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Que penser de cet archevêque ayant excommunié une mère brésilienne pour avoir fait avorter sa fille de 9 ans, enceinte après un viol ? Ou de Benoît XVI visitant des malades du sida en Afrique, pour faire ses bonnes oeuvres, après avoir une fois de plus délégitimer les préservatifs ?
Le pape fait penser à une multinationale qui aurait laissé cramer une récolte en décrétant que l'eau ne serait pas la solution à l'incendie. Et qui, grand prince, une fois la terre brûlée, viendrait distribuer un petit sac de provisions à chaque habitant affamé en espérant être béatifié.
"Vous n'attendez tout de même pas que le pape dise qu'on doit mettre un préservatif !" Cette phrase, entendue mille fois pour justifier le conservatisme le plus inhumain, vient sans surprise de Christine Boutin, qui pratique une vision tout à fait charitable de la politique du logement.
Comme tous les catholiques conservateurs, Christine Boutin ne change pas. Elle aime ce pape parce qu'il ne change pas non plus. Quel dommage tout de même que cette passion pour la constance figée ne se contente pas d'admirer des statues... Le Vatican serait peut-être moins pétrifié.
Le monde bouge trop vite à son goût ? Qu'il se rassure. A force de mener croisade contre le féminisme et l'égalité, l'humanisme ne va pas si vite. La discrimination des femmes et des homosexuels se maintient à un score tout à fait honorable. Ils continuent d'être envoyés en prison, pendus ou lapidés. Parfois, c'est vrai, l'humanisme vient à bout du fatalisme. Au Danemark, les couples de même sexe vont pouvoir adopter. En France, Nadine Morano, ministre de la famille, propose d'aménager le statut du "beau-parent" pour toutes les familles, qu'elles soient recomposées ou homoparentales. Christine Boutin s'en inquiète. Vous ne vous attendiez tout de même à ce qu'elle applaudisse ! Une statue, c'est fragile. Un mouvement et elles se mettent à craquer.
Que les statues se rassurent. Il faudra encore quelques années avant que les couples de même sexe n'aient pas seulement les mêmes devoirs mais aussi les mêmes droits que les autres. Même si, reconnaissons-le, à force d'être en mouvement, la droite française a bien évolué sur ce sujet. Surtout quand on a en tête les cris d'orfraie qu'elle poussait lors du débat sur le pacs.
Dix ans plus tard, même la droite catholique est horrifiée par l'intolérance du pape. Preuve qu'on peut aimer les statues sans ressentir le besoin d'en poser une sur le trône de Pierre. Leur vigilance rassure. Allons au-delà. Rêvons d'un pape qui puisse un jour faire autre chose que donner des leçons de morale irresponsables et inhumaines. Pourquoi pas ?
Pourquoi le pape ne pourrait-il pas prôner le droit à l'amour, une sexualité déculpabilisée, donc épanouie et protectrice ? Pourquoi pas ne pas rêver à des religions renouant avec leur part d'humanisme au lieu de nous asséner leur part d'ombre dominatrice ? Pourquoi ne pas souhaiter des imams luttant contre le terrorisme avec des fleurs, des rabbins portant secours aux enfants de Gaza et d'un pape distribuant des préservatifs en Afrique.
La planète aurait-elle vraiment perdu ses repères ? Le monde serait-il englouti comme Sodome et Gomorrhe ? Ou est-ce maintenant, à force de voir des religieux jouer les statuettes de malheur, que le monde sombre.
Caroline Fourest