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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

20 janvier 2020 1 20 /01 /janvier /2020 13:47

À la veille du 50ème Forum économique mondial de Davos (Suisse), Oxfam France publie son rapport annuel sur les inégalités mondiales. Sans grande surprise, le décalage entre les plus pauvres et les plus riches s'amplifie dans le monde et en France.

L'ONG met à jour les dernières données sur les inégalités dans le monde et chaque année, les richesses se concentrent un peu plus. C'est encore le cas en 2019 : les 1% les plus riches de la planète possèdent désormais plus du double du reste de l'humanité, soit 92% de la population mondiale. Dans le même temps, près de la moitié de la population mondiale, soit près de 3,8 milliards de personnes, vit toujours avec moins de 4,5 euros par jour.

La France ne fait pas exception à cette tendance générale avec 41 milliardaires, quatre fois plus qu'après la crise financière de 2008. Qui sont-ils ? Plus de la moitié ont hérité de leur fortune et seulement cinq sont des femmes. Quant à leur richesse cumulée, 329,9 milliards de dollars, c'est cinq fois plus qu'après 2008. La France maintient un statu quo mortifère alors qu'elle est traversée par la révolte des gilets jaunes et par la plus longue grève générale de la Ve République. Il n'y a pas de doute, ce statu quo sera à nouveau consolidé lors du 3e "Sommet" Choose France que le Prince Président organise pour 200 grands patrons dont 165 étrangers : de Netflix à Youtube en passant par Lime (connu pour ses trottinettes électriques), BMW, Fedex ou encore General Electric, sur qui de forts soupçons de collusion et de conflits d'intérêts pèsent en lien avec l'entourage technocratique et politique d'Emmanuel Macron. Une réception à Versailles, dans la galerie des glaces en compagnie d'une vingtaine de ministres. À l'Élysée, on souligne que "ce sont les réformes engagées depuis le début du quinquennat Macron" qui dynamiseraient les investissements : simplification du droit du travail, allègement des contraintes et des charges pour le patronat. Près de 4 milliards d'euros provenant de grands groupes étrangers seraient en passe d'être investis en France, a annoncé l'Élysée dimanche soir, en amont de ce sommet. Or comme vous pourrez le lire plus bas, c'est bien peu de choses, comparé à la casse de notre modèle républicain et social, aux prébendes cédées aux entreprises étrangères et à la politique fiscale extrêmement favorable aux détenteurs "nationaux" du grand capital.

Symbole de la prospérité des milliardaires français, Bernard Arnault, le patron du groupe de luxe LVMH est devenu l'homme le plus riche du monde le 16 décembre 2019, en l'espace de quelques heures, devançant Jeff Bezos, patron d'Amazon, et évinçant Bill Gates. Avec une fortune de 76 milliards de dollars, il est revenu en 4e position dans le dernier classement du magazine Forbes, publié le 27 décembre 2019.

Parmi les 20 plus grandes fortunes du monde figure un autre Français, ou plus précisément, une Française : Françoise Bettencourt Meyers. L'héritière du groupe de produits cosmétiques L’Oréal, qui se situe au 14e rang avec 59,9 milliards de dollars, est la plus riche femme de la planète, selon Forbes.

Cette démonstration illustre l'indécence de la politique fiscale du gouvernement. La suppression de l'ISF s'est donc opérée à la demande d'Emmanuel Macron au moment où le nombre des ultra riches en France commençait à exploser. Cette mesure, ainsi que l’instauration d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU ou "flat tax") de 30% sur les revenus du capital, auparavant taxés au barème de l’impôt sur le revenu, devait "favoriser la croissance de notre tissu d’entreprises, stimuler l’investissement et l’innovation", selon la lettre de mission de Matignon de décembre 2018.

France Stratégie, dans son rapport d'évaluation mardi 1er octobre 2019, estimait que la réforme a "un impact très incertain" quant à l’atteinte des objectifs de la direction générale du Trésor, à savoir un impact de 0,5 point de PIB et la création de seulement 50.000 emplois. Or ces dispositions ont coûté à la puissance publique 4,5 milliards d'euros par an (pour le remplacement de l'ISF par "l'impôt sur la fortune immobilière"), d'un côté, et près de 1,7 milliard d'euros par an (instauration de la flat tax) de l'autre.

Inefficaces, inégalitaires, ces politiques ont accru tout à la fois les écarts entre catégories sociales mais elles sont également renforcé le sentiment de mépris à l'égard d'une grande majorité de nos concitoyens, alors même que la pauvreté s'est remise à croître sous ce quinquennat. Sans effets réels sur l'activité économique, dans un contexte où la fraude fiscale n'a jamais été aussi forte, alors que nos concitoyens réclament des efforts plus partagés, il faudra revenir sur l'ensemble des cadeaux qu'Emmanuel Macron a accordé à la finance et aux ultra-riches.

Frédéric FARAVEL

Les super riches tricolores : quel bonheur de savoir ... où reprendre l'argent !

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19 décembre 2019 4 19 /12 /décembre /2019 19:47
SOCIALISTES, NOUS AIMONS BEZONS ET NOUS CHOISISSONS DOMINIQUE LESPARRE

Nous sommes socialistes de cœur et nous aimons Bezons. Nous lui avons apporté notre engagement et nous voulons continuer d’agir pour que notre ville porte nos valeurs et nos espérances, au service des Bezonnaises et des Bezonnais, lors des prochaines élections municipales.

Aujourd’hui, notre ville évolue sans renier son histoire et en offrant la promesse d’une meilleure qualité de vie. Aujourd’hui, notre ville se bat pour l'emploi, le dynamisme économique, l’éducation et le logement pour tous, contre l'habitat indigne. Elle agit pour développer de nouveaux services et commerces, de nouvelles activités culturelles, sportives et de loisirs.

Depuis plusieurs années, en France, solidarités et services publics sont mis à mal. Les attaques contre notre modèle social et républicain ont atteint un niveau invraisemblable depuis l’élection d’Emmanuel MACRON à la Présidence de la République.

Face à cette situation nationale, les équipes municipales successives de notre ville ont toujours été un rempart et une protection (cuisine centrale, centre de santé, centres sociaux, etc.).

Nous sommes profondément convaincus que l'action de notre maire, Dominique LESPARRE, est un atout et que le rassemblement de la gauche et des progressistes, dont il a toujours été l’artisan, est indispensable pour poursuivre cette action.

Nous avons donc été consternés, mais pas étonnés, que des élus « étiquetés PS » (dont certains ont, par opportunisme, pris tout récemment l’étiquette écolo : EELV ou Génération Écologie) avec à leur tête Nessrine MENHAOUARA, pourtant adjointe de Dominique LESPARRE, aient décidé de rompre notre union.

De 2014 à aujourd'hui, les élus PS ont voté tous les budgets permettant les transformations en cours. Rien ne justifie qu'ils critiquent désormais ainsi tout ce qui a été entrepris, sinon les ambitions personnelles de Mme MENHAOUARA.

C’est irresponsable et dangereux car cela met notre ville à la merci de la droite, quand le pays subit déjà les agressions d’Emmanuel MACRON.

ENSEMBLE, NOUS CHOISISSONS EN SOCIALISTES LE RASSEMBLEMENT DE LA GAUCHE & DES PROGRESSISTES, AVEC DOMINIQUE LESPARRE, POUR UNE VILLE SOLIDAIRE, CITOYENNE & ÉCOLOGIQUE

Pierre BORDAS, conseiller municipal et ancien adjoint au maire ; Philippe NGWETTE, ancien adjoint au maire et ancien secrétaire de la section PS de Bezons ; Martin LOLO, adjoint au maire ; Philippe CLOTEAUX, ancien adjoint au maire ; Marie-Christine PASQUET-GRELET, ancienne conseillère municipale ; Farid BERKANE, ancien adjoint au maire ; François MOTAY, ancien conseiller municipal ; Martine COURBEZ, ancienne conseillère municipale ; Patrick BREUNEVAL, ancien conseiller municipal et ancien secrétaire de la section PS de Bezons ; Idriss BROUKSY, ancien conseiller municipal ; Marie-Lucile FAYE, ancienne conseillère municipale ; Luabeya MUTAMBAY, Gaétan GUIBERT et Yves GRELET, militants socialistes ; Frédéric FARAVEL, ancien membre du conseil national du PS et coordonnateur national adjoint des pôles thématiques de la Gauche Républicaine & Socialiste

Télécharger notre tract au format PDF

tract publié en décembre 2019 par des élus, anciens élus ou responsables socialistes locaux ou nationaux du Parti socialiste militant à Bezons

tract publié en décembre 2019 par des élus, anciens élus ou responsables socialistes locaux ou nationaux du Parti socialiste militant à Bezons

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16 décembre 2019 1 16 /12 /décembre /2019 15:41
"Pourquoi la retraite à points du gouvernement est bien une réforme néolibérale" par Romaric Godin

article publié par Romaric Godin dans Mediapart 16 décembre 2019

L’attachement du gouvernement au changement structurel du système de retraites n’est pas surprenant, car cette réforme affaiblit le monde du travail. Elle permet aussi de réduire les transferts sociaux et d’envisager de futures baisses d’impôts. C’est une réforme profondément ancrée dans la pensée néolibérale.

La réforme systémique des retraites est cruciale pour ce gouvernement. L’exécutif s’accroche à cette « retraite à points » malgré l’évidence au mieux d’une méfiance, à tout le moins d’un rejet de ce système par la population. Mercredi 11 décembre au soir, sur TF1, le premier ministre Édouard Philippe assurait encore de sa « détermination » à aller jusqu’au bout de cette réforme. Se pose alors une question centrale : pourquoi ? Pour y répondre, plusieurs éléments de langage du gouvernement sont avancés, mais tous révèlent la vraie nature de cette réforme : l’accélération de la transformation néolibérale du pays.

Une réforme juste ?

Le premier, et sans doute le moins sérieux, est celui de « l’égalité » ou de sa variante, la « justice ». L’universalité du nouveau régime mettrait tous les Français face aux mêmes droits et, a même osé Édouard Philippe dans son discours devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE), achèverait l’ambition du Conseil national de la Résistance (CNR). C’est un des arguments les plus utilisés, sans doute parce que c’est le plus simpliste : mettre chacun dans la même case correspondrait à l’égalité. Cela permettrait d’en finir avec des « privilèges » qu’Édouard Philippe affirme « ne plus pouvoir justifier ».

L’argument ne résiste néanmoins pas longtemps à l’analyse. D’abord parce qu’il est bien étrange d’entendre cette majorité se soucier d’une égalité de façade, alors qu’elle a assumé et revendiqué une politique fiscale qui a, en 2018, creusé les inégalités comme rarement depuis trois décennies. Il est étrange, au reste, de vouloir corriger cette politique par la réforme d’un système de pensions qui est un des plus redistributifs d’Europe et qui permet de réduire le taux de pauvreté des plus âgés.

On pourrait également souligner qu’à peine né, le nouveau régime est déjà criblé d’exceptions, notamment pour les fonctions « régaliennes » de l’État, celles qui sont traditionnellement ménagées par le néolibéralisme. Barricadé depuis un an derrière des forces de l’ordre qui lui permettent d’oublier son impopularité, le gouvernement s’est empressé d’accorder aux policiers une nouvelle exception à l’universalité du nouveau régime. Dès lors, on comprend quelle sera la réalité de celui-ci.

Ce ne sera pas un régime universel, mais, comme le régime actuel, un régime troué d’exceptions. À la différence que, cette fois, ce ne sont pas les luttes sociales ou les rapports de force internes aux entreprises qui décideront de celles-ci, mais les priorités gouvernementales. Or, chacun sait ce que sont les priorités de l’État aujourd’hui : c’est une politique de l’offre et c’est revendiqué par le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire. Les exceptions concédées refléteront cette politique. L’État n’est donc plus le garant de l’intérêt général ou d’un équilibre entre capital et travail, mais bien plutôt le reflet d’une politique favorable au capital.

Derrière l’universalisme de façade et l’égalité en vitrine, on aura donc un désarmement par l’État du monde du travail et de sa capacité de forger des conditions de travail acceptables. C’est assez piquant de la part d’un exécutif qui prétendait, pendant la réforme du marché du travail, qu’il fallait prendre les décisions au plus près du terrain. Mais il est vrai, qu’alors, la réalité devait être favorable au capital…

La justice d’un régime de retraite ne peut être réalisée sous la toise d’une règle unique parce qu’il n’existe pas d’égalité de conditions de travail, ni d’égalité d’espérance de vie, ni d’égalité de départ dans les carrières, ni enfin d’égalités de conditions au sein des entreprises. Placer le fils d’ouvrier sur la même ligne qu’un fils de notaire revient à faire partir le premier avec de lourdes chaînes aux pieds et à le condamner à une retraite difficile et courte. Selon l’Insee en France, les hommes les plus aisés vivent en moyenne 13 ans de plus que les plus modestes. Est-il alors juste de faire partir tout le monde au même âge avec les « mêmes droits » ? N’est-il pas plus juste d’accepter alors des compensations à de faibles revenus par des avantages spécifiques à la retraite ? La justice, dans ce domaine, consiste nécessairement à sortir de l’égalité formelle. Mais la pensée néolibérale ne veut rien voir de ces réalités.

Les différences d'espérance de vie par niveaux de vie. © Insee

Les différences d'espérance de vie par niveaux de vie. © Insee

Ou bien alors faut-il entendre la justice autrement, comme un ajustement par le bas ? L’élargissement du calcul de la pension à l’ensemble de la carrière ne saurait être considéré comme une mesure de justice par rapport à un mode de calcul favorisant les meilleures années. Pour une raison évidente : le calcul va intégrer les moins bonnes années. C’est aussi simple que cela.

Certes, certains pourront acquérir des droits nouveaux s’ils travaillent moins des 150 heures de travail par trimestre, mais beaucoup d’autres verront leurs droits réduits. Lorsque le gouvernement annonce une très lente revalorisation du métier de professeur pour compenser les effets de la réforme, c’est bien qu’il reconnaît que leurs pensions seront beaucoup plus faibles. Ce n’est pas pour rien que le rapport Delevoye avait pris quelques liberté avec la rigueur de ses projections. Quant aux plus précaires, ils continueront à être doublement pénalisés, comme le note l’économiste Éric Berr : dans leur carrière et à la retraite. Autrement dit, la justice de cette réforme ressemble fortement à un écrasement vers le bas dans lequel certains « vainqueurs » passeront de presque rien à trop peu. L’illustration de ce tour de passe-passe est bien la fameuse retraite minimum à 1 000 euros par mois, soit 30 euros de plus qu’aujourd’hui. La justice et l’égalité pour la majorité, c’est donc avant tout partager la misère…

La logique de la retraite à points est de mimer l’épargne individuelle : il faudra glaner le plus de points. Comme le résumait Jean-Paul Delevoye, « celui qui aura fait une belle carrière aura une belle retraite, celui qui aura une moins bonne carrière aura une moins bonne retraite ». Et c’est sans doute cela ce que le gouvernement entend par la justice : refléter les « efforts » individuels. Les statuts et donc les protections issues de la lutte seraient des freins à cette réussite individuelle. Et c’est bien là l’idée de justice défendue par le néolibéralisme : une justice en forme d’égoïsme. Et ce n’est pas pour rien que, précisément, le système de retraite à points « mime » l’épargne individuelle. C’est un système qui promet un rendement de ses choix personnels, sans se soucier des conditions de ces rendements.

Dans ces conditions, l’argument le plus farfelu d’Édouard Philippe est sans doute celui de l’appel aux mânes du CNR. Car cette « égalité » revendiquée consiste surtout à réduire les droits de certains, à rebours de l’ambition du CNR. Rappelons que celui-ci avait défendu l’universalité du système de retraite pour donner des droits à tous dans un pays où l’assurance-vieillesse était une exception. L’universalité était celle de l’accès au droit à la retraite. Mais l’ambition du CNR s’inscrivait dans une logique de rattrapage par le haut, ce qui a motivé de conserver les exceptions pour les régimes plus généreux. Aplanir les pensions et les droits par le bas est l’inverse de l’esprit et de la lettre du projet de 1945.

Un déficit qui justifie la réforme ?

Le deuxième argument avancé en faveur de la réforme, c’est celui des finances. Le système de retraite français serait en péril en raison du déséquilibre croissant entre le nombre de cotisants et celui de pensionnés. Il a été répété le 11 décembre par Édouard Philippe. Ces oiseaux de mauvais augure en veulent pour preuve les prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoyant un déficit pouvant aller jusqu’à 27 milliards d’euros en 2030. Cette partition est jouée à chaque réforme pour défendre l’idée de la nécessité d’un « effort » et de l’allongement de la durée de cotisations. Mais, là aussi, l’argument ne tient pas.

D’abord parce que les réformes successives ont déjà prévu de réduire le montant et la durée des futures pensions. Les prévisions du COR ne prévoient pas de dépassement du niveau de 14% du PIB pour les dépenses de retraites en France d’ici à 2030, ce qui est précisément la limite fixée par la réforme proposée qui, soit dit en passant, n’envisage pas de sortir de ces prévisions. Autrement dit, la retraite à points n’offre pas directement de nouvelles mesures d’économies. Le déficit provient donc principalement des recettes, ce qui s’explique par deux facteurs : une dynamique des salaires trop faibles (notamment du fait d’un rythme modéré de hausse du SMIC) et, surtout, des mesures d’économies dans la fonction publique. En embauchant moins, l’État cotise moins et donc creuse le déficit des retraites. Mais, en théorie, ce déficit est le pendant des économies réalisées. Il n’est donc pas préoccupant en soi. Pointer le seul déficit des retraites, c’est donc viser le modèle de répartition intergénérationnel pour d’autres raisons que des raisons financières.

D’autant que les 27 milliards d’euros de déficit annoncé (chiffre soumis à des conditions très nombreuses et à l’incertitude naturelle de ce type de projection) ne sont guère un souci en soi. À partir de 2024, la dette sociale, autrement dit la dette de l’ensemble de la Sécurité sociale, aura été remboursée. Cela permettra de dégager pas moins de 18 milliards d’euros par an de recettes disponibles pour les caisses de la Sécu, donc des retraites, via la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et la part de la CSG qui est dirigée actuellement vers la Cades, l’organisme qui amortit cette dette. Dès lors, le déficit peut être fortement minoré sans augmentation d’impôts. Sans compter que le système de retraite français est riche : son patrimoine net est évalué par le COR à 127,4 milliards d’euros, soit pas moins de cinq fois plus que le déficit cumulé maximal de 2030. Et sur cette somme, le Fonds de réserve des retraites (FRR) créé par Lionel Jospin en 1999 pour… faire face aux futurs déficits dispose de 36,4 milliards d’euros fin 2017. Comme avec la baisse attendue des pensions, le système doit se rééquilibrer vers le milieu du siècle, il faut donc bien le dire : le système français des retraites n’a pas de problème de financement ni de déficit.

Le patrimoine du système des retraites. © COR

Le patrimoine du système des retraites. © COR

Le vrai problème, c’est bien la baisse du niveau de vie des retraités futurs qui a été programmée par les anciennes réformes et que la nouvelle n’entend pas corriger. Bien loin de là, puisque le gouvernement entend obliger le nouveau système à être à l’équilibre d’ici à 2027 par ses propres moyens. Comme les cotisations sont désormais fixes (c’est le principe de base de la retraite à points), on ne pourra jouer que sur les dépenses, donc les pensions. Mais alors, la question reste bien de savoir pourquoi le gouvernement veut absolument cet équilibre. Écartons d’emblée, le pseudo bon sens néolibéral des « comptes en ordre ». L’État n’est pas un ménage et la France n’est pas en faillite, n’en déplaise à François Fillon. Un déficit de 27 milliards d’euros en 2030 ne pose pas de problème.

En fait, le cœur de la question est ailleurs. Si le gouvernement insiste tant sur l’équilibre, ce n’est pas par souci d’équilibre financier. C’est parce qu’un tel équilibre va permettre de financer… des baisses d’impôts. Pour comprendre cette réforme, il faut comprendre le point de départ de l’idéologie gouvernementale : la dépense publique en France est trop élevée parce qu’elle empêche des baisses d’impôts qui favoriseront la compétitivité du pays. Or, la dépense publique, c’est d’abord et avant tout de la dépense sociale. Avec la retraite par points à « cotisations définies », on pourra plus aisément maîtriser ces dépenses pour assurer l’équilibre et ainsi financer les futures baisses d’impôts et de cotisations. Avec le système actuel, il fallait une réforme tous les cinq à dix ans pour piloter le système. Désormais, le système se pilotera lui-même par la règle d’or de l’équilibre financier. Mieux même, ce pilotage sera assuré par les partenaires sociaux, permettant à l’État de se décharger de sa responsabilité.

Dès lors, il convient de bien se souvenir de ce qui vient de se passer avec l’article 3 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui met fin à la compensation systématique des exonérations de cotisations. Cet article oblige le système social à s’adapter aux politiques de compétitivité coûts décidées par l’État. L’État « affame la bête » puis, comme vient de le faire avec la retraite Édouard Philippe, tire la sonnette d’alarme du déficit et oblige à des réductions de dépenses et de prestations. Avec la retraite par points, ce système est automatique : le comité de pilotage, soumis à l’obligation d’équilibre et incapable de jouer sur le niveau des cotisations, devra amortir les futures exonérations par le niveau de remplacement des salaires en pensions. C’est donc une formidable machine à permettre de futures baisses d’impôts sur le capital et de destruction du système de solidarité. Immédiatement d’immenses possibilités de baisses d’impôts se présentent : de la CSG, à la CRDS, en passant par le niveau des cotisations, notamment pour les salaires moyens. Le véritable enjeu de cette réforme est là et c’est pourquoi cette réforme centralisatrice et étatiste est défendue bec et ongles par les élites néolibérales.

L’affaiblissement du monde du travail

Enfin, il y a une dernière raison derrière l’attachement à cette réforme. Elle est connexe de la prétention à la justice et à l’égalité du gouvernement : c’est l’adaptation « aux réalités nouvelles du marché du travail ». La construction de « la protection sociale du XXIe siècle », a martelé Édouard Philippe. Cette protection doit prendre en compte « les carrières parfois heurtées » ou le développement du « temps partiel ». Très significativement, le premier ministre termine par ces mots : « On peut à juste titre vouloir changer tout cela : revenir au plein emploi, limiter la précarité. Mais c’est le monde dans lequel nous vivons et il est sage de voir le monde tel qu’il est. » Ce discours fait écho à plusieurs propos d’Emmanuel Macron, notamment un passage de son livre-programme Révolution où il estime que « la France ne doit pas rester en dehors du cours du monde », et à son entretien à Forbes du 1er mai 2018, où le président de la République affirmait : « La meilleure protection, ce n’est pas de dire : “Nous résisterons.” »

La vraie pensée qui motive cette réforme est donc celle de la soumission passive à ce qui est perçu comme l’ordre du monde et qui n’est que l’ordre du capital. Cet ordre agit comme une transcendance qui oblige aux réformes. Puisque le marché du travail change, il faut que le système de retraite change pour s’y adapter. Mais derrière ce fameux « bon sens », dont se prévaudrait Édouard Philippe, il n’y a qu’une pensée circulaire auto-justificatrice. Car ces conditions de travail, cette « réalité que nous vivons », cette précarisation du monde du travail, ne sont pas le fruit d’une force qui dépasserait les hommes et les États. Tout cela provient de choix politiques de ce gouvernement : les réformes du marché du travail, le refus de réguler les travailleurs des plateformes, le développement de l’auto-entreprenariat. Si l’on voulait garantir plus de droits à ces salariés de facto ou de droit, si l’on voulait réduire le travail fragmenté et heurté, il suffirait de renforcer les contre-pouvoirs dans les entreprises et les régulations. On a fait le contraire. Et précisément parce qu’on a fait le contraire, on en profite pour justifier la retraite par points.

Le système de retraite à points est donc le couronnement des réformes précédentes de destruction du modèle social. On a détricoté le système de protection du travail, puis on prétend que le « monde est ainsi fait » et qu’il faut adapter les retraites à cette « réalité ». Cela est d’autant plus vrai que ces réformes successives ont affaibli la capacité des salariés de former leur salaire, ce qui conduit à un affaiblissement structurel et radical du système par répartition (autant que les conditions démographiques). La nécessité de la réforme est donc née des réformes précédentes. C’est le principe fondamental du néolibéralisme : chaque réforme en entraîne inévitablement d’autres…

Et c’est bien ici que le bât blesse. Cette réforme sanctionne la dégradation des conditions sociales et le gouvernement n’entend rien faire pour réduire cette dégradation. En réalité, en assurant un système « adapté » à la précarisation de l’emploi, le gouvernement permet (ou prépare ?) de nouveaux pas dans la libéralisation du marché du travail. L’argumentation sera simple : il n’y aura aucune raison de rejeter une nouvelle libéralisation du marché du travail puisqu’il existe maintenant un système de retraite adapté à la précarité.

Mieux même : puisque la réforme à points est fondée sur une accumulation de droits, il faudra que les salariés acceptent un maximum d’emplois pour engranger un maximum de points. La compétition sera donc renforcée sur le marché du travail et, partant, elle nécessitera encore moins de régulations pour pouvoir « donner leur chance à tous » d’avoir une meilleure retraite. Comme, en parallèle, le gouvernement vient de réduire les droits à l’assurance-chômage, les actifs seront tentés d’accepter le travail comme il vient, quelles que soient les conditions et les salaires. D’autant que beaucoup de salariés âgés seront tentés de rester sur le marché du travail pour améliorer eux aussi leurs pensions dans les dernières années avant la retraite. La retraite à points est donc une garantie future pour une plus grande libéralisation du marché du travail, mais aussi une assurance de plus que le coût du travail va rester bas. C’est donc bien une machine à désarmer le travail face au capital.

Dans ces conditions, la réforme des retraites du gouvernement n’est pas qu’un simple ajustement technique. Elle ne peut être isolée en tant que simple « méthode ». C’est, intrinsèquement, un moyen de réduire les transferts sociaux, de baisser les impôts et de désarmer le monde du travail. Prétendre alors, comme le font certains, que cette réforme est de « gauche » suppose beaucoup d’audace. C’est bel et bien une réforme structurelle néolibérale. Et c’est bien pourquoi le gouvernement et le président de la République y sont si fanatiquement attachés.

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13 décembre 2019 5 13 /12 /décembre /2019 12:04
pas besoin de commentaires...

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Vous trouverez en annexe la présentation détaillée des résultats des élections générales britanniques qui avaient lieu hier, jeudi 12 décembre, par le site Grey-Britain.

Je tenais à vous faire part ci-dessous de mon analyse.

Il y a évidemment d’autres considérations possibles mais le scrutin aura été dominé par l’enjeu de mettre enfin en œuvre le choix référendaire des Britanniques de quitter l’Union Européenne, ce qu’avait parfaitement saisi qu’on l’aime ou non Boris Johnson.

On ne peut pas ne pas tenir compte de l’expression de la souveraineté populaire (quelles que soient les hautes traditions parlementaires de ce pays qui faisaient jusqu’en 2016 de la Chambre des Communes son principal vecteur).

Cela explique largement la chute du « Red Wall » au nord de l’Angleterre, ces circonscriptions qui votaient toujours Labour Party depuis parfois plus de 70 ans et qui avaient choisi très majoritairement le vote Leave en 2016. Jeremy Corbyn était face à une mission impossible : soit il était clair sur le respect absolu du choix référendaire populaire et il risquait de perdre des circonscriptions au profit des remainers LibDems, soit il était flou et on connaît le résultat. Il aura fait le pari d’un discours axé sur la nécessaire transformation économique et sociale du pays (pas si radical que cela en soi, n’en déplaise à la presse sociale-libérale européenne, qui ne s’est toujours pas remise de l’échec du blairisme, le quotidien Le Monde en tête), mais cela n’était pas vraiment audible avec le pays chauffé à blanc depuis 3 ans dans un Brexit juridiquement compliqué à mettre en place et un Parlement tiré à hue et à dia.

Les résultats en Écosse et en Irlande du Nord renforcent cette analyse selon moi : la victoire écrasante (même si moindre qu’annoncée au milieu de la nuit) du Scottish National Party (SNP) au pouvoir en Écosse rappelle le choix des Écossais pour le Remain ; les Unionistes désormais représentés par le seul Democratic Unionist Party (DUP) à Wesminster (petit parti brexiter qui avait fait chanter Theresa May puis Boris Johnson) sont pour la première fois minoritaires électoralement en Ulster (ils perdent 2 sièges et 5,4 points à l'échelle de la province) - leur chef de file à Londres a été battu par un candidat républicain -, derrière l’addition des Républicains de Sinn Féin (qui ne siègent jamais à Westminster par principe, mais gardent leurs 7 sièges malgré une perte de 6,6 points), des nationalistes modérés social-démocrates du Social Democratic and Labour Party (SDLP - reprend 2 sièges et 3,4 points) et de l’Alliance Party (emporte un siège sur un indépendant et bondit de 8,9 points), tous favorables au maintien dans l'Union européenne qui garantissait l'absence de frontière avec la République d'Irlande.

La question de l’unité du Royaume va donc redevenir prégnante : avec la volonté du SNP d’organiser un nouveau référendum sur l’indépendance, préalable à une candidature de l’Écosse à rejoindre l’Union Européenne (n’en déplaise à Ian Murray dernier MP travailliste écossais, le vote s’est bien fait là-dessus plus que sur la personnalité de Corbyn, le rapport au communautarisme ou sur l’antisémitisme supposé de l’appareil du Labour) ; avec une majorité d’élus Nord-Irlandais favorables à un plus grand rapprochement avec la République voire à la réunification, en tout cas radicalement opposés au sectarisme du DUP.

Las, Johnson aura donc les mains libres pour réaliser le #Brexit mais surtout pour maintenir l’austérité et dépecer un peu plus l’économie britannique contre la working class. La guerre civile va reprendre au sein du Labour sauf si Corbyn arrive à imposer un véritable débat de fond dégagé du poids du Brexit avant son départ.

Mais le Royaume sera-t-il encore uni dans 5 ans ?

Frédéric Faravel

 

La carte des résultats des élections générales britanniques du 12 décembre 2019

La carte des résultats des élections générales britanniques du 12 décembre 2019

Boris Johnson dans un clip de campagne extrêmement efficace reprenant la mise en scène d'un passage emblématique du film britannique Love actually

Boris Johnson dans un clip de campagne extrêmement efficace reprenant la mise en scène d'un passage emblématique du film britannique Love actually

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12 décembre 2019 4 12 /12 /décembre /2019 15:04
Retraites : une seule solution, le retrait du projet Macron

L'intervention d’Édouard Philippe n'aura finalement surpris personne hier midi. Les pires craintes qui pouvaient s'exprimer avant son allocution devant le CESE ont été confirmées, nous donnant raison sur les principaux arguments qui avaient motivé notre opposition au projet de réforme et le début d'un puissant mouvement social.

UNANIMITÉ SYNDICALE CONTRE LE PROJET

Le Premier ministre aura réussi le tour de force à réunir l'unanimité des confédérations syndicales contre le projet annoncé hier, alors qu'il espérait trouver un point d'appui sur ce qu'il appelle les syndicats « réformistes » (CFDT, CFTC, UNSA).

L'exécutif – il est évidemment impossible de distinguer Emmanuel Macron et Édouard Philippe dans les arbitrages et la méthode –, après avoir fait preuve de mépris pour les fonctionnaires et les enseignants, aura démontré à nouveau le peu de cas qu'il fait des partenaires sociaux et du dialogue social. Souhaitant créer un effet de surprise, il a tenu volontairement à l'écart tous les syndicats, y compris ceux sur qui il comptait, pour ne pas avoir à les prévenir de décisions qu'ils désapprouvaient.

Peu importe désormais que le gouvernement promette que la valeur du point serait déterminé à l'avenir par les partenaires sociaux, la CFDT elle-même reconnaît que c'est un piège, se souvenant des injonctions contradictoires de la lettre de cadrage sur l'assurance chômage pour permettre à Bercy de reprendre la main en fin de processus.

LA TRIPLE PEINE POUR LES SALARIÉ.E.S

Le projet Macron-Philippe-Delevoye propose donc la compilation des pires mesures défavorables :

  • l'âge d'équilibre à 64 ans est un report de fait de l'âge légal de départ à la retraite (c'est le principal reproche émis par la CFDT). On mesure les dégâts d'une telle mesure quand l'espérance de vie en bonne santé (à la naissance) est de 64,9 ans pour les femmes et de 62,5 ans pour les hommes, et que le taux d'emploi des 55-64 ans est aujourd'hui de 52% (ce qui laisse envisager une dégradation supplémentaire du niveau de pension) ;

  • la retraite par points est confirmée, ce dont personne ne doutait plus. Comme la CGT, FO, la FSU, Solidaires ou la CFE-CGC (pourtant pas forcément hostile en soi au principe), nous avons pointé les effets nocifs d'un tel système : l'avantage du point est qu'il peut être baissé ce qui ne donne aucune garantie de revenus à l'avenir ; le passage au régime universel conduira nécessairement à une baisse des pensions puisque le calcul se fera sur l'ensemble de la carrière (y compris les plus mauvaises années) et non plus les 25 meilleures années pour les salarié.e.s du privé et les 6 derniers mois pour les fonctionnaires ;

  • l'inégalité entre générations devient un principe de la réforme. Alors que le gouvernement avait annoncé que la solidarité intergénérationnelle serait une des lignes directrices de son action, il tente désormais de diviser les salarié.e.s en annonçant que le nouveau système ne s'appliquerait qu'à celles et ceux nées à partir de 1975. Les agents de la SNCF et de la RATP mobilisés ont immédiatement annoncé qu'ils ne se laisseraient pas prendre à cette tentative de division et démobilisation. Nous sommes convaincus que ce sera identique dans les autres professions.

RENFORCER LA MOBILISATION POUR LE RETRAIT

Le Président Macron et le gouvernement ont donc choisi la voie de l'affrontement. Nous sommes plus que jamais convaincus que le projet soumis est fondé sur des contre-vérités (le déficit qui le justifierait est artificiellement construit ; il est idéologique et découle d'une volonté en soi de toujours réduire la sphère de la puissance publique), nocif pour les salarié.e.s du privé comme du public (il peut d'ailleurs être interprété comme un prélude au démantèlement espéré par les Libéraux du statut de la fonction publique) et qu'il ne vise qu'à renforcer le poids des assurances privées et de la capitalisation, malgré le discours lénifiant sur la sauvegarde de la répartition.

Nous avons déjà expliqué que des solutions multiples existaient pour pérenniser dans la durée notre système de retraites solidaires par répartition ; le gouvernement ne les a même pas examinées. Aujourd'hui la mobilisation doit être totale pour obtenir le Retrait du projet.

Frédéric Faravel

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8 décembre 2019 7 08 /12 /décembre /2019 13:07

Suite à l'intervention impromptue et télévisée du premier ministre Edouard Philippe, vendredi 6 décembre après-midi, j'ai rédigé pour la Gauche Républicaine & Socialiste une courte note permettant de réfuter les contrevérités émises par le chef du gouvernement. Vous la trouverez ci-dessous et sur le site de la GRS.

Frédéric FARAVEL

Droit dans ses bottes, Édouard Philippe maintient et accélère le calendrier de la réforme des retraites : le bras-de-fer est engagé

Alors que le gouvernement devait s’exprimer au plus tôt sur le projet de réforme des retraites en milieu de semaine prochaine, celui-ci a été contraint par la très forte journée de grève du 5 décembre et par sa poursuite dans certains secteurs, notamment des transports, de prendre la parole dès aujourd’hui.

Les salarié.e.s du public comme du privé ont en effet été massivement en grève hier, avec des taux de grévistes avoisinant les 45 % dans la seule Fonction publique d’État, 61,4 % à la SNCF, 43,9 % à EDF et plus de 70 % chez les enseignant.e.s, pour ne citer qu’elles et eux. Par ailleurs, la manifestation d’hier a réuni plus de 1 500 000 personnes dans toute la France.

Bien que cette conférence de presse improvisée en catastrophe traduise un premier signe de crainte face au mouvement social, le premier ministre est resté droit dans ses bottes, en tentant toujours de mener en bateau nos concitoyennes et concitoyens sur le projet de réforme des retraites. Ainsi, alors que les grands principes de la réforme sont décidés depuis des mois, c’est-à-dire un régime de retraites par point impliquant une baisse générale des pensions et un report de l’âge de départ à la retraite, et malgré l’opposition grandissante de la population et des organisations syndicales, Edouard Philippe tente de faire croire que le projet sera débattu dans les prochaines semaines.

Cette prise de parole a été aussi l’occasion pour le premier ministre de jouer la carte de la division entre les salarié.e.s, tentant de démobiliser les secteurs les plus en pointe dans le mouvement les 5 et 6 décembre, en s’attaquant une fois de plus aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP. Par ailleurs, en s’adressant aux enseignant.e.s pour leur promettre faussement une revalorisation de leur traitement, alors que le point d’indice est gelé depuis 2010, Edouard Philippe a finalement confirmé leurs craintes en avouant que cette réforme entraînera une forte baisse de leurs pensions.

Il nous paraît nécessaire d'apporter plusieurs contradictions supplémentaires au Premier ministre :

  1. Diviser les Français en attaquant les « privilèges » des salariés de la RATP et de la SNCF :
    Les agents de la RATP et de la SNCF sont injustement mis en cause sur leur « régimes spéciaux ». On souligne l’âge de départ en retraite à 52 ans à la RATP et la SNCF, en oubliant volontairement de signaler qu’il s’agit des seuls agents d’exploitation et de conduite, est que cet âge est de 57 ans pour les métiers de la maintenance de la RATP (train, bus) et 62 ans, comme dans le privé, pour les personnels administratifs. Ces âges restent néanmoins théoriques, un conducteur de la SNCF doit avoir réalisé au moins 17 ans de service « actif » dans la maison et cumulé 43 annuités (pour tous ceux nés après 1973), comme dans le privé, pour partir avec un taux plein. Les agents partent, dans les faits, de plus en plus en tard. Par ailleurs, faute de pouvoir remplir toutes les conditions de la retraite à taux plein, beaucoup acceptent de partir avec une décote sur leur pension. En 2017, c’était le cas de 30 % des agents de la SNCF et de 18 % de ceux de la RATP, contre 15 % des fonctionnaires et 10 % des salariés du privé. Le montant des pensions des salariés des « régimes spéciaux » est également pointé du doigt, en particulier par la Cour des Comptes qui affirme qu’il serait nettement supérieur aux retraites des fonctionnaires, en ne prenant en compte que les seuls salariés ayant une carrière complète. Or si l’on prend en compte l’ensemble des salariés de ces entreprises, on se retrouve très proche du niveau de la fonction publique. On repassera donc pour les « privilèges » indus dont bénéficieraient ces salariés. Les déficits de ses régimes spéciaux est en réalité la conséquence d'une politique malthusienne de ces entreprises en terme d'emploi. Au demeurant, elles rencontrent de graves difficultés aujourd’hui à recruter (et le changement récent de statut de la SNCF ne va pas améliorer la situation) au regard des faibles rémunérations et de la disparition prévue des quelques avantages dont bénéficiaient ces salariés en compensation des salaires et des conditions de travail et d'astreinte contraignantes.
    Les salariés de la RATP et de la SNCF font au contraire preuve d'une grande solidarité avec l'ensemble des salariés de notre pays, qu'ils soient du privé ou du public, car ils ont exprimé depuis longtemps par la voix de leurs représentants syndicaux qu'ils ne se battaient pas pour le maintien exclusif de leurs régimes de retraite. Ainsi, ils ont récusé par avance toute proposition de leur appliquer quelque « clause du grand-père » (n'appliquer les nouvelles règles qu'aux nouveaux embauchés) qu'elle soit version Delevoye ou version Philippe (les propos du premier ministre cet après-midi semblent moins généreux que ceux du Haut Commissaire). En effet, étant pleinement conscient du rapport de force dont ils disposent avec une capacité de blocage des déplacements, ils ont déjà expliqué que leur engagement visait le rejet de la retraite par point pour tous, donc à mettre au service de tous les salariés français leur « arme sociale » pour tenter de faire reculer le gouvernement.

  2. Les annonces sur les enseignants et fonctionnaires sont mensongères :
    En effet, passer d'un calcul du niveau de pension en tenant compte des 6 derniers mois de rémunération au régime par point entraînera forcément une baisse des pensions, puisque c'est l'ensemble de la carrière qui sera prise en compte. Le gouvernement peut faire miroiter toutes les revalorisations possible et imaginable, aucune ne serait en mesure de compenser les dégâts du système proposée par Emmanuel Macron et son gouvernement – sauf à ce qu'elles soient massives, qu'elles rattrapent voire dépassent tous les ...retards sur les autres enseignants d'Europe occidentale...
    La réalité c'est que les rémunérations de nos enseignant.e.s sont en soi indécentes au regard de la fonction et du rôle qu'ils accomplissent au service de la société et leur pensions de retraites également. La revalorisation des enseignant.e.s est donc une absolue nécessité qui ne saurait être traitée au détour du dossier des retraites parce que le gouvernement s'est rendu compte qu'il s'est placé dans une impasse politique et sociale.
    Le raisonnement sur les dégât du dispositif proposé par le gouvernement vaut pour les autres fonctionnaires ; passer des 6 derniers mois à la retraite par point prenant toute la carrière, entraînera forcément une baisse des pensions, même en tenant compte des primes qui ne l'étaient pas jusqu'ici...

  3. Il faut le marteler, la « retraite par point » serait une régression pour tou.te.s :
    Le raisonnement tenu pour les fonctionnaires est comparable, dans une moindre mesure cependant, pour les salarié.e.s du privé : passer des 25 meilleures années à l'ensemble de la carrière dans un système de retraite par point survalorisera les années où ces salarié.e.s auront eu une carrière hachée et/ou moins payée... On voit évidemment ce que cela signifie comme dégâts pour les femmes – malgré toute la communication du gouvernement – qui ont des carrières plus hachées...
    En réalité, la retraite par point ne vise qu'à satisfaire deux objectifs purement idéologiques des Libéraux :

    1. Limiter les dépenses publiques en soi et pour cela permettre une éventuelle baisse de la valeur du point pour maintenir les retraites à un niveau de 14% comme cela semble être l'objectif du gouvernement. En Suède, le point a baissé... On a bien vu ce que le gouvernement a fait du paritarisme avec l'assurance chômage, c'est Bercy qui a la main en dernier recours, c'est ce qui se passera pour les Retraites...

    2. La baisse du niveau général des pensions de retraites vise à ouvrir plus largement des marges de manœuvres pour les grandes entreprises d'assurance privées afin de développer les produits de retraites par capitalisation, vers lesquels nos concitoyens qui le pourraient encore seraient finalement contraints de se tourner pour compenser cette baisse attendue de revenu. C'est ainsi qu'il faut comprendre les récentes décisions visant à faciliter la création de fonds de pension en France. Ainsi le discours gouvernemental qui veut nous faire croire que cette réforme vise à sauver la retraite par répartition est totalement éventé.

En toute logique, les organisations syndicales, très loin d’être convaincues par la parole gouvernementale, et revendiquant toujours le retrait de ce projet de réforme des retraites, ont appelé à la poursuite du mouvement de grève avec une nouvelle journée de mobilisation le mardi 10 décembre.

La Gauche Républicaine & Socialiste appelait déjà à renforcer le mouvement en se mobilisant massivement derrière les syndicats le 10 décembre... après l'intervention du Premier ministre, cette détermination est encore plus forte.

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25 novembre 2019 1 25 /11 /novembre /2019 12:16
Jean Dujardin campe parfaitement la personnalité du Colonel Marie-Georges Picquart, héros malgré lui de l'Affaire Dreyfus (ici lors de la reconstitution de la "cérémonie" de dégradation du Capitaine Alfred Dreyfus aux Invalides)

Jean Dujardin campe parfaitement la personnalité du Colonel Marie-Georges Picquart, héros malgré lui de l'Affaire Dreyfus (ici lors de la reconstitution de la "cérémonie" de dégradation du Capitaine Alfred Dreyfus aux Invalides)

Petit retour sur le film que je suis donc allé voir hier soir.

Évidemment je commencerai par dire qu’à chaque jour suffit sa peine et que toute piqûre de rappel sur cet épisode emblématique, qui a fait partie de la construction de notre identité républicaine, est nécessaire.

Notons d’abord le jeu d’acteur de Jean Dujardin, excellent, il fait un colonel Picquart tout à fait vivant. Les ambiguïtés du personnage sont bien soulignées, ainsi que son appartenance à une société bourgeoise, mondaine et hypocrite qui se prétend pourtant à elle-même avoir des principes moraux, sont bien campées. Le film n’en fait donc pas un héros sans tâche et c’est bien, même si quelques traits de sa raideur personnelle et militaire ont été sous traités alors qu’ils sont bien décrits dans le roman de Robert Harris (soulignons qu’il s’agit de l’adaptation d’un roman et non d’un travail d’historien, même s’il faut reconnaître la qualité du livre que j’avais lu voici quelques années), notamment quand Picquart conseille à la famille Dreyfus de ne pas accepter la Grâce présidentielle. Cet épisode causera une grave rupture entre une grande partie des dreyfusards et le colonel et de graves emportements de ce dernier, mais là on nous le passe au détour d’une terrasse de café...

Plus grave selon moi et qui transparaissait mieux dans le Téléfilm en deux parties qui avait été consacré à l’Affaire... c’est le sous traitement encore une fois de l’environnement politique et social qui permet d’expliquer la genèse de l’Affaire et son caractère explosif qui menaça rien de moins que de plonger notre pays dans la guerre civile.

Ici alors qu’on aurait pu s’attendre à plus d’insistance, l’antisémitisme me parait ne pas plus peser que comme un décor d’arrière plan ; il n’apparaît de manière éruptive que par quelques plans lors de la scène de la dégradation (par ailleurs impressionnante dans sa reconstitution ; d’une manière générale l’effort mis sur la reconstitution historique du point de vue décor etc. est remarquable) et une bien brève échauffourée nocturne dans la rue. Le film laisse peu transparaître l’ambiance politique antisémite, les groupes organisés, l’agitation politique, la campagne de presse violente et qui n’émanait pas que du quotidien assomptionniste La Croix et ses filiales en provinces, tout cela dans une société qui avait été largement préparée en matière d’opinion par le livre d’Édouard Drumond, La France juive, qui conduit le vieil antijudaïsme chrétien à l’antisémitisme politique. Je trouve cela très plat et gentillet ... peut-être est-ce une trace que nous ne saurions imaginer aujourd’hui ce que pouvait être une telle situation et ambiance, je ne peux cependant m’empêcher d’être déçu.

Il y a bien les remarques antisémites de tous ces gradés de l’état-major, dont Picquart lui-même, mais là encore cela reste faible et cela ne permet de compenser l’autre absence politique remarquable de ce film : on perçoit peu voire pas du tout un certain unanimisme politique et religieux chez ces militaires, pour qui la République qu’ils servent n’a été acceptée que par lassitude et par absence de prétendants au trône de France présentables. En fait, une bonne partie des généraux (sauf Mercier qui est républicain) auraient bien brûlé le régime si on leur en avait laissé l’occasion et leur antisémitisme, leur « passion cléricale » (seule expression du film concernant cette facette essentielle du dossier, qui est d’ailleurs de Zola et qui permet de comprendre un peu), c’est-à-dire leur engagement politique en faveur de l’Église catholique romaine, les conduisent à combattre tout progrès républicain dans l’armée, la placer au-dessus de la République car elle est la survivante d’un monde ancien et le rempart de l’Église qui remettra de l’ordre lorsque le régime mortel aura cédé. L’Affaire Dreyfus fut aussi l’occasion de purger ce poison anti-républicain au cœur de la République et l’arrivée du cabinet de défense républicaine conduit par Waldeck-Rousseau permit justement de commencer le nettoyage.

N’oublions pas que ce sont les années où le camp républicain se prépare à engager une lutte politique radicale contre le pouvoir de l’Église romaine qui conduira après bien des vicissitudes à la séparation des Églises et de l’État que certains ont aujourd’hui le culot de trouver trop rigide.

Las, enfin, rien des débats violents à la Chambre des Députés, comme souvent Jaurès est absent de la reconstitution et Clemenceau présenté seulement comme éditorialiste à l’Aurore 😓...

Conclusion : pouvait mieux faire, mais si vous ne connaissez pas l’Affaire allez le voir.

Frédéric FARAVEL

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7 novembre 2019 4 07 /11 /novembre /2019 19:05
LA GAUCHE RÉPUBLICAINE ET SOCIALISTE NE S’ASSOCIERA PAS À L’APPEL RÉDIGÉ EN VUE DE LA MANIFESTATION DU 10 NOVEMBRE PROCHAIN

La Gauche Républicaine et Socialiste (GRS) dénonce tous les racismes, et notamment ceux qui prennent pour prétexte la religion. Elle condamne fermement l’attitude de l’élu d’extrême droite qui s’en est pris à une mère, devant son enfant, alors qu’elle n’avait enfreint aucune loi ni règlement.Le dénigrement, la discrimination et l’hostilité à l’encontre de nos compatriotes de confession musulmane en cours dans certains milieux, partis et médias sont intolérables.

La République française doit s’y opposer de toutes ses forces, en faisant vivre ses principes de Liberté, d’Égalité et de Fraternité. Elle doit aussi poursuivre sans relâche et punir avec la plus extrême sévérité les criminels qui attentent à la liberté de culte et à la vie des croyants, comme cela s’est produit à Bayonne le 28 octobre dernier.

Des intellectuels progressistes, des formations politiques et des organisations de défense des Droits de l’Homme ont voulu alerter l’opinion sur le grave danger que courrait notre pays en s’abandonnant de nouveau, malgré les enseignements de l’Histoire, au poison des guerres de religion. Nous partageons leur indignation et nous leur témoignons notre fidèle amitié.

Mais la GRS ne peut s’associer à l’appel rédigé en vue de la manifestation organisée le 10 novembre prochain. Des formulations avec lesquelles nous sommes en profond désaccord y donnent à croire que la critique d’une religion serait assimilable, en tant que telle, à du racisme. Nous ne pensons pas, en particulier, que soient « liberticides » les lois de 2004 sur l’interdiction du port de signes religieux ostensibles à l’école ; et de 2010 sur l’interdiction de se couvrir le visage dans l’espace public.

Comme l’écrasante majorité des Français, la GRS soutient ces lois. Elle relève enfin que parmi ceux qui manifesteront dimanche, certaines personnalités et organisations portent un programme de régression de la laïcité, visant à instaurer une primauté de la foi sur la loi et un statut de la femme incompatibles avec les valeurs de notre République.

Militante pour une République en actes, émancipatrice partout et pour toutes et tous, la GRS appelle la gauche et les républicains sincères à mener le double combat qu’impose la situation :

• Contre toutes les tentatives d’imposer à la République des statuts particuliers bafouant ses principes, dont l’islam politique est l’une des indiscutables manifestations,

• Pour le respect dû à chacune et chacun d’entre nous, quelle que soit son origine, son genre, son orientation sexuelle, ses opinions ou sa religion.

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26 octobre 2019 6 26 /10 /octobre /2019 15:44
Eric Zemmour le 28 septembre 2019 lors de la "Convention de la Droite"

Eric Zemmour le 28 septembre 2019 lors de la "Convention de la Droite"

Je me permets de reprendre ici l'excellente chronique de Bertrand Renouvin sur son blog, car c'est une déconstruction d'une rare intelligence du discours tenu par l'essayiste Eric Zemmour, lors de la "Convention de la Droite" organisée le 28 septembre dernier par Marion Maréchal-Le Pen et ses amis, mais discours complaisamment accueilli depuis de nombreuses années sur tous les plateaux de TV et toujours donc sur Cnews, où on l'a récemment entendu faire l'apologie du massacre en Algérie des habitants de confession musulmane et juive par le Général Bugeaud en 1841. Pour ma part, je partage le point de vue de Claude Askolovitch dans une chronique publiée sur Slate.fr : il ne faut pas blâmer LCI pour avoir diffuser in extenso le discours du simili Göbbels qui empoisonne nos médias et les espaces de cerveaux disponibles des Français ; bien au contraire, ce sinistre personnage ne pourra plus dire que ses propos nauséabonds ont été sortis d'un contexte, qu'il a été coupé, que l'emportement du débat biaise sa pensée. Maintenant, même les plus obtus des naïfs et des aveugles volontaires ne peuvent plus le nier : Eric Zemmour est le porte-parole de la fusion idéologique entre le Maurrassisme et le fascisme. Car si sa réécriture de l'histoire de France - si bien décortiquée dans la chronique reproduite ci-dessous - répète les discours réactionnaires du journaliste et académicien violent, fondateur de l'Action Française (on retrouvera facilement dans ses élucubrations les références aux "quatre États confédérés des protestants, Juifs, francs-maçons, et métèques" de l'Anti-France), il s'inscrit également dans la lignée du polémiste antisémite Edouard Drumond (comme l'a décrypté Gérard Noiriel), précurseur de la dernière famille idéologique qui structure la "pensée" du nouveau chantre de l'extrême droite française, le Fascisme. Car c'est bien de cela dont il s'agit dans ses appels à une forme de virilisme contre l'universalisme républicain et les Droits de l'Homme, dans sa volonté de réhabiliter peu ou prou le régime de Vichy.

Le fascisme français n'a jamais été réellement puissant ; il lui a fallu la défaite de 1940 pour prendre le pouvoir par effraction. Son manque d'enracinement et la trahison patriotique qu'il a représenté l'avait réduit à la marginalité dont il n'était jamais réellement sorti. Nicolas Lebourg, dans un ouvrage dense mais un peu fouillis, a su rappeler récemment comment néanmoins le travail métapolitique des années 1960 et 1970 de diverses personnalités ou groupes avait patiemment adapté l'idéologique fasciste à notre époque et nourri ce qui permit la structuration du Front national de Jean-Marie Le Pen et du Rassemblement National de sa fille Marine. Mais le discours restait masqué derrière une forme de poujadisme à la mode télévisée... Zemmour est dangereux car il produit la fusion de toutes les extrêmes droites françaises, profite de la complaisance médiatique et littéraire et assume clairement le projet politique qui ne signifie rien d'autre qu'une future guerre civile totale.

à méditer...

Frédéric FARAVEL

entête du blog de Bertrand Renouvin

entête du blog de Bertrand Renouvin

"Eric Zemmour devant son “Destin”." – Chronique 154 – Le blog de Bertrand Renouvin

mercredi 23 octobre 2019

Au lendemain du discours prononcé par Eric Zemmour devant la Convention de la droite, le 28 septembre, une partie de l’intelligentsia parisienne se lança dans une polémique vibrante au cours de laquelle on réclama que le journaliste fasse l’objet d’une interdiction professionnelle. La chaîne LCI obtempéra, tandis que CNews récupérait le persécuté tout en s’exposant aux représailles publicitaires d’un marchand de pâte à tartiner, chef de file d’une modeste escouade de vigilants. Une fois de plus, l’indignation d’une gauche toujours soucieuse de ses postures permit de transformer l’auteur d’un discours remarquablement agressif en victime des bourreaux de la bien-pensance… Puis les choses rentrèrent dans l’ordre : Eric Zemmour est toujours au “Figaro” et tient un créneau télévisé, “Valeurs actuelles” et “Causeur” sont en flanc-garde, et les ventes de son dernier livre atteignent des sommets. Messieurs les maîtres-censeurs, c’est vraiment bien joué !

Le retour au calme médiatique permet de s’interroger sur le cas Zemmour en examinant ses idées, son statut et le rôle politique qu’il semble vouloir jouer.

Les idées se ramènent toutes à un point fixe : la défense de l’identité française contre l’islam. Telle est la thématique centrale de “Destin français” (1), essai polémique sur l’histoire de la France des origines à nos jours. Le genre n’est pas méprisable, l’auteur a beaucoup lu et ses partis pris seraient stimulants s’ils n’étaient pas alourdis de comparaisons anachroniques bâties sur des oublis trop massifs pour ne pas être volontaires. Ainsi, on apprend qu’ »entre la chrétienté et l’Islam, c’est une histoire millénaire. Qui ne s’unit pas se divise ; qui n’attaque pas recule ; qui ne recule plus conquiert. Qui ne conquiert plus est conquis” (69). Saint Louis est glorifié, Philippe le Bel est fustigé parce qu’il ne voulait pas d’une nouvelle croisade et, du coup, “renonçait à toute colonisation de l’Asie musulmane”- comme si le roi de France pouvait avoir l’ambition d’un Alexandre Le Grand… alors que la nation française est en train de se constituer contre les empires et contre l’idée même d’empire.

 François Ier fait l’objet d’une exécution en règle, au cours de laquelle on lit que l’alliance du roi de France avec Soliman le Magnifique fait aujourd’hui l’objet d’éloges “de bon ton” alors qu’elle fut la conséquence d’une défaite qui “rend fou” (147) et constitua une “transgression inouïe” mais inefficace. L’alliance de 1536 avec l’empire ottoman fut au contraire immédiatement utile pour contrer les Impériaux en Méditerranée par des opérations menées avec la flotte du capitan pacha Khayr al Din plus connu sous le nom de Barberousse. L’alliance de revers est une très classique alliance entre Etats, qui laisse de côté les considérations religieuses et les modes de gouvernement. Déjà, en 1402, après la victoire de Tamerlan contre Bajazet, les rois de France et de Castille avaient envoyé une ambassade à Samarkand (2) en vue d’une alliance qui ne fut pas conclue car le terrible conquérant se mourrait. Entre François Ier et Soliman, l’alliance ouvrit la voie à une très longue période – deux siècles et demi – d’entente diplomatique et de coopération militaire qui prit fin avec l’expédition de Bonaparte en Egypte. Eric Zemmour devrait se souvenir qu’en 1566, Charles IX avait soutenu le projet d’alliance entre l’Empire ottoman et le protestant Guillaume Ier d’Orange (3) et que la France de Charles IX ne participa pas non plus à la bataille de Lépante en 1571. A partir de 1673, Louis XIV ne cessa d’encourager les Ottomans à attaquer les Habsbourg et, en 1683, souhaita très activement la prise de Vienne par les armées du Sultan. Le schéma d’une France chrétienne en guerre multiséculaire contre l’islam est remarquablement étranger à notre histoire diplomatique et militaire qui s’est affirmée dans la lutte de l’Etat royal, pré-national, contre toute volonté de domination impériale.

Dans “Destin français”, l’évocation des guerres de Religion est centrée sur la figure de Catherine de Médicis, fustigée au fil d’un récit partiel et confus, au mépris de la recherche historique. L’incontournable Denis Crouzet (4) est expédié en une ligne, les autres historiens sont accusés de défendre Catherine de Médicis parce qu’ils seraient, selon l’esprit du temps, “en quête de femmes et de diversité” (164). Jean-Christian Petitfils dément ce diagnostic lorsqu’il décrit Catherine comme “une femme d’Etat d’une rare intelligence, d’une exceptionnelle habileté face aux intrigues et aux trahisons des chefs catholiques et protestants, dans un contexte de violence généralisée […] Catherine avait compris que les querelles entre catholiques et protestants mettaient en péril l’unité fondamentale du royaume et que les persécutions ne parviendraient pas à éradiquer une hérésie déjà largement répandue en Europe” (5). 

Tel n’est pas l’avis d’Eric Zemmour qui ne voit chez Catherine que faiblesses suivies du coup d’autorité manqué de la Saint-Barthélémy. Pour le chroniqueur du “Figaro”, la faveur dont bénéficie la Florentine s’explique par la complaisance manifestée aujourd’hui à l’égard de la religion musulmane : “L’arrivée tonitruante d’une nouvelle religion, l’islam, sur le sol de France nous ramène aux questions de cette période de guerre des Religions, aux conflits, aux subversions, au fondamentalisme religieux et à l’Etat dans l’Etat, à son prosélytisme ardent et à ses places fortes banlieusardes […]”. Pour établir sa comparaison, Eric Zemmour oublie que la France du XVIème siècle est pleinement immergée dans le religieux alors que notre société n’est plus structurée par le catholicisme ; il ignore le “parti des politiques” qui est le parti de l’Etat et de l’unité du royaume, soucieux de limiter toutes les influences religieuses et de proscrire les partis religieux ; il ne veut pas voir que le parti catholique – la Sainte Ligue des Guises -, responsable de la première guerre de religion et des massacres qui suivent la Nuit de la Saint-Barthélémy, est un “Etat dans l’Etat”, qui exploite le fanatisme religieux dans l’intérêt dans de la maison de Lorraine. Dès lors, il ne veut pas voir que la dialectique du conflit religieux trouve sa conclusion positive dans l’Édit de Nantes, acte de souveraineté que le chroniqueur du “Figaro” considère comme une “faute”. Fallait-il donc que la guerre civile se poursuive jusqu’à l’éradication des Huguenots ? C’est bien ce qui est suggéré. Heureusement, l’alliance conclue entre Henri de Navarre et Henri III en butte au coup d’Etat ligueur du 7 janvier 1589 permit de réaffirmer la légitimité dynastique transmise in articulo mortis au Navarrais par le roi après l’attentat d’un moine fanatisé. J’ajoute que Richelieu, glorifié par Eric Zemmour, ne songea jamais à éliminer les Protestants du royaume de France (6).  

La Révolution française est représentée dans le livre d’Eric Zemmour par deux personnages : Mirabeau qui n’est pas “l’homme de la situation” parce qu’il veut concilier le roi et la Révolution et Robespierre, loué parce qu’il est homme de la nation, le patriote qui écrase la Révolution cosmopolite et humaniste. La Révolution française selon Zemmour est une révolution sans la Déclaration de 1789, sans les monarchiens, sans le débat sur les institutions mais avec une Vendée qui est le douloureux exemple de l’éradication révolutionnaire – une Vendée qui préfigure le destin de la France, “nouvelle Vendée” parce qu’elle est “une cible du grand équarrissage mondial”. Le rabotage zemmourien de l’histoire, à coup de comparaisons anachroniques, s’achève dans la petite littérature du désespoir : “comme Charette il y a deux siècles, ceux qui se lèvent pour prendre la tête de la résistance savent leur combat perdu d’avance” (307).  

Dans son dernier chapitre, le chroniqueur tente de faire la synthèse entre De Gaulle et Pétain, en reprenant la fable du “glaive” et du “bouclier” et la légende d’un Maréchal sauveur des Juifs français. Il serait trop long de démonter ici les procédés par lesquels Eric Zemmour tente d’établir sa thèse et je renvoie aux ouvrages des historiens spécialisés dans la période de l’Occupation (7) et au petit essai que j’ai récemment publié (8). 

Pour conclure, Eric Zemmour loue De Gaulle d’avoir assuré à la France “cinquante ans de paix” en négociant l’indépendance de l’Algérie. Mais la trêve est terminée et il nous est annoncé que la France “forge […] les jalons de ce qui sera sa prochaine guerre civile », selon “l’implacable et tragique destin français” (568). 

Tel est l’ouvrage, curieux assemblage de vrai, de faux et de même pas faux. Il faut le lire avant de reprendre, plume à la main, le discours prononcé par Eric Zemmour devant la Convention de la droite le 28 septembre. Devant un public qui paraît acquis, le chroniqueur du “Figaro” reprend sous une forme simplifiée et parfois durcie les principales thématiques du “Destin français” :

Le rejet du progressisme “liberticide” est total : il englobe les Lumières, la Révolution française, le radicalisme de la IIIème République et le libre-échange généralisé.

La dénonciation des médias est radicale : la télévision, la radio, le cinéma, la publicité, sans oublier les “chiens de garde d’Internet” forment un appareil de propagande “tyrannique” qui impose l’idéologie diversitaire.

Les institutions judiciaires forment un “appareil répressif de plus en plus sophistiqué” : “Les juges, conditionnés par la propagande de gauche dès l’École de la Magistrature, sont devenus les relais et souvent les complices des associations diverses à qui elles servent de bras armé pour racketter les dissidents et terroriser la majorité autrefois silencieuse et aujourd’hui tétanisée”.

Cette tétanisation des Français résulte d’une défaite historique qu’Eric Zemmour explique de la manière suivante : “Tous ceux qui se sentaient à l’étroit dans l’ancienne société régie par le catholicisme et le Code civil, tous ceux à qui on avait fait miroiter une libération et qui y avaient légitimement cru – les femmes, les jeunes, les homosexuels, les basanés, les juifs, les protestants, les athées – tous ceux qui se sentaient minorité mal vue au sein de la majorité des mâles blancs, hétérosexuels catholiques et qui ont joyeusement déboulonné la statue au rythme des déhanchements saccadés de Mick Jagger, tous ceux-là ont été les idiots utiles d’une guerre d’extermination de l’homme blanc hétérosexuel, catholique ». (…) le seul à qui ont fait porter le poids du péché mortel de la colonisation, de l’esclavage, de la pédophilie, du capitalisme, du saccage de la planète, le seul à qui l’on interdit les comportements les plus naturels de la virilité depuis la nuit des temps, au nom de la nécessaire lutte contre les préjugés de genre…”.

Après avoir critiqué l’indigénisme qui ramène à la guerre des races et des religions, Eric Zemmour expose sa philosophie de l’histoire : “Nous sommes ainsi pris entre l’enclume et le marteau de deux universalismes qui écrasent nos nations, nos peuples, nos territoires, nos traditions, nos modes de vie, nos cultures : d’un côté, l’universalisme marchand qui au nom des droits de l’homme asservit nos cerveaux pour les transformer en zombies déracinés ; de l’autre, l’universalisme islamique qui tire profit très habilement de notre religion des droits de l’homme pour protéger son opération d’occupation et de colonisation de portions du territoire français qu’il transforme peu à peu grâce au poids du nombre et de la loi religieuse en enclaves étrangères”. La suite est assez confuse car “… ce sont des civilisations qui s’affrontent sur notre sol dans un combat millénaire” mais les deux universalismes marchand et islamique se sont alliés pour nous détruire. Il y a “remplacement de son peuple par un autre peuple, une autre civilisation” et le “vitalisme africain a un drapeau tout trouvé : l’islam”.

D’où la question que pose Eric Zemmour à son public : “Les jeunes Français vont-ils accepter de vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres ?” S’ils s’y refusent, “ils devront se battre pour leur libération”. Or, on ne peut pas se battre pour l’ordre républicain, la laïcité, l’intégration, le droit d’asile, car ces mots n’ont plus de sens. Il faut que se dresse “le peuple français contre les universalismes” cosmopolite et islamique et qu’il s’affranchisse de la “religion des droits de l’homme et plus encore : “nous devons nous affranchir des pouvoirs de nos maîtres : médias, université, juges” afin de “restaurer la démocratie qui est le pouvoir du peuple contre la démocratie libérale qui est devenue le moyen, au nom de l’Etat de droit, d’entraver la volonté populaire”.

 Sans ignorer les problèmes économiques, monétaires, sociaux, Eric Zemmour affirme enfin que “la question identitaire du peuple français” précède toutes les autres questions, “elle préexiste à toutes, même à celle de la souveraineté, c’est une question de vie ou de mort” car “le peuple français est “menacé de remplacement sur son propre sol”.  

J’ai cité longuement le texte prononcé par Eric Zemmour afin que chacun puisse en mesurer la portée. On retient d’ordinaire la dénonciation de l’immigration et l’apologie de la “préférence nationale” mais le chroniqueur du “Figaro” dépasse de très loin la thématique du Front national devenu Rassemblement national. 

Nous sommes en présence d’un discours parfaitement réactionnaire qui fustige l’ensemble de la modernité, sans jamais indiquer comment remplacer les héritages complexes de la Révolution française et des régimes ultérieurs. Il y a la nostalgie d’un ordre catholique assorti du Code civil mais pas la moindre indication sur les structures d’une société délivrée de la modernité et assurant à l’homme “blanc, hétérosexuel et catholique” son épanouissement. Comme toute idéologie réactionnaire, celle d’Eric Zemmour repose sur un fantasme : jamais la société française “traditionnelle” ne s’est pensée comme blanche et hétérosexuelle. Quant à sa dénonciation de l’universalisme au nom du catholicisme, elle est proprement aberrante puisque le catholicisme est par définition universel.

Le fantasme réactionnaire conduit comme toujours à une attitude pessimiste, voire franchement nihiliste puisque, selon Eric Zemmour, la République et la laïcité n’ont plus de sens, puisque l’Etat de droit est une illusion pernicieuse. Ce nihilisme est radical puisque les grandes institutions – la Justice, l’Université – sont corrompues et passées à l’ennemi. C’est un nihilisme historique d’autant plus radical que la promenade d’Eric Zemmour dans l’histoire de France et ses aperçus sur l’histoire générale – pensée comme affrontement millénaire entre l’Orient et l’Occident – aboutit à un écrasement de toutes les réalités qui n’entrent pas dans le schéma. La Croisade selon Eric Zemmour, c’est toujours contre les musulmans, mais, par exemple, les peuples baltes massacrés par les Chevaliers teutoniques sont effacés de l’histoire. Eric Zemmour célèbre l’identité blanche du temps jadis, mais oublie résolument que le droit du sol ne tient aucun compte des différences qu’on appelle aujourd’hui “ethniques” et ignore non moins résolument les Français des Antilles, de la Guyane, de La Réunion.  Il célèbre la colonisation alors que pour la France ce fut un aspect très secondaire de sa politique au regard de la confrontation avec l’Allemagne. 

Le zemmourisme est un djihadisme inversé. Même nostalgie de la pure origine, même négation de l’histoire, même prétention folle à incarner le Bien, au nom du “monde chrétien” d’un côté, du “monde musulman” de l’autre – tous deux abusivement globalisés. Il n’y a plus de chiites et de sunnites ; il n’y a pas de conflits sanglants entre les pays musulmans alors que le Proche-Orient arabe se déchire sous nos yeux et les enjeux des deux Guerres mondiales disparaissent du champ… Dans le zemmourisme comme dans le djihadisme, il y a la même volonté belliqueuse et éradicatrice selon le fantasme de “conquête musulmane” ou de la “reconquête chrétienne”. Chacun se prépare à un bain de sang mais Eric Zemmour, prudent quand il est en public, n’appelle pas à la guerre civile : il désigne une logique implacable, un tragique destin que nous nous serions forgés. Cependant, le thème du “grand remplacement” est effectivement racialiste : au droit français de la nationalité,  il substitue une vision ethno-religieuse opposant les “blancs” de religion catholique et les gens à la peau diversement colorée qui seraient musulmans et djihadistes au moins d’intention.  

L’histoire étant par définition un anti-destin, le zemmourisme est une négation de l’histoire en tant que telle. Il en résulte une antipolitique. Quand on ne veut pas voir que l’islam s’est toujours inscrit dans des structures politiques – impériales, royales – et dans divers systèmes de relations internationales, on s’interdit toute action politique. Par exemple, la prétendue “guerre des races et des religions” exclut que la France puisse défendre, au Sahel, des États peuplés d’individus à la peau noire et généralement musulmans. Eric Zemmour se tire de cette difficulté en affirmant que la France a simplement repris son œuvre colonisatrice, faisant ainsi un superbe cadeau aux djihadistes sahéliens qui nous décrivent comme des colonialistes. Plus généralement, le fait de réduire l’islam aux sectes wahhabites et salafistes revient à dire que les conceptions littéralistes et extrémistes du Coran l’ont emporté et qu’il n’y a plus qu’à se préparer à la “guerre civile sanglante” (9) contre des musulmans qui seraient tous englobés dans cette totalité violente. De telles “analyses” effacent la sociologie de l’islam français et toute une actualité qui montre que les sociétés musulmanes, au Maghreb par exemple, résistent à l’extrémisme religieux. 

Il faut enfin s’interroger sur le statut d’Eric Zemmour. Qui parle ? Un journaliste et plus exactement un homme de médias, un homme qui doit sa notoriété à sa présence constante dans les médias depuis. Plus précisément, un homme qui doit son lancement médiatique à “On n’est pas couché”, une émission qui mêle l’information et le divertissement (infotainement) au mépris de la rigueur journalistique. Celui qui se présente comme un “dissident” est donc le produit du système médiatique “tyrannique” qu’il combat et au sein duquel, malgré son éviction de France 2 puis de RTL, il occupe toujours de confortables niches à partir desquelles il lance ses prophéties politiques. A la différence de maints économistes hétérodoxes qui ne sont plus invités dans les médias nationaux, Eric Zemmour mène ses activités prospères avec la permission du capitalisme mondialisé qui serait selon lui lié à l’islamisme radical. Telle est l’ambiguïté majeure d’un personnage qui tend la sébile d’une main tout en agitant de l’autre un cocktail Molotov, qui publie dans le paisible “Figaro” tout en préparant les “Français de souche” à la guerre civile. 

Plutôt que d’appeler à la censure d’Eric Zemmour, il faut l’inciter à être beaucoup plus présent dans l’espace public – en le priant d’assumer pleinement la radicalité de ses propos. Prendre ses responsabilités, c’est s’engager en politique et seule l’élection présidentielle serait à la mesure d’un personnage aussi considérable. Une candidature lui permettrait d’exposer clairement son projet pour la nation et de répondre aux questions des citoyens. S’il est vrai que l’Etat de droit est mort, par quoi remplace-t-on la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 ? Doit-on du moins supprimer la liberté des opinions religieuses pour les musulmans ? Comment fabrique-t-on un Etat catholique dans un pays où moins de 5% des citoyens vont à la messe au moins une fois par mois ?  Sur quels critères précis fera-t-on le tri entre les citoyens considérés comme agents du “grand remplacement” et citoyens regardés comme victimes de celui-ci. Que fait-on des couples “mixtes” ? Car la guerre civile, c’est une activité très concrète : selon le quartier, on colle au mur les gens qui ont une cravate ou ceux qui ont une casquette, ceux qui n’ont pas le bon prénom, ou le bon accent, ou la bonne couleur de peau…

Craignons les littérateurs extrémistes, qui ne mesurent jamais la portée de leurs propos.                    

***

(1) Eric Zemmour, Destin français, Albin Michel, 2018. Les numéros entre parenthèses renvoient aux pages de ce livre. 

(2) J’ai évoqué cette ambassade dans ma Lettre de Samarkand publiée sur ce blog : http://www.bertrand-renouvin.fr/lettre-de-samarkand-chronique-93/

(3) Cf. Blandine Kriegel, La République et le Prince moderne, PUF, 2011 et ma présentation du livre : http://www.bertrand-renouvin.fr/republique-le-moment-hollandais-selon-blandine-kriegel/

(4) Cf. Denis Crouzet, La Nuit de la Saint-Barthélémy, Fayard, 1994.

(5) Jean-Christian Petitfils, Histoire de la France, Fayard, 2018.

(6) Cf. Arnaud Teyssier, Richelieu, L’aigle et la colombe, Perrin, 2014, et ma présentation du livre : http://www.bertrand-renouvin.fr/richelieu-la-difficulte-de-gouverner/

(7) Cf. Laurent Joly, L’Etat contre les Juifs – Vichy, les nazis et la persécution antisémite, Grasset, 2018 http://www.bertrand-renouvin.fr/collaboration-vichy-contre-tous-les-juifs/ et 2) François Delpla, Hitler et Pétain, Editions Nouveau monde, 2018 : http://www.bertrand-renouvin.fr/vichy-la-carte-de-la-vassalite/

(8) Cf. Vichy, Londres et la France, Le Cerf, 2018.

(9) Voir les déclarations d’Eric Zemmour sur i24news le 17 avril 2019 https://www.youtube.com/watch?v=kwWjOZfLNj

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22 octobre 2019 2 22 /10 /octobre /2019 16:43
Macron est bien la créature de François Hollande qui propose peu ou prou ce dont rêve aujourd'hui l'actuel locataire du palais de l'Elysée

Macron est bien la créature de François Hollande qui propose peu ou prou ce dont rêve aujourd'hui l'actuel locataire du palais de l'Elysée

Une nouvelle fois, François Hollande croyant faire preuve de subtilité vient aujourd’hui nous affliger de sa contribution à la réflexion sur le fonctionnement institutionnel de notre pays.

C’est pourtant peu de dire qu’une cure d’humilité devrait mieux lui convenir, tant son quinquennat fut une calamité pour son camp politique qu’il envisageait lui-même de dynamiter dans des confidences à deux journalistes, et tant le niveau de défiance à son égard fut fort qu’il n’osa pas proposer sa réélection.

Mais surtout, en brossant à grand trait un régime présidentiel qui n’aurait pas les effets démocratiques voulus (il propose une transposition du fonctionnement américain qui n’a pas empêché l’élection de Donald Trump, dont il fait un des symptômes de la crise démocratique qu’il prétend en partie résoudre avec le même régime présidentiel), il oublie que le fonctionnement institutionnel ne se réduit pas au mécano simpliste qu’il nous décrit...

🔴 Il rejette toute sixième république parlementaire, prétendant qu’elle produirait une probable confiscation de la souveraineté populaire alors qu’on ne voit pas en quoi son système l’éviterait. Il prétend également que ce serait un retour à la Quatrième. Il oublie ici les mots pour une fois pertinents de Georges Pompidou qui expliquait que la nature d’un régime démocratique dépendait souvent plus du mode de scrutin que de sa constitution écrite : or la Quatrième était tout à la fois l’otage d’une situation géopolitique – la guerre froide – qui empêchait l’union des gauches (il faudra qu’il nous dise en quoi il existerait une situation comparable aujourd’hui) et, durant la plus grande partie de son temps, d’un mode de scrutin complexe avec l’apparentement qui rendait illisible la traduction politique des résultats électoraux ;

🔴 Ce n’est pas dans sa tribune mais paraît-il dans un livre à venir... il rejette également le scrutin proportionnel plaidant pour le maintien du scrutin majoritaire... Sa réflexion est bien pauvre car d’autres solutions peuvent être trouvées que cette dialectique débilitante entre majoritaire et proportionnelle : je connais un sénateur socialiste et politiste de profession – Eric Kerrouche – qui semble être très intéressé (sans s’y enfermer) par le vote préférentiel pratiqué dans la République d’Irlande, c’est peut-être un peu compliqué mais ça peut se regarder ; pour ma part, cela fait 26 ans (sans avoir aucune influence du fait de mon anonymat politique relatif) que je plaide pour un véritable scrutin mixte où les départements densément peuplés éliraient leurs député(e)s au scrutin proportionnel et les autres au scrutin majoritaire à deux tours ;

🔴 Jouant sur les traumatismes de leur échec exécutif les supporteurs de l’ancien président nous expliquent que ce système verrait une réduction des pouvoirs présidentiels parce que disparaîtraient droit de dissolution et 49•3 (ils l’ont tellement défendu celui-là qu’on se retient de s’esclaffer)... ah ben mazette nous voilà rassurés ! Quid des pouvoirs de nomination ? Quid des pouvoirs spéciaux ? Quid du déclenchement des conflits sans autre forme de contrôle parlementaire qu’un débat après coup et sans vote ? Quid de l’initiative législative de l’exécutif ?

🔴 Le pendant du régime présidentiel serait un renforcement des pouvoirs du parlement... on peine à trouver dans cette tribune sur quoi s’appuierait concrètement ce renforcement. Mon seul point d’accord avec l’ancien président c’est qu’un renforcement des pouvoirs « d’investigation, d’évaluation et d’initiative » du parlement ne saurait se faire sur la base d’une réduction du nombre de parlementaires – au-delà des considérations de représentativité et d’égalité des citoyens devant le suffrage, des tâches plus étendues (pourtant déjà inscrites dans la constitution mais difficilement mises en œuvre) ne pourraient être assumées par un parlement anémié. L’ancien président ne se prononce concrètement que sur la nécessité selon lui de raccourcir encore la procédure législative, alors que il n’y avait jamais eu autant de textes examinés en procédure accélérée que sous son quinquennat jusqu’à ce que son successeur la généralise de fait : tout parlementaire sain d’esprit et honnête vous dira à quel point il est invraisemblable de travailler dans ces conditions au détriment de la loi et de l’intérêt général. Mais quid encore de l’article 40 de la constitution qui réduit la capacité budgétaire du parlement ? Quid de la capacité à légiférer par ordonnances (hors des procédures de législation à droit constant) ? Quid des équilibres en terme de maîtrise de la procédure législative ? Quid du pouvoir réel des commissions parlementaires permanentes ? Quid des capacités de recours aux missions d’information et commissions d’enquête aujourd’hui bridées ? Quid de la capacité du parlement à produire des études d’impact ou contre-études sérieuses ? Quid du pouvoir du parlement sur certaines administrations, comme c’est le cas du Bundestag, absolument nécessaire pour assurer ces missions ?
Et en quoi tout cela serait-il incompatible avec diverses procédures à inventer permettant d’associer plus souvent les citoyens aux décisions ?

Certains trouveront mon propos déjà trop long, il est pourtant plus court que la dite tribune...

Au-delà de l’ancien président qui semble s’ennuyer dans sa retraite forcée, je suggère à tous ceux que ce sujet intéresse réellement de consulter la contribution qu’avait publiée en mars dernier le syndicat CGT des collaboratrices & collaborateurs parlementaires ➡️ https://bit.ly/2W5gqdh à laquelle j’avais contribué avec d’autres.

Mais plus gravement, je crois que l’ancien premier secrétaire du PS se trompe de diagnostic : si les démocraties parlementaires occidentales connaissent elles aussi des difficultés, si les extrêmes droites y progressent, ce n’est pas tant à cause de leurs fonctionnements institutionnels que de la déliquescence intellectuelle et idéologique des partis qui les ont dominées : s’il est devenu impossible de distinguer droite et gauche au Pays-Bas, en Allemagne, en Italie ce n’est pas à cause de leurs institutions ; si la gauche s’est effondrée en Pologne ou en Hongrie pour laisser la place à des ultra conservateurs ce n’est pas à cause des institutions mais parce qu’elle s’y est totalement décrédibilisée.

Donc en conclusion la crise qui affecte l’ensemble de nos démocraties vient bien plus de l'incapacité à porter des projets qui emportent l’adhésion ou à proposer un horizon de société. Toutes choses qui ont manqué à François Hollande et à ses amis.

Frédéric FARAVEL

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