Ô que les parlementaires de droite – Novelli, Raffarin, Borloo, etc. – sont généreux et humanistes… Pris d'un soudain élan de compassion pour les familles modestes, dont les parcs d'attraction et les parcs zoologiques sont souvent la seule alternative budgétairement accessible à des vacances, ils ont fait adopté à l'unanimité en commission un amendement rejettant l'augmentation de la TVA sur ces activités.
Ainsi, après avoir « rassuré » les marchés en affichant la triste figure du « Père la Rigueur », François Fillon himself, la droite gouvernementale présente à moindres frais son visage social. On sait cependant ce que droite sociale signifie dans notre pays, Laurent Wauquiez – animateur lui-même du club « droite sociale » – ayant dénoncé le « cancer social » que représentaient à ses yeux les assistés du RSA.
Crise des dettes souveraines ou crise des cocus de la finance et des puissants ?
De fait, la droite française, suivant l'exemple de ses consœurs européennes, tente un tour de passe-passe indécent. Depuis le déclenchement de la crise financière en 2008, les États sont venus au secours des banques d'affaires, qui avaient accumulé des milliards d'euros de dette, afin de préserver le fonctionnement du système financier international. De fait, la dette privée a ainsi massivement été transférée sur la dette publique. Cela, ils l'ont fait sans aucune contrepartie réelle en termes de contrôle, de régulation ou de réorientation du crédit vers l'investissement productif.
Parallèlement, et depuis près de 10 ans, les gouvernements de droite – et parmi eux les gouvernements français successifs de MM. Chirac et Sarkozy – ont multiplié les cadeaux fiscaux inefficients, injustes, voire contreproductifs (la défiscalisation des heures supplémentaires qui détruit de l'emploi). Ainsi ce sont 70 milliards d'euros qui manquent aux budgets de l’État et de la protection sociale, en pure perte. La France ne vit pas une crise de la dette, mais une crise des recettes et de la volonté politique. Non seulement ces mesures coûtent directement mais elles handicapent la croissance ce qui ne peut avoir que des conséquences négatives sur les déficits.
La Cour des Comptes – on l'a tellement répété qu'il est étonnant que certaines personnes ne l'ait pas encore compris – explique ainsi que 66 % des déficits sont causés par les choix politiques du gouvernement. Depuis deux jours et moins d'une semaine après les annonces rigoristes de François Fillon, on a pourtant appris que le budget de l’État subirait un déficit plus important que celui-ci escompté, la montée en charge des dépenses au mois de juillet étant équivalente à ce qu'elle était l'année précédente selon la commission des finances de l'Assemblée nationale. Voilà qui éclaire d'un jour cru les annonces politiques et pseudo-idéologico-responsables de l'exécutif français : quelle crédibilité accorder à un gouvernement qui n'est pas capable de respecter son propre plan de charge, quand il vous intime l'ordre par ailleurs de voter une « règle d'or » budgétaire nébuleuse, mais inscrite dans les traités européens, mais de fait balayée par les faits puisqu'il a fallu se détacher de toutes les pratiques budgétaires, monétaires et financières imposées par les traités européens pour éviter que la zone euro ne s'effondre ????
Quel tour de passe-passe ! C'est à cause de la crise du modèle ultra-libéral et dérégulateur, qui trouve son origine dans les présupposés mêmes de ce que l'on a appelé la révolution libérale des années Thatcher-Reagan, que nous subissons ce que l'on appelle aujourd'hui la « crise des dettes souveraines ». Mais les gouvernements européens y trouvent de nouveaux arguments pour expliquer que finalement ce sont le train de vie des États, les services publics et la protection sociale qui en seraient responsables, que décidément les occidentaux vivent au-dessus de leurs moyens et qu'il serait bon de tailler à grands coups de serpe dans les budgets sociaux. Ce n'est pas aux citoyens et aux communes de payer les factures des cadeaux fiscaux et l'ardoise des banques d'affaires. Ce n'est pas en réduisant le nombre d'enseignants et en s'attaquant au pouvoir d'achat des Français que le pays se portera mieux.
Plus de trente ans de pensée unique, rabâchée sur tous les médias, et d'absence de volonté politique qui nourrit dans les opinions l'idée que le politique est impuissant, ont fini par convaincre nombre de nos concitoyens que la fatalité libérale n'avait pas d'alternative. Il nous faudra donc beaucoup d’aplomb et de pédagogie pour reprendre le pas dans l'opinion publique : c'est cela la priorité de la bataille culturelle à mener d'ici la présidentielle.
Nous ne pourrons d'ailleurs l'emporter en mai 2012 qu'à la condition d'être fidèle à ce que nous sommes, Socialistes, et au rassemblement de la gauche. Nicolas Sarkozy a beau être fortement impopulaire, sa base électorale reste conséquente et solide, alors qu'on aurait pu espérer un effondrement politique plus important au regard des désastreux résultats de sa politique ; ceux de nos camarades socialistes qui comptent pour gagner en 2012 essentiellement sur le ressors de l'antisarkozisme en seront pour leurs frais et nous entraînerons collectivement dans le mur.
Austérité de gauche contre austérité de droite ?
De nombreux écueils sont à éviter. Le principal serait de donner à penser que nous n'avons rien d'autre à proposer face à l'austérité de droite qu'une austérité de gauche.
D'abord parce que cette manière de présenter le débat favorise le gouvernement sortant : c'est lui qui aura décidé du terrain du combat et la course à l'échalote sur qui coupera le plus ou le mieux dans les finances publiques ne peut que nous enfoncer dans un nivellement par le bas.
Ensuite et surtout car les exemples récents de nos camarades socialistes de la péninsule ibérique devrait nous inciter à fuir l'ornière dans laquelle on veut nous enliser. Austérité de droite contre austérité de gauche : les électeurs préférerons par le vote et l'abstention l'original à la copie. C'est exactement ce qui s'est passé au Portugal en juin dernier et que la gauche de la gauche ne réjouisse pas des difficultés du PS local, cela ne lui a pas profité pour autant.
C'est également ce qui est promis au PSOE en Espagne. Le gouvernement sortant confronté à une spéculation agressive et débridée à son égard – qui trouve sa source dans les choix politiques erronés (miser sur l'immobilier et la finance pour fonder le développement économique, le rendant de fait extrêmement exposé à l'explosion des bulles économiques) qu'il avait fait sous Zapatero – poursuit l'administration de remèdes libéraux et croit pouvoir sauver le pays dans l'adoption d'une « règle d'or » exigée par Merkel, dont même le Financial Times et le très discret et conservateur Herman Van Rompuy ont déclaré qu'elle était inutile et inopérante, et qui a le désavantage politique désastreux de même la droite conservatrice espagnole et le gouvernement socialiste dans le même panier aux yeux de l'opinion. Or dans le même temps, le nouveau secrétaire général du PSOE qui devra mener la bataille des législatives doit reprendre contact avec l'opinion publique et les « indignés » et désavouer de fait dans la plate-forme électorale qu'il présentera aux électeurs la politique d'un Zapatero crépusculaire. L'effet de grand écart peut ainsi s'avérer dévastateur !
Enfin, imaginons – pure politique fiction – qu'un président de gauche soit élu sur la ligne qui – disons le clairement – est celle défendue par François Hollande et Manuel Vals et qui participent depuis que les termes du débat ont été posés par la droite et Nicolas Sarkozy à cette course à l'échalote sur la dette souveraine et les déficits publics… La mise en œuvre d'une politique visant au rétablissement au forceps de la règle des 3 % sans discrimination et sans détail dès 2013 – ce que proposent nos camarades – n'est tout simplement pas tenable politiquement, économiquement et socialement :
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elle ne créerait pas les conditions du retour à la croissance qui seul permettra une remontée de recettes. Une politique d'austérité de gauche, comme celle de droite, aggraverait la situation des comptes publics et sociaux ;
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un tel gouvernement se mettrait à dos la majorité de l'opinion publique au regard de la dégradation de la situation, du refus de la prise en compte des attentes sociales (notamment sur les retraites) et de la dégradation des services publics qui se poursuivrait. Sa marge de manoeuvre politique se réduirait constamment, sur fond de tension sociale et territoriale, où la violence comme en 2005 ou comme en Grèce depuis 2009 pourrait ne pas être absente ;
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les marchés qui ne cherchent pas tant à être rassurés qu'à s'assurer de retours sur « investissements » importants (quand ils sont relativement corrects) ou qui ont tout simplement un comportement de requins et de razzia, tireraient immédiatement les conséquences qui s'imposent dans la logique qui est la leur. Le moindre faux-pas, le moindre retard serait alors interprété comme une incapacité à répondre à leur diktat, la spéculation s'aggraverait et nos conditions de crédits se dégraderaient. Il faut dire aujourd'hui que les opérateurs de marchés les moins charognards finissent même par s'inquiéter de ces austérités radicales promises par les gouvernements européens de droite et parfois de gauche, car elles cassent la croissance et ne les assurent pas que les revenus des États soient dans ces conditions suffisamment solides pour les rémunérer.
Ainsi l'orientation que nous proposent nos camarades les plus austères nous mettrait plus encore que jamais dans les mains des marchés et moins maître de notre destin collectif.
Lors de l'atelier « L'Europe progressiste, c'est pour quand ? », Pervenche Bérès s'inquiétait sur le fait que la plus grand crise connue par le libéralisme s'achève finalement par sa plus grande victoire, si jamais nous ne prenions pas la mesure des enjeux. Il est certain que libéralisme a déjà emporté la victoire dans l'esprit de certains de nos camarades, cependant les remèdes de cheval libéraux s'ils étaient mis en application par la gauche nous mèneraient plus vraisemblablement vers une victoire à moyen terme des populistes ; il est trop tôt pour enterrer – même pour 2012 – Marine Le Pen sous prétexte que les sondages lui seraient moins favorables ces dernières semaines, mais n'oublions jamais que son père n'a jamais été à ce niveau d'intention de vote 9 mois avant la présidentielle ; le populisme d'extrême droite sera le principal danger pour 2017 si nous décidions de mener une politique qui ne doit pas être la nôtre.
Comment sortir du piège tendu par la droite ? Comment être nous-mêmes ?
Il faut renverser les paradigmes de la question économique qui est posée. Martine Aubry n'a pas de difficultés à faire la démonstration de son sérieux budgétaire. La gauche en 1997 a réussi à démontrer sa capacité à gérer des budgets jugés ingérables par la droite 3 mois avant, la candidate a en tant que n°2 du gouvernement était la seule ministre depuis les années 1970 à rétablir les comptes de la sécurité sociale. Seulement l'effort de sérieux budgétaire qu'elle annonce ne sera pas une course à l'échalote imposée par la droite, les marchés et les néo-libéraux. Martine Aubry a indiqué qu'elle en finirait avec une logique financière d'un État qui préfère se passer de recettes pour faire plaisir à une clientèle réduite mais riche et puissante, plutôt que d'être efficace économiquement et socialement dans l'intérêt du pays et du plus grand nombre. D'autre part, il est indispensable de sortir les investissements d'avenir des logiques de déficits budgétaires.
Il faut rassembler la gauche politique et sociale de ce pays pour soutenir l'effort d'un gouvernement de gauche. Que dirons les millions de personnes qui ont défilé à l'automne 2010 si après avoir abandonné le retour réel à la retraite à 60 ans (« oui vous pourrez partir à 60 ans si vous avez cotisé 41 ans et demi »), un gouvernement de gauche les met dans la main du patronat et décidant que la règle sociale sera dicté par le contrat. Voilà 10 ans que la droite détruit le droit du travail par la loi et la gauche revenue au pouvoir se priverait de la loi pour rétablir un minimum d'équité ?!? allons ce n'est pas sérieux. Avec Martine Aubry, ce sera le contrat autant que possible et la loi chaque fois que nécessaire, c'est là ce dont la gauche et certains candidats n'auraient pas dû s'éloigner. La relocalisation des emplois, la transition énergétique conçu avec un développement d'une industrie post-nucléaire, sont également les conditions du rassemblement de la gauche.
Enfin, il faut changer l'Europe. C'est Martine Aubry qui a conduit l'accord européen entre le Parti Socialiste et le Parti Social-démocrate allemand. Dans la perspective des élections allemandes de 2013, c'est un outil fondamental pour changer la donne ; dans celle des élections européennes de 2014, il faut sans tarder l'élargir au Labour Party (l'état déliquescent de l'industrie britannique devrait faire réfléchir nos camarades), au PS Wallon, au PSOE (obligé de changer pour les législatives de 2011) avant de le généraliser au PSE en lien avec Poul Nyrup Rassmussen. Les propositions européennes de Martine Aubry tiennent compte des erreurs constatées au niveau européen depuis le rejet du TCE et l'adoption du Traité de Lisbonne dont toutes les règles et contraintes économiques et budgétaires ont été explosées par la crise. L'Europe doit retrouver une ambition de solidarité et trouver de nouveaux architectes qui n'auront pas la frilosité de Merkel et de Sarkozy. Martine Aubry en a tiré les conséquences et les leçons. François Hollande, peut-être parce qu'il reste traumatisé par les référendums de 2004 et 2005 sur le TCE, reste d'une europlatitude qui ne cesse de mener l'idée même de construction européenne vers l'abîme.
Soyons sérieux, soyons ambitieux, soyons socialistes et rassemblons la gauche ! Votons Martine Aubry !
Frédéric Faravel
Secrétaire fédéral du PS95 aux relations extérieures
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