| | Devant le risque d'une relance de la contestation, Valérie Pécresse utilise un argument policitien pour le moins usé : c'est la faute de la gauche, et singulièrement des troskystes du NPA. C'est sur RTL, hier, que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche s'est livrée à ces attaques. Voici ses déclarations, d’après dépèches : «Avoir un parti de gouvernement, comme le parti socialiste, qui ne condamne pas les violences, qui ne condamne pas les blocages universitaires, qui n'appelle pas à la reprise des cours et à la tenue des examens, excusez-moi mais çà me choque». «Le parti socialiste, en partie par opportunisme politique, en partie par peur de se faire dépasser sur sa gauche, n'a pas condamné les violences universitaires, n'a pas condamné les dégradations, n'a pas appelé au déblocage des facs, n'a pas appelé à la reprise des cours, n'a pas appelé à la tenue des examens, ne s'est pas prononcé sur la valeur des diplômes», a-t-elle ajouté. «Je suis désolé de dire à tous les universitaires qui croient que le parti socialiste défend les valeurs de l'université que pour moi ce ne sont pas les valeurs de l'université», a poursuivi la ministre. Ces déclarations sont en mettre en relation avec les communiqués du PS et la lettre de Martine Aubry aux enseignants et chercheurs. Mais aussi, et peut être surtout, avec la situation dans les universités. Alors que la rentrée se déroule de manière chaotique - ici on reprend les cours, là non - , et que des initiatives sont toujours prises (ce soir, vers 18H, un simulacre de «fuite des cerveaux» Gare de l'Est à Paris)... le gouvernement a manifestement décidé d'écraser les dernières résistances à sa politique universitaires. Abandonnant tout espoir de convaincre ses opposants, il use de la menace sur les salaires, les examens, l'avenir des universités... et l'accusation politicienne, pour porter ce qu'il espère être l'estocade à un mouvement qui, malgré sa force et sa durée, n'est pas parvenu à le faire reculer. La publication des textes définitifs des décrets sur le statut des universitaires (lequel soulève toujours une polémique sur le sens précis de sa phrase sur le paiement des heures effectuées en sus du service de référence, car elle diffère de la version votée en Comité technique paritaire), le CNU et le contrat doctoral témoigne de cette volonté d'en finir au plus vite avec une contestation qui, si elle a toujours pris des formes plutôt débonnaires si l'on songe aux coups de sang des salariés de l'industrie (coupûres de gaz et d'électricité, mise à sac d'une sous préfecture par les Continental...), a sérieusement écorné l'image du gouvernement dans les milieux intellectuels et scientifiques. Sur le fond, l’argument de Valérie Pécresse concernant le NPA qui serait «très présent dans les universités et un certain nombre de manifestations» est assez ridicule. Si quelques militants de l’ex-LCR ont participé activement à ce mouvement, l’ampleur de la contestation suppose que la grande majorité de ses activistes sont des électeurs de la gauche traditionnelle, de Bayrou, voire, pour certains milieux qui se sont opposés aux réformes sur le statut et la mastérisation, de Nicolas Sarkozy. Quant au Parti Socialiste, si la plupart (mais pas tous...) de ses militants universitaires et enseignants chercheurs se sont fortement engagés dans ce mouvement, le mêler aux quelques initiatives «musclées» menées par de petits groupes est là aussi dérisoire. L'argument de Valérie Pécresse sur les examens se retourne contre elle-même. De deux choses l'une : soit le mouvement de grève est très minoritaire - comme l'a soutenu également François Fillon - et auquel cas on ne voit pas comment il pourrait soulever un véritable problème pour de nombreux étudiants, soit la contestation demeure forte, et le risque de voir de très nombreux étudiants en réelle difficulté pour leur semestre réel... et alors le discours gouvernemental sur la "petite minorité" de contestataires est un mensonge. La réalité est connue des observateurs (on espère que le cabinet de Valérie Pécresse est lui aussi au parfum...). Dans la plupart des UFR de sciences de mathématiques, informatique, physique, chimie, sciences de la Terre et de la vie (y compris médecine), même les universités les plus contestataires ont assuré l'essentiel des cours. Avec des astuces consistant à déplacer les cours les jours de grèves nationales et de manifestations, utilisant jusqu'aux samedis. En revanche, dans de nombreuses universités de sciences humaines et sociales, une grève des cours assez dures a été suivie - singuilièrement pour les trois années de licence. Avec là aussi, des différences importantes entre filières : droit et gestion n'ont été que rarement grévistes de manière continue, alors que l'ensemble histoire, science éco, philo, langues, socio et psycho, arts, a fourni l'essentiel des arrêts longs de cours. Dans la plupart de ces UFR, de nombreux enseignants grévistes ont d'ailleurs fourni du travail à leurs étudiants, même si, en première et deuxième années, ces derniers ont dû se débrouiller seuls souvent. Le fond du conflit demeure. En témoigne ce texte de Sauvons la Recherche publié Samedi : Bis repetita… ? Rendez-vous le 28 avril ! N’avez-vous pas le sentiment que le gouvernement nous rejoue un air connu ? Celui qui pourtant nous a collectivement conduits à la crise majeure que traversent actuellement nos universités et nos laboratoires. Entonné en chœur par Valérie Pécresse et par François Fillon dans un duo parfaitement rodé, le refrain en est le suivant. Profitant des vacances universitaires, le gouvernement fait valider un texte contesté et tente de faire croire à l’opinion publique qu’il discute, qu’il négocie et nous entend. Ainsi, explique-t-il, grâce à la discussion et à la concertation, tous les malentendus qui auraient été à l’origine du conflit seraient désormais levés et dans toute notre communauté, le calme et la sérénité retrouvés. Toute notre communauté ? Sauf, bien sûr, rajoute-t-il, une petite minorité d’activistes. Celle que vous connaissez bien, celle des extrémistes, celle des irresponsables. Celle qui bloque les établissements, celle qui met en péril les examens ou qui serait prête à les brader pour servir ses intérêts qui, naturellement, ne peuvent être que corporatistes et/ou politiques ! Le gouvernement instrumentalise ainsi avec un parfait cynisme le danger qui pèse sur les examens des étudiants, et dont, par son incapacité à répondre à des demandes à la fois tout à fait raisonnables et clairement définies, il porte en fait l’entière responsabilité. Reprenons donc un à un les différents dossiers en jeu, pour savoir si tous ceux qui, à de multiples reprises, sont descendus dans la rue ces deux derniers mois vont désormais pouvoir tranquillement reprendre leurs activités. L’emploi scientifique. Nous demandions au gouvernement de rétablir les emplois supprimés en 2009 et de mettre oeuvre un plan pluri-annuel d’emplois, indispensable pour au moins trois raisons : 1-le fait que les jeunes, faute de perspectives, se détournent chaque jour un peu plus de nos carrières et que c’est l’enseignement supérieur et la recherche de demain qui sont ainsi menacés (30% de doctorants en moins pour 2017 selon les chiffres du ministère) ; 2-les nouvelles charges d’enseignements qui reviennent aux universités avec notamment le plan Licence et la mise en place du décompte des heures de TP à égalité avec les eures de TD ; 3- une crise économique grave qui devrait imposer à l’Etat de reconsidérer une politique d’emploi public dictée par des raisons purement idéologiques. Or, qu’avons-nous obtenu ? La promesse faite par François Fillon de la non-suppression d’emplois dans les universités pour 2010 et 2011. Et pour les suppressions programmées pour 2009, une compensation financière et pérenne. Ainsi, sur ce second point, ce qui avait été possible en 2004, à savoir des créations d’emplois obtenues en avril, ne le serait donc plus en 2009. En outre, souvenons-nous des promesses que le même François Fillon, alors ministre de minisre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous avait faites en 2004 : nous réclamons toujours le plan pluri-annuel promis alors ! Enfin, nous n’avons absolument aucun élément laissant présager l’absence de suppressions d’emplois dans les organismes de recherches dans les années à venir. La seule concession que nous avons pu arracher à Valérie Pécresse est l’engagement que les « chaires d’excellence » ne devraient pas se traduire par des suppressions d’emplois dans ces organismes. Nous ne pouvons donc pas renoncer ! L’arrêt du démantèlement des grands organismes de recherche. Là, qu’avons-nous obtenu ? C’est très simple : rien ! Face à la mobilisation dans les labos, face aux revendications portées par la coordination des délégués de laboratoire, face à la grève administrative lancée par plus de 500 directeurs d’unités (une minorité d’extrémistes eux aussi…), la ministre avait pourtant promis qu’une déclaration explicite du Premier ministre dissiperait nos craintes de voir disparaître à terme des institutions essentielles et qui font en partie la force de notre recherche publique. Or, dans les propos tenus par François Fillon sur France Inter le 22 avril, non seulement il n’en a rien été, mais il a même évacué complètement cette question, faisant comme si elle n’avait jamais été au cœur de notre mobilisation. Nous ne pouvons donc pas renoncer ! Le retrait du projet de décret sur le statut des enseignants-chercheurs. A en croire notre duo favori, ce texte, à la suite d’une «concertation approfondie» (selon les termes du communiqué du conseil des ministres du 22 avril) aurait été réécrit et sa nouvelle version donnerait entière satisfaction à tous. Comment répondre à tant de contre-vérités ? Pourquoi, si tel était le cas, seuls 2 des 35 représentants syndicaux que comptent le CTPU et le CSFPE auraient-ils approuvé ce texte, tous les autres s’abstenant ou votant contre ? Pourquoi tous les acteurs de la mobilisation continueraient-ils à dénoncer ce texte et notamment l’ambiguïté qui laisse ouverte - dans un contexte d’emploi scientifique décroissant- la possibilité que, pour bon nombre d’enseignants-chercheurs des disciplines à forts effectifs étudiants, la modulation de service se traduise par un alourdissement subi des heures d’enseignement au détriment de leur activité de recherche, sans même paiement d’heures complémentaires ? L’annonce faite hier par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de la publication d’une circulaire d’accompagnement, procédure rarissime, montre que ce projet – et notamment la modulation des services qui en est le cœur - demeure plein d’ombres . Connaissant le fonctionnement des universités, nous savons que «l’accord» de l’intéressé pour la modulation n’est en rien une garantie suffisante. Nous ne pouvons donc pas renoncer ! La réforme de la formation des enseignants du secondaire et du primaire. Le gouvernement aurait accepté de reporter d’un an cette réforme et de prendre le temps de la concertation. Or, là encore, il a choisi en réalité le passage en force. Il a décidé de contourner le refus de l’AERES d’expertiser les rares maquettes de masters «métiers de l’enseignement» déposées par certaines universités (dont plusieurs issues des établissements de l’enseignement privé) et d’entériner dès à présent leur existence. En outre, le vrai report est très loin d’être encore acquis, puisqu’une partie des lauréats du concours 2010 ne seraient pas fonctionnaires stagiaires à l’issue du concours. Enfin, comment peut-il prétendre remettre à plat la formation des enseignants, alors qu’il continue de précipiter le calendrier (puisque tout devrait être réglé à la mi-juillet), dans la plus grande confusion sur la composition et le rôle des instances chargées de cette remise à plat) ? Nous ne pouvons donc pas renoncer ! Nos demandions enfin qu’une fois ces quatre points réglés, s’ouvrent des discussions associant tous les acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur sur la loi LRU et sur le Pacte pour la recherche. Là encore, nous ne pouvons pas renoncer ! On le voit donc, la douce musique que nous chante le gouvernement est à mille lieux de la réalité. Or, si le refrain en est, comme nous l’avons dit, bien connu, la suite de la chanson prendra un autre tour qu’en 2007 lors de la promulgation de la loi LRU au cœur du mois d’août. Et ce, pour différentes raisons. - Parce que notre communauté dans son ensemble a aujourd’hui pris conscience que les réformes que le gouvernement cherche à nous imposer vont à l’encontre des évolutions souhaitables, et que ce n’est pas être immobilistes que de le dire. A ce sujet nous vous invitons à venir débattre avec nous le 16 mai, lors de notre prochaine Assemblée Générale, des propositions que nous pouvons faire pour l’enseignement supérieur et la recherche (http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article2680). - Parce que, contrairement à ce que le gouvernement tente de faire croire, ces revendications n’émanent pas d’une petite minorité (bien évidemment partisane, cela va sans dire…) mais de l’immense majorité de notre communauté. - Parce qu’aujourd’hui nos voix se mêlent à celles d’autres secteurs professionnels (en particulier les médecins qui, le 28 avril, le même jour que nous, défileront à Paris pour défendre l’Hôpital public) qui, dans les réformes imposées par le gouvernement, dénoncent une semblable méconnaissance de leurs missions et de leurs métiers, et un même aveuglement idéologique qui fait de la concurrence un gage d’efficacité, introduit des outils de gestion manageriale inadaptés à ces secteurs, met en place les conditions d’un désengagement financier progressif de l’Etat, démultiplie la précarité, etc. - Mais peut-être surtout parce qu’aujourd’hui le gouvernement qui se vantait il y a peu d’avoir gagné la « bataille idéologique » l’a visiblement perdue. En effet, notre communauté s’est toute entière retrouvée sur la défense de ce qui est la valeur centrale de nos institutions et de nos missions : celle de la connaissance et du savoir. Et avoir emporté cette bataille, c’est la promesse à terme d’une victoire bien plus grande! Nous avions estimé nécessaire, il y a un an, de lancer une «Marche de tous les savoirs» pour affirmer notre fierté d’exercer ces métiers, centrés sur le savoir et la connaissance. Nous vous proposons, pour montrer votre attachement à ces valeurs, une 2ème «Marche de tous les savoirs», fin mai. D’ici là, la mobilisation doit se poursuivre et nous vous appelons dès à présent aux journées du 28 avril et du 1er mai (http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article2387). Nous vous appelons également à faire des 14 et 15 mai deux journées de lutte pour la défense de l’emploi avec manifestations, opérations labos morts et blocage des services administratifs. |