

llô, Le Monde ? Ici la banlieue..." Ainsi est titrée la page, fort désagréable, que nous consacre l'hebdomadaire du Val-d'Oise, L'Echo-Le Régional dans son édition du 27 juin. "En réaction, précise-t-il, à un article du Monde paru le samedi 23 juin insinuant que les émeutes de Cergy, le dimanche 17 juin avaient été dissimulées, les journalistes de L'Echo tiennent juste à rappeler que la presse locale, elle, a fait son travail, en temps et en heure." Suit un étrillage en bonne et due forme des journalistes "bobos parisiens", assaisonné d'une question aigre-douce : "Parce que la presse nationale a fait un loupé, peut-on considérer que l'événement est passé inaperçu ?"

L'Echo-Le Régional n'a pas été le seul à brocarder notre "arrogance". Le Monde a été violemment pris à partie sur le même thème par le journal virtuel Rue 89. Puis le maire de Cergy, Dominique Lefebvre, a écrit une réponse, publiée le 28 juin dans nos colonnes sous le titre : "Il n'y a pas eu d'émeutes urbaines à Cergy". Celle-ci a suscité en retour une lettre de la préfecture du Val-d'Oise, publiée le 30 juin, visant à dédouaner les forces de l'ordre de toute responsabilité. Nos lecteurs s'en sont étonnés, et ont réagi de leur côté, critiquant, comme Franck Schokyy (courriel) "la stigmatisation de la population des quartiers" qui découlait de cet article.

Le Monde, pourtant, se gardait bien de vouloir donner des leçons. A l'origine de cette affaire, nulle arrogance, mais un bon réflexe de la rédaction.

Lorsqu'il découvre, le mercredi 20 juin, en lisant l'édition "Val-d'Oise" du Parisien, l'ampleur des événements qui ont dévasté un quartier de Cergy-Saint-Christophe trois jours plus tôt, Luc Bronner est stupéfait. Ni l'AFP ni les radios, relais habituels de ce genre d'incidents, n'ont joué, cette fois, leur rôle d'alerte, et hormis la presse locale, aucun média n'a réagi.

Reporter spécialiste des banlieues, Luc Bronner est doublement intéressé. D'une part, dit-il, "l'épisode témoigne de la persistance de violences urbaines graves en banlieue parisienne" ; d'autre part, "il montre les limites du traitement des banlieues par les médias, qui couvrent énormément certains événements comme ceux de la gare du Nord, des Tarterêts, des Mureaux, et pas d'autres".

Le lendemain, il enquête à Cergy, par téléphone. La municipalité, la SNCF, le pharmacien victime des vandales, la préfecture, les syndicats de policiers et des responsables d'associations témoins des faits, douze sources différentes lui répondent. Toutes confirment la gravité des heurts qui ont mobilisé cent vingt policiers, armés de grenades lacrymogènes et de Flash-Ball. Deux vidéos filmées pendant la nuit de dimanche par des témoins directs - que le reporter identifie - montrent qu'il ne s'agit pas de simples rixes, mais de violences opposant des dizaines de jeunes en cagoule aux forces de l'ordre. La condamnation en comparution immédiate de deux émeutiers - dont un à deux ans de prison ferme - prouve l'importance des déprédations commises.

A-t-on frôlé, ce dimanche soir à Cergy, une émeute urbaine égale à celles vécues en novembre 2005 ? Luc Bronner préfère, par prudence, parler de "violences urbaines". Pour aller au-delà, il aurait fallu faire une enquête de terrain minutieuse à Cergy, retrouver tous les témoins, faire parler l'émotion. Or, poussé à fournir un article dès le lendemain, le journaliste n'en a pas eu le temps. "C'est mon seul regret", déplore-t-il.

La pression de l'actualité était forte : déterrer un tel scoop trois jours après les faits tenait déjà du miracle, le garder plus longtemps relevait pratiquement de l'impossible. Avec le recul, mieux aurait valu pourtant prendre le risque de perdre un jour pour aller sur place. Tout reporter vous le dira : les facilités d'Internet ou du téléphone mobile ne remplaceront jamais le contact direct. En l'occurrence, on aurait appris l'existence de L'Echo-Le Régional et la présence de son envoyé spécial sur le lieu des violences.

L'article que Luc Bronner livre le jeudi 21 juin au soir pour l'édition du lendemain est pourtant impeccable : aucun des faits rapportés ne sera démenti ultérieurement. On ne peut donc critiquer le réflexe également louable de la rédaction en chef, qui faute de "grande actualité" évidente, décide de monter le sujet à la "une" le lendemain. "Cette décision est complètement dans l'esprit de ce que doit être notre nouvelle formule, explique Laurent Greilsamer, rédacteur en chef en charge de l'édition ce jour-là. Ne pas se contenter de rapporter l'actualité évidente de la veille, mais mettre en valeur une information originale qui constitue notre plus-value."

Prévenu, l'auteur de l'article proteste : il estime que c'est donner trop d'importance à cet événement et il souligne la difficulté de faire un titre d'actualité sur un sujet datant de cinq jours. Luc Bronner est connu dans la rédaction pour sa rare discrétion. Prenant - à tort - sa prudence pour un excès de modestie, la rédaction en chef passe outre. Le vendredi matin, elle lui demande une synthèse de l'article qui occupe le haut de la première page. A l'heure de titrer, elle mesure la difficulté de l'exercice. Comment, en quelques mots et sans pontifier, souligner l'importance de faits déjà vieux dont nul (et nous les premiers) n'a parlé au niveau national ? L'article ne porte pas sur les carences des médias. Il raconte, en différé, une actualité passée mais présente.

Dans les pages intérieures, pour ne pas sembler donner des leçons, on écarte toute référence à l'indifférence des médias : "Des bandes rivales et la police se sont affrontées à Cergy sans faire événement", dit-on simplement. A la "une", l'exercice est plus délicat, un titre ne pouvant dépasser dix mots au maximum. On titre finalement : "Des émeutes urbaines à Cergy sont passées inaperçues". C'est vrai. Mais maladroit. Le mot "émeutes", surtout employé au pluriel, est excessif, et la formulation laisse entendre un jugement sur les médias qui ne figure pas dans l'article. D'où le malentendu qui s'ensuit.

"Nous ne contestons pas les informations, précise Jean-François Dupaquier, directeur de L'Echo-Le Régional, dans une lettre, mais la théâtralisation, la mise en scène, la titraille qui (...) n'ont servi qu'à faire "monter la mayonnaise" sur le thème "On nous cache des choses"." Telle n'était pas notre intention.

La question demeure pourtant : pourquoi les relais normaux d'information n'ont-ils pas fonctionné ? Et pourquoi Le Monde a-t-il été le seul à le dire ?


Véronique Maurus
Article paru dans l'édition du 08.07.07
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