Sera-ton contraint de donner raison avec regret à l'auteur de cet article, par ailleurs bon connaisseur de la vie politique du Parti Socialiste ? Si la préparation du congrès du PS se poursuit de la manière dont il s'est engagé avec un calendrier tronqué et une "contribution générale exclusive", on peut le craindre... Mais les socialistes peuvent voir qu'ils ont intérêt à poursuivre un vrai débat politique en leur sein, capable de mettre à profit la diversité du socialisme français pour éclairer l'avenir, préparer d'ores-et-déjà les échéances locales et une deuxième mandat présidentiel consécutif, et rassembler la gauche.
C'est pour cela que le Parti Socialiste a tout intérêt à ce que son courant de gauche présente ouvertement ses arguments et réalise un bon score au suffrage militant.
Frédéric Faravel
Secrétaire fédéral du PS Val-d'Oise aux relations extérieures
Socialistes, vous avez aimé la rénovation ? Voici la caporalisation
Mediapart - 28 août 2012 | Par Stéphane Alliès
Martine Aubry, qu’avez-vous fait de la rénovation ? De la phase préparatoire du congrès de Toulouse (qui se tiendra fin octobre) à la résistance au non-cumul des mandats, c’est comme si la modernisation du plus grand parti de la gauche avait été dissoute dans la victoire de François Hollande à la présidentielle, comme dans l’obtention de sa majorité absolutiste à l’Assemblée nationale.
Voilà donc que ce lundi, François Rebsamen, président du groupe socialiste au Sénat, annonce son intention de continuer de cumuler ses mandats de parlementaire et de maire de Dijon (et les indemnités allant avec). Écrasée la promesse de son parti, adoptée par 72% des 90 000 votants au référendum interne d’octobre 2009, de passer au mandat unique dès ce mois de septembre 2012. Cette résistance sénatoriale, que Rebsamen est loin d’être le seul à exprimer chez les parlementaires socialistes n’est pas nouvelle. Ils sont environ 60% de cumulards à l’Assemblée, et plus de 80% au Sénat. Mais le fait qu’elle s’affranchisse à nouveau de toute logique démocratique et de toute discipline de parti, en dit long sur la régression interne que connaît en ce moment le nouveau parti présidentiel.
L’université d’été de La Rochelle de ce week-end, transformée en séminaire d’autosatisfaction gouvernementale malgré le doute des participants (lire ici), a également laissé à de nombreux militants la désagréable impression d’une confiscation de ses débats internes. Pourtant le traité européen (lire ici) ou la rénovation du parti (lire ici) sont au cœur de leurs discussions. Mais le coup de sifflet a été donné avec la mise en rangs serrés des principaux ténors du parti derrière une contribution quasi unique. C'est une première dans l’histoire des congrès socialistes, alors que cette phase préparatoire est justement censée assurer le pluralisme des réflexions devant nourrir une synthèse programmatique. L’enjeu du dépôt des motions (prévu pour le 12 septembre) se résume désormais, après le coup de force Aubry-Ayrault, au nom du premier signataire de leur motion.
Car par la grâce d’une réforme des statuts pourtant jamais entérinée (celle-ci aurait dû l’être dans un congrès extraordinaire, si l’on veut bien encore croire les statuts actuels du parti), seul ce premier signataire pourra en effet être candidat à la succession de Martine Aubry, puisque celle-ci semble décidée à tirer sa révérence. S’il peut encore y avoir plusieurs motions déposées, il est peu probable que les textes alternatifs à celui défendu par l’ensemble du gouvernement proposent un candidat concurrent. Et si jamais tel était le cas, celui-ci n’aurait aucune chance d’être élu.
C’est donc un invraisemblable processus de nomination qui est aujourd’hui à l’œuvre, en lieu et place d’un congrès socialiste. Un an après le souffle des primaires citoyennes ouvertes au peuple de gauche, qui ont réuni près de trois millions de votants, le nouveau premier secrétaire du parti socialiste sera nommé après un accord entre trois personnes : François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Martine Aubry. Même un conclave papal est plus démocratique, on y trouve plus de votants et une fumée blanche a au moins le mérite d’avertir les fidèles. Lourd effet de sens que cette caporalisation extrême, au moment même où l’UMP s’ouvre à la démocratie interne et alors que la droite va connaître pour la première fois depuis l’élection pour la direction du RPR, en décembre 1999, une compétition ouverte et incertaine.
Même s’il fallait se résoudre à un retour en force des logiques d’appareil pour éviter les cacophonies qui ont pu rythmer certains congrès passés du PS, ce parti mérite mieux qu’une telle parodie. Certes en 1981 et 1997, des processus similaires avaient été mis en œuvre. Mais si Lionel Jospin comme François Hollande furent adoubés de manière semblable, leurs choix apparaissaient comme des évidences. Là, les deux candidats en lice n’en finissent pas d’interroger, voire d’abasourdir.
“Harlem” et “Camba”, le renouvellement ?
Le futur leadership du parti socialiste se jouerait donc entre Harlem Désir et Jean-Christophe Cambadélis. Ces deux prétendants ne représentent personne hormis eux-mêmes. Désir est un soutier du défunt courant Delanoë, mort-né après sa défaite surprise au congrès de Reims. Cambadélis est l’ancien premier lieutenant sans troupe de DSK (l’essentiel de son courant avait suivi Pierre Moscovici), et fut l’un des principaux artisans de la victoire de Martine Aubry lors de ce même congrès. Mais vu la manière, faisant passer un scrutin de type haïtien pour une votation suisse, est-ce réellement un avantage ?
Certes, les deux anciens trotskystes (l’un à la LCR tendance Julien Dray, l’autre à l’OCI lambertiste) ont des états de service symboliques à faire valoir au sein de la sphère socialiste. Mais ceux-ci commencent à dater. Désir, bientôt 53 ans, a été une figure du mouvement social, à la tête de SOS-Racisme dans les années 1980. Cambadélis, 61 ans, avait pris la parole à la Bastille, le 10 mai 1981, en tant que président de l’Unef. Mais depuis, tous deux se sont surtout illustrés comme de vaillants apparatchiks du jospinisme des années 1990, qui a abouti au fracas du 21 avril 2002.
Tous deux ont été aussi condamnés par la justice : “Harlem” en 1998 à 18 mois de prison avec sursis et 30 000 francs d'amende pour recel d'abus de biens sociaux ; “Camba” en 2005 à 6 mois de prison avec sursis et 20 000 euros d'amende, pour recel d'abus de confiance dans l'affaire des emplois fictifs de la Mnef.
Sans charisme ni aura médiatique, aucun des deux n’est en outre assuré d’avoir l’autorité sur l’ensemble du parti. Car quel que soit le candidat vainqueur de ce duel sans confrontation de visions du monde, du socialisme ou même du parti, il est actuellement rejeté par une partie des responsables PS. “Camba” n’a jamais eu les grâces de François Hollande, trop méfiant face à ce strausskahnien retors et mêlé aux affaires de la Mnef ; “Harlem” s’est attiré les haines recuites du camp aubryste, qui l’accuse de partialité dans son rôle de premier secrétaire par intérim en faveur de Hollande, durant la primaire.
S’il faut leur reconnaître le fait qu’ils ne cumulent pas de mandat, on ne peut pas dire qu’ils excellent dans leur rôle de député, au Parlement européen (pour Harlem Désir, élu depuis 1999) et à l’Assemblée (pour Jean-Christophe Cambadélis, élu depuis 1997, après un premier mandat entre 1988 et 1993). Enfin, le choix de l’un d’eux consacrerait un recul symbolique fort en matière de parité. L’État socialiste, qui a déjà mis en place aux postes clés du régime un bel ensemble masculin (Élysée, Matignon, présidences de l’Assemblée nationale et du Sénat, présidences de groupe, quasi-totalité des présidences de région), achèverait d’entériner la domination masculine dans le socialisme au pouvoir.