21 avril 2008
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Soirée un peu spéciale tout de même où un animateur de soirée qui meublait pour faire attendre le direct a rapidement chopé quelques sueurs froides, demandant que l'on passe sur un champ moins politique, après avoir démandé à l'assistance de venir témoigner sur Aimé Césaire. Mais comment parler de cet homme sans parler de politique ?
Comment parler de cet homme qui a toujours choisi une voie pacifique pour transformer le réel, sans parler des violences officielles qu'il a subi, censuré dans son oeuvre, censuré par les médias jusqu'aux années 1980, sa ville censurée dans les subventions qu'elle ne recevait pas du fait de la clarté politique de son maire ; bref comment parler de Césaire - de sa poésie, de sa pensée, de son choix démocratique - sans parler de la violence subie par sa terre, par son peuple et par toutes les humanités souffrantes ?

On retiendra l'effort du Dr Aliker à 101 ans sortant d'un texte que l'émotion et l'âge l'empêchaient de suivre et qui reprit sa force et sa fermeté pour asséner quelques vérités politiques et humaines sans doute dures à entendre pour quelques uns des premiers rangs de l'assemblée. La force des textes de Césaire fut remarquablement présente et intérprétée par les artistes après ce discours. En plein débat sur les "effets positifs" de la colonisation, sur l'identité nationale et sur l'immigration, qu'il était sain et nécessaire d'entendre retentir cette parole. Malheureusement tout cela n'était retransmis que sur France Ô...
Alors qu'enfin l'école de la République se mette à enseigner les écrits et les poêmes d'Aimé Césaire pour sa parole se pérennise : voila le plus bel hommage national et le panthéon que ses mânes réclament. Qu'enfin s'ouvre la réalité du débat sur la colonisation et l'identité face à l'universalité. Car la France n'a jamais réellement eu ce débat, ce qui implique que des gens instruits peuvent aujourd'hui vous soutenir que "si, tout de même la colonisation a eu des effets positifs". Lisons et faisons lire Césaire, ses poêmes et ses textes politiques, pour faire comprendre en métropole et en outre-mer, que l'esclavage, la colonisation n'implique pas qu'une oppression physique et chronométrée mais qu'elle déstructure profondément les hommes et les sociétés et que ces conséquences impliquent une violence subie psychologiquement sur plusieurs générations.
Et pourtant malgré cette humanité violentée et déracinée, comment ne pas entendre le cri d'espoir de Césaire qui nous rappelle qu'une société peut malgré se reconstruire avec ces individus meurtris. Un optimisme sur l'humanité.
Frédéric Faravel
