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Il a également réussi une percée à l'ouest où il a franchi la barre des 5% (commandant l'accès aux Parlements régionaux) dans plusieurs Länder (Hesse, Hambourg, Basse-Saxe), ratant de peu récemment ces 5% dans la très conservatrice Bavière. Au plan national, les sondages créditent cette formation de bons scores (entre 10% et 12%).
Mais le contexte politique et les forces en présence à gauche diffèrent sensiblement de part et d'autre du Rhin, et la configuration apparaît moins favorable en France. Die Linke est aujourd'hui dirigée par Oskar Lafontaine, personnalité politique très connue en Allemagne : il a été pendant de longues années ministre-président de la Sarre, et a joué un rôle de premier plan en animant l'aile gauche du SPD national. En dépit de leur mandat, le poids politique de Marc Dolez et Jean-Luc Mélenchon n'est donc pas comparable avec celui de Lafontaine, qui sert de locomotive médiatique à ce parti.
Par ailleurs, le PDS - importante puissance électorale à l'est de l'Allemagne - a fourni les gros bataillons militants et électoraux de Die Linke. A cette force électorale, il faut ajouter des militants en rupture du SPD à l'ouest ainsi que de nombreux syndicalistes. Les forces sur lesquelles peuvent s'appuyer aujourd'hui Dolez et Mélenchon sont beaucoup plus limitées. Certes, la motion Hamon qu'ils soutenaient a recueilli près de 19% des voix lors du vote interne au PS, mais tous ces militants ne suivront pas les démissionnaires.
ESPACE PLUS RESTREINT
Lorsqu'il présenta une motion ("Forces militantes") au congrès du Mans en 2005, Dolez, bien que premier fédéral de la puissante fédération du Nord, n'obtint que 4,5%. Et si PRS, l'organisation de Mélenchon, fut très active et visible lors du référendum sur la Constitution européenne, elle ne compterait qu'assez peu d'adhérents.
Pour pallier ces difficultés, Mélenchon et Dolez ont annoncé une alliance avec le PC en vue des européennes. On rappellera que ce parti a connu de nombreux revers électoraux, qu'il est aujourd'hui profondément divisé et qu'il perd des adhérents. Son influence électorale ne peut être comparée à celle de son parti frère allemand.
En transposant en France l'influence du PDS dans les régions déshéritées et industrieuses de l'ancienne RDA, cela équivaudrait à un PCF obtenant entre 25% et 30% dans un ensemble regroupant Nord - Pas-de-Calais, Picardie, Haute-Normandie et Champagne-Ardennes... En dépit de cet affaiblissement, étant donné le poids comparé du PC et du Parti de gauche en termes de militants et d'élus, il y a fort à parier que les dissidents socialistes ne joueront pas les premiers rôles dans ce "front commun".
Enfin, si Die Linke connaît aujourd'hui des succès en Allemagne, cela ne tient pas uniquement à la personnalité de ses leaders ou à la puissance militante des organisations qui l'ont cofondée. Le contexte politique y est différent du nôtre : l'extrême gauche y est inexistante électoralement, contrairement à la France où Olivier Besancenot exerce une forte concurrence. En outre, en Allemagne, la critique dénonçant un recentrage des socialistes porte davantage, notamment parce que le SPD est engagé dans une grande coalition avec la CDU et mène une politique de réformes.
Ce virage social-libéral fut pris il y a un certain nombre d'années maintenant. Durant l'ère Schröder, le SPD, à la tête d'une coalition avec les Verts, réforma profondément le modèle social et les bases de l'Etat-providence, notamment avec les réformes Hartz aujourd'hui fortement décriées à gauche et par les syndicats. Si le libéral-socialisme est aussi dénoncé en France, il n'en demeure pas moins que le PS reste aujourd'hui - et notamment avec le gauchissement des discours à la suite de la crise financière - idéologiquement plus à gauche que le SPD.
Concurrencée par une extrême gauche conquérante et un PS à la direction "gauchisée", la déclinaison française de Die Linke jouira donc d'un espace politique plus restreint que sa consoeur germanique. Même si son discours peut rencontrer un certain écho auprès d'électeurs de gauche démoralisés par la crise du PS et radicalisés par la poursuite des réformes sarkozystes.
Jérôme Fourquet est directeur adjoint du département opinion et stratégies d'entreprise de l'IFOP.