Jean-Louis Costes (UMP) sera le nouveau député de la circonscription de Villeneuve-sur-Lot. Avec 53,76% des voix contre 46,24% à Etienne Bousquet-Cassagne (FN), ce sera lui qui représentera un territoire très longtemps ancré à gauche plutôt qu'un quatrième parlementaire d'extrême-droite.
Mais le véritable bénéficiaire politique de ce scrutin est évidemment le Front National de Marine Le Pen qui continue de faire vivre l'illusion de la banalisation de son parti et surtout des idées fascisantes et xénophobes qu'il promeut. Entre les deux tours, le Front National a gagné 7 095 voix.
Il faut donc en tirer quelques enseignements.
1- il n'existe plus de territoires culturellement protégés du Front National. Cela a longtemps été le cas ; l'ouest catholique et le sud-ouest rad-soc avaient été longtemps à l'écart de la progression de l'extrême droite. Les résultats des précédentes législatives et surtout cette partielle ont démontré qu'elle ne sera plus réservée à cette partie de la France à l'Est d'une ligne Le Havre/Narbonne.
2- l'appel au Front Républicain n'a pas été entendu. L'automaticité a encore été le réflexe du PS une nouvelle fois éliminé au soir du premier tour de scrutin, sans plus d'analyse. Non seulement les électeurs de gauche ne se sont pas mobilisés pour voter en faveur du candidat UMP dit "républicain", mais - pour que Bousquet-Cassagne remporte plus de 7000 voix supplémentaires (il a presque doublé ses suffrages entre les deux tours) - il aura fallu que certains d'entre eux votent FN.
Sur cet échec du Front Républicain, il faut éviter plusieurs erreurs d'analyses.
La première serait de croire à la spécificité absolue de cette circonscription, plombée par "la faut d'un homme", Jérôme Cahuzac, qui aura porté le mensonge et la duplicité à un niveau rarement atteint à gauche, engageant la crédibilité même de laction politique auprès de nos concitoyens. Non, cet argument nous a déjà été servi avant dans l'Oise pour expliquer notre élimination dès le 1er tour et l'élection de Jean-François Mancel, élu corrompu, face au FN (qui là encore avait gagné des voix). L'autre erreur d'analyse serait de faire comme le 21 avril 2002 et considérer que les raisons de notre propre échec reposerait sur les épaules de nos partenaires politiques.
Les explications sont malheureusement plus profondes.
1- Comment faire tenir un Front Républicain quand sa logique n'a jamais été réciproque ? L'UMP n'a jamais eu une ligne claire, seules des individualités appelant clairement à faire battre le FN en votant à gauche en cas de second tour duquel la droite serait éliminée. Un seuil supplémentaire a d'ailleurs été franchi dans la confusion lors des législatives de juin 2012 à l'UMP par la voix de son secrétaire général d'alors, Jean-François Copé (depuis devenu Président appuyé par la "Droite populaire"), en plaidant le "ni-ni". Il n'est pas étonnant ensuite qu'ici et là, et de plus en plus souvent les électeurs de gauche refusent de voter pour l'UMP.
2- La dérive idéologique engagée par Sarkozy et poursuivie par Copé contribue à légitimer chaque jour un peu plus les thèses du FN, en reprenant chaque des bribes du discours de l'extrême droite. La dédiabolisation et la banalisation du FN aurait rapidement atteint une limite si la stratégie de Marine Le Pen n'avait pas rencontré une tactique politicienne et une disponibilité idéologique à l'UMP. Demandez aujourd'hui à un cadre UMP pourquoi le FN serait incompatible avec son parti et empêcherait une alliance entre les deux formations, vous aurez une réponse surprenante : non pas les valeurs, non pas la République, mais l'appartenance à l'Union Européenne et la conservation de l'euro comme monnaie. Pas étonnant que certains élus locaux UMP franchissent le cap de la collusion... Argument supplémentaire de l'électeur de gauche pour refuser de voter UMP.
3- Notre politique économique n'est pas absente des débats électoraux et des motivations des électeurs dans l'Oise ou dans le Lot, quel que soit le contexte spécifique de ces circonscription. C'est Christian Paul, député de la Nièvre, un reponsable socialiste qui n'est en rien un dangereux gauchiste ou un animateur de la gauche du PS, qui le dit le mieux sur twitter hier soir : "@christianpaul58 : «Quand l'action de la gauche se différencie mal de la politique de la droite, le FN bouscule les digues républicaines. Injuste, mais réel.»"
Le premier des carburants de l'extrême droite c'est le désarroi social des électeurs de gauche et l'idée qui progresse qu'il y aurait une collusion sur le fond et sur la forme entre UMP et PS. Et personne ne peut à gauche s'en exonérer : hier sur le marché de Bezons dans lequel je déambulais, un habitant rétorquait à un militant du Front de Gauche lui tendant un tract sur les dangers de la future réforme des retraites "Mais le Front de Gauche, il a bien appelé à voter Hollande !!" A ce titre, les diatribes de Mélenchon n'empêcheront jamais au Front de Gauche d'être lié dans l'esprit des Français au sort de la gauche en général ; et le PCF a bien noté que les éructations de son allié (qu'il ne partage pas) ne permettent en rien un cordon sanitaire qui éviterait aux élus locaux communistes de subir également un reflux aux prochaines municipales, placées sous le contexte du rejet de l'action gouvernementale.
Et c'est bien là que le bât blesse.
Les Français malgré quelques mesures sociales mises en place au début du mandat ne considèrent pas que les mesures qui ont suivi identifient à gauche l'action du gouvernement : Europe, Compétivité, marché du travail... Ils ne voient pas non plus venir les fruits attendus de la politique de rigueur budgétaire qui contraint chaque jour un peu plus notre environnement économique et social. L'appréciation des orientations annoncées pour la réforme des retraites, sur la basse d'une forte augmentation du nombre d'annuités de cotisation, risque d'être aussi assez violente.
Alors, oui effectivement, je rejoins mes camarades de la motion 1 quand ils admonestent toutes les interventions critiques : "nous sommes dans le même bateau, quelques uns ne s'exonèreront pas de l'échec du gouvernement". J'ajouterai "nous sommes dans le même bateau, la ligne actuelle du gouvernement qui est en décalage avec le projet adopté par les socialistes en juillet 2011 nous conduit dans le mur, et il nous emmène tous ensemble. Il tend de prendre le tournant de la relance pour éviter le mur".
Frédéric FARAVEL