BRUXELLES CORRESPONDANT
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Après une année de crise ouverte, le premier ministre espérait d'abord calmer les esprits, tant au sein de son parti chrétien-démocrate (CD&V) que chez ses alliés indépendantistes de la Nouvelle alliance flamande (NVA), et chez ses 3 partenaires francophones (libéraux, socialistes et centristes chrétiens). Il voulait, ensuite, ramener les uns et les autres à la table de négociation, en vue de mettre au point des réformes institutionnelles avant la mi-juillet, date butoir fixée aussi bien par la NVA que le CD&V.
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Vendredi 11 avril, les 3 bourgmestres ont réintroduit une demande officielle de nomination. L'ensemble des partis francophones évoque le "déni de démocratie" que commet, selon eux, le gouvernement régional flamand et menace de ne pas reprendre les discussions institutionnelles voulues par M. Leterme.
Les présidents francophones vont se réunir dans les prochains jours pour déterminer leur attitude. Derrière cette affaire se profile la question de la scission, très symbolique, de l'arrondissement bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde que la Flandre veut réaliser pour assurer l'unité de son territoire. Une majorité flamande l'a votée dans une commission parlementaire en octobre 2007, contre l'avis de la minorité francophone. Le dossier a fait l'objet d'un recours francophone mais pourra, si aucun accord n'est trouvé, reprendre son cheminement parlementaire dès le 1er mai.
CRITIQUE DES NATIONS UNIES
La Flandre est d'autant plus énervée par cette affaire que le Conseil de l'Europe doit, à la mi-mai, envoyer un émissaire en Belgique pour enquêter sur ce dossier. Il rentera un rapport sur le respect des droits politiques des francophones. "Les Flamands n'acceptent plus d'être diabolisés en tant que racistes ou égoïstes à l'étranger", a expliqué récemment Marino Keulen, le ministre régional flamand de l'intérieur et de l'intégration. M. Keulen est le ministre qui s'oppose à la nomination des maires francophones de la périphérie bruxelloise. Il est aussi celui qui a mis au point un "code du logement" qui prévoit que, pour obtenir un logement social, les candidats doivent s'engager à apprendre (gratuitement) le néerlandais.
La mesure n'aurait pénalisé aucun francophone et vise à "l'intégration civique des allophones (personnes qui parlent une autre langue) et des défavorisés", assure M. Keulen. Elle fait toutefois l'objet de critiques du Comité des Nations unies pour les droits de l'homme et d'un recours de la Région wallonne.
Un dernier élément complique les projets de M. Leterme. Jeudi 17 avril, les présidents des Régions wallonne et bruxelloise, Rudy Demotte et Charles Picqué, ont lancé une "bombe institutionnelle", selon la formule de divers observateurs. Les 2 socialistes ont plaidé pour un fédéralisme basé sur les 3 régions belges (Flandre, Wallonie et Bruxelles) et non plus sur les "communautés linguistiques".
S'il se réalise, ce projet donnerait naissance à une Fédération Wallonie-Bruxelles (un "Etat", disent déjà certains) gérée par un gouvernement unique. Le président du gouvernement flamand se réjouit officiellement d'avoir, à l'avenir, un "partenaire fort" face à lui. Mais le monde politique flamand sent bien que le projet est de tracer les contours d'une éventuelle "nation francophone", solution de rechange en cas d'aggravation des tensions au sein de l'Etat fédéral. Elle inclurait Bruxelles, capitale belge et flamande, mais très majoritairement peuplée de francophones.
Chronologie
Novembre 2007. Les partis flamands unanimes votent, contre les francophones, la scission de l'arrondissement bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde dans une commission de la Chambre des députés.
Décembre. Le libéral flamand Guy Verhofstadt prend la tête d'un gouvernement intérimaire de crise.
Février 2008. Premier ensemble de réformes institutionnelles jugées insuffisantes en Flandre.
Mars. Yves Leterme, leader du parti chrétien-démocrate flamand, devient premier ministre. Ses alliés indépendantistes de la Nouvelle Alliance flamande exigent une vaste réforme du système fédéral, sous peine de lui retirer leur soutien. La "date butoir" des partis flamands est fixée au 15 juillet.