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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

27 avril 2021 2 27 /04 /avril /2021 18:11

Le symbole est significatif et il ne saurait être pris à la légère... La tribune ignoblement intitulée « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants » signée par une vingtaine de généraux, une centaine de hauts-gradés et plus d'un millier d'autres militaires et publiée par le magazine d'extrême droite Valeurs Actuelles est apparu en ligne le mercredi 21 avril 2021 à 7 heures du matin, soit 60 ans jour pour jour après le « putsch des généraux ».

Continuité d'une marginalité réactionnaire interne

Les tentatives de coup d’État militaire sont rares dans notre pays et ce sont parfois terminés en farce (comme avec le Général Boulanger), mais la date anniversaire choisie pour faire paraître le brûlot sédition devrait nous au sérieux : l'armée française ne s'était réellement rangée derrière le régime républicain qu'après l'Affaire Dreyfus et si l'expression de « grande muette » traduit la privation de droits civiques des militaires entre 1848 et 1945, il a toujours été convenu que l'armée et ses chefs ne devaient plus se mêler de politique. Des militaires ne sont sortis de leur réserve qu'à deux reprises : en mai 1958, lors de la guerre d'Algérie, ils obtiennent le retour du général De Gaulle au pouvoir et fait la chute de la IVème République ; en avril 1961, les mêmes protagonistes menacent de renverser le nouveau régime (lui-même né d'une forme de coup d’État) qui ne devra sa survie pour une large partie au refus des appelés de suivre ce que général De Gaulle avait raillé comme un « quarteron de généraux en retraite ».

En retraite, ce quarteron ne l'était pas, et d'aucuns pourraient y voir un argument pour se rassurer à la lecture de la lettre séditieuse : après tout, les généraux signataires de la tribune publiée par Valeurs Actuelles sont eux bien à la retraite… ce qui reste inquiétant c'est que le millier d'autres signataires lui ne l'est pas en retraite. Et c'est là l'information principale qu'il convient de retenir : il y a toujours eu dans l'armée français des cadres et des officiers dont l'adhésion à la République n'était jamais que nominal, heureusement la République s'affermissant leur nombre s'était réduit et les républicains sincères ont toujours été en majorité une fois ses éléments réactionnaires ridiculisés et écartés après « l'Affaire ». Les autres ont appris la dissimulation avec un certain talent, puisque des individus qui se sont révélés aussi abjects et anti-républicains que Philippe Pétain étaient parvenus à être élevés dans l'opinion publique et des responsables politiques au rang de recours et de sauveur dans la débâcle. L'histoire nous a donc appris à nous méfier… et ce n'est pas parce que les opposants à la création de la Vème République se sont trompés, sur le risque fasciste qu'ils dénonçaient en 1958 avec le général De Gaulle, que la tentation autoritaire et réactionnaire avait totalement disparu. Le « Grand Charles » l'a expérimenté lui-même… Aujourd'hui nous sommes avertis : un bon millier d'officiers d'actives sont prêts à assumer ouvertement leur haine de la République.

La sédition militaire contre la République
Weltanschauung d'extrême droite

Le texte est court, mais il enchaîne les poncifs et les passages obligés de tout manifeste national-réactionnaire qui se respecte. Trouver des justifications oiseuses pour soutenir que ces hommes supposément attachés à l'ordre et à l'honneur trahissent donc ainsi leur devoir en menaçant les Français : « L’heure est grave, la France est en péril, plusieurs dangers mortels la menacent (...) notre honneur aujourd’hui tient dans la dénonciation du délitement qui frappe notre patrie ». L'appel au drapeau qui n'est « pas simplement un morceau d’étoffe » mais devient subitement la relique d'un culte ossifié dont ils ont oublié qu'il représente la communauté nationale avec de vrais êtres de chair, de sang et de conscience.

L'analyse politique portée sur l'état du pays n'est qu'une longue énumération des obsessions classiques, recyclées et réchauffées de l'extrême droite traditionnelle.

Le premier péril serait lié à « un certain antiracisme ». « Aujourd’hui, certains parlent de racialisme, d’indigénisme et de théories décoloniales, mais à travers ces termes c’est la guerre raciale que veulent ces partisans haineux et fanatiques. Ils méprisent notre pays, ses traditions, sa culture, et veulent le voir se dissoudre en lui arrachant son passé et son histoire ». On peut considérer que beaucoup de gens font fausse route et s'égarent – comme le démontrent un certain nombre de débat hors sol qui alimentent avec frénésie les divisions de la gauche – ou développent un discours dangereux, mais de là à considérer aujourd'hui que l'UNEF, Edwy Plenel, le comité Adama ou même le PIR (dont les méthodes violentes ne font elles aucun doute) risqueraient de mettre en danger la République, voilà qui démontre un esprit plus embrumé qu'après avoir englouti 3 litres de bière dans une arrière salle de brasserie munichoise. Il suffit d'ailleurs de regarder à quel point ces thèses n'ont aucun relais chez nos concitoyens quel que soit leur milieu social, il suffit de mesurer à quel point les catégories populaires – quelles que soient les origines géographiques – considèrent avec consternation les débats qui agitent parfois une certaine gauche, pour toucher du doigt l'abstraction idéologique qui anime les rédacteurs de « l'appel ».

Le deuxième péril viendrait de « l’islamisme et des hordes de banlieue ». Voilà une nouvelle preuve que ces prétendus et autoproclamés sauveur du pays ne connaissent pas celui-ci. L'islamisme est évidemment un péril puisqu'il met en cause la République et soutient un projet terroriste, mais pour justifier de renverser la démocratie et la République il ne suffit évidemment pas. Malgré tous les reproches que l'on peut faire aux gouvernements successifs – plutôt dans le sens d'un recul des libertés publiques – la société française et les valeurs républicaines n'ont pas cédé sur l'essentiel face aux djihadistes. Non, pour prétendre renverser la République, il faut expliquer que le régime honni a failli et que de larges pans de notre territoire sont définitivement sortis de la Nation ; on voit à quel point le discours sur « les territoires perdus de la République » largement répandu à droite mais souvent relayé chez certains qui furent peut-être de gauche – comme Manuel Valls (on se souvient de son évocation de l'apartheid pour décrire la société française !?) – est dangereux puisqu'il vient en écho au délire ultra-nationaliste avec un impact bien plus fort. Voici donc les banlieues françaises perdues et ses habitants tous devenus des islamistes radicaux ou des relais des trafiquants et rassemblés dans une « horde », autre façon de les rabaisser au rang de « bêtes » qu'on pourra ensuite massacrer.

Enfin, le dernier péril qui menace notre société serait « la haine » qui « prend le pas sur la fraternité lors des manifestations où le pouvoir utilise les forces de l’ordre comme agents supplétifs et boucs émissaires face à des Français en gilets jaunes exprimant leurs désespoirs ». C'est sans doute l'attaque qui peut faire le plus de mal, parce que le macronisme a effectivement usé d'une violence inutile et disproportionnée contre les citoyens français. C'est cependant un détournement odieux, car jamais au grand jamais – et quels qu'aient pu être les coups de projecteurs d'une certaine presse sur des chants antisémites isolés et des appels tout aussi minoritaires au général de Villiers – ce mouvement social inédit n'a émis la moindre sympathie pour les thèses des agités du képis qui nous occupent aujourd'hui. Les revendications du mouvement le rapprochaient d'une forme de gauche radicale qui aurait enfin trouvé un moyen de s'attacher toute une frange d'artisans et de petits entrepreneurs. Là réside bien un risque : celui qu'à force de mépriser les Français, et notamment les aspiration des catégories populaires et moyennes, de lui nier toute possibilité de débouchés économiques et sociaux, une partie d'entre eux désespérant de l'égalité finisse par croire en un sursaut possible d'un ordre « viril ».

La politique de l'autruche

Le fait qu'une telle analyse puisse être assumée explicitement et publiquement par plus de milles militaires est en soi un fait politique grave. Le deuxième fait grave est la menace tout aussi explicite de renverser la République par les armes. Ces gens sont disponibles pour mettre leurs réseaux au service d'un projet de guerre civile et au regard du discours idéologique de cet appel de l'épuration ethnique qu'ils appellent de leurs vœux.

N'importe quel gouvernement démocratique aurait pris la mesure de la menace. Mais il est effarant que l'exécutif n'ait pas cru bon de réagir ; soyons plus précis, la ministre des armées a fini par réagir pour dénoncer Marine Le Pen. Le fait que la candidate d'extrême droite ait appelé ces factieux à la rejoindre est évidemment une faute politique mais révèle surtout que la stratégie de dédiabolisation du Rassemblement national n'est qu'un miroir aux alouettes élaboré pour masquer le programme profond de ce parti. Que la ministre des armées reproche à la leader d'extrême droite sa complicité avec des éléments séditieux n'est pas un mal en soi, mais qu'elle ne s'en prenne pas directement aux factieux est proprement sidérant. S'il fallait une preuve supplémentaire que les gens qui nous dirigent sont hors sol, Mme Parly et le silence d'Emmanuel Macron et du gouvernement nous l'ont donnée.

Nous ne pouvons rester sans réponse face à un pouvoir qui détruit l'espoir dans notre peuple, en réduisant la promesse d'égalité républicaine et les libertés publiques. Nous ne pouvons laisser non plus s'installer l'idée que l'unique alternative restante serait une extrême droite de toujours, qui pourrait s'appuyer sur des relais favorables dans l'encadrement de la police et de l'armée, dont certains des cadres tentent aujourd'hui de remettre à l'ordre du jour que la Nation existerait sans la République.

Les uns comme les autres représentent la pire des menaces contre la République et les Français. La gauche doit se ressaisir ; à nous de rappeler que la République Française est une, indivisible, et que le pouvoir s’y prend par les urnes et non par les armes. À nous de rappeler que l'armée est au service de la République et qu'elle n'a de légitimité et d'utilité que pour lutter au service de celle-ci et des Français contre les ennemis extérieurs. Les ennemis de l'intérieur, il en existe et il en a toujours existé et c'est aux Français et à leurs représentants démocratiques de les faire reculer. Nos organisations politiques doivent engager une stratégie de reconquête de l'hégémonie culturelle perdue.

Méditons enfin ce qui a sans doute été une des pires « fausses bonnes idées » des 20 dernières années avec la suspension de la conscription : nous devons rétablir absolument les conditions d'un encadrement militaire absolument républicain et sanctionné ceux qui ont juré de mettre en danger la communauté nationale en se dressant contre elle parce qu'ils en sont déconnectés. L'armée française doit être l'armée des Français et il convient de réexaminer les conditions dans lesquels ils y reprennent pied. Relisons L'Armée nouvelle de Jean Jaurès et regardons ensemble comment nous pouvons en appliquer les idées les plus lumineuses dans la réalité d'aujourd'hui.

Frédéric FARAVEL
conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons

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