/http%3A%2F%2Fmedias.lemonde.fr%2Fmmpub%2Fimg%2Flet%2Fl.gif)
A la veille d'un scrutin historique, qui pourrait déboucher dès le 26 mars sur un partage du pouvoir entre les ennemis mortels d'hier, le DUP unioniste du vieux pasteur Ian Paisley et le Sinn Féin catholique et républicain de Gerry Adams, Billy partage les sentiments d'une majorité d'Irlandais du Nord des deux camps : lassitude, scepticisme, désenchantement.
A en croire le seul sondage organisé pendant la campagne, pour le Belfast Telegraph, 1 électeur sur 2 prédit que, dans le sillage des élections, la province retrouvera les institutions semi-autonomes - Assemblée et gouvernement - nées des accords de paix de 1998 et suspendues par Londres en 2002. Mais 1 sur 4 seulement juge que le mariage de raison entre le DUP et le Sinn Féin tiendra bon. Aucun grand acteur du processus en cours n'obtient une majorité d'opinions favorables, le moins impopulaire étant le premier ministre de la République d'Irlande, Bertie Ahern.
Ce scepticisme peut se comprendre. En 9 ans, l'Irlande du Nord s'est rendue 10 fois aux urnes, dont 3 fois pour élire des députés régionaux réduits au chômage technique. Les atermoiements de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), qui n'a détruit son arsenal qu'en 2005, et les exigences du DUP à l'adresse des républicains ont refroidi les espoirs de l'opinion. Preuve de leur impatience, trois sondés sur quatre souhaitent qu'en cas d'échec post-électoral Londres coupe définitivement les vivres aux élus locaux, dont les salaires et les frais ont coûté à la Couronne depuis 2002 l'équivalent de 150 millions d'euros.
Le ministre britannique pour l'Irlande du Nord, Peter Hain, affiche son optimisme. Il y a "toutes les chances", a-t-il déclaré dimanche 4 mars, pour qu'un gouvernement partagé par catholiques et protestants voie le jour dans les délais imposés. Les partis, a-t-il ajouté, "auront deux semaines" après le scrutin pour "assumer leurs responsabilités" ou pour "fermer boutique". Cet avertissement voilé s'adresse aux unionistes, les républicains étant avides de co-exercer le pouvoir régional.
Les experts de l'université Queen's, à Belfast, sont plus nuancés. Le vote devrait voir le DUP, premier parti en Ulster, et le Sinn Féin consolider, voire renforcer, leur domination sur leur propre camp. "Les 2 grands partis ont pris des risques, et cela a payé", constate l'historien Richard English. Mais après ? Ian Paisley est-il enfin prêt à sa conversion douloureuse ? "Pas sûr. Il raisonne à long terme. Il peut, malgré les menaces de Londres, trouver prétexte à repousser de plusieurs mois l'inéluctable échéance."
Le chef du DUP peut, ajoute le politologue Adrian Guelke, exiger de tester le Sinn Féin, en invoquant le besoin d'ancrer la confiance, ou demander à Londres de retarder le transfert des pouvoirs de police à l'exécutif local. Peut-être, admet le professeur Paul Bew, mais l'accord se fera tout de même assez vite, "car la grande majorité des unionistes le veut". "La guerre est finie", ne cesse de répéter, ces jours-ci, Gerry Adams. Ian Paisley le sait, sans l'admettre publiquement. A bientôt 81 ans, il devra pourtant, consentir, lui aussi, à déposer les armes.