Sollicitée par Le Monde, la fédération du Finistère a réuni, jeudi 28 avril, en marge d'un conseil fédéral, quelques militants qui ont accepté d'évoquer leurs préoccupations et d'en débattre. Curieusement isolée au milieu d'une demi-douzaine de partisans de Dominique Strauss-Kahn, l'unique "royaliste" de ce groupe est âgée de 61 ans. Retraitée de l'éducation nationale, membre du PS depuis 1975, Annie Loneux est déléguée de la circonscription de Morlaix, où l'ancienne garde des sceaux Marylise Lebranchu vient d'être réélue députée.
L'entrée en matière rappelle la soirée électorale du second tour de l'élection présidentielle, lorsqu'était apparue à la télévision le visage étrangement radieux de la candidate battue : d'emblée, Mme Loneux se dit "euphorique", quand ses voisins font plutôt triste mine. L'ancienne enseignante ne trouve rien à redire à la campagne de Mme Royal, si ce n'est qu'elle a "manqué de temps" pour venir à bout des "réponses simplistes" de Nicolas Sarkozy. Autour de la table, ses amis rongent leur frein.
Un terrain d'entente s'esquisse, sur le dos du parti et (implicitement) du premier secrétaire, François Hollande. "Ségolène Royal a payé le manque de travail au sein du PS", relève Pierre Karleskind, 27 ans, adhérent depuis 2005. Alain Queffelec, 56 ans, trésorier de la fédération, dénonce les effets pervers de la synthèse : "On a raté une marche au congrès du Mans, lorsqu'on a mis un couvercle sur une cocotte." "L'appareil n'est plus en capacité de faire participer ses propres adhérents", renchérit Marc Coatanea, responsable du PS à Brest. "On n'a pas de réponse cohérente sur les problèmes graves de la société", affirme à son tour la secrétaire fédérale et conseillère régionale Forough Salami.
Annie Loneux s'enhardit, vante les mérites d'une candidate qui "a abordé avec courage des sujets occultés par le PS", regrettant même qu'elle n'ait "pas pu développer son idée d'encadrement militaire". "Mais ça sortait d'où ? C'était de l'improvisation !", s'exclame Yohann Nedelec, 30 ans, conseiller municipal d'une commune de l'agglomération brestoise, tandis que Mme Salami dénonce une "approche trop sécuritaire de la société". "On n'a pas réussi à rendre Ségolène Royal crédible", relève Jean-Paul Cosme, 50 ans, secrétaire de section à Brest.
La distance qui a séparé la candidate de son parti pendant la campagne ? Chacun s'accorde à dire que les responsabilités sont partagées. Mais la concurrence des comités Désirs d'avenir a laissé des traces, et sa persistance est sévèrement condamnée. "La solution n'est pas dans cette structure parallèle. Vouloir trouver une réponse hors du PS serait extrêmement dangereux", prévient Marc Coatanea.
Les souvenirs sont amers et encore vifs. Du coup, les récentes déclarations de Mme Royal, jugeant que le smic à 1 500 euros et la généralisation des 35 heures étaient "des idées qui ne sont pas crédibles", ont été reçues comme l'huile sur le feu. Et lorsqu'Annie Loneux s'emploie à les défendre, soulignant la franchise de "Ségolène" comme un trait qui la distingue des "éléphants", c'est le tollé autour de la table.
"Les gens étaient scandalisés ! Mon portable n'a pas arrêté de sonner !", s'emporte Yohann Nedelec. "Si elle le pensait, il fallait le dire pendant le débat interne !", s'exclame Marc Coatanea. "Elle s'est fait élire sur une tromperie", tranche Jean-Paul Cosme. S'inquiétant de la composition très strauss-kahnienne de cet échantillon, le nouveau député du Finistère, Jean-Jacques Urvoas, conseille d'interroger ensuite deux autres "royalistes".
Nouvelle adhérente de 28 ans, Annaïg Tanné se dit "inquiète et déçue par l'ego des éléphants, qui veulent "casser du Ségo" pour avancer". "On est arrivé à un stade de saturation où ça va forcément craquer", prédit-elle. De vingt-sept ans son aîné, Bernard Pellé use du vocabulaire plus prudent de celui qui en a vu d'autres : "On a connu de meilleures périodes", convient-il.