C'est à se demander à la lecture de "l'analyse" que ce dernier commet dans l'édition du 19 juillet du journal du soir. A la lecture de son attaque contre les divers chapelles de la gauche du Parti socialiste, on s'interroge sur les raisons d'une telle méconnaissance des débats traversant le PS, la Gauche française en général et les forces progressistes tout autour de la planète... Si l'on se rappelle que certains proches de Michel Noblecourt militent au PS, on voudra peut-être penser que le journaliste oublie alors le recul nécessaire et fait acte militant en désinformant sciemment ses lecteurs pour la victoire d'une synthèse sociale-libérale lors du prochain congrès du Parti socialiste.
Car enfin, pourquoi un tel excès d'indignité ? Certaines chapelles du PS ne méritent - il est vrai - pas non plus d'excès d'honneur, les débordements de tribunes ou de plumes de Marc Dolez et de Jean-Luc Mélenchon devraient inciter beaucoup de camarades socialistes à la prudence à leur encontre.
Mais, que dire des basses attaques dont sont victimes ci-dessous Henri Emmanuelli, Gérard Filoche, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann ou Paul Quilès ? A part pour Gérard Filoche, sympathique camarade par ailleurs, qui peut oser dire que ces camarades ont un passé et un parcours de gauchiste ou de bolchevik ? La Réforme n'est pas citer dans leur texte... faut-il donc désormais à chaque ligne d'un texte d'orientation du PS mettre le mot réforme (comme on nous a imposé dans la Déclaration de principes les mots écologie, environnemental, durable, au point de la rendre indigeste, alors qu'elle était déjà au moins aussi fade que la précédente ?) pour assurer quelques commentateurs de salon du réformisme de ses auteurs ?
Citer la "réforme" ne fait pas de vous un réformiste accompli. Hamon, Lienemann, Emmanuelli, Quilès ont tous signé et voté la déclaration de principes ; ils ont toujours comme parlementaires, ministres ou conseillers, mener des politiques de réforme, sous Mitterrand ou sous Jospin. Que disent leurs textes qui ferait d'eux de dangereux révolutionnaires déconnectés des réalités économiques ? Qu'il faut entre autre remettre en cause le libre-échange absolu ; ce qui n'est pas - au passage - remettre en cause le commerce international ou l'économie de marché, mais lui fixer des bornes et des règles l'enjoignant à respecter les intérêts et la dignité des populations qui produisent et consomment... Stigltiz, Obama, la gauche latino-américaine - toutes chapelles confondues - ne disent pas autre chose : faut-il être américain, ancien conseiller de Clinton et dirigeant de la Banque Mondiale, pour ne pas être traité de gauchiste et qu'on n'appelle plus à votre éviction du PS, quand on soutient une ligne politique nécessaire pour la sérénité des échanges mondiaux, la stabilité et le salut de la planète ?
Passons encore qu'on les stigmatise comme déconnecter des réalités économiques, mais ceux-là mêmes qui les dénoncent doivent être particulièrement déconnectés des réalités sociales...
Pourquoi expliquer que Laurent Fabius a décidé de se recentrer et assume son réformisme dans son texte "Reconstruire à gauche", quand Hamon et les autres seraient des crypto-trotskystes ? M. Fabius lui-même est venu dire à la Sorbonne qu'entre son texte et "Reconquêtes" présenté par Benoît Hamon et Henri Emmanuelli les convergences sautaient aux yeux et qu'il n'y avait pas un papier à cigarette pour les départager... Julien Dray ne vient-il pas d'appeler Emmanuelli à s'associer à Delanoë, Hollande et Royal ?
Mais pour revenir sur la réunion du 28 juin à la Sorbonne, où Fabius disait tout le bien qu'il pensait que texte d'Hamon, notons le parti pris mal-placé de France inter dans la manière de commenter les présentations de contribution générale du PS. Dans Politis, on pouvait lire le décryptage d'une telle distorsion :
Politis - Entendu ! - jeudi 3 juillet 2008
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Au journal de 19 heures, samedi, France Inter distingue «2 types de contributeurs» au PS : «Les discrets comme Benoît Hamon et Henri Emmanuelli», qui venaient de présenter leur contribution, «discrets parce qu’ils représentent peu de monde au PS», précise la présentatrice. «Et ceux qui font le show ; Ségolène Royal boxe a priori dans la seconde catégorie.» Si la radio de service public s’était déplacée à la réunion des premiers, elle aurait constaté qu’ils avaient rassemblé presque autant de monde que sa boxeuse. Lundi, à 7 heures, la LCR a en revanche dû être ravie d’entendre qu’elle a «un leader et bientôt un nouveau parti alors qu’au PS on a bien le parti mais toujours pas de leader». Et de changer ainsi de catégorie.
On ne peut que se dire que malheureusement la presse est victime du même mal qu'elle reproche aux dirigeants du PS ; elle ne voit la politique que par le prisme de l'affrontement entre deux présidentiables, qui défendent l'un et l'autre une ligne d'accommodement au libéralisme, ligne qui a échoué tant du point de vue économique et social que du point de vue électoral... mais ce sont là des gens raisonnables, comprenez.
Enfin, y a-t-il une personne en France qui dans le landernau médiatique saura reconnaître qu'abandonner le terme de "révolution" à des guévaristes de plateau TV comme Olivier Besancenot est une erreur ? Par glissement sémantique, on pourrait bien dénier un jour que les valeurs de Liberté, Egalité et Fraternité soient des valeurs révolutionnaires, qui attendent toujours leur pleine application, et ainsi on se contentera du peu que l'on a. Après tout, la révolution selon Léon Blum n'était-ce pas "ce militant socialiste qui chaque jour fait oeuvre de propagande et d'éducation à la sortie des usines", n'était-ce pas selon Michel Rocard "une profonde transformation des rapports culturels et de production dans la société" plutôt que le putschisme des trotskystes... en fait désormais ce sont deux vainqueurs qui se disputent les mentalités, car ce sont les deux qui prétendent à définir les mots avec lesquels on choisit de décrire le destin du pays : Besancenot et Sarkozy sont les deux faces d'une même médaille qui interdit aux socialistes d'être eux-mêmes.
Frédéric Faravel
Un socle commun ? François Hollande, Ségolène Royal, Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Pierre Moscovici, et même de nouveau Laurent Fabius, portent leur réformisme en bandoulière. Ils l'assument sans états d'âme. Mais il n'en va pas tout à fait de même pour la minorité du PS, son "aile gauche", du moins à la lecture des cinq contributions qu'elle a livrées en vue du congrès.
Ainsi, le texte de Benoît Hamon et d'Henri Emmanuelli se réclame de ce "socle commun", écarte "les faux débats", défend une "économie sociale et écologique de marché régulée" et évoque cette "carte d'identité". Mais il se garde bien de mentionner le gros mot de réformiste, multipliant même les préventions à l'égard d'un système avec lequel il faut "rompre", afin de "préparer l'avenir en réconciliant le pays avec le progrès".
Pour M. Hamon, ancien président du Mouvement des jeunes socialistes, "l'avenir du PS ne peut pas être le passé de la social-démocratie européenne", qui a accumulé en 2 ans 13 défaites sur 15 scrutins nationaux. "S'adapter, c'est plier", martèle-t-il, en refusant toute adaptation à un modèle "caractérisé par une régulation minimale, quand ce n'est pas tout simplement par l'absence de règles". Il faut donc "adapter l'économie aux exigences des peuples" et "régénérer le clivage gauche/droite, lui rendre le tranchant que le conflit brutal d'intérêts, économiques ou sociaux, légitime". Sus aux compromis à l'eau tiède !
Plus radical encore, Jean-Luc Mélenchon, qui anime en dehors du PS le club Pour une République sociale, range la nouvelle déclaration de principes parmi ces "opérations cosmétiques" qui "ne peuvent plus cacher l'état de délabrement idéologique et organisationnel du parti". Le sénateur de l'Essonne se fixe le but d'"empêcher la mutation du Parti socialiste en Parti démocrate comme en Italie". Et il préconise un "régime de démocratie républicaine continue", s'appuyant sur une "implication populaire" qui s'apparente plus au contrôle populaire cher à Olivier Besancenot qu'à la démocratie participative de Mme Royal. Ainsi, "la capacité permanente du peuple à changer ses lois doit enfin être reconnue à travers la possibilité de référendums d'initiative populaire pour abroger ou proposer une loi".
Les autres textes de l'aile gauche ne reflètent pas davantage la conversion au réformisme. Renvoyant dos à dos "social-défaitisme" et "social-libéralisme", Marie-Noëlle Lienemann et Paul Quilès s'adressent à "tous ceux qui ne veulent pas de ce réformisme au rabais qui nous est proposé et qui croient que la politique a pour objet de changer le cours des choses". Ancien premier fédéral du Nord, Marc Dolez, qui battait l'estrade avec l'ex-Parti des travailleurs (trotskiste) pour le non au référendum européen en 2005, est fidèle au "caractère anticapitaliste" du PS et appelle à "l'insurrection militante" pour résister à ceux qui veulent "la liquidation du parti de Jaurès".
Courriel : noblecourt@lemonde.fr.