/http%3A%2F%2Fwww.humanite.fr%2Flocal%2Fcache-vignettes%2FL220xH148%2Farton875542-3bdd5.jpg)
«Improvisation et indétermination» : c’est le constat que font Henri Emmanuelli , Benoît Hamon et leurs amis. Un constat qui n’épargne personne sur la scène politique actuelle. Et tout particulièrement le PS.
Entourés notamment de Razzye Hammadi et de Bruno Juilliard, les acteurs de la gauche du PS ont présenté, hier, à l’Assemblée nationale, l’initiative politique de leur courant d’idées dans le cadre de la préparation du congrès socialiste. L’objectif est d’engager une «démarche à vocation majoritaire» en contribuant à ce que leur parti soit en capacité de fournir une vraie alternative. Une démarche baptisée «Reconquêtes» qui se veut aussi renouvellement, y compris générationnel. «Seule une gauche résolue et déterminée peut remettre la justice sociale au coeur de l’action politique, dépasser le modèle exclusif du libre-échange sans précaution, et redonner du sens au clivage gauche-droite», estiment-ils. En opposition au discours idéologique de Ségolène Royal et de Bertrand Delanoë surfant sur les idées dominantes, ils plaident en faveur d’une nouvelle «conflictualité» dans la société française. «Ce n’est pas au moment où le modèle libéral est en échec qu’il faut réhabiliter ce concept dépassé», a lancé Benoît Hamon.
Et d’insister sur les 4 crises mondiales majeures (financière, alimentaire, énergétique et écologique) face auxquelles le système actuel montre ses limites dans un contexte de demande sociale et de nécessités de développement. Selon eux, la gauche, et singulièrement le PS, ont le devoir «d’anticiper la société post-libérale» et de proposer «un État régulateur et innovateur» en réponse à «l’urgence sociale, économique et écologique». Le parti doit «changer de cycle et d’orientation» : «Les mêmes lignes n’ont pas plus de chance de faire gagner les socialistes demain qu’hier», l’élection de Nicolas Sarkozy étant «la défaite culturelle de la gauche», «résultat des batailles que nous n’avons pas menées». Benoît Hamon a dénoncé «une pensée de marché» de la part de certains socialistes, l’offre politique ne faisant que s’adapter à la demande dominante. Sur ces bases, Reconquêtes se veut une incitation à la construction d’une offre politique distincte autour de «propositions fortes» écartant les «faux débats». Au chapitre des vrais débats, le texte de leur contribution évoque en particulier la question des socialisations face à l’impératif écologique et aux besoins sociaux.
L’initiative politique était attendue au moment où Ségolène Royal et Bertrand Delanoë médiatisent leur concurrence d’images dans la course à la direction du PS et à l’investiture présidentielle pour 2012. Une posture qui semble ne pas recevoir l’adhésion de nombreux militants qui se disent inquiets quelle que soit la sensibilité dans laquelle ils se reconnaissent. C’est précisément cette inquiétude et la nature de celle-ci qui permet aux animateurs de Reconquêtes de nourrir l’ambition de peser en faveur d’un congrès différent de celui qui semble annoncé. Dans cet esprit, ils voient grand. Et surtout large. «Notre objectif est de participer à la construction d’une nouvelle majorité au PS.» Aussi entendent-ils se démarquer de l’image d’éternelle «aile gauche». Sans doute est-ce pour ces raisons qu’ils tiennent à distance sans l’avouer Jean-Luc Mélenchon, dont les positions radicales et parfois brutalement exprimées fonctionnent souvent comme un repoussoir au sein du PS.
Conséquence : la marginalisation en interne des idées non consensuelles. Un Jean- Luc Mélenchon qui leur a adressé pourtant il y a quelques heures «un appel au rassemblement de la gauche du PS». Ce qui ne cadre pas, à ce stade, avec le sens de l’initiative d’Henri Emmanuelli et de Benoît Hamon : ils souhaitent en revanche, avec Reconquêtes – qui n’est pas la simple «résistance» –, revenir dans le jeu et si possible en être un des moteurs principaux. Ils s’affirment donc «ni fétichistes ni figées» et se disent ouverts à la discussion avec aussi bien les «reconstructeurs» (mouvement réunissant des proches de Laurent Fabius, de Dominique Strauss-Kahn ou d’Arnaud Montebourg – NDLR.) que François Hollande, Martine Aubry ou Jean-Luc Mélenchon. Sans exclusive.
Dominique Bègles dans l’Humanité du 29 mai 2008