"La moitié des salariés gagne moins de 1 450 euros"
Entretien avec Liêm Hoang-Ngoc, Libération du 15/01/07 | 17 janvier 2007
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IMPOTS. Liêm Hoang-Ngoc, économiste membre du PS, défend une politique fiscale de redistribution
Par François WENZ-DUMAS
Universitaire et chercheur à l’université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, l’économiste Liêm Hoang-Ngoc, membre du PS et proche d’Henri Emmanuelli, s’insurge contre les idées reçues en matière fiscale. Il vient de publier chez Grasset Vive l’impôt .
Pensez-vous, comme François Hollande, que la gauche, si elle revient au pouvoir, devra abroger les réformes fiscales de la droite ?
C’est la moindre des choses. Le Parti socialiste, dans son programme, propose d’instaurer un impôt sur le revenu universel qui fusionne la CSG et l’actuel impôt sur le revenu. L’idée est d’avoir comme la CSG une assiette plus large assortie d’une réelle progressivité. C’est à l’opposé de ce qu’a fait la droite, qui a diminué la progressivité en réduisant le nombre de tranches, et accordé aux plus hauts revenus des allégements ciblés.
Le seuil de 4 000 euros de salaire net évoqué par le premier secrétaire du PS ne risque-t-il pas de toucher les classes moyennes ?
Un salarié français sur deux gagne moins de 1 450 euros net par mois : c’est cela la réalité. La polémique de ces derniers jours est fondée sur la confusion entretenue par la droite entre salaire net, revenu imposable et foyer fiscal. François Hollande aurait peut-être dû parler de revenu net imposable par part, ce qui aurait clairement mis la barre à 10 000 euros de revenu déclaré pour un couple sans enfant. A ce niveau, il devient difficile de parler de classe moyenne. Il s’agit des 200 000 à 300 000 foyers fiscaux du haut de l’échelle qui, depuis cinq ans, ont bénéficié des principaux allégements. Sait-on que le fameux bouclier fiscal profite en théorie à 93 000 contribuables a priori aisés, mais parmi eux essentiellement aux plus fortunés ? Les 16 000 qui paient l’ISF se partageront 350 millions d’exonération alors que les 77 000 qui ne paient pas l’impôt sur la fortune auront 50 millions d’allégement.
Mais à trop taxer les hauts revenus, ne risque-t-on pas de « tuer l’impôt » et d’inciter les plus riches à s’expatrier ?
C’est l’argument que répètent les libéraux et néoconservateurs : trop d’impôt tuerait l’impôt. Johnny Hallyday part en Suisse. Un riche quitterait tous les jours la France pour ne pas payer l’ISF ! Que pèsent les 365 personnes qui quittent la République rapportées à tous ceux qui viennent chaque année en France participer à la création de richesse ? Le président de la République veut baisser le taux de l’impôt sur les sociétés (IS),qu’il juge trop élevé. Or, il a rapporté 48 milliards d’euros en 2004 et 56 milliards d’euros en 2006 : on ne peut pas dire que son taux de 33 % ait nui à son rendement ! Et une baisse du taux n’aurait aucun effet sur l’investissement : elle irait grossir les dividendes, en réduisant d’autant les recettes de l’Etat. Même chose pour les allégements de l’impôt sur le revenu consentis sur les tranches les plus élevés : le supplément de pouvoir d’achat dont bénéficient les foyers les plus aisés vont vers l’immobilier et l’épargne. Socialement et fiscalement, ces allégements ne se justifient pas. Economiquement, ils sont aberrants.
Ne se focalise-t-on pas sur l’impôt sur le revenu, qui ne représente que 17 % des ressources fiscales ?
Effectivement, et il n’est payé que par un contribuable sur deux. Le plus injuste des impôts est la TVA, qui représente 51 % des recettes publiques hors Sécurité sociale, et que le pauvre paie au premier centime dès qu’il accède à la consommation. L’un des grands rêves des néoconservateurs en matière de réforme fiscale est de réduire l’impôt sur le revenu à un prélèvement à taux unique comme la CSG et de reporter le manque à gagner sur la TVA. Ce serait une absurdité économique, puisqu’une hausse de TVA pèserait sur la croissance et les prix. Mais les libéraux ne sont pas à cela près dès lors qu’il s’agit de démanteler un impôt sur le revenu dont ils refusent la fonction redistributive et solidaire.
Vive l’impôt !
Essai de Liêm Hoang-Ngoc, Editions Grasset - Janvier 2007
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