Par Stéphane Alliès - Mediapart.fr
Il y a presque un an, Mediapart avait sondé la base militante socialiste à propos de la déclaration de principes du PS (méthodologie en boîte noire ci-dessous). Depuis, certains ont quitté le parti, d'autres ont pris de nouvelles responsabilités, et quelques autres ont changé de numéro de téléphone. Mais le ton des neuf responsables locaux affiche la même lassitude face à la situation de leur parti.
Recontactés alors que Ségolène Royal et Martine Aubry ont appelé à l'apaisement, ceux qui ont à nouveau répondu à nos questions (secrétaires de section ou conseillers fédéraux) oscillent entre fatalisme et résignation. Et craignent une grande abstention lors du vote militant d'approbation des listes adoptées par le conseil national. Cibles principales des mécontentements: la méthode de désignation des candidats, mais aussi la fronde de Gérard Collomb, qui continue pour certains d'alimenter les divisions internes. Verbatim.
- Dominique Heym (Erstein - Bas-Rhin)
«Chez nous, les listes sont très bien accueillies, surtout en raison de la présence de Catherine Trautmann en tête de liste, avec qui la section a visité le Parlement de Strasbourg en décembre dernier, juste avant que je ne passe la main. Ce qui est énervant dans cette histoire, c'est qu'on ne parvient pas à masquer nos divisions comme arrive à le faire l'UMP. C'est tellement facile pour les médias de critiquer le PS, qu'on regrette presque d'être trop ouvert et démocrate. Globalement, il y a trop de chefs, donc trop de rivalités et de discussions incessantes. On reste figé alors que tout le monde a envie de passer à autre chose.»
- Claire Zanotti (Talence - Gironde)
«La fédération de Gironde a décidé de boycotter le vote, à une large majorité transcourant. C'est une façon de dire "Assez!", car personne ne comprend pourquoi sanctionner l'eurodéputé sortant Gilles Savary, qui aurait pu devenir vice-président du Parlement. Mais c'est surtout un acte symbolique, qui ne changera pas l'avenir. La position du boycott est très difficile, car nous sommes très attachés au vote. Cela me paraît quand même plus cohérent, car voter contre signifierait un rejet de listes qui sont sûrement compétentes. Nous avons toutefois décidé de maintenir la réunion de section prévue ce jeudi, car de nombreux militants ont envie de s'exprimer et d'échanger sur cette polémique.
Si je comprends les déceptions et soutiens la protestation, on n'est pas obligé d'utiliser des mots qui vont trop loin. Ce serait bien que, parfois, on prenne du recul, car certains débordements n'ont pas lieu d'être, d'où qu'ils viennent. Enfin, ce ne sont que des troubles internes! Si ça perturbe nos sympathisants, je ne suis pas sûre que ça intéresse les électeurs. Je pense que pour l'essentiel la section sera mobilisée pour mener campagne…»
- Michel Pineau (Cogolin - Var)
«On est retombé dans les ornières habituelles et dans la zizanie, alors qu'il y aurait tellement d'autres choses à faire! En ce moment, les militants ne sont pas très motivés et je crois qu'on est collectivement responsable d'une espèce d'enfermement. La rénovation du parti semble être dans toutes les têtes, mais qu'elle semble loin dans les faits. Cela dit, nous sommes dans un territoire très légaliste et qui veut aller de l'avant, alors on votera les listes sans se soucier des équations personnelles, mais avec peu de foi. Le problème, c'est que nous n'arrivons pas à sortir des systèmes de clans et de chapelles, on est dans la division permanente, avant, pendant et après le congrès de Reims.»
- Frédéric Faravel (Plaine-de-France - Val-d'Oise)
«J'ai personnellement beaucoup de colère contre Gérard Collomb, car je trouve qu'il tape au mauvais endroit et de mauvaise façon. Même si je comprends les états d'âme dans certains endroits, et que j'en éprouve certains dans le Nord-Ouest où des eurodéputées sortantes qui faisaient du très bon travail ont été mises à l'écart au profit d'un premier fédéral qui ne doit pas saisir grand-chose à l'Europe. En l'occurrence, on ne peut s'empêcher de penser qu'on se tire une balle dans le pied.
En même temps, personne ne pouvait être totalement satisfait de ces investitures, car il était impossible de ne faire que des heureux. La participation au vote sera évidemment très faible, mais cette abstention ne devra à mon sens pas être interprétée comme un fait politique, vu qu'on vote sur des listes bloquées. Ce n'est d'ailleurs pas forcément scandaleux, car cela contraint tout le monde à s'entendre et ça évite un maximum de prises de tête. Imaginez ce que dirait la presse si l'on assistait à un vote de listes concurrentes…»
- Benjamin Mathéaud (Alès - Gard)
«Le sentiment que je ressens autour de moi est celui d'être arrivé au bout du système. Il y a un problème de méthode qui est devenu trop flagrant aujourd'hui: on ne peut pas décider des listes à 10 ou 15 et à 3h du matin. Ce n'est plus possible. Les candidats devraient se présenter aux militants en amont, et les militants devraient avoir leur mot à dire, eurorégion par eurorégion. Je pense que ces divisions n'ont rien à voir avec celles du congrès, mais qu'on assiste à l'expression d'un ras-le-bol face à un parti trop centralisé. Et comme à chaque fois des élections arrivent, on repousse sans cesse les échéances de la rénovation. Alors certaines fédérations tentent de devenir des laboratoires, mais il y a toujours le mastodonte Solférino au-dessus.
Et puis il y a une terrible hypocrisie dans ce vote militant: je ne vois pas l'intérêt d'organiser des consultations où l'on ne peut qu'avaliser les choix déjà faits. Cela ne sert à rien et personne n'est dupe. Pour les investitures aux régionales, au moins, il y a un vote concurrentiel sur les têtes de liste. Ça fait un enjeu et ça permet de mobiliser. Heureusement que j'ai convoqué une réunion de section pour ce jeudi, ça permettra de limiter la casse.»
- Thierry Pennec (Avranches - Manche)
«On a eu l'espoir le temps d'un week-end que les choses s'apaisent. Tout le monde semblait content des listes, les royalistes étaient intégrés à la direction et on rêvait d'apaisement. On a même cru un moment qu'on allait presque entrer en campagne normalement. Et puis, c'est reparti comme en 14. Du coup, tout le monde ici est écœuré et déjà fatigué de voir revenir les luttes intestines qui fatiguent tout le monde. De toutes façons, l'amalgame des volontés était une épreuve impossible. Malgré un vote massif du conseil national en faveur des listes, c'est à nouveau le bordel, et en plus ça devient un bordel incompréhensible. Du coup, la mobilisation devrait être très, très faible…»
- Oliver Rey (Vienne - Isère)
«Je ne participerai pas au vote car je suis en déplacement. Des discussions que j'ai pu avoir, on retient surtout de l'énervement contre Gérard Collomb qui en rajoute des tonnes sur l'ancrage local, alors que les circonscriptions électorales des européennes, c'est un peu pipeau. Ce qui énerve le plus, c'est de voir celui qui a mené un jeu compliqué durant le congrès et qui n'est pas franchement un exemple de politique sociale de gauche venir faire la leçon aujourd'hui. Mais je suis prêt à parier que tout ça sera oublié dès le lendemain des votes. Dans notre coin, ça grenouille surtout en perspective des prochaines régionales. Tout ça nous passe un peu par-dessus et la section est un peu amorphe, malgré un bon climat. À noter tout de même que trois ont rejoint Jean-Luc Mélenchon.»
- José Moreno (Brionne - Eure)
«J'avoue qu'on n'a pas trop discuté des listes, car la situation est déjà bouclée. Comme on organise en parallèle une réunion de section, on va quand même faire un débat sur le Manifesto et le projet européen du PS. Globalement, l'initiative de Collomb n'est pas très bien prise. Même s'il est normal de revendiquer pour les territoires un rôle d'aiguillon, c'est quand même normal que des décisions soient prises au sommet. Et on ne peut pas dire non plus qu'on soit dans le caporalisme, vu les prises de parole des derniers jours…
On ne connaît absolument pas les candidats pour qui on va voter demain, alors j'ai demandé qu'on nous communique les CV de chacun. Difficile de dire si on est pour ou contre, alors on va suivre le parti. Mais je crains que ces européennes ne soient pas un vrai cheval de bataille pour nous et on risque d'avoir du mal à mobiliser les gens pendant la campagne.»
- Joëlle Séchaud (Oullins - Rhône)
«On a évoqué ces listes vendredi dernier lors d'une réunion de sections et les avis étaient assez partagés. Tout le monde s'entend pour dire que de nouvelles dissonances portent préjudice à la reconstruction du parti, mais les mêmes reconnaissent aussi qu'il y en a marre des anciennes méthodes. Je suis convaincu que la rénovation du parti passera par l'écoute des territoires. Je n'ai pas donné de consignes de vote aux militants de ma section, même si personnellement je suivrai l'appel de Gérard Collomb. Le PS est un parti où les avis s'expriment et sont mis devant la place publique, et c'est déjà ça. Mais sa restructuration sera douloureuse et durera au moins jusqu'au prochain congrès.»
[1] http://www.mediapart.fr/club/blog/stephane-allies
[2] http://www.mediapart.fr/journal/france/100309/elections-europeennes-bernard-poignant-s-insurge-contre-la-methode-detestable-
[3] http://www.mediapart.fr/journal/france/110309/libertes-publiques-le-ps-sonne-l-alarme
[4] http://www.mediapart.fr/journal/france/190508/ps-et-que-disent-les-militants-dans-tout-ca
[5] http://www.20minutes.fr/article/309925/Politique-Au-PS-Royal-et-Aubry-appellent-au-calme.php
[6] http://www.mediapart.fr/journal/france/070309/elections-europeennes-le-ps-renoue-avec-les-divisions-mais-pas-les-memes
[7] http://www.mediapart.fr/journal/france/030309/elections-europeennes-le-ps-propose-un-programme-mi-oui-mi-non