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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

27 mars 2007 2 27 /03 /mars /2007 08:52
Le 26 mars 2007 sera pour le Parti Québécois l'équivalent
du 21 avril 2002 pour la Gauche française

Le Parti Québécois vient de connaître sa pire défaite en 40 ans de vie politique de la Belle-Province. Plus largement, ce résultat inquiétant interroge la stratégie politique du PQ, de la Gauche québécoise et sur les aspirations culturelles, sociales et politiques d'une société parmi les plus avancées du monde occidental.

Une configuration électorale inédite depuis 1878
Avec une répartition inédite des suffrages, la réalité de la victoire électorale apparaît clairement entre les mains du petit parti populiste et ultra-libéral dirigé par Mario Dumont. En effet, l'ADQ - que l'honnêteté intellectuelle devrait nous faire appeler parti dumontiste, tant il n'existe que par sa tête de prou ("Dumont, ministre de tout", titrait la presse québécoise voici encore 2 jours) - atteint la seconde place avec 31% des voix et 41 sièges à l'Assemblée Nationale, contre 5 dans la chambre précédente. Si le Parti Libéral du Québec menait par Jean Charest conserve la première place avec 33% et 48 députés, le vote du 26 mars constitue pour les Libéraux une véritable sanction pour un gouvernement qui a passé 4 années à mentir aux Québécois et à ne tenir aucune de ses promesses électorales - le score libéral de lundi est le plus mauvais score des fédéralistes québécois.
Le Parti Québécois termine troisième avec 28% des voix et 36 députés, ce n'est pas son plus mauvais score mais on ne peut comparer ces résultats avec ceux de 1970 où il n'avait réuni que 23% des suffrages alors qu'il sortait à peine de sa genèse derrière René Levesque et que le Québec quittait tout juste l'état de guerre imposé par Trudeau et la fédération canadienne.

L'irruption de l'Action Démocratique du Québec
C'est donc l'Action Démocratique du Québec qui sera l'opposition officielle d'un nouveau gouvernement Charest minoritaire et surtout talonné de près. Et il y a de quoi être inquiet puisque si le gouvernement libéral veut tenir, il devra compter sur le soutien ou la neutralité des deux autres partis de l'Assemblée ; or c'est bien Mario Dumont et ses troupes qui ont les moyens de se faire entendre pour imposer leur agenda au PLQ.
Mario Dumont est issu des jeunes libéraux et a quitté le PLQ qui ne lui offrait pas une promotion suffisamment rapide (tient ça peut rappeller la fronde d'un autre "jeune homme" pressé de l'autre côté de l'Atlantique). Sur la question de la souveraineté du Québec qui a fait l'essentiel du clivage politique de la province depuis 40 ans, Mario Dumont avait jeté en 1994-1995 un pont vers le PQ en défendant un autonomisme qui s'avère aujourd'hui compatible virtuellement - car non opérant - avec le fédéralisme libéral du PLQ qui ne cesse de se dire attaché à la "nation québécoise".
Rappelons qu'aucun parti provincial n'accepte officiellement le rapatriement de la constitution canadienne dans les années 1990 - le Canada est donc une fédération qui vit avec des institutions rejetées par sa plus importante province, qui lui envoie pourtant des députés à la Chambre des Communes.
L'autonomie adéquiste ainsi ramenée à ce qu'elle est - c'est-à-dire une baudruche -, c'est sur le programme politique que Mario Dumont et ses zélateurs vont se battre pour imposer leurs priorités à des Libéraux qui finalement n'attendent que cela pour une bonne part.
L'ADQ est un parti populiste, qui vit dans le culte du chef, mais surtout elle déroule une option ultra-libérale et anti-fiscaliste désormais bien connue dans les démocraties occidentales, et partie de Californie en 1976. Nul doute que sur ce terrain, Libéraux et ultra-libéraux sauront se retrouver pour briser les protections sociales, le système de redistribution fiscale, "libéraliser" plus les universités et casser les commissions scolaires.
Le Québec, ses classes moyennes et populaires souffriront fortement dans les prochaines années de la remise en cause virulente du modèle social québécois, seule ébauche de démocratie sociale de marché d'Amérique du Nord. Parallèlement, il y a fort à parier que PLQ et ADQ se lanceront de concert dans des odes à la famille - poussant sans doute à maintenir plus souvent les femmes au foyer et introduisant ainsi un probable recul social dans ce domaine - et chercheront à s'attirer de plus en plus les faveurs des retraités aisés, rivalisant pour se garantir un électorat vieillissant.
Le seul point qui pourrait voir s'affronter sur le fond ADQ et PLQ - qui resteront rivaux par ailleurs car Dumont guigne évidemment la place de Charest - c'est à la fois la personnalisation de la stratégie politique adéquiste, principal atout mais aussi sans doute futur faiblesse de ce parti et la xénophobie sous-jacente de l'ADQ. Il n'a effectivement pas manqué d'exemple dans cette campagne comme dans les précédentes de l'antisémitisme et de la xénophobie, sous le camouflage du franc-parler et d'un "bon sens" nauséabond d'un certain nombre de représentants de l'Action démocratique du Québec. Or qu'ils soient anglophones ou immigrés, les allogènes représentent un électorat incontournable pour les Libéraux et ils ne manqueront pas rappeler à leurs élus qu'on ne peut transiger avec leur sécurité et leur appartenance tranquille à la société québécoise. Le PQ a commencé petitement à refaire son retard parmi les immigrés mais reste encore plombé par les remarques de Parizeau sur le "vote ethnique" lors du référendum manqué de 1995.
L'ADQ a réalisé au Québec une synthèse réussie par plusieurs partis populistes des démocraties occidentales (mais qui ne s'étaient jusqu'ici pas autant rapprochées du pouvoir) : rassembler les petits blancs déclassés et revanchards, les cadres supérieurs ultra-libéraux anti-fiscalistes qui considèrent les partis libéraux traditionnels comme frileux et un vote protestataire dénonçant l'alternance traditionnelle entre PQ et PLQ et qui ne se satisfaisait pas du choix que leur offraient les deux grands partis. Il est simplement inquiétant que cette synthèse ait créé une dynamique telle que l'ADQ apparaisse comme la prochaine probable force gouvernementale quand le gouvernement Charest aura échoué.

L'échec du blairisme québécois
Pour le PQ, arriver troisième du scrutin le 26 mars 2006 équivaut largement à l'élimination de Lionel Jospin au 1er tour de l'élection présidentielle française le 21 avril 2002.
On voudra bien accorder aux péquistes que le mode de scrutin de type anglo-saxon (uninominal à un tour) est particulièrement cruel et qu'un 2nd tour aurait permis d'obtenir un tout autre résultat ; on rappellera cependant que le PQ n'a jamais eu le courage de s'attaquer sérieusement au renforcement démocratique des institutions provinciales, que le mode de scrutin l'a tout autant favorisé lors d'autres consultations ; ce n'est pas seulement en siège que le Parti québécois est troisième mais également en voix, il n'y a pas de distorsion majeure induite par le mode de scrutin. Les souverainistes se sont faits tailler des croupières par Mario Dumont. C'est d'autant plus grave qu'ils pouvaient légitimement prétendre revenir au pouvoir après 4 années de mauvaise gestion libérale ; autant Lionel Jospin était le sortant en 2002, le PQ était l'opposition officielle depuis 2003.
Ce résultat désastreux signe à mon sens l'échec de la stratégie portée par André Boisclair, chef du Parti Québécois, désigné triomphalement par les militants fin novembre 2005. A aucun moment, le jeune chef n'a donné de message clair sur ce qui fait l'identité essentielle du parti qu'il conduisait aux élections : la souveraineté du Québec. Au mieux, on pouvait considérer en écoutant André Boisclair que oui bien sûr on ferait un référendum parce que fallait bien le faire, mais bon on n'était pas pressé et si on perdait encore ce n'était pas la mer à boire, il y avait d'autres choses importantes à mener.
Manque d'entrain sur l'identité centrale du parti, on aurait presque pu l'entendre, tant il est vrai que les commentateurs s'entendaient tous pour dire que l'organisation d'un nouveau référendum et surtout sa réussite au regard des aspirations à la souveraineté apparaissaient aléatoires. Sans doute avait-il beaucoup écouté ces commentateurs plutôt que les convictions profondes de son parti et la question de la souveraineté n'est apparue que tardivement dans la campagne de Boisclair.
Alors quelles auraient pu être ses autres choses importantes à mener, finalement quelle était l'alternative qu'André Boisclair proposait aux Québécois après quatre années de Charest. Allait-il renforcer la justice sociale, la redistribution, améliorer l'égalité des chances dans le système scolaire québécois ? Non après 4 années de libéralisme mou et pitoyable, André Boisclair proposait un social-libéralisme soft, directement inspiré par Tony Blair et qui faisait mal apparaître la différence avec les Libéraux canadiens (renvoyés à leurs études voici un an) et les Libéraux québécois jugés plus que fréquentables par Tony Blair et les Démocrates américains. A partir du moment où le clivage fédéralisme-souverainisme était plus ou moins tu et que le clivage gauche-droite s'affadissait au centre qu'est-ce qui pouvait bien rester à une bonne partie des Québécois face à une mondialisation encore forte outre-Atlantique qu'en Europe et la nécessité de bâtir des systèmes complexes ? Comme tous les peuples des démocraties occidentales ils ont choisi la protestation et le seul parti qui se présentait comme une alternative, aussi dangereuse soit-elle, l'ADQ.
D'autant qu'à plusieurs reprises Boisclair a crédibilisé l'option ADQ notamment en parlant de "coalition souverainiste" auquel les populistes auraient pu prendre part et en affadissant lui-même son discours sur l'indépendance qui faisait passer l'autonomisme pour une audace folle.
Boisclair n'est pas seul responsable de la blairisation du PQ, la période de gouvernement provincial du PQ sous l'autorité de Lucien Bouchard, chef du Bloc venu des milieux conservateurs, avait déjà jeté un trouble sur la doctrine économique et sociale du Parti Québécois, créant une réelle rupture avec l'aile gauche de la formation et du mouvement souverainiste plus largement. Le bon professseur Landry tout de modération avait rétabli une politique plus sociale-démocrate mais sans réelle vigueur, s'assurant avant tout une sortie honorable avec un discours clair sur la souveraineté, mais l'affadissement social était bien avancé. A Ottawa, le "tout sauf Chrétien et Martin" a conduit néo-démocrates et bloquistes à permettre l'installation d'un gouvernement conservateur minoritaire, qui développe une vision économique ultra-libérale et anti-écologique, on ne peut pas dire que la gauche apporte une vision claire de son action à l'échelle fédérale, n'en déplaise à mes amis québécois qui m'ont expliqué combien ce choix était le meilleur pour le Québec.
Aucun des rivaux (internes au PQ) "centristes" de Boisclair ne s'en sort bien  dans ce scrutin. Richard Legendre, notamment, perd son comté. Par contre au Saguenay/Lac-Saint-Jean, le PQ déjà ancré fortement reprend les 5 comtés sur fond de cohérence souverainiste et sociale-démocrate prononcée (lire les articles dans Le Devoir - ci-dessous).
La scission à gauche a par ailleurs démontré l'impasse qu'elle constituait. Si le Parti des Verts double son score au Québec en passant à 3,9% - donnant ainsi une visibilité électorale au courant post-matérialiste qui traverse les sociétés occidentales -, Québec Solidaire connaît un échec cuisant et n'a pas pu se faire entendre. Il revit l'expérience du PSU français et devrait s'effondrer peu à peu dans le gauchisme et l'incantation.
Le Parti Québécois va devoir interroger à nouveau ses fondammentaux, le SPQ Libre qui démontrait sa cohérence aura-t-il la capacité à créer une dynamique sans humilier ses contradicteurs que les faits électoraux viennent de mettre à mal.
La gauche québécoise doit repenser globalement son articulation, y compris en lien avec le Canada, entre souverainté et aspiration à la démocratie sociale. Elle a encore des cartes à jouer au regard du désirs de changement qui existe dans tout le continent, mais si elle continue à ne pas présenter d'alternative elle sera peu à peu marginalisée.

Ségolène Royal qui est soumise à une forte concurrence de la candidature centriste de François Bayrou devrait d'urgence tirer une analyse forte de ce qui vient de se passer au Québec, même si tout n'est pas transposable ; un mauvais gouvernement de droite n'ouvre pas automatiquement la voie à une alternance à gauche. Les tentations populistes et illusionnistes (deux composantes de l'alchimie bayrouiste) existent des deux côtés de l'Atlantique. Seule une gauche sociale-démocrate affirmée peut ouvrir la voie au rassemblement de la gauche et à la victoire.
Frédéric FARAVEL

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