Ségolène Royal, elle aussi, peut provoquer une émeute en banlieue. Mais pas du genre de celles que suscite son principal adversaire. La candidate en a encore fait l'expérience, hier à Pantin (Seine-Saint-Denis), lors d'une escapade à la cité des Courtillières : 6 000 habitants, 2000 logements sociaux, 20% de chômage et un tiers des habitants âgés de moins de 20 ans. Lesquels n'ont pas boudé la visiteuse, l'accompagnant en nombre au pied des tours, la photographiant à l'envi à coups de portable et l'ovationnant à son départ en voiture. Patrick Mennucci, directeur adjoint de sa campagne, l'assure : «En banlieue, Ségolène est chez elle.»
«Sensible»
La candidate, qui vient d'accrocher Clichy-sous-Bois et Vaulx-en-Velin à son tableau de campagne avant de se rendre samedi au parlement des banlieues, à Villeurbanne, jouit là d'une ressource inaccessible à Nicolas Sarkozy. Mais l'essentiel serait ailleurs. «C'est peut-être un bénéfice secondaire, mais on ne s'intéresse pas aux quartiers pour marquer un mec de droite à la culotte», explique un conseiller. Les cités sont un terrain scruté de près par l'équipe Royal. En particulier par sa conseillère Sophie Bouchet-Petersen, ex-animatrice de l'association Droit de cité, mais aussi par 2 maires socialistes de Seine-Saint-Denis Gilbert Roger (Bondy) et Claude Dilain (Clichy) et par l'avocat Jean-Pierre Mignard, défenseur des familles des 2 jeunes électrocutés à Clichy. Ce dernier, qui avait contribué à monter la visite de la candidate dans cette ville et sa rencontre avec l'association AC le Feu, l'assure : «C'est un des rares points où cette femme assez réservée se montre sensible. Dans la campagne, c'est sans doute un des endroits qu'elle vit le mieux.»
«Solution»
Ségolène Royal, qui ambitionne de devenir «présidente d'une France métissée», a coutume de le répéter : «Les jeunes ne sont pas un problème, mais une partie de la solution.» Cela vaut pour la vision politique, mais aussi pour la stratégie électorale.
Militant associatif depuis 15 ans à Droit de cité puis à Stop la violence, Kamel Chibli, 29 ans, fort de son «réseau national», arpente ainsi les quartiers pour faire remonter à la candidate les bruits du terrain. Mobiliser les jeunes comme ceux des quartiers nord de Marseille, conviés au meeting de jeudi, au Dôme. Et faire «du lobbying auprès des assoces de quartier et des acteurs qui travaillent dans les quartiers depuis 15 ans, explique-t-il. Des structures qu'on n'entend pas, mais qui font la pluie et le beau temps dans ces quartiers».
Labourage
Associations de locataires, de jeunes, de mères, clubs sportifs : un réseau labouré pour assurer une mobilisation électorale. Un vote qui reste «difficile à mesurer avec les nouveaux inscrits et l'absence de sondages», selon Patrick Mennucci, qui estime disposer là d'«une réserve d'environ un million de voix». Mais si «les quartiers populaires peuvent vraiment faire pencher la balance, c'est un électorat très indécis, poursuit Kamel Chibli, anti-Sarko mais pas forcément pro-Ségolène. A nous de faire le travail.»