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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

27 octobre 2022 4 27 /10 /octobre /2022 15:47

J'ai rédigé pour la Gauche Républicaine et Socialiste cette analyse des manoeuvres croisées de l'exécutif et de la droite parlementaire alors qu'Elisabeth Borne vient d'utiliser pour la troisième fois en moins de 10 jours l'article 49.3 de la constitution pour faire adopter ses projet de loi de finances et projet de loi de financements de la sécurité sociale. Des considérations politiques dont les préoccupations essentielles des Français sont totalement absentes et qui renforcent encore Marine Le Pen et le Rassemblement National.

Frédéric Faravel
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Président de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes & républicains"
Membre de la direction nationale de la Gauche Républicaine et Socialiste

De l’Élysée au Parlement : cynisme et désordre

Et de trois ! Élisabeth Borne vient d’engager, quelques heures à peine après la fin de l’entretien télévisé du Président de la République sur France 2 et France info, la confiance du gouvernement sur la suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Le recours au 49.3 avait été activé pour le projet de loi de finances (avant même la fin de l’examen de la première partie – les recettes) et le début du PLFSS. Ce matin, la NUPES a annoncé logiquement le dépôt d’une nouvelle motion de censure après celles qui ont été débattues en début de semaine.

Avant ce nouvel épisode peu glorieux de la séquence budgétaire, Emmanuel Macron s’en est pris hier soir à l’opposition de gauche sur le ton d’une colère surjouée, qui ne sied pas à un Chef de l’État : « Ce qui me met en colère, c'est le cynisme et le désordre […]. Ils ont prouvé qu'ils n'ont pas de majorité, mais ils ont surtout prouvé qu'ils étaient prêts, socialistes, communistes, écologistes, LFI, à se mettre main dans la main avec le Rassemblement national alors qu'il y a la guerre en Europe, la crise, le désarroi de tant de familles et qu'il faut être du côté des Français. […] Ils ont montré une chose : ils ne sont pas du côté du mérite, de l'ordre, du travail, de la solution, de l'avancée, ils sont du côté du désordre et du cynisme. Et je vous le dis: ça ne mènera à rien. Ces gens-là ne sauront pas demain gouverner ensemble. »

La chute de la tirade macronienne démontre l’absurdité même du raisonnement élyséen : il ne fait de mystère pour personne qu’il ne sera jamais à l’agenda de la gauche de gouverner avec le rassemblement national ou avec son soutien. Il est tout autant excessif – et donc insignifiant pour suivre l’adage – de refuser aux oppositions d’user d’une des rares procédures que leur laisse la constitution pour exprimer la cohérence de leur ligne face au gouvernement. Ainsi au prétexte de la guerre en Ukraine, de l’inflation, de la crise énergétique et économique, il faudrait taire les divergences et ne surtout pas récuser une politique que l’on combat. Un raisonnement aussi spécieux que le tweet de Jean-Luc Mélenchon, le 20 octobre au soir caractérisant le macronisme comme « un régime de violence autoritaire » du seul fait du recours à une procédure constitutionnelle. Les victimes des nouvelles règles d’engagement et d’intervention des forces de l’ordre dans les manifestations depuis 6 ans apprécieront sans doute la mesure du propos. Nous ne serons jamais favorables au parlementarisme contraint et rationalisé de la Vème République (que nous avons toujours dénoncé), mais le registre de l’outrance choisi par deux dirigeants politiques de ce niveau n’est en rien rassurant.

Le jeu de dupes de la majorité parlementaire

Les groupes parlementaires de la NUPES avaient au demeurant d’excellentes raisons pour censurer le gouvernement. Si le contexte actuel empêche l’exécutif de rompre totalement avec le « quoi qu’il en coûte » – les incertitudes liées à la guerre, aux pénuries et aux conséquences des décisions inadaptées de la Banque Centrale Européenne rendent prudents les néolibéraux français qui nous gouvernent – les moyens, la logique politique et l’économie générale du budget présenté par l’exécutif sont incompatibles avec une politique de gauche (salaires, relance, politique industrielle, solidarité sociale…).

Le macronisme sans majorité parlementaire officielle n’a pas changé de méthode ; il n’écoute pas plus qu’avant les parlementaires et encore moins ceux issus de l’opposition. Le gouvernement a prétendu avoir intégré de nombreux amendements dans le texte du budget sur lequel il a engagé sa responsabilité, or sur les 117 concernés 83,7 % sont issues de ses propres soutiens (Renaissance, Modem, Horizons) ou de lui-même (le texte « final » intègre 23 amendements que le gouvernement a déposé pendant les débats dans l’hémicycle – petite bizarrerie institutionnelle française). LR pourra revendiquer l’intégration de trois amendements ; LIOT (groupe rassemblant le centre droit et plusieurs députés ultra-marins) a été gratifié de cinq reprises ; quand à la NUPES, le gouvernement a daigné reprendre onze de ses amendements (à considérer que les six issus de la commission des finances aient été tous portés par son président Éric Coquerel).

L’intervention d’Élisabeth Borne à la tribune de l’Assemblée Nationale a fini de démontrer le marché de dupes de cette supposée largesse d’esprit gouvernementale : énumérant un à un les amendements tolérés, leur caractère cosmétique est apparu clairement. Elle semblait d’ailleurs follement s’en amuser ; elle ne réprimait même plus un grand sourire narquois en direction des bancs de la gauche quand elle citait les amendements qu’elle lui reprenait. Elle est donc pleinement consciente qu’elle proposait au prétexte d’un grain de sel ajouté à la NUPES d’avaler tout entier un plat écœurant : au moins, le débat budgétaire aura permis à Mme Borne de gagner en assurance, c’est toujours ça de pris ; les Français n’y ont rien gagné par contre.

Mais le recours au 49.3 était en réalité inscrit dans les tablettes dès le départ : il s’agit en réalité de camoufler l’existence en pratique d’une majorité parlementaire à l’Assemblée nationale, fondée sur la connivence non assumée d’une majorité de députés LR avec les politiques économiques et sociales mises en œuvre par la « majorité présidentielle ». En engageant la responsabilité de son gouvernement, Élisabeth Borne leur permet de ne pas se prononcer sur son budget et son PLFSS tout en les laissant passer. Les députés LR peuvent ainsi continuer de revendiquer la fiction de leur non appartenance à la majorité.

Pourtant, cet épisode risque d’avoir une réplique sénatoriale en lien avec le congrès des Républicains qui se tiendra en décembre. Le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, est opposé à Eric Ciotti pour prendre la direction du parti. Depuis deux jours, les couloirs du Sénat bruissent de rumeurs annonçant le rejet du PLF dès la première partie : face à celui qui plaide pour l’union des droites réactionnaires mais qui n’aura pas osé censurer le gouvernement, le Chouan Retailleau pourra revendiquer le rejet du PLF pour satisfaire la radicalité des militants LR. Un niveau digne d’une dispute de cour d’école élémentaire, mais symptomatique de la médiocrité de bien des dirigeants politiques actuels.

Un ambiance nauséabonde

La stratégie macroniste a donc fait long feu. Le Président a été contraint hier soir de formuler explicitement le souhait d’une alliance formelle entre LR et ses propres soutiens. En réalité, sur l’économie et le social rien ne les sépare vraiment ; c’est sur la stratégie culturelle et politique que se joue le congrès LR. Emmanuel Macron a presque cité dans le texte les mots de Nicolas Sarkozy dans l’entretien que ce dernier a accordé au Journal du Dimanche : mérite, ordre, travail… il a multiplié les appels du pied à la droite républicaine que ce soit sur les retraites, sur le refus d’augmenter la valeur du travail, sur la sécurité ou sur l’immigration.

Le Président de la République sait que son quinquennat est déjà fini avant même d’avoir réellement commencé (ce qui ne veut pas dire que les Français ne subiront pas les conséquences désastreuses de ses orientations) ; après avoir joué les Matamor sur la dissolution, il sait désormais qu’une conjugaison des contraires le temps d’une motion de censure est possible et que sa menace pourrait se retourner contre ses fidèles. Il lui faut donc formaliser ce qu’il se refusait à faire jusqu’ici.

Marine Le Pen n’a pas seulement pris au piège LR et Emmanuel Macron ; elle a plongé la NUPES dans le désarroi. Depuis lundi, les députés de gauche se voit contraints par les médias de se justifier de n’avoir pas voulu faire une alliance de circonstance avec l’extrême droite. L’hypothèse est en soi absurde, mais tout à leur volonté de mettre en difficulté Olivier Faure pour le congrès du PS en janvier 2023, Jean-Christophe Cambadélis et François Kalfon (copieusement relayés par la macronie) ont cherché à accréditer l’idée que la motion de censure de la NUPES aurait été corrigée après coup pour plaire au RN. Le procédé est à la fois odieux, irresponsable et puérile, mais l’ambiguïté extra-parlementaire de Jean-Luc Mélenchon leur permet de médire à moindre risque : « nul ne votera la motion de censure RN à la #NUPES puisque le #RN a déjà dit qu'il ne voterait pas celle de la NUPES » (tweet du 19 octobre au soir, qui montre la faiblesse du cordon sanitaire) ; ou encore la revendication assumée sur son blog le 26 octobre de faire feu de tout bois.

Pendant ce temps, Marine Le Pen compte les points, se frotte les mains et attend son heure. Et les Français s’apprêtent à passer un hiver froid et déprimant.

De l’Élysée au Parlement : cynisme et désordre
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