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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 19:12
Jeremy Corbyn, leader du Labour Party, et David Cameron, premier ministre conservateur du Royaume-Uni

Jeremy Corbyn, leader du Labour Party, et David Cameron, premier ministre conservateur du Royaume-Uni

C'est passé quelque peu inaperçu, surtout en France, car David Cameron a entamé une étape déterminante de sa stratégie de chantage au Brexit quelques trois jours avant les attentats qui ont ensanglanté la France.

C'est pourtant un défi majeur que le Premier ministre conservateur britannique vient de soumettre à tous les Européens, quel que soit leur niveau de confiance ou de défiance dans l'état et l'évolution de la construction européenne.

En adressant un courrier à Donald Tusk, président du Conseil européen, le 10 novembre 2015, et en prononçant le même jour à Chatham House un discours à l'attention de ses compatriotes britanniques (vous trouverez la traduction de l'un et de l'autre en PDF à la fin de cet article), le titulaire du 10 Downing Street met enfin par écrit les conditions auxquelles il souhaite conditionner le maintient du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande-du-Nord dans l'Union Européenne.

Je le répète : nous sommes là purement et simplement face à une opération de chantage politique, dont les conséquences seront déterminantes mais qui joue sur un pari particulièrement périlleux.

David Cameron n'envisage pas un seul instant que l'ultimatum qu'il adresse aux institutions européennes puisse échouer. De fait, l'addition des égoïsmes nationaux et de la lâcheté face à la démagogie conservatrice britannique pourrait bien lui donner raison. Il est en effet fort probable que la Commission et le Conseil européens préfèrent céder plutôt que d'affronter le défi posé par le gouvernement outre-manche ; ainsi David Cameron a beau jeu de faire part de la compréhension que lui ont témoignée ses homologues concernant la manière dont la Grande-Bretagne a et souhaite encore aborder le "traitement" de la crise des réfugiés ; de même, il semble - c'est en tout cas ce que dit et écrit le locataire du 10 Downing Street - que les réunions techniques entre les administrations britanniques et européennes soient particulièrement avancées.

Pourtant, d'un point de vue européen, comme du point de vue britannique, cette opération est à double-tranchant. Voici pourquoi...

Le piège pour les Européens :

La lâcheté est toujours mauvaise conseillère. Céder à David Cameron ouvrirait une période de turbulence qui pourrait s'avérer totalement ingérable pour l'Union Européenne. En effet, David Cameron ne réclame rien de moins que de vider de toute substance la participation de la Grande-Bretagne à l'Union Européenne. Aucune solidarité économique et financière avec le reste des membres de l'Union Européenne, notamment avec ceux qui participent à l'eurozone ; aucune perspective d'harmonisation sociale et fiscale, dans le but de décharger les sociétés britanniques d'une quelconque obligation d'équité économique ; aucune solidarité avec les Etats européens qui font face plus que d'autres, plus que la Grande-Bretagne elle-même, à la crise des réfugiés qui s'est aggravée avec la guerre en Syrie et la montée en puissance de Daesh - au contraire, il s'agit de limiter - en faisant porter la responsabilité des restrictions et des contrôles aux États du continent - plus encore l'entrée de migrants en Grande-Bretagne et notamment ceux qui viennent de l'Union européenne, accusés de vouloir profiter de la générosité du Welfare state britannique (il insiste d'ailleurs particulièrement sur les dernières mesures - et celles à venir - de restriction d'accès aux aides sociales prises par le gouvernement conservateurs à cet effet) ; il s'agit également de se dégager des obligations et de la jurisprudence européenne en matière de droits de l'Homme, jugées attentatoires à la sécurité nationale et contre-productive dans la lutte contre la criminalité.

Seul le marché unique trouve donc grâce aux yeux de David Cameron, qui souhaite bénéficier du beurre, de l'argent du beurre, et ne concédant que le sourire de la crémière tant qu'il se limite à une adhésion purement formelle à l'UE.

On voit bien où mènerait un acquiescement ou une abdication des Européens devant le diktat britannique : la boîte de Pandore serait dès lors ouverte, car chaque Etat serait encouragé à réclamer des accommodements et des dérogations. La pression des eurosceptiques et des formations populistes et nationalistes ne pourraient que croître en ce sens et ce serait aborder une nouvelle étape du délitement des solidarités européennes dans les pires conditions sans que cela ne débouche sur rien de constructif.

Par ailleurs, les citoyens européens seraient alors bien inspirés de se demander à quoi servirait une Union Européenne dont les éléments de solidarité auraient définitivement disparu et dont il ne resterait que les réglementations et les cadres juridiques, budgétaires et financiers ordo-libéraux, qui empêchent déjà de mener des politiques alternatives et de respecter la souveraineté populaire.

S'il y avait encore une possibilité de sauver l'idée de l'unification européenne, laisser Cameron gagner ces arbitrages seraient le premier clou planté dans le cercueil de la construction européenne (dont les conservateurs et les sociaux-libéraux ont déjà assemblé les planches).

Le piège pour les Britanniques :

David Cameron prévient les électeurs conservateurs tentés par les thèses du UKIP : il présente la seule solution pour appliquer de manière réaliste leurs espoirs - conserver les avantages économiques, sans être tenu par des obligations collectives. Le plan Cameron accepté par les Européens et soumis à référendum ne saurait être rejeté pour obtenir une négociation encore plus favorable au sens des eurosceptiques anglais.

Mais le démagogue qu'il est pourrait bien se trouver pris à son propre piège ; alors qu'il pense avoir mis le couteau sous la gorge des Européens (et c'est le cas) et couper l'herbe sous le pieds du UKIP et de Nigel Farage (sans compter qu'en terme de démagogie, Nigel en a encore sous la semelle), il pourrait fournir les arguments pour que le plan de réforme qu'il propose soit finalement rejeté avec l'adhésion à l'Union Européenne.

En effet, aux électeurs europhobes qui trouveront que le "compromis" Cameron sera toujours insuffisant, pourraient s'ajouter tous ceux qui considèrent avec réalisme l'adhésion de la Grande-Bretagne à l'Union Européenne.

Jeremy Corbyn l'avait d'ailleurs parfaitement expliqué dans une déclaration fin septembre (que vous pourrez retrouver sur ce site) : La gauche britannique connaît parfaitement les limites et les dérives de la construction européenne ; lui-même partage la colère et l'effroi de nombreux européens sincères quant au sort infligé en juillet dernier à la Grèce dans le seul but de ne pas enfoncer un coin dans les logiques ordo-libérales qui dominent aujourd'hui la construction européenne. Le Labour Party dirigé par Corbyn aurait sans doute beaucoup de choses à dire avec nous pour proposer une autre Europe ; mais à ce stade, et au regard de la situation juridique et sociale spécifique de la Grande-Bretagne, son appartenance à l'UE est aujourd'hui a peu près la seule source de protection et de progrès social que les Britanniques peuvent invoquer et peuvent opposer à des mesures encore plus drastiques que souhaitent mettre en place les conservateurs. Or précisément, c'est ces protections et ce minimum social dont Cameron souhaite débarrasser la Grande-Bretagne. S'il y parvenait quel intérêt aurait encore la classe ouvrière britannique (la classe moyenne n'existe pas) à souhaiter le maintient du Royaume-Uni dans l'UE, qui ne lui apporterait aucune protection et qui présente un image particulièrement post-démocratique et technocratique ? Si Cameron réussit son pari, la gauche britannique sera confrontée à une question essentielle : quel intérêt pratique et politique aura-t-elle à aider Cameron à remporter son référendum si c'est pour mettre à bas tout ce en quoi elle croit (à nouveau) ? Quel intérêt auront les nationalistes écossais, les travaillistes social-démocrates nord-irlandais ou les républicains irlandais à faire voter YES à un accord qui ne garantit plus les standards de la CEDH, qui abat les politiques sociales et qui va à l'encontre de ce qu'ils jugent être leurs propres intérêts nationaux ?

* * *

En réalité, David Cameron a placé tout à la fois l'Union Européenne et la Grande-Bretagne dans une impasse. Et à ce stade, on voit difficilement comment l'une et l'autre pourront sortir du piège démagogique que cet aristocrate machiavélique a cru intelligent d'inventer.

Frédéric Faravel

 

Lettre de David Cameron à Donald Tusk - 10 novembre 2015

Discours de David Cameron à Chatham House - 10 novembre 2015

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