Il faut croire que museler les parlementaires français de gauche, virer les préfets qui ne peuvent empêcher les manifestations, ignorer les revendications sociales des Français et insulter certains d'entre eux, ne suffit plus à Nicolas Sarkozy ; lundi 2 février 2009, à l'occasion de la visite du premier ministre "libéral" du Québec, Jean Charest, le Président de la République française s'est livré à une véritable agression verbale contre un grand courant démocratique et progressiste de nos cousins francophones d'Amérique.
Il faut croire sans doute que cela recouvre surtout une ignorance crasse de la réalité politique à l'extérieur de l'hexagone, mais peut-être nos camarades du Parti Québécois vont-ils enfin chercher à resserrer les liens avec le PS.
Frédéric Faravel
Sarkozy plaide pour «l'unité» et contre le «sectarisme»
Nicolas Sarkozy a remis les insignes de Commandeur de la Légion d'honneur à Jean Charest, lundi, à l'Élysée.
Photo: AFP
(Paris) Le président français Nicolas Sarkozy en remet. Il a réservé aujourd'hui un enterrement de 1ère classe à la politique de «non-ingérence, non-indifférence», qui définit depuis des années la position diplomatique de la France vis-à-vis le Québec.
En termes à peines voilés, il a plaidé en faveur de l'unité canadienne lors de la remise de la Légion d'honneur au premier ministre Jean Charest. Sans parler directement du mouvement souverainiste, le président a dit rejeter le «sectarisme» et «l'enfermement sur soi».
«La non-ingérence, non-indifférence, honnêtement, ce n'est pas trop mon truc», a lancé M. Sarkozy à l'Élysée.
«On a dit: tu vas toucher un tabou, encore un. Eh oui. Quand on est sincère, pourquoi un ne pas toucher un tabou ?», a-t-il ajouté.
Le président a rappelé qu'à ses yeux les Québécois sont des frères et les Canadiens, des amis. «Je préfère dire aux Québécois que nous sommes de la famille plutôt que de dire : il n'y a pas d'ingérence... Quel amour !» a-t-il affirmé, sous des applaudissements nourris.
Puis, Nicolas Sarkozy a repris à peu de choses près les termes qu'il avait utilisés l'automne dernier à Québec pour manifester son appui à l'unité canadienne. «Croyez-vous que le monde avec la crise sans précédent qu'il traverse a besoin de division ? A besoin de détestation ?» a-t-il dit.
«Est-ce que pour prouver qu'on aime les autres, on a besoin de détester leurs voisins ? Quelle étrange idée! Est-ce que le message de la Francophonie ne doit pas être un message de rassemblement, d'union, un message d'entente, d'ouverture, de tolérance», a ajouté M. Sarkozy.
«Ceux qui ne comprennent pas ça, je ne crois pas qu'ils aiment plus la Francophonie, je ne crois pas qu'ils aient compris le message de la Francophonie, les valeurs universelles que nous portons au Québec comme en France : le refus du sectarisme, le refus de la division, le refus de l'enfermement sur soi-même, le refus de définir son identité par opposition féroce à l'autre.»
Jean Charest a eu une réaction prudente. «Je vous laisse interpréter ses propos», a-t-il répondu aux journalistes. Il s'est toutefois dit convaincu que la politique de «non-ingérence, non-indifférence» réapparaîtrait si un référendum sur la souveraineté était tenu au Québec.
Nicolas Sarkozy a remis les insignes de Commandeur de la Légion d'honneur à Jean Charest. En plus des membres de la famille de M. Charest, plusieurs invités étaient présents : le premier ministre français François Fillon, son prédécesseur Jean-Pierre Raffarin, le secrétaire général de la Francophonie Abdou Diouf, le maire de Québec Régis Labeaume, Luc Plamondon, Garou, Carole Laure, Paul Desmarais de Power Corporation.
Sarkozy manque de classe, selon Gilles Duceppe
Gilles Duceppe - Photo: André Tremblay, La Presse
Karine Fortin - La Presse Canadienne - Ottawa |
Le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe n'a clairement pas digéré les récents propos du président français, Nicolas Sarkozy, au sujet de l'indépendance du Québec et de ceux qui en font la promotion.
Aux yeux du politicien montréalais, M. Sarkozy a manqué «à la fois de classe et de dignité» en plus d'étaler «son ignorance crasse de la situation québécoise» quand il a accusé les souverainistes de faire preuve de sectarisme et d'étroitesse d'esprit.
Sans aller aussi loin, ses collègues Louis Plamondon et Pierre Paquette ont eux aussi regretté que le président français se soit à nouveau mêlé des affaires canadiennes en affirmant que la politique de «non-ingérence, non-indifférence» envers le Québec n'était «pas trop son truc».
Les commentaires du chef d'Etat français ont cependant été beaucoup mieux reçus chez les conservateurs. La ministre des Affaires intergouvernementales, Josée Verner, a ainsi déclaré que le discours de M. Sarkozy était «salutaire» et qu'il fallait «passer à autre chose».
Pour la députée de Limoilou, Sylvie Boucher, le message du président a une résonnance particulière, en cette période économique difficile où tous doivent être «unis».