La mort d'un bébé in utero à la maternité Cochin-Port-Royal de Paris a déclenché une émotion énorme dans l'opinion.
On n'a pas encore les résultats complets des différentes enquêtes commandées par l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP), le ministère de la santé ou consécutive à la plainte du compagnon de la femme qui a perdu le bébé.
Cependant, les premières conclusions de l'APHP transmises hier soir sont pourtant inquiétantes : aucun défaut de moyens et aucun défaut de personnel. On retrouve ici le même processus qu'en octobre dernier, lorsqu'une famille avait perdu son enfant sur l'autoroute A20 en cherchant à rejoindre la maternité de Brives depuis Figeac... La grossesse était à risque, la famille n'en veut à personne, c'est la "faute à pas de chance", la faute à tout le monde et à personne en même temps... Circulez, y a rien à voir !
On touche pourtant les limites d'une logique comptable de la santé publique et notamment de la maternité. Il est préoccupant que dans une maternité réputée excellente, au coeur de Paris, on échelonne les priorités, en considérant qu'une grossesse à risque proche du terme peut être renvoyée au domicile. Il est bon que certaines de nos maternités disposent de moyens concentrés et exceptionnels mais on ne peut aboutir à une forme d'"industrialisation" (le terme est impropre) des naissances, alors que des territoires ruraux ou périurbains deviennent des déserts médicaux, hospitaliers et maternels (l'Etat vient d'ailleurs être condamné après la fermeture en 2009 de la maternité Valréas dans le Vaucluse et devra la rouvrir dans les mois prochains).
Une fois encore, Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), posait hier les bonnes questions. Il est nécessaire de déterminer si «la France a les maternités et le niveau qu’elle doit avoir pour l’accueil des femmes et de la petite enfance», a-t-il expliqué à l’AFP. «Lorsque l’on passe de la 7e à la 20e place en Europe pour la mortalité infantile comme le dit la Cour des comptes, ça doit interpeller le politique. Les Samu prennent de plus en plus en charge des accouchements inopinés parce que les centres où les femmes sont suivies ne peuvent pas les prendre en charge, c’est pareil en néonatalogie», a-t-il précisé.
Le Dr Pelloux souligne qu’il est indispensable de «rouvrir des maternités, des lits, installer des maisons de naissance, réinvestir dans l’humain de manière à accompagner les femmes et améliorer leur accueil au niveau des maternités». Et d’ajouter : «Le personnel fait ce qu’il peut, il est sans arrêt au taquet et on ne sait plus où mettre les malades. Nous avons toujours très peur de commettre une faute ou une erreur parce que nous n’avons pas les moyens de travailler».
Le gouvernement et la gauche doivent rompre franchement comme l'envisageait le projet du Parti Socialiste avec les logiques des 10 années précédentes : la santé n'est pas rentable. La ministre Marisol Touraine a emporté 1,5 milliards € supplémentaires pour le budget de la santé, c'est une bonne chose. Il est temps désormais de rompre également avec la loi HPST qui continue de détruire la santé publique en France.
Frédéric FARAVEL