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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

10 juillet 2016 7 10 /07 /juillet /2016 07:12

Jeudi 7 juillet 2016, à 10h00, j'ai assisté à la cérémonie d'adieux pour Michel Rocard, organisée dans le Temple de l'église protestante unie de l'étoile à Paris.

J'ai toujours évité de m'épancher publiquement sur des considérations confessionnelles car je considère qu'elles sont d'ordre privé et qu'il ne sied pas en France qu'un responsable politique (socialiste de surcroît) expose ce qui pourrait être pris pour des préférences exclusives et communautaires alors qu'il ne s'agit que d'affaires profondément intimes et personnelles.

Néanmoins, ce jeudi matin, si je me rends au Temple de l'étoile, c'est tout à la fois parce que, d'une part, je sais que je comprendrai ce qui s'y passera, parce que cela correspond à une large partie de mon éducation personnelle (d'un point de vue culturel et non sociologique, j'ai assez peu d'accointance avec la HSP prout-prout qu'on y croise...) et, d'autre part, sachant que Michel Rocard a préparé dans le moindre détail (il a souhaité que la cérémonie s'y tienne car c'était le Temple que fréquentait sa mère), lui le Protestant mais agnostique, cette cérémonie, seules la famille et l'Eglise prendront la parole ce qui nous évitera les tentatives douteuses de récupérations et de détournements politiques qui ont ensuite immanquablement eu lieu aux Invalides pour l'hommage national, puis à Solférino pour l'hommage socialiste. Par ailleurs, vous trouverez en fin d'article les explications du cadre cérémoniel de ce jeudi matin.

Dans les moindres détails, la cérémonie a donc été cadrée par le défunt : cantiques, psaumes, jeux d'orgue, textes profanes et lecture des évangiles (le riche aura plus de mal à entrer au royaume de Dieu que le chameau à passer par le chat d'une aiguille ; la parabole de la graine de moutarde)... Je suis, il faut le dire - malgré la HSP et le défilé d'anciennes gloires politiques venues pour contempler la dépouille de celui qu'ils ont combattu ou travesti, mais qui sont réduits au silence -, parfaitement en terrain connu et à mon aise au milieu de cette liturgie "rocardienne".

Puis vient le moment de la prédication du Pasteur Laurent Schlumberger (président de l'Eglise Protestante Unie de France - communion luthérienne et réformée), lumineuse et puissante... Je choisis ici de la publier, non pour faire office de prosélytisme confessionnel (j'y suis absolument réticent), mais parce que, d'un point de vue culturel, elle me paraît expliquer précisément ce qui a pu construire, sur le temps long de l'éducation, la motivation morale et intime de l'homme Michel Rocard pour agir en politique et en société, puis structurer son éthique de conviction. Elle me paraît également valable pour bien d'autres personnes, et pour ma part je m'y retrouve.

Dépouillez donc cette lecture de toute signification religieuse excessive et considérez la de son point de vue éthique et philosophique.

Je remercie Michel Rocard d'avoir, par delà la mort, permis que nous puissions vivre un tel moment.

Frédéric FARAVEL

* * *

Texte intégral de la prédication prononcée par le pasteur Laurent Schlumberger

Le jeune Michel Rocard, comme tout responsable des éclaireurs protestants, avait la charge d’ouvrir la Bible avec les enfants qui lui étaient confiés, d’en lire un passage et de le commenter. Il fut profondément marqué par cet épisode de la rencontre de Jésus avec cet homme qui se met en travers de son chemin pour l’interroger, un homme dont on découvre au fil du récit qu’il est riche.

J’ignore ce qui, au fond, a frappé Michel Rocard dans cet épisode. Lui-même, qui faisait un lien entre cette histoire et ses options socialistes, disait n’en garder qu’un souvenir très imprécis. Mais je sais que cet homme riche, qui a entendu parler de Jésus, qui a eu connaissance de ses gestes et de son enseignement étonnants, cet homme joue le tout pour le tout. Lui qui a un solide capital financier, social et culturel, il sort de chez lui, il court et il ose se jeter aux pieds de Jésus devant tout le monde, sans craindre le qu’en-dira-t-on. Car il est poussé en avant par une question qui le brûle et à côté de laquelle tout le reste paraît finalement de peu d’importance : qu’est-ce qui donne son sens à ma vie ?

Il le dit à sa manière, avec ses codes et dans le cadre qui est le sien : « que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? » Autrement dit : comment faire pour que ma vie ne soit pas vaine ? Comment atteindre la vie en plénitude ? Qu’est-ce qui lui donnera son sel, son poids, sa valeur ? Qu’est-ce qui justifiera pleinement mon existence ?

Et pour cela, précise-t-il, que dois-je faire ? Car, n’est-ce pas, nous sommes ce que nous faisons. La valeur de notre vie dépend ce que nous parvenons à accomplir. Son sens se déploie avec les réussites qui sont les nôtres. Sa valeur est liée aux objectifs que nous atteignons…

Comme cet homme est manifestement très religieux, Jésus le rejoint dans son cadre et lui rappelle les dix commandements : ne commets pas de meurtre, pas d’adultère, pas de vol… Mais l’homme ose l’interrompre : j’observe tout cela depuis mon plus jeune âge. Ce n’est pas de cela que je te parle ! Ce que je veux, c’est plus ! Ce que je te demande, c’est un objectif supérieur, pour une vie supérieure ! Ce que j’attends de toi, puisque tu es ce maître fameux, c’est un but d’exception, pour une vie d’exception ! Quel sera le défi qui donnera à ma vie une saveur inoubliable, un bilan impressionnant, une plénitude ultime ?

Jésus regarde l’homme et il l’aime. C’est la seule fois où les évangiles donnent cette précision. C’est dire que ce que Jésus va répondre procède d’une profonde prise au sérieux, d’un amour intense pour cet homme tel qu’il est. « Tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi ». Le voilà ton défi ultime, puisque tu cours après un défi ultime.

Que va faire cet homme, dont on nous précise alors qu’il a de grands biens ? Nous n’en savons rien. Le récit n’en dit pas un mot. Il s’en va tout triste, mais pourquoi ? Peut-être parce qu’il se découvre ligoté par ses biens, alors même qu’il se croyait prêt à tout sacrifier pour cette vie en plénitude que lui indiquerait le maître. Mais peut-être aussi va-t-il vendre tout ce qu’il a et le donner aux pauvres, puis suivre Jésus. Après tout, il est sincère dans sa quête, et on ne renonce pas à toute une vie, à tout un acquis, sans considérer ce passé avec un moment de nostalgie.

Nous pouvons bien imaginer ce qui nous convient, mais le texte est muet et nous ne savons pas ce que cet homme va faire. Ce qui est sûr, c’est que, quoi qu’il fasse, sa démarche l’a déjà enfermé dans un piège de tristesse.

S’agit-il d’un problème de riches ? Certes, « il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ». Mais le dialogue qui se poursuit élargit la question à tout être humain.

Penser que nous sommes ce que nous faisons nous voue à la tristesse. Mesurer la valeur de notre vie à l’aune de nos réussites et de nos échecs, nous condamne un jour ou l’autre à l’insatisfaction et à l’amertume. Cette logique du chiffre tue la vie. L’indexation de notre existence sur nos performances est un enfer. L’enfer du toujours plus, du toujours mieux, dont le piège se referme au jour de l’échec.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle nous admirons ceux qui ne sacrifient pas tout à leurs ambitions.

Pour qui la fin ne justifie pas tous les moyens. Pour qui certes l’engagement est important, pour qui bien sûr il faut faire de son mieux, pour lesquels mille combats valent la peine, mais sans que la réussite ou l’échec décide finalement et de manière ultime de la valeur de leur vie.

Si j’en crois les hommages publics et privés qui pleuvent, sans doute est-ce aussi et peut-être d’abord cela qui nous frappe chez celui que nous quittons aujourd’hui : un engagement sans faille, multiforme et animé d’une énergie qui force l’admiration. De la dénonciation des camps de regroupement en Algérie au sort des océans, ou de l’évitement d’une guerre coloniale en Nouvelle-Calédonie à plus de justice sociale et fiscale, ou bien encore de la décentralisation au désarmement nucléaire, et pardonnez-moi de ne pas prolonger une liste que chacun connaît. Mais ces engagements furent vécus sans la peur paralysante de l’échec, sans être durablement accablé par les faibles scores électoraux quand ils survenaient, sans la crainte de ne pas voir soi-même les résultats, sans les compromissions proposées pour atteindre tel objectif mais qui aurait été au prix du renoncement à soi-même. Une existence en somme qui donnait à percevoir qu’elle était animée par autre chose que par les réussites acquises ou espérées.

Mais alors si ce ne sont pas mes réussites qui donnent à ma vie sa valeur ? Et si ce ne sont pas mes échecs qui lui retirent son prix ? Si je ne suis pas, de manière ultime, ce que je fais, qu’est-ce qui légitime mon existence ?

La réponse de Jésus ce jour-là devant ses disciples, et qu’à vrai dire il n’a cessé d’énoncer et de manifester, c’est ceci : ce n’est pas ce que tu atteindras qui justifiera ta vie, c’est ce qui la précède. Ce n’est pas ce que tu acquiers, c’est ce qui t’est donné.

Ce qui t’autorise à être pleinement au monde, c’est un appel : un appel qui t’est adressé et que tu reçois. C’est un nom : un nom qui t’est donné et que tu reçois. C’est une confiance : une confiance qui t’est faite et que tu reçois.

C’est ce que Jésus dit en substance ce jour-là à qui veut bien l’entendre : l’amour que Dieu vous porte vous libère de tout autre besoin de légitimation ultime de votre vie. La reconnaissance que Dieu vous adresse est première, sans condition, avant même que vous vous en trouviez digne ou pas.

Et Jésus n’a cessé de le manifester. En relevant le paralysé tenu à l’écart. En honorant le collecteur d’impôt considéré comme impur. En embauchant au même salaire que les autres l’ouvrier de la onzième heure oisif et délaissé. En fréquentant les prostituées méprisées. En touchant le lépreux repoussant. C’est ce qu’il montre en rejoignant les derniers des réprouvés par la mort sur la croix, signe de malédiction, et en traversant même cette mort-là.

En révélant cette confiance première et totale qui nous est faite, quoi que nous ayons par ailleurs à faire valoir ou pas, l’Evangile de Jésus-Christ libère en quelque sorte du souci de soi. Et il rend ainsi disponible. Disponible pour soi, tel que l’on est. Disponible pour les autres, tels qu’ils sont.

Disponible pour s’engager au service de tous.

Cette confiance première que l’on reçoit, qui ouvre les possibles et que l’on peut dès lors s’attacher à transmettre, Michel Rocard en a fait une expérience toute particulière dans les mouvements de jeunesse qu’il a fréquentés. Là, on me fait confiance, à ma mesure, à ma hauteur, et dès lors, j’existe !

Jusque-là, je pouvais bien être vivant, je n’avais pas encore vraiment ma place dans le monde, parmi les autres et devant eux. Mais c’est le fait même qu’un autre me donne sa confiance qui, de manière performative, m’autorise à exister. Son attitude signifie qu’il me reconnaît, qu’il légitime ma vie. Sa confiance me met au monde.

C’est pourquoi il est si important de recevoir une confiance fondamentale : la confiance qui nous est faite nous libère pour des engagements libres et féconds. C’est pourquoi il est si important de devenir à notre tour de patients et concrets semeurs de confiance, là où nous sommes, dans les responsabilités qui sont les nôtres, car le monde se meurt de confiances retenues, confisquées, ravagées.

Les témoignages le manifestent, Michel Rocard était porté par une confiance qui venait d’en-amont.

Une confiance qui le traversait et qui le rendait libre de faire confiance à ses proches, à ses collaborateurs. Une confiance qui le rendait capable de confiance – donc aussi de dire non ! – dans l’action politique, passionné pour un avenir qu’il s’agissait de préparer bien au-delà de ce qu’il en verrait – « un fou d’avenir » a-t-il été dit de lui tout récemment.

C’est pourquoi je vous ai proposé d’entendre cette fameuse et si simple parabole de la graine de moutarde. La plus petite des graines, dit Jésus, qui semble dérisoire mais qui grandit sans commune mesure, jusqu’à accueillir les oiseaux du ciel.

Cette graine de moutarde qui s’épanouit et offre son ombre à tous ceux qui veulent s’y abriter me parle de l’action politique telle que Michel Rocard la comprenait : portée par une vision de l’avenir, conduite dans une rigueur lucide, épanouie dans le temps long et portant ainsi des fruits pour tous.

Cette graine de moutarde me parle de notre vie, dans laquelle une simple et authentique parole de confiance première peut ouvrir tous les possibles. Elle me parle de notre vie, qui trouve son sens ultime non pas dans nos réussites, pas plus qu’elle ne le perd dans nos échecs.

Notre vie reçoit son sel, sa lumière, sa raison d’être, de la confiance qui nous est faite, qui nous libère pour le service des autres et nous fait ainsi, à notre tour, semeurs de confiance.

* * * * *

La prédication se référant à deux textes issus de la Bible, vous les trouverez ci-dessous pour votre compréhension

Comme il se mettait en chemin, un homme accourut et se mit à genoux devant lui pour lui demander :
– Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?

Jésus lui dit :
– Pourquoi me dis-tu bon ? Personne n'est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre ; ne commets pas d'adultère ; ne commets pas de vol ; ne fais pas de faux témoignage ; ne fais de tort à personne ; honore ton père et ta mère…

Il lui répondit :
– Maître, j'ai observé tout cela depuis mon plus jeune âge.

Jésus le regarda et l'aima ; il lui dit :
– Il te manque une seule chose : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi.

Mais lui s'assombrit à cette parole et s'en alla tout triste, car il avait beaucoup de biens.

Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples :
– Qu'il est difficile à ceux qui ont des biens d'entrer dans le royaume de Dieu !

Les disciples étaient effrayés par ses paroles. Mais Jésus reprit :
– Mes enfants, qu'il est difficile d'entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu.

Les disciples, plus ébahis encore, se disaient les uns aux autres : « Alors, qui peut être sauvé ? »

Jésus les regarda et dit :
– C'est impossible pour les humains, mais non pas pour Dieu, car tout est possible pour Dieu.

(Evangile selon Marc, chapitre 10, versets 17 à 27)


Jésus disait : A quoi comparerons-nous le règne de Dieu ? Par quelle parabole le représenterons-nous ? C'est comme une graine de moutarde qui, lorsqu'on la sème en terre, est la plus petite de toutes les semences de la terre ; mais une fois semée, elle monte, devient plus grande que toutes les plantes potagères et donne de grandes branches, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent habiter sous son ombre.

(Evangile selon Marc, chapitre 4, versets 30 à 32)

* * * * *

Au début de la cérémonie, il a été rappelé le sens d’un tel culte dans la tradition protestante ainsi que les raisons qui avaient conduit Michel Rocard à souhaiter une telle cérémonie.

Extraits

« Michel Rocard est décédé dans sa 86ème année. Le conjoint, le père, le parent et le proche, l’ami et le compagnon, l’allié et parfois l’adversaire, le dirigeant et l’inspirateur, nous a quittés. Maintenant, c’est à nous de le quitter, c'est à nous de faire ce chemin ; le quitter non pas dans notre coeur, notre mémoire, nos sentiments, mais apprendre à vivre avec cette place qui restera vide.

Alors même qu’il se disait depuis longtemps agnostique, Michel Rocard a souhaité que nous soyons réunis ici, dans cette Eglise protestante, avant l’hommage national aux Invalides. Nous avons tous en quelque sorte répondu à cette invitation. Soyons donc les bienvenus, quelles que soient nos convictions, nos itinéraires, nos choix.

Michel Rocard a pris soin d’expliciter ses souhaits quant aux principaux aspects de cette cérémonie, dont il a dit le sens qu’elle avait à ses yeux.

Il s’agit d’abord d’exprimer une gratitude, en indiquant une source. Cette source, c’est celle du protestantisme et tout particulièrement de ses mouvements de jeunesse. Il y a grandi, il a beaucoup reçu d’eux : ce qu’il a appelé son « intransigeance éthique », le goût du collectif, ou encore la découverte de la nature – « c’est là que je suis né écolo » a-t-il dit. Il a aussi beaucoup apporté à ces mouvements.

Plus encore, Michel Rocard a souhaité appeler celles et ceux qui se rassembleraient à l’occasion de son décès à un questionnement éthique fondamental. Le mieux est de citer un large extrait d’une lettre qu’il a récemment écrite à ce sujet : « J'aurais largement vécu le siècle de la honte. La boucherie de 14-18, la Shoah, le Goulag, les génocides du Cambodge, du Rwanda et de Bosnie, l'acquiescement tacite de la communauté internationale à l'assassinat de la nation palestinienne, l'échec répété de la même à entreprendre le dur combat nécessaire contre l'effet de serre, contre les catastrophes crées par la spéculation financière et contre l'impuissance à sortir l'Afrique et l'essentiel de l'Asie du sous-développement... Derrière tous ces drames, l'immoralité aussi bien humaine que financière.
« La référence première à la raison n'a pas produit d'éthique. Même les socialistes, dont pourtant l'espoir découle d'une morale, n'ont pas su produire un code respecté de références collectives. Ils acceptent même que la raison couvre toujours la plus criminogène de nos valeurs collectives, la souveraineté nationale.

« Je ne crois plus à aucune transcendance et suis devenu agnostique. Mais je constate que l'humanité n'a pas su trouver en elle-même les sources d'une morale de la vie. Empiriquement, cela ne se transmet qu'avec l'acceptation du mystère et l'évocation d'un ailleurs. Certaines religions font encore cela mieux que la raison. Toutes ont erré, et péché, comme elles disent. Celle qui m'accueillit, le protestantisme, m'est souvent apparue comme l'une des moins coupables dans l'asservissement des hommes et notamment, critère majeur, des femmes. C'est cela qu'il me paraît nécessaire de rappeler. »

Avant d’aller plus loin, il faut donc préciser, car beaucoup n’en sont pas familiers, le sens d’un service tel que celui que nous vivons à présent, dans la tradition protestante.

Il ne s’agit pas d’un rite religieux destiné au défunt ou à ses proches. Dieu n’attend pas que nous accomplissions des rites, ni que nous nous montrions dignes de lui, pour se tourner vers nous ; au contraire, lui le premier, il se fait proche de nous, gratuitement, pour rien, oui : par grâce.

Il ne s’agit pas non plus d’une cérémonie d’hommage à un homme exceptionnel, pour lequel nous éprouvons de l’affection, du respect, de l’amour, de l’admiration, de la gratitude, d’autres sentiments encore. La tradition protestante réformée aime à rappeler depuis le XVIème siècle, ce mot d’ordre : Soli Deo Gloria, A Dieu seul la gloire. Michel Rocard y a lui-même insisté, dans la perspective de ce culte.

Certes, il est bon de rendre hommage, et le temps de l’éloge, comme celui de la prise de parole politique, sont venus et viendront encore – mais pas maintenant.

Ce service nous réunit pour chercher ensemble des chemins de sens et d’espérance. En nous souvenant avec reconnaissance de la vie que Dieu a donnée à Michel Rocard. En cherchant dans l’affection et dans l’amitié, la force et le courage dont nous avons besoin. En nous appuyant sur la Bible pour y chercher une lumière pour notre vie.

Dans notre peine, Dieu ne nous abandonne pas. On dit parfois que la souffrance ou le deuil sont des épreuves envoyées pour nous faire grandir ou nous purifier. Je n'en crois rien. Au contraire, Jésus-Christ s'est toujours battu contre ce qui fait souffrir l'homme et ce qui l'écrase. Il est avec nous dans la  vie comme dans la mort, pour nous accompagner et nous soutenir. »

Portrait de Michel Rocard en 1968 - Salle du Temple de l'étoile le 7 juillet 2016

Portrait de Michel Rocard en 1968 - Salle du Temple de l'étoile le 7 juillet 2016

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