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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

17 juin 2008 2 17 /06 /juin /2008 09:44
et celle du Parti socialiste en particuliers...

Pour éclairer ses choix, le citoyen ne doit pas simplement être en mesure de comprendre le monde qui l’entoure, il doit inscrire sa réflexion dans un cadre de référence idéologique, à un projet de société. Telle était la fonction des partis. Mais de plus en plus confinés à un rôle de sélection des candidats, ils ont perdu une part de leur mission de construction de projets d’avenir à partir de repères idéologiques identifiés. Transformés en machines électorales, ils risquent de perdre leur substance militante. Ainsi se confirmeraient les intuitions formulées par Robert Michels (sociologue d’origine allemande, 1876-1936) sur l’existence d’une tendance « traditionnelle » des partis à développer au sein même des démocraties des caractères oligarchiques.


De fait, les militants d’origine populaire se font rares, ce qui s’explique aussi par la généralisation, au sein du PS, d’une "culture du débat" pourtant positive mais qui valorise avant tout la réflexion collective et la "libre expression" - peu spontanée - des militants. Or cette "intellectualisation", en faisant appel aux ressources culturelles personnelles, en technicisant le débat et en dévalorisant le rapport populaire au parti, fait de remise de soi et de loyalisme, favoriserait la relégation des militants les plus modestes. On touche là une autre contradiction difficilement dépassable des différents partis de la gauche : le monde et la politique se complexifie mais, face à cela et face à la généralisation de la « culture du débat » qui marque une avancée démocratique indéniable et qui n’a pas d’équivalent dans les autres partis français ou européens, le Parti socialiste n’a mis en place aucune structure de formation adaptée (à la différence du PCF des années 1950) à son public populaire ou moyen et à la hauteur des attentes politiques ; le loyalisme n’est pourtant pas l’apanage des militants issus des milieux populaires qui seraient par ailleurs déstabilisés par la "culture du débat", depuis 1946 aucune majorité dirigeante socialisme n’a directement été remise en cause par sa base, le légitimisme atteint une forte proportion des débatteurs et technocrates de section, ce qui permet de s’interroger sur la profondeur d’un certain nombre de débats tenus dans le PS.

Ce sont les pratiques les plus ordinaires du militantisme (tractage, collage) qui sont dévalorisées (et la vague d’adhésion et la campagne présidentielle n’ont pas invalidé malheureusement cette conclusion) mais aussi les dimensions collectives et identitaires de l’appartenance partisane (nuits de collage d’affiches, fêtes de sections) qui se perdent. Étonnamment, le PS semble tolérer, voire encourager, un militantisme distancié - et plus encore depuis quelques mois. La conséquence en est que la dimension cynique des comportements prend une place prépondérante au sein du parti, où le militant est un loup pour le militant. Un univers « hobbesien » donc, où l’on "ne s’aime pas, ou peu, et où rapporter les prises de positions des militants aux positions dans l’espace partisan relève d’un quasi-réflexe. Le cynisme en politique ne date pas d’aujourd’hui, mais la nouveauté est que la concurrence touche toute la communauté militante, du sommet jusqu’à la base, et que la "lutte pour les places", contrairement à d’autres milieux militants y est peu déniée. Mais malgré cela, le Parti socialiste, et même au-delà à gauche, rencontre les plus grandes difficultés à se renouveler, à renouveler ses candidats, à rajeunir ses cadres, à s’identifier à la population dont on brigue les suffrages. Les candidatures de jeunes militants sont découragées, la parité est régulièrement utilisée par les élus quinquagénaires ou sexagénaires blancs pour écarter les jeunes hommes ou les jeunes femmes dont les qualités et les ambitions pourraient gêner à court terme. Alors que Tony Blair - qui n’est pour nous absolument pas un modèle idéologique - a quitté l’année dernière le pouvoir, à 54 ans : qui ne constate pas que c’est à cet âge (ou plus vieux encore) que les leaders de la gauche prétendent eux accéder aux responsabilités ! Qui n’a pas vu que ceux, qui sont venus expliquer sur les plateaux des télévisions et des radios en 1995 et 2002 les raisons de nos défaites et leurs propositions pour la rénovation de la gauche, étaient à nouveau présents sur ces mêmes plateaux pour tenir les mêmes propos le 6 mai 2007 !

Ce sont les liens rompus avec l’ensemble des réseaux sociaux et la faible implantation du PS qui accroissent la volatilité de l’électorat socialiste, condamnant le PS à faire fluctuer sa ligne idéologique. Cela éclaire aussi les raisons de l’usage intensif des sondages si déterminant dans la désignation interne du candidat socialiste en novembre 2006 : Faute de réseaux puissants irriguant la société, les élites socialistes - et toutes tendances ou sensibilités confondues - sont de fait conduites à s’appuyer sur des formes de production non "mobilisée" de l’opinion publique comme les sondages. Les sondages suscitent de vifs débats. La controverse a plusieurs versants dont le principal concerne leur validité comme outil de mesure de l’opinion publique. Selon certains, ils ne sont qu’un artefact. Ainsi, dans un article resté célèbre, Pierre Bourdieu déclare que « l’opinion publique n’existe pas ». Cette critique repose sur plusieurs arguments :
- Les sondages interrogent les gens sur des questions qu’ils ne se posent pas. On leur impose donc une problématique ;
- La situation d’enquête est une injonction à formuler un avis. Par exemple, si on vous interroge sur l’extension des compétences de la CSCE, il se peut que vous n’ayez aucun avis, ou que vous ignoriez ce qu’est la CSCE. Dans tous les cas, il sera plus légitime et plus pratique de donner une réponse, que d’avouer votre ignorance ou votre indifférence ;
- Les réponses données seront d’autant plus artificielles qu’elles sont formulées sans enjeu réel pour les enquêtés. Ainsi s’expliquent les écarts entre les sondages préélectoraux et les résultats effectifs ;
- Alors que l’opinion est l’expression collective de groupes, de rapports sociaux, de jeux d’acteurs, etc., les sondages en font une simple addition de réponses individuelles ;
- L’agrégation statistique des jugements individuels revient à postuler que toutes les opinions se valent. C’est faire fi du fait que certaines personnes ou certains groupes ont plus de motivation et d’influence que d’autres.

Ainsi, selon cette approche, les sondages créent de toutes pièces une opinion factice et trompeuse : la « vraie » opinion est celle qui s’exprime collectivement dans un champ de forces sociales. Et ce n’est sans doute pas non plus un hasard si la vision socialiste minore de fait et de plus en plus toute conflictualité sociale pour se nourrir avant de travaux sociologiques sur l’individu et les valeurs post-matérialistes (François de Singly, Marcel Gauchet) - et ce en contradiction flagrante avec l’objet des partis de gauche - qui dessinent des individus "entrepreneurs de leur propre vie", selon l’expression d’Alain Ehrenberg qui fait florès.

 

Frédéric Faravel

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16 juin 2008 1 16 /06 /juin /2008 15:56
La présentation de la contribution générale "Reconquêtes" change de lieu : elle se déroulera finalement à La Sorbonne.
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13 juin 2008 5 13 /06 /juin /2008 13:52
contribution à la partie II.1.a de la contribution générale "Reconquêtes" :
De la crise de l'éducation à la casse de l'éducation :

Dans un monde de plus en plus complexe, nous devons permettre à chacun de se doter des meilleurs outils pour comprendre. Certains voudraient que l'école se réduise à ses fondamentaux : lire, écrire compter. D'autres souhaiteraient ne lui assigner qu'une finalité économique. L'enjeu est aujourd'hui tout autre.

L'éducation a pour mission d'émanciper des déterminismes culturels, économiques et sociaux, et de favoriser, par l'esprit critique et les capacités d'expression, une perpétuelle et large autonomie des individus. Il s'agit de doter les citoyens d'outils pour analyser et comprendre le monde. Repenser la laïcité s'inscrit dans cette optique. Cette laïcité s'inscrit dans un contexte nouveau et doit donc être renouvelée : il s'agit de promouvoir sans concession l'esprit critique face aux diffusions du modèle consumériste. À la fin du XIXème siècle, il fallait libérer les consciences des prêches du dimanche.

Aujourd'hui n'est-il pas nécessaire de les libérer des nouveaux prêcheurs de la tranche horaire 19h00-21h00 ? Impulser une mobilisation des consciences, s'interroger sur la marche du monde, sur le devenir de chacun plus que sur la mise en concurrence des marques et des logos : voilà aujourd'hui l'enjeu que doit relever l'éducation.

L'école doit retrouver dans un projet progressiste, socialiste et démocratique trois fonctions essentielles qu'elle a peu à peu perdue :

  • elle doit donner à voir et à critiquer, elle apprend à distinguer savoir et certitudes, elle apprend le doute ;

  • elle doit transmettre une mémoire et une histoire,des modes culturelles, et permet au jeune citoyen d'inscrire la réflexion dans une épaisseur temporelle pour en retirer les leçons du passé ;

  • elle doit former un espace « fictif » à l'image de la société politique elle-même pour permettre à l'enfant de comprendre et de maîtriser l'abstraction de la société politique.


Les autoritarismes se satisfont toujours de l'inculture et du développement de sous-cultures à défaut d'endoctrinement. Il n'y a de citoyens qu'instruits et donc critiques. Pour avancer sur ce terrain, au regard de la politique menée depuis 6 ans par la droite (notamment sous les ministères Robien et Darcos) et aux vues du projet de société développé par le président Sarkozy, nous voyons déjà se profiler une école « républicaine » (de nom seulement) dont le seul objectif serait désormais utilitariste sans aucune autre ambition que de faire des écoliers de futurs consommateurs et de futurs salariés exploités soumis docilement à la précarité.

En ce sens, la suppression de la carte scolaire - prônée jusque dans nos rangs - nous inquiète : elle ne va pas permettre d'avancer vers la mixité sociale, bien au contraire. Certes, le système actuellement en vigueur est injuste et largement détourné par les privilégiés. Mais on pouvait imaginer de réformer la carte scolaire sans la supprimer. Il serait en la matière peut-être utile que les instances régionales des conseils économiques et sociaux soient saisies de cette question et proposent un redécoupage des secteurs scolaires permettant une vraie mixité sociale : en associant par exemple des centres-ville et des banlieues, en développant des établissements sur des zones « frontalières », etc. On pouvait imaginer également une réflexion sur une politique de « bassins », plusieurs établissements (écoles, collèges et lycées) travaillant ensemble pour organiser la mixité sociale en leur sein.

Aujourd'hui, on se contente d'une suppression progressive qui va bénéficier à ceux qui sauront en profiter. Le plus inquiétant, c'est que les « bons » établissements font l'objet de très importantes demandes : on fait croire aux parents qu'ils vont pouvoir choisir leur établissement. En réalité, ce sont les établissements qui choisissent déjà les élèves.

Le système éducatif contribue à reproduire les inégalités existant dans la société : on assiste aujourd'hui à une stagnation, voire à une régression de la démocratisation de l'accès à l'enseignement et aux diplômes ! D'un côté, l'accès aux diplômes les plus prestigieux est de plus en plus réservé à une élite, qui détient un savoir « secret » ultra-discriminant, celui de « l'orientation » : elle sait quelles sont les bonnes filières, les bonnes classes préparatoires, les bonnes options. D'un autre côté, au moins 60 000 élèves sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme.

Il faut s'attaquer au noyau dur des élèves en situation d'échec, en se donnant les moyens d'apporter à chaque problème que rencontre un élève une réponse adaptée. Certains tendent à penser qu'il existe des élèves « irréductibles » à l'acquisition des savoirs, qu'il faudrait exclure pour préserver les autres. Accepter cette fatalité, c'est renier l'exigence d'égalité. L'inégalité et l'acceptation du déterminisme commencent dans les têtes des enfants.

Le président de la République et le ministre de l'éducation ne cessent de dénoncer le pédagogisme dont ils affirment que Philippe Mérieu est le principal représentant. Cette stigmatisation n'a à nos yeux qu'un véritable objectif : écarter la vraie question, qui est « que fait-on des élèves qui ne veulent pas apprendre ? ». Les pédagogues n'ont cessé de poser cette question et le font encore obstinément. Le gouvernement actuel répond par des « y a qu'à » et « il faut que ». Il pense que s'intéresser à la mobilisation des élèves sur leurs apprentissages est de la démagogie et du temps perdu, alors que c'est la seule condition pour une véritable démocratisation. Si on ne traite pas de la question du désir d'apprendre, seuls ceux qui ont trouvé leur panoplie de bon élève au pied de leur berceau vont réussir à l'école. Sous prétexte de réalisme, la politique d'aujourd'hui tourne le dos à tous les acquis de la pédagogie. Elle est plus proche du formatage que de l'éducation, et si je devais souhaiter une chose, ce serait qu'on réhabilite le patrimoine et la formation pédagogiques dans tous les domaines. Célestin Freinet, Maria Montessori, Anton Makarenko, Lorenzo Milani, Pestalozzi, Oury, ont beaucoup de choses encore à nous apprendre. Si nous ne les écoutons pas un peu, nous allons vraiment sacrifier une génération d'élèves. Les méthodes qui ont « fait leurs preuves », ce sont eux qui les ont proposées et ce sont eux qu'il faut écouter.

Une réforme radicale des trois premières années de l'université est nécessaire. Aujourd'hui, l'université, pour beaucoup d'étudiants, c'est la jungle et le règne de la débrouille. Seuls quelques étudiants motivés et adaptés survivent. D'ailleurs, beaucoup d'entre eux préfèrent aller en classe préparatoire, en BTS ou en DUT, où ils ont le sentiment d'être mieux encadrés, mieux suivis, et mieux épaulés dans leur travail. Il faut donc penser une pédagogie totalement différente pour l'entrée à l'université, avec des petits groupes, des apprentissages méthodologiques, un tutorat systématique, des entretiens d'évaluation réguliers…

Reprendre l'offensive dans le monde enseignant :

Nous sommes donc convaincus qu'une réelle unité d'action doit se construire entre une gauche progressiste et l'ensemble des acteurs du milieu éducatif. En effet nous ne pouvons nous permettre de regarder se dégrader la situation et de constater les dégâts résultants des politiques de droite mais également agir par l'intermédiaire des organisations professionnelles et syndicales d'enseignants, des syndicats étudiants et lycéens, des mutuelles, des organisations de parents d'élèves mais nous devrons également agir en commun avec les mouvements d'éducation populaire pour ne pas baisser les bras concernant une population nombreuse qui a été quitté le milieu scolaire ou universitaire.

Attention à éviter certains faux débats… Nous ne sommes pas hostile a priori à la bivalence, dès lors qu'elle s'effectue sur la base du volontariat des professeurs. Un des problèmes majeurs des établissements du second degré aujourd'hui est la fragmentation des enseignements. L'élève n'a pas de vision globale des exigences de ses professeurs, et ces derniers ne constituent pas une véritable équipe susceptible d'assurer un suivi cohérent et une relation constructive avec les familles. Il faut penser des unités pédagogiques d'une centaine d'élèves, confiées à une douzaine de professeurs, qui y effectueraient la totalité de leur service. Ils jouiraient ainsi d'une liberté pour adapter leur enseignement aux élèves et pourraient être véritablement impliqués dans le fonctionnement de l'établissement. Concernant l'accès à la bivalence, il faut proposer aux enseignants une année sabbatique de formation en compensation de leur acceptation et de leur engagement à se former et à enseigner dans une deuxième discipline.

Le manque de reconnaissance sociale et financière des enseignants est très grave aujourd'hui. C'est l'une des principales raisons du malaise. Probablement a-t-on profité de la féminisation massive de ce métier pour ne pas trop en augmenter les salaires, ce qui est proprement scandaleux. Dans l'histoire pourtant, les professeurs n'ont guère été mieux payés qu'aujourd'hui. Mais ils jouissaient d'une estime sociale et d'un statut qui pouvaient compenser ce déficit financier. Par ailleurs, les difficultés du métier étaient moindres : aujourd'hui, on attend du professeur qu'il assume des fonctions qui ont été progressivement abandonnées par la religion, la collectivité et la famille. On attend de lui qu'il promeuve des valeurs qui sont radicalement contraires à celles de la publicité et des médias. On exige qu'il fasse réussir tous les élèves... Tout cela est, somme toute, une évolution logique sinon normale, mais qui nécessite de repenser la place de l'enseignant dans la société, la nature de ses missions, sa formation, et, bien évidemment, sa rémunération.

Il est par ailleurs désormais impératif de changer le système de recrutement pour mieux l'adapter à la réalité des écoles et des établissements. Pourquoi certains professeurs, parce qu'ils ont passé un concours plus difficile, auraient-ils moins d'heures de cours à effectuer, le plus souvent devant des élèves de centre-ville, et en étant plus payés. Il nous semble qu'il faut prendre en compte les difficultés réelles qui se posent sur le terrain et promouvoir la formation continue des enseignants. Dans ce cadre, l'agrégation pourrait être une promotion pour ceux et celles qui se sont beaucoup investis dans leur métier et ont mis en place des activités pédagogiques nouvelles et efficaces.

Par ailleurs, il faut sans doute réfléchir à l'équilibre, au sein des concours, entre les différentes épreuves. Les épreuves à caractère pédagogique sont insuffisantes et ne permettent pas vraiment de valider les compétences qui auraient été acquises dans ce domaine.

Renforcer l'éducation populaire :

Permettre à notre peuple de s’investir dans la construction de son avenir permet à la fois de le rendre partie prenante de ce projet mais aussi d’être acteur citoyen défendant l’intérêt général et mettant de côté tout intérêt particulier synonyme de division, d’individualisme, de communautarisme. Cette méthode est celle de l’éducation populaire qui s’inscrit dans une démarche républicaine.

Si l’éducation populaire peut se définir comme une pédagogie interactive où les individus sont acteurs de leur propre formation, elle est avant tout l’apprentissage de l’initiative, de la prise de responsabilité et de l’autonomie. Elle se propose de faire émerger, par des pratiques collectives de mise en situation, les ressorts, les potentialités inhérentes à chaque individu, à chaque groupe. En ce sens, l’éducation populaire incite à l’action collective, à la découverte de l’exercice du contre-pouvoir. Elle peut permettre à chacun de s’épanouir et de trouver sa place de citoyen. Elle permet à chacun(e) de progresser et de développer, à tous les âges de la vie, une réelle capacité à vivre en société.

L’éducation populaire n’est la propriété de personne ; au contraire, elle est disponible pour tous, sans différence de classe ni de fonction. Elle suppose un effort de tous, une soif de connaître et d’écouter réciproquement, quels que soient les statuts et fonctions.

Elle est une méthode incontournable pour faire vivre la démocratie participative. Elle est l’élément indispensable de la construction d’un projet de société qui réduit les inégalités sociales, culturelles et économiques. En ce sens, elle vise à l’émancipation collective et collectivement, de tous et par tous ! L’intervention associative est d’autant plus importante qu’elle n’apparaît pas, aux yeux des citoyens, comme liée à des enjeux de postes électifs mais à la défense d’une orientation politique claire.

L’éducation populaire peut et doit être notre outil pour contribuer à faire comprendre les enjeux et la complexité des situations vécues, à faire prendre conscience aux individus de leur place et de leur rôle possible, à leur permettre d’acquérir leur autonomie afin de maîtriser les situations plutôt que de les subir. Elle contribue à la construction de la conscience individuelle et collective pour permettre la transformation sociale. L’éducation populaire, dans le prolongement de l’enseignement public, parce qu’elle permet à chacun de s’approprier une citoyenneté active, contribue à défendre et à renforcer les valeurs de la République. L’éducation populaire offre aux personnes l’outil pour redevenir des acteurs démocratiques, des porteurs de projets.

Si nous souhaitons être compris, nous devons d’abord savoir entendre les nouvelles attentes des citoyens. Ils exigent désormais des orientations politiques claires s’inscrivant dans le respect et la défense de nos valeurs républicaines socialistes. Ils exigent d’en être les acteurs. La crise politique, sociale et institutionnelle dans laquelle notre pays est entré ne peut se dénouer que par un changement radical du lien que nous entretenons avec notre peuple. Nous devons lui proposer un modèle démocratique rééquilibré. Le moment est venu de donner à la démocratie participative les moyens, y compris institutionnels, de se développer.

Cela concerne tous les segments de la vie sociale :

  • dans la cité avec la place et le rôle des conseils de quartier, les droits et obligations des élus (majoritaires et minoritaires), le droit d’interpellation citoyen tant auprès des collectivités élues que des entreprises locales, reconnaissance de la place et du rôle des associations de défenses d’intérêts collectifs non communautaires (consommation, environnement, loisirs,…) ;

  • dans l’entreprise avec la protection accrue de l’exercice du droit syndical, la valorisation et la protection des institutions représentatives des personnels dans TOUTES les entreprises, la reconnaissance des accords majoritaires, la modification des règles de la représentativité ;

  • dans l’éducation avec le développement des structures de la vie lycéenne, un rôle accru des partenaires de la co-éducation (parents d’élèves, associations partenaires de l’école publique, projets d’établissement) ;

  • dans la vie culturelle avec son accès pour tous dès la scolarité, l’abandon de la logique commerciale des programmes télévisuels publics laissant place à la création et à l’ouverture sur le monde.



Frédéric Faravel

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13 juin 2008 5 13 /06 /juin /2008 11:06

Obama, McCain : gauche contre droite

Il y a, bien sûr, les dossiers diplomatiques les plus chauds. Barack Obama veut rappeler les troupes d’Irak au plus vite tandis que John McCain envisage de les y laisser le temps qu’il faudra pour que ce pays se stabilise. Même s’il tend à durcir le ton, le premier veut tenter un dialogue avec l’Iran alors que le second estime qu’il vaudrait mieux bombarder les installations nucléaires iraniennes que de voir la République islamique accéder à la bombe. En politique étrangère, les approches des candidats à la succession de Georges Bush sont totalement opposées. C’est ce qu’on voit le plus de l’étranger mais ce ne sont ni ces dossiers-là ni la couleur de Barack Obama qui feront la présidentielle de novembre.

Ce sera inévitablement l’économie, terrain sur lequel Barack Obama a attaqué, dès hier, son concurrent car elle est devenue, sous le républicain sortant, le premier sujet d’inquiétude des Américains. Les banques sont fragilisées. Les déficits budgétaires et commerciaux ont atteint des sommets. Le dollar a si bien dégringolé que l’envolée des cours pétroliers se fait sentir, à la pompe, avec une tout autre dureté qu’en Europe. La crise immobilière a privé d’innombrables familles de leur toit. L’Amérique n’est pas en faillite mais tous ses voyants sont allumés et Obama se présente donc en candidat de rupture non pas seulement avec Georges Bush mais avec, dit-il, «une philosophie épuisée et fausse qui a dominé Washington depuis bien trop longtemps».

Cette philosophie dont Barack Obama accuse John McCain d’être le continuateur en pire, c’est évidemment celle qu’on appelle «libéralisme» en Europe, plus justement «néo-libéralisme» aux Etats-Unis, celle qui avait triomphé, à la fin des années 70, avec les élections de Margaret Thatcher et Ronald Reagan – celle qui dit que «l’Etat n’est pas la solution mais le problème», que l’impôt tue l’impôt en freinant la croissance et qu’il faut libérer le marché des réglementations qui l’étouffent.

Contre le candidat républicain qui propose de ne pas toucher aux baisses d’impôts instaurées par Georges Bush et de baisser encore le taux d’imposition des sociétés en le faisant passer de 35% à 25%, Barack Obama propose, lui, de renouer avec la redistribution des richesses par l’impôt, credo oublié, voire répudié, des gauches occidentales.

Il veut plus lourdement imposer les Américains gagnant 250 000 $ par an ou plus, réduire de 1000 $ par an l’impôt des classes moyennes et augmenter la taxation des plus values boursières pour les hauts revenus tout en exonérant les petits actionnaires, nombreux aux Etats-Unis.

En un mot, il vaut augmenter la pression fiscale sur les plus aisés tout en la baissant sur les moins riches et, parallèlement, il entend aussi «augmenter l’investissement national dans l’éducation, les sciences et la recherche» afin de répondre aux défis d’une mondialisation sur laquelle, dit-il, on ne reviendra pas. Gauche contre droite, cette campagne fait resurgir un clivage politique comme on n’en avait pas vu depuis quelques 40 ans en Occident.

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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 08:41

Barack Obama entame sa campagne en attaquant John McCain sur l'économie

NOUVELOBS.COM | 10.06.2008 | 13:09

Le candidat démocrate a débuté sa campagne par une tournée de quinze jours sur le thème de l'économie. Il a notamment accusé John McCain de poursuivre la politique fiscale de George W. Bush en faveur "des plus riches".

Barack Obama à l'aéroport de Raleigh (AP)

Barack Obama à l'aéroport de Raleigh (AP)
Le candidat démocrate à la présidentielle américaine Barack Obama a choisi l'économie pour premier thème d'affrontement contre le républicain John McCain, en donnant le coup d'envoi, lundi 9 juin, d'une tournée à travers le pays pour proposer ses solutions à la crise.
"John McCain est un héros américain (...) et il sait se montrer indépendant de son parti sur quelques sujets importants comme le réchauffement climatique (...) mais quand il s'agit d'économie, John McCain et moi avons une vision totalement différente de ce qu'il faut pour le pays", a dit Barack Obama à Raleigh, en Caroline du Nord (sud-est), 1ère étape d'une tournée de 15 jours aux Etats-Unis sur le thème de l'économie.

La politique fiscale
Le candidat démocrate a notamment dénoncé la volonté de John McCain de poursuivre la politique fiscale de George W. Bush en faveur "des plus riches" qui, selon Barack Obama, est non seulement "irresponsable mais scandaleuse".
Le sénateur de l'Illinois a également marqué sa différence avec le sénateur de l'Arizona sur l'Irak affirmant que les 12 milliards de dollars dépensés chaque mois en Irak seraient plus utiles s'ils étaient investis dans des infrastructures aux Etats-Unis.
"C'est un choix entre le plan de John McCain de continuer pendant 4 ans supplémentaires la coûteuse politique économique de Bush, qui a aggravé les inégalités et transmis une montagne de dettes à nos enfants, et le plan de Barack Obama, pour soulager les propriétaires en difficulté, mettre la santé et l'université à la portée de tous, et (réformer) le code fiscal afin qu'il récompense le travail plutôt que la richesse", a résumé l'équipe du sénateur de l'Illinois.
La tournée de 2 semaines s'intitule "un changement qui marche pour vous", et doit permettre à Barack Obama de renforcer une thématique qui est traditionnellement favorable aux démocrates, surtout quand la crise fait broyer du noir.
Un sondage Gallup publié lundi révèle que 43% des Américains ont le sentiment que leur situation économique s'est dégradée depuis 5 ans. La semaine dernière, le même institut avait annoncé que, pour la 1ère fois depuis 32 ans, une majorité d'Américains (55%) déclaraient se trouver dans une situation financière plus mauvaise qu'un an auparavant.
Mais John McCain a déjà lancé sa riposte, dénonçant dans les solutions avancées par Barack Obama un "retour en arrière" se résumant à des hausses d'impôt généralisées.

Le soutien d'Hillary Clinton
Moins d'une semaine après que Barack Obama s'est adjugé l'investiture démocrate, et 2 jours seulement après le soutien apporté par son ex-rivale Hillary Clinton, les adversaires démocrate et républicain cherchent chacun à durcir les contrastes, alors que les sondages les mettent presque à égalité: 46% d'intentions de vote pour Barack Obama, 44% pour John McCain, selon le dernier sondage Gallup.
Barack Obama fait tout pour associer aussi étroitement que possible John McCain au président sortant George W. Bush et ne se prive pas non plus de rappeler que John McCain, n°2 de la commission de la Défense au Sénat n'a jamais fait de l'économie son point fort.
Mais John McCain a choisi pour conseillère l'ancien PDG de Hewlett-Packard Carly Fiorina, qui fait de son mieux pour donner des gages de la compétence du candidat républicain en économie.
Il "comprend très bien l'économie", a dit Carly Fiorina lundi sur CNN, "je mettrais son bilan et sa compréhension de l'économie bien au-dessus de celle de Barack Obama".
La tournée de Barack Obama débutait lundi en Caroline du Nord (sud-est), où il a remporté une victoire décisive aux primaires le mois dernier. En soirée il était attendu dans le Missouri (centre). (AFP)
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10 juin 2008 2 10 /06 /juin /2008 15:52

Plus belle la gauche (4) : « l'euro » du village

Plus belle la gauche, le premier feuilleton 100% socialiste vous livre son 4ème épisode où Benoît profite du référendum irlandais sur le traité de Lisbonne pour convaincre les Reconstructeurs de parler d'Europe.
Montage SL
Résumé des épisodes précédents : en 2005, Gaucheville avait été déchirée entre les « non non » et les « oui oui »« oui oui » de Gaucheville avaient continué d'en vouloir aux « non non » qui eux-même en voulaient aux « oui oui »« non non ».

qui n'étaient pas d'accord sur le nouveau règlement intérieur de l'Europe, le TCE. Les Français avaient voté contre et les de ne pas avoir écouté les Français et leur En 2008, le nouveau règlement intérieur de l'UE, le traité de Lisbonne, devait être voté à l'Assemblée. Comme les municipales approchaient, François (Hollande) et Jean-Marc (Ayrault) avaient décidé de voter « ni oui ni non » pour faire croire aux Français qu'à Gaucheville, on est capable d'être dans l'opposition mais pas trop, c'est à dire nulle part. Les habitants de Droitecity ayant presque tous voté « oui », le texte était passé. Depuis, Gaucheville était au moins soulagée d'un poids : on n'aurait plus à parler d'Europe et on pourrait se consacrer à des choses bien plus intéressantes, comme par exemple chercher avec qui on n'est pas d'accord pour le lui signifier par médias interposés et, de préférence, à une heure de grande écoute. Mais voilà que soudain les Irlandais commencent à menacer de voter non au traité de Lisbonne. Un retournement de situation qui intéresse beaucoup Benoît (Hamon)…

Maison de la Radio, lundi 9 juin, 6h20, Benoît serre la main de Demorand. On lui offre un siège : « Vous n'auriez pas le Sunday business post plutôt ? », demande-t-il. On lui conseille d'aller jeter un œil chez Radio France International. Hier, un collègue député européen lui a dit que ce journal irlandais avait sorti un sondage où le « oui » dépassait légèrement le « non » pour le référendum de jeudi. Aucune importance : les baromètres frétillent toujours à la veille d'un vote pareil. « Si l'Irlande vote non, le Parti n'aura plus le choix. » François l'avait bien roulé quand il l'avait nommé secrétaire national au Projet européen du PS. « Réconcilier le oui et le non », tu parles, un placard pour emmanuelliste, oui ! Mais maintenant, il tient sa revanche : « vous allez en bouffer de l'Europe, que vous le vouliez ou non ! »

7h16, Benoît a bu un litre de mauvais café de radio de service public. Ajouté aux trois expressos bus au comptoir des Ondes, en face de la Maison de la Radio, il a les doigts qui tremblent un peu. Il faut dire qu'Henri (Emmanuelli) lui a mis le NPS entre les mains : « Notre courant ne peut pas disparaître dans la course à la mairie de Gaucheville. Tu es le seul à pouvoir représenter nos idées : parle leur d'Europe, ils n'y comprennent rien ! Avec la présidence française qui arrive et le traité de Lisbonne qui va peut-être se planter en Irlande, ils auront besoin de quelqu'un pour trouver une position de conciliation. Et ce quelqu'un, ce sera une jeune pousse, ça sera toi Benoît ! » Henri avait versé une larme. Que c'est dur d'avoir quarante ans au Parti socialiste !

8h41, Benoît y est presque. Sur l'Europe, il a tout dit mais rien sur la course à la mairie de Gaucheville. Il doit se réserver pour la toute fin, faire son coup d'éclat, sa petite phrase du jour qui se répercutera dans tous les médias... Mais la pression est trop forte, Nicolas Demorand et Hélène Jouan l'assaillent de toutes parts… et merde : « Aujourd'hui, ce n'est ni Bertrand Delanoë, ni Ségolène Royal car leur offre politique n'est pas à même de nous ramener au pouvoir car c'est à peu près la même offre qui a amené à la défaite partout en Europe… » Ça y est, il l'a dit : si avec ça les Reconstructeurs ne comprennent pas le message, c'est à désespérer du PS !

Laurent (Fabius) sortira-t-il de son silence si le « non » l'emporte en Irlande ? Benoît saura-t-il convaincre Marie-Noëlle (Lieneman), Jean-Luc (Mélenchon) et les autres de venir regarder l'Euro 2008 avec lui ? Vous le saurez en regardant les prochains épisodes de Plus belle la gauche.


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7 juin 2008 6 07 /06 /juin /2008 13:08
Joseph Stiglitz: «Le mode de vie américain n'est pas tenable»

Joseph Stiglitz. Dernier livre paru: «Une guerre à 3000 milliards de dollars» (Fayard). Photo Reuters
Le prix Nobel d'économie revient sur le coût de la guerre en Irak et explique en quoi ce conflit a fait exploser le modèle de croissance américain, entraînant les crises planétaires que nous connaissons.
Recueilli par GRÉGOIRE BISEAU et FABRICE ROUSSELOT - Libération : samedi 7 juin 2008

Vous estimez le coût de la guerre en Irak à 3 000 milliards de dollars. L’administration Bush parle de 800 millions. D’où vient une telle différence ?

Elle provient de la façon dont vous faites l’addition. Nous prenons en compte des coûts qui sont «cachés» dans le budget du ministère de la Défense. Par exemple, du fait de l’impopularité de la guerre et parce que de nombreux soldats américains doivent aller en Irak même s’ils n’en ont pas envie, les salaires ont été augmentés pour tous les militaires. Le gouvernement ne prend en compte que les salaires des troupes présentes en Irak, alors que nous incluons la masse salariale globale des forces armées. Mais le plus important, ce sont les coûts futurs de cette guerre. Les 800 millions, nous les avons déjà dépensés. Le candidat républicain à la Maison Blanche, John McCain, pense que la plupart des troupes américaines auront quitté l’Irak en 2013. Or, selon notre calcul, la guerre nous coûte 12,5 milliards par mois. Il faut aussi considérer le coût de la démobilisation et du rapatriement des soldats et des équipements, et l’argent qu’il nous faudra dépenser pour rebâtir des forces armées aussi performantes qu’avant l’intervention en Irak. Enfin, reste le coût lié au rapatriement des soldats blessés et handicapés.

Vous évoquez aussi les coûts sociaux ?

Il y a les coûts sociaux micro-économiques et macro-économiques. Premier exemple : lorsqu’un soldat fortement handicapé revient d’Irak, souvent, l’un des membres de sa famille est obligé d’arrêter de travailler pour l’aider. Il faut alors prendre en charge cette famille et lui assurer des aides financières. En terme macro économique, il est évident que la guerre en Irak a eu un effet négatif sur l’activité américaine.

Quelles sont les conséquences de la guerre sur l’économie américaine ?

Tout d’abord, la guerre a contribué à l’augmentation des prix du pétrole. Les prix ont grimpé bien au-dessus de 100 dollars le baril et les experts les plus prudents estiment que 5 à 10 dollars de la hausse lui sont imputables. En 2002, les marchés énergétiques avaient analysé l’évolution du prix du pétrole pour les dix ans à venir. Selon eux, la production suivrait l’accroissement de la demande et le prix du baril serait relativement stable. L’Irak a totalement changé l’équation, principalement du fait de l’instabilité qui a gagné le Proche- Orient. Et l’un des effets pervers fut que les producteurs de pétrole, qui ont perçu des revenus plus importants, ont décidé pour certains de ne pas accroître leur production. Ensuite, il faut considérer les faibles retours sur investissement de cette guerre. L’argent dépensé en Irak, quand on paye une entreprise de travaux publics népalaise par exemple, ne profite pas de la même façon à l’économie américaine que si l’on construisait une école ou un parc de jeux.

L’intervention en Irak a-t-elle joué un rôle dans la crise des subprimes…

Oui, tout à fait. Le Président Bush a déclaré que la guerre n’avait rien à faire avec les problèmes économiques, que les Américains avaient simplement construit et acheté trop de maisons. Mais il faut essayer de comprendre. Parce que l’économie américaine était plus faible, la FED (Réserve fédérale) a voulu créer plus de liquidités, elle a donc décidé de garder les taux d’intérêts à des niveaux très faibles tout en laissant se développer de nombreux produits de crédits, sans aucun contrôle. Cela a permis de maintenir l’activité à un certain niveau pendant un certain temps, et cela a préservé aussi la bulle immobilière. L’économie américaine avait des problèmes et la guerre en Irak les a aggravés. Les économistes ont cru que nous étions entrés dans une nouvelle ère. La hausse du pétrole semblait ne pas affecter autant que cela l’économie, pas comme elle le faisait depuis les années 70. Mais en fait, c’est parce que l’on supportait à bout de bras cette même économie que l’effet était moindre. En un an, en 2006, plus de 900 millions de dollars ont été consacrés aux remboursements d’emprunt. C’est énorme dans une économie qui pèse 13 trillions de dollars. Le problème est que nous sommes au bord de la récession et que notre marge de manœuvre est considérablement réduite. En 2008, le déficit américain sera vraisemblablement de 500 milliards de dollars : nous n’avons plus les moyens de stimuler l’économie.

Les dépenses consacrées à l’industrie de la défense peuvent-elles avoir des effets positifs sur l’économie en matière de retombées technologiques ?

Bien sûr, certains secteurs en ont bénéficié. Mais dans sa globalité, l’argent dépensé pour la guerre n’accroît pas la productivité future des Etats-Unis. Pas de la même façon que si l’on avait investi dans les infrastructures ou la recherche. On note des bénéfices ponctuels et marginaux, dans les industries spécialisées pour les prothèses, à cause des blessés. Mais c’est sans comparaison avec les bénéfices que l’on aurait pu retirer si l’argent avait été investi dans l’amélioration de l’état de l’économie.

Peut-on parler de récession ?

Officiellement, l’économie fait face à un fort ralentissement. La crise des subprimes n’est pas terminée. Dans de nombreux cas aux Etats Unis, la valeur de l’emprunt immobilier dépasse celle de la maison. Ceux qui ne peuvent plus payer leurs emprunts sont souvent confrontés au chômage. Les gens se voient proposer des formules de crédit qui aggravent leur situation et prolongent leur endettement. On leur suggère de payer moins les trois premières années, en faisant le calcul que leur maison va prendre de la valeur et qu’ils pourront rembourser plus tard ou revendre leur bien. Seul problème : l’immobilier est en chute et tous ces montages s’écroulent. Tout cela était un leurre. De plus en plus d’emprunts s’effondrent forçant les gens à quitter leurs maisons. Et ça va continuer. Le gouvernement veut que les Américains aient confiance en leur économie. Il parle d’une situation de l’emploi stable, de croissance à 0,6 % du PIB. Mais on constate deux choses: la consommation, qui soutient la croissance, tient beaucoup à l’écoulement de stocks qui n’étaient pas vendus. Les ventes commerciales sont dans le rouge. Côté emploi, l’offre n’a pas progressé depuis six mois, il y a même moins d’heures de travail sur le marché. Un signe clair que l’économie est malade.

La crise des subprimes va-t-elle continuer à affecter l’économie européenne ?

Oui. De nombreuses banques européennes ont acheté des produits dérivés des subprimes et en subissent le contrecoup. De plus, si l’économie américaine continue à ralentir, l’une de ses rares forces restent les exportations, à cause de la faiblesse du dollar vis-à-vis de l’euro. Tout cela n’est pas bon pour l’Europe.

On assiste à une flambée des prix du pétrole, des émeutes de la faim, une crise mondiale, des menaces de récession… Est-ce une juxtaposition de crises indépendantes ou une seule et même crise ?

Ces crises sont liées entre elles, mais elles ont leur propre dimension. La crise pétrolière est liée à la situation de la guerre en Irak. Celle des subprimes, une conséquence de la guerre et de la hausse du baril. La crise alimentaire, via l’essor des bio carburants, résulte de la crise pétrolière. L’Inde a eu raison d’être très énervée lorsque George Bush avait montré du doigt les grandes économies émergentes comme responsables de la crise alimentaire mondiale. Or en matière d’agriculture, il n’y a eu aucune surprise : les Chinois ne se sont pas décidés à manger plus de céréales et de porc du jour au lendemain. La vraie surprise, l’événement totalement inattendu, c’est la guerre en Irak. Et comme le prix du pétrole a grimpé de façon soudaine et violente, les Etats-Unis ont augmenté les subventions à la production d’éthanol, entraînant la hausse des céréales…

A vous entendre, la guerre en Irak serait au commencement de toutes ces crises ?

Elle a en tout cas une grosse part de responsabilités. Peut-être que ces crises se seraient passées de toute façon, mais la guerre les a précipitées et les a amplifiées.

Pourquoi avez-vous accepté l’invitation de Nicolas Sarkozy à participer à sa commission de réflexion sur le changement des instruments de mesure de la croissance française ?

C’est une commission d’abord nationale, mais les problèmes dont on va parler sont globaux. En clair : comment mesurer les performances et le progrès social d’une économie. C’est très important car ce que vous mesurez dans les statistiques conditionne ce que vous faites en matière de politique économique. Par exemple, l’Argentine dans le milieu des années 90 donnait l’impression d’aller très très bien, notamment à travers la mesure de la croissance de son PIB. Mais cette croissance, basée sur la consommation, était financée par l’étranger et ne pouvait donc pas perdurer. D’où la crise qui a ensuite éclaté. Donc la mesure du PIB ne dit rien sur le caractère soutenable de la croissance. Et on pourrait dire aujourd’hui la même chose des Etats-Unis. L’ONU a développé un indicateur du développement humain, qui intègre ce que vous dépensez en matière d’éducation ou de santé… Et bien à l’aune de cette statistique, les Etats-unis se retrouvent la dixième économie mondiale.

Dans ce débat, la France présente-elle des spécificités ?

Je vois deux ou trois choses. D’abord, beaucoup de gens considèrent que le système de santé français, si vous le comparez à celui des Etats-Unis, est beaucoup plus performant. En terme de sécurité, de qualité et aussi d’accès aux soins, notamment pour les moins favorisés. Et cela est largement sous-évalué. Ensuite, c’est l’environnement. Les Français sont très sensibles aux questions écologiques, et le PIB n’intègre aucune trace de cela. Enfin, c’est la valeur que vous accordez aux loisirs. Dans une économie qui fonctionne bien, c’est très important qu’un chômeur qui veut travailler puisse trouver un travail rapidement. De même, un salarié qui souhaite passer plus de temps avec sa famille, doit pouvoir le faire. C’est le signe d’une société qui a choisi de profiter de la hausse de la productivité. Donc si vous mesurez le progrès social par des indicateurs économiques conventionnels, vous passez à côté de tout ça. Et la richesse que vous mesurez est bien moindre.

On est, là, très loin du modèle américain, pourtant beaucoup plus performant en terme de croissance…

Ce qui se passe aux Etats-Unis est contraire à ce qu’enseigne la théorie économique élémentaire. Selon elle, quand une économie devient plus productive, vous profitez normalement d’une augmentation du temps libre. Or, les Etats-Unis évoluent dans un sens opposé. Quelque chose ne fonctionne pas. Par ailleurs, le mode de consommation et de production américain, n’est absolument pas tenable en matière de préservation de la planète. Avec le modèle américain, le monde n’est pas viable. Dans un peu moins de cent ans, la Chine va avoir la capacité de consommer ce que consomment les Etats-Unis. Si cela devait arriver, ce serait une catastrophe pour la planète. Et comme il est impossible de dire aux pays en voie de développement, «vous allez vous restreindre pour nous permettre de continuer à consommer comme aujourd’hui», il n’y a pas d’autres choix que de changer de modèle de croissance.

Y-a-t-il une prise de conscience de cette révolution dans la société américaine ?

Ça commence à peine. Les Américains sont en train de se rendre compte qu’il va consommer moins d’essence. Mais ils n’ont pas mesuré l’amplitude de cette réduction ni ce que cela va signifier en matière de changement de comportement.

Vous êtes optimiste sur le fait que le futur président américain marquera une rupture vis-à-vis de l’administration Bush sur les questions climatiques…

Oui. Et y compris, si John Mac Cain est élu. Je suis très critique vis-à-vis de son programme économique et de sa position sur l’Irak, mais je suis convaincu qu’il est concerné depuis longtemps par le réchauffement climatique. Mais il sera toujours très attentif aux intérêts des grandes entreprises et défendra en priorité les solutions qui sont compatibles avec le mécanisme de marché, comme les permis à polluer. De toute façon, le mouvement est irréversible: il n’y a qu’à voir avec quel sérieux les autorités chinoises s’attaquent au problème. Le pouvoir central de Pékin a encore du mal à faire descendre ce message dans les provinces. Et je suis convaincu qu’on est juste au commencement d’un long processus qui ne s’arrêtera pas. Savoir mesurer et évaluer les coûts environnementaux dans la création de richesse nationale est la condition pour faire évoluer la société dans son ensemble.

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6 juin 2008 5 06 /06 /juin /2008 13:51

Si les salaires stagnent, ce n’est pas la faute des 35 heures

Interview à l’Express : Le gouvernement s’apprête à réformer les 35 heures pour la sixième fois depuis 2003. (…) le député européen accuse Nicolas Sarkozy de préparer la privatisation du système de financement des retraites et de l’assurance chômage.

Le gouvernement va faire voter une nouvelle loi pour assouplir les 35 heures. Est-ce la fin de la RTT ?
C’est pire que ça. Il s’agit d’une remise en cause de la durée légale du travail. Les entreprises pourront désormais décider librement du contingent d’heures supplémentaires, ce qui va complètement dérégler les cadences et les horaires. Ce projet de loi constitue une attaque violente contre les conditions de travail des salariés. Cette régression se cache sous le terme de “modernisation”, et ça ne fait sursauter personne.

Personne, pas même au PS…
Ce n’est pas exact. Les socialistes ont appelé à participer à la manifestation du 17 juin, à l’appel de la CGT et de la CFDT. Certaines personnalités du parti sont peut-être plus gênées que d’autres sur cette question, ce n’est pas mon cas. J’étais dans le cabinet de Martine Aubry au moment où les lois sur les 35 heures ont été votées et je suis fier de cette réforme, qui a créé près de 400.000 emplois. Je ne nie pas les difficultés d’application, mais on oublie trop souvent les bénéfices considérables que les salariés en ont tiré.

Même en terme de pouvoir d’achat?
Si les salaires stagnent, ce n’est pas la faute des 35 heures. La droite a réussi à installer l’idée selon laquelle il fallait “travailler plus pour gagner plus”. Je crois pour ma part qu’on peut gagner plus en travaillant autant. Selon les chiffres de la Comptabilité nationale, la part des profits réalisés par les entreprises, et redistribués aux actionnaires, est passée de 25% dans les années 1970 à 65% dans les années 2000. Voilà pourquoi elles n’investissent plus assez, voilà pourquoi, aussi, elles rémunèrent mal le travail. La question des salaires doit être la priorité aujourd’hui.

Comment faire en sorte que les entreprises augmentent les salaires?
Il faut instaurer une fiscalité plus pénalisante sur les dividendes pour inciter les entreprises à distribuer une part plus grande des bénéfices aux salariés. Et il faut également leur donner une obligation de résultat dans les négociations salariales qui se déroulent chaque année. Ce n’est malheureusement pas le chemin qu’a pris Nicolas Sarkozy, qui fait avec la législation du travail ce qu’il fait avec l’audiovisuel public : donner des cadeaux à ses amis, notamment le Medef. Lorsque les 35 heures ont été mises en place, des allègements de charges ont été accordés aux entreprises. Cela représente aujourd’hui 20 milliards d’euros*, qui devraient être affectés aux systèmes de retraite et d’assurance chômage. Les 35 heures sont remises en cause, mais pas ces allègements. Le patronat a le beurre, et l’argent du beurre. Nicolas Sarkozy organise la faillite du système français de solidarité pour pouvoir dire qu’il ne fonctionne plus, et le privatiser.

*NDLR. Les allègements de charge représentent bien 20 milliards d’euros, mais seuls 12 milliards correspondent à la réduction du temps de travail. Ces allègements ont été accordés pour en contrepartie du passage aux 35 heures sans baisse de salaire, et pour compenser l’harmonisation à la hausse des différents Smic intervenue entre 2003 et 2005.

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4 juin 2008 3 04 /06 /juin /2008 09:37
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4 juin 2008 3 04 /06 /juin /2008 09:24
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