Je milite dans des partis de gauche depuis le printemps 1993. Ma famille politique est celle d'un socialisme républicain, qui promeut l'égalité, la justice sociale, la laïcité et une forme de dépassement du capitalisme. La question de la défense des libertés publiques et individuelles, d'une démocratie parlementaire avancée et de l’État de droit sont également des éléments fondamentaux de mon engagement.
J'ai rejoint la gauche – à l'époque le Parti socialiste – lorsque celle-ci avait déjà failli disparaître aux lendemains des élections législatives de 1993. Par la suite, je me suis fait violence en 2002 déjà pour aller voter Jacques Chirac au second tour de l'élection présidentielle ; et j'ai fait barrage à nouveau à l'extrême droite en votant pour Emmanuel Macron au second tour du dernier scrutin présidentiel.
Dans ces deux cas, je me suis convaincu que les présidents ainsi élus serviraient a minima de rempart pour les libertés publiques. Le président Chirac était de droite, il n'avait pas mandat pour son quinquennat de dérouler entièrement son programme, au regard du score écrasant que le réflexe républicain des électeurs lui avait accordé. Il n'a cependant fait aucun effort pour tenir compte d'une réalité politique qui avait sanctionné la défaite de la gauche mais n'avait pas représenté la victoire de la droite, loin s'en faut. Cependant, la rouerie et peut-être la vieille culture opportuniste et rad'soc de Chirac ne lui avaient pas fait enfourcher un politique qui rompait radicalement avec le modèle social républicain hérité de la Libération et de Mai-68. La défaite de la gauche en 2007 face à Nicolas Sarkozy fut de l'entière responsabilité de la gauche qui présenta une candidature improbable sans réel programme.
Le second tour de 2017 est à nouveau avant tout le résultat des défaillances de la gauche et de son principal parti, le Parti Socialiste. François Hollande et ses gouvernements successifs – surtout à partir de 2014 – porteront devant l'histoire une grave responsabilité d'avoir discrédité pour le long terme la gauche, en trahissant les électeurs et installant une défiance de longue durée sur la crédibilité de ce camp politique à porter un projet honnêtement au service des Français. Le même phénomène risque donc de se répéter en 2022 sur fond de multiplication des candidatures, d'anathèmes croisés et d'absence de programme mobilisateur, crédible et radical. Car après les dégâts infligés à la France par Emmanuel Macron, qui a accéléré une déconstruction néolibérale du pays, entamée sous Nicolas Sarkozy et amplifiée sous François Hollande, la République française a besoin d'une rupture franche avec le néolibéralisme. Si la gauche et ses responsables le comprennent, alors il n'est peut-être pas trop tard mais j'en doute...
Un nouveau second tour de l'élection présidentielle en 2022 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est donc fortement possible ; le seul fait (en plus des défaillances de la gauche) que les médias relaient en boucle ce récit transforme cette hypothèse en prophétie autoréalisatrice.
Pourquoi irai-je voter à nouveau Emmanuel Macron ? Pour faire barrage ? Mais barrage à quoi ?
La perspective de la poursuite des politiques économiques, sociales et européennes d'Emmanuel Macron ne m'y incite évidemment pas. Je suis surpris que personne n'ait fait le rapprochement suivant : en 2016 (je crois) une BD en plusieurs tomes avait été publiée sous le titre La Présidente ; les différents tomes nous présentaient l'accession terrifiante de Marine Le Pen à la présidence de la République. Terrifiante, oui... sauf que parmi les nombreuses mesures prises par la "nouvelle présidente" dans cette BD, certaines ressemblent terriblement à celles qui ont été mises en œuvre par les gouvernements d'Emmanuel Macron ! Intégration en novembre 2017 dans le droit commun des principales dispositions de l'état d'urgence décrété fin 2015 face aux attaques terroristes, nombreuses lois sécuritaires, aggravation des dispositions juridiques concernant l'asile et l'immigration... à cela il faudrait ajouter des attaques nombreuses sur la liberté d'expression et la démocratie qui ne sont pour le moment pas arrivés au bout (projet de réforme antiparlementariste de la constitution, proposition de loi Avia, proposition de loi sécurité globale, projet de loi sur les "séparatismes"...). Sous Emmanuel Macron, sans même parler des dispositions de l'état d'urgence sanitaire en ces matières, les Libertés publiques ont reculé ! Que dire enfin de la manière dont ils ont traité le mouvement de Gilets Jaunes !
Pourquoi irai-je donc voter pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, alors qu'il détruit la République sociale, qu'il attaque la démocratie représentative et qu'il fait reculer les libertés publiques ? Pourquoi ?
Je continuerai donc à me battre pour qu'il y ait une gauche crédible de rupture qui permette d'empêcher ce scénario (ir)résistible et je travaillerai encore à ce que la gauche ne fasse pas aux élections législatives de 2022 la même erreur qui nous a conduit au tir aux pigeons de 2017 (aboutissant à la présence d'à peine 60 députés de gauche à l'Assemblée nationale), pour qu'une véritable opposition parlementaire existe. Si nous voulons éviter la victoire de Marine Le Pen en mai 2022, il est indispensable qu'une alternative de gauche élimine Emmanuel Macron au soir du premier tour à venir et soit présente et mobilisée au second tour. Nous sommes aujourd'hui loin du compte.
Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons (Val-d'Oise)