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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

9 mai 2022 1 09 /05 /mai /2022 08:40

J'ai rédigé hier pour la Gauche Républicaine et Socialiste l'article publié ci-dessous sur l'événement historique que représente la victoire électorale du Sinn Féin en Irlande du Nord lors du scrutin pour le renouvellement du parlement provincial qui s'est tenu le jeudi 5 mai 2022. C'est Michelle O'Neill, cheffe du parti républicaine dans la province, qui devrait donc logiquement être appelée au poste de première ministre dans les semaines qui viennent. Je tiens à adresser chaleureusement mes plus sincères félicitations à Michelle O'Neill, à la président du Sinn Féin, Mary-Lou Mc Donald, à Declan Kerney (le secrétaire général du parti que j'avais rencontré et avec qui j'avais discuté en 2015 place du Colonel-Fabien) et à tous nos camarades républicains irlandais pour cette victoire qui je l'espère marquera une nouvelle étape dans l'apaisement civil et politique du nord de l'île et vers la réunification de l'Irlande.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Président de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes et républicains"
Coordinateur national des pôles thématiques de la GRS

Le 5 mai 1981, Bobby Sands, 27 ans, décédait dans les H-Blocks de Long Kesh des suites d’une seconde grève de la faim qui avait duré 66 jours. Le jeune cadre de l’IRA avait été élu membre du Parlement britannique le 9 avril 1981 ; prétextant ne pas vouloir négocier avec des « terroristes » Margareth Thatcher l’avait laissé mourir en prison… Plusieurs autres prisonniers irlandais connurent dans les semaines qui suivirent le même destin. Plus de 100 000 personnes assistèrent aux funérailles de Bobby, les plus importantes funérailles républicaines depuis celles deLe Terence MacSwiney en 1920, poète et auteur dramatique, maire Sinn Féin de Cork et membre du Parlement irlandais, lui-même mort d’une grève de la faim dans les prisons anglaises.

Le jeudi 5 mai 2022, les citoyens d’Irlande du Nord votaient pour renouveler leur parlement provincial : l’enjeu était inscrit depuis plusieurs années et prédit par les enquêtes d’opinion. Il s’agissait de déterminer si pour la première fois de l’histoire de la province britannique le poste de premier ministre allait revenir à un dirigeant non unioniste. Les résultats issus du dépouillement bouclé samedi soir indiquent très nettement que les Unionistes ont perdu l’élection et que Michelle O’Neill, vice présidente de Sinn Féin et cheffe du parti parti républicain dans la province britannique, devrait devenir la prochaine première ministre. 101 ans et deux jours1 exactement après la création de la province autonome d’Irlande du Nord, et d’un régime d’apartheid fait pour les Unionistes et qui devaient leur assurer de toujours conserver le pouvoir, le renversement est total : les citoyens d’Irlande du Nord vont peut-être avoir enfin une « première ministre pour tous et chacun ».

D’aucuns pourraient penser que cette introduction est chargée de pathos, pourtant c’est bien une des dimensions du processus qu’il est nécessaire de maîtriser pour comprendre la portée symbolique de ce scrutin et de ses conséquences.

Le contexte de l’élection

Depuis 2007, le gouvernement provincial d’Irlande du Nord est dirigé conjointement par le Democratic Unionist Party (DUP) – organisation du Révérend ultra-conservateur Ian Paisley (1926-2014) – et le Sinn Féin… Les statuts provinciaux hérités du Good Friday Agreement de 1998 obligent à un cabinet de coalition entre les principaux partis de la région : le Social Democratic and Labour Party (SDLP – nationalistes irlandais modérés) et l’Ulster Unionist Party (UUP – conservateurs unionistes), qui ont dirigé le premier gouvernement après les accords de Paix en 1998, y sont associés tout comme plus récemment l’Alliance Party, parti libéral qui se veut a-confessionnel (et théoriquement indifférent au débat sur la réunification de l’Irlande).

Les difficultés à constituer un tel gouvernement de coalition ont déjà conduit à plusieurs reprises le gouvernement britannique à suspendre les institutions autonomes de la province – notamment de 2002 à 2007 (après des affaires d’espionnage sur fond de déclassements des stocks d’armes des différents groupes paramilitaires de la guerre civile), de 2017 à 2020 (sur fond de conséquences du Brexit et d’affaires de corruptions impliquant directement la cheffe du DUP, Arlene Foster, et son entourage). Pourtant pendant près de 10 ans, les pires « frères ennemis » ont gouverné ensemble ce pays pour assurer sa transition pacifique, l’apprentissage d’une cohabitation entre communautés qui se sont affrontées et son développement économiques : si on avait dit à Tony Blair (dont il faudra reconnaître l’intelligence dans la conclusion de l’accord de paix) en 1998, que le Révérend Paisley, principal instigateur des milices paramilitaires loyalistes, et Martin McGuinness, chef opérationnel de l’IRA pendant la plus partie de la guerre civile, dirigeraient ensemble la province durant plusieurs années sans véritable drame, il nous aurait sans doute ri au nez.

Le passage de relais entre les générations a paradoxalement tendu les relations politiques : Michelle O’Neill a tenu la dragée haute à Arlene Foster, dont le parti (fondé en opposition aux dirigeants traditionnels de la province (UUP) jugés trop mous avec les Irlandais) se raidit de plus en plus dans la perspective de perdre un jour ou l’autre le pouvoir. Le DUP et Arlene Foster sont les principaux responsables du blocage de 2017-2020 : indispensables à la Chambre des Communes à Theresa May, qui ne devait qu’aux unionistes d’avoir une majorité parlementaire, ils ont de fait empêché l’émergence d’un compromis sur l’Irlande du Nord avec l’Union Européenne – le Good Friday Agreement impliquait de ne pas recréer de frontière entre les deux parties de l’Irlande – et retarder la mise en œuvre pratique du Brexit, faisant du mandat de Theresa May un véritable chemin de croix. Cela explique pourquoi le cabinet de la Première ministre britannique a été si conciliant avec le DUP, pourtant accusé de graves faits de corruption, qui lui avait coûté la confiance tous ses partenaires politiques en Irlande – et pas seulement du Sinn Féin comme la presse le répète ad nauseam. Le remplacement forcé de May par Boris Johnson, puis la victoire électorale sans appel des conservateurs en 2019 sous la conduite du nouveau premier ministre britannique, a paradoxalement perdu le DUP et Arlene Foster : l’accord imposé par Dublin et Londres pour restaurer l’autonomie provinciale en janvier 2020 était une forme de désaveu de la patronne du DUP, qui conservait néanmoins sont poste de Premier ministre.

Nous avions traité dans un précédent article les conséquences pratiques du Brexit et du « protocole nord-irlandais » entre l’Union Européenne et le Royaume Uni. Début avril 2021, quelques mois après l'officialisation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, des émeutes éclatent dans des zones loyalistes à majorité protestante, où les conséquences du « Brexit » ont nourri un sentiment de trahison (sans oublier quelques liens avec le trafic de drogue qui crée une tension logique entre certains chefs paramilitaires loyalistes « économiquement reconvertis » et le « Service de police de l’Irlande du Nord »). En effet, le « protocole nord-irlandais » prévu par l'accord commercial avec l'UE négocié par le Royaume-Uni et l'Union européenne a rétabli des contrôles douaniers au niveau des ports en mer d'Irlande et non dans les terres, entre le marché britannique et le marché intérieur européen dont l'Irlande du Nord reste membre pour éviter le retour d'une frontière terrestre en Irlande. Cette nouvelle frontière douanière mécontente les loyalistes qui se sentent « éloignés » voire « isolés » du reste du Royaume-Uni. Le 28 avril, Arlene Foster, annonça donc sa démission, victime d'une fronde dans son parti liée à sa gestion du Brexit et de ses conséquences sur l’Irlande du Nord comme « nation constitutive britannique ». Elle était en outre critiquée par les durs du DUP pour s'être abstenue, plutôt que d’avoir voté contre, lors du vote d’une motion appelant à interdire les thérapies de conversion pour homosexuels. Arlene Foster n'en demeure pas moins conservatrice sur les sujets de société, étant opposée à l'avortement et au mariage homosexuel, que l'Irlande du Nord venait d'autoriser. Elle a cependant été dépassée par la base du parti, où les fondamentalistes évangélistes sont influents.

Edwin Poots – ultra-conservateur et protestant fondamentaliste – lui succédait à la tête du DUP le 28 mai 2021. Arlene Foster démissionnait formellement du gouvernement le 14 juin 2021, transmettant le flambeau à Paul Givan (DUP) comme premier ministre. Ce dernier démissionnait en février dernier pour marquer son désaccord avec les négociations sur la prorogation du « protocole nord-irlandais ».

On imagine bien que les élections provinciales étaient particulièrement attendues et que l’équilibre issu du précédent scrutin était devenu intenable. Les Irlandais du Nord avaient hâte de retourner aux urnes et il était bien question dans toutes les enquêtes d’opinion de retrouver une stabilité politique en mettant fin au leadership du DUP.

Une victoire sans appel du Sinn Féin

L’Irlande du Nord utilise depuis 20 ans le même mode de scrutin pour les élections provinciales que celui utilisé depuis 1922 en République d’Irlande : le scrutin à vote unique transférable, une forme de scrutin uninominal à un tour, couplé à un classement des préférences de chaque électeurs, qui permet de transférer au second choix les suffrages, une fois que le candidat choisi en premier a été élu ; cela apporte à ce mode de scrutin un effet proportionnel non négligeable pour élire les 90 parlementaires. Cela implique cependant un dépouillement extrêmement long : les Nord-Irlandais ont voté jeudi, le dépouillement s’est étalé dans des bureaux centralisés par circonscription tout au long des journées de vendredi et samedi.

L’autre conséquence plus politique, c’est que la victoire nette de Sinn Féin apparaît amoindrie. Alors que le parti républicain irlandais a nettement progressé en suffrages – 29 % (+1,1 point, +26 000 voix) –, il ne gagne aucun siège supplémentaire par rapport aux 27 qu’ils détenaient déjà, ses candidats ont juste été annoncés élus beaucoup plus rapidement qu’en 2017. Sinn Féin devient bien le premier parti de la province avec près de 8 points et 66 000 voix d’avance sur les suivants, le DUP qui a été forcé de reconnaître rapidement sa défaite – ils passent de 29 % à 21,3 % des voix et de 28 à 25 sièges. L’autre grand vainqueur du scrutin est l’Alliance Party qui bondit de 44 000 voix passant de 9 à 13,5 % et de 8 à 17 sièges.

Les grands perdants du scrutin sont le vieux UUP qui perd deux points et un siège, le SDLP qui perd 3 points et 4 sièges (il est probable que nombres d’électeurs irlandais modérés ce soient portés directement sur les Républicains) et les écologistes qui perdent leurs deux sièges. Une scission plus conservatrice du DUP, la Voix Unioniste Traditionnelle, passe par contre de 2,5 à 7,6 % (gagnés directement sur le DUP) mais ne remporte pas plus que le siège unique dont elle disposait. Aontú, une scission anti-mariage gay et anti-avortement du Sinn Féin, se présentait pour la première fois et ne remporte que 1,48 % des voix et aucun siège.

En toute logique, c’est donc Michelle O’Neill qui devrait devenir première ministre de l’Irlande du Nord qui a toujours été dirigée par un Unioniste. Elle veut être une « Première ministre pour tous et chacun », sous entendant un peu perfidement que ses prédécesseurs (et partenaires) tentaient malgré les coalitions légales de continuer à privilégier les loyalistes plutôt que l’intérêt général. Elle aura pour difficile tâche de trouver un accord de coalition dans un cadre institutionnel contraint, avec le DUP, l’Alliance, l’UUP et le SDLP… Les pro-européens et les plus conciliants avec l’Irlande peuvent cependant compter avec le Sinn Féin sur 52 sièges et donc une domination réelle dans le cabinet (les mêmes forces avec les verts n’en comptaient que 49).

Protocole nord-irlandais et réunification

Les membres de l'assemblée qui sont élus devront voter sur le maintien des parties du protocole qui créent la frontière commerciale intérieure du Royaume-Uni. Ce vote doit avoir lieu avant la fin de 2024. Le vote sera décidé à la majorité simple plutôt que d'exiger le consentement intercommunautaire. C’est une grande nouveauté et cela rend les Unionistes minoritaires par avance, les marginalisant politiquement.

Les partis unionistes s'opposent au protocole tandis que les républicains, les nationalistes et le parti de l'Alliance considèrent qu'il s'agit d'un compromis acceptable pour atténuer certains des impacts du Brexit.

Le protocole d'Irlande du Nord a jeté une ombre sur la campagne électorale suite à la démission du premier ministre Paul Givan en février. La décision du DUP visait à forcer le gouvernement britannique à agir sur les accords commerciaux post-Brexit en exerçant une forme de chantage sur Boris Johnson pour qu’il mette fin à la frontière maritime entre la province et le reste du Royaume-Uni.

Le secrétaire d'Irlande du Nord, Brandon Lewis, a indiqué que le gouvernement ne présentera pas de législation relative au protocole dans le discours de la reine la semaine prochaine.

Le Sinn Féin se retrouve désormais le premier parti dans les deux Irlandes avec 24,53 % en République et le groupe parlementaire le plus important au Dáil (égalité avec les conservateurs du Fianna Fail) et 29 % en Irlande du Nord. La Présidente du Sinn Féin Mary Lou McDonald a bien l’intention de profiter de la désignation de sa vice présidente comme première ministre d’Irlande du Nord pour négocier un référendum sur la réunification de l’Île dans les deux ans.

En 24 ans, Sinn Féin qui était inexistant politiquement en République est devenu le premier parti et n’a été écarté du pouvoir que par une coalition de circonstance entre les deux partis de droite traditionnels du sud, « frères ennemis » de la politique irlandaise. Les Républicains disposent aujourd’hui d’atouts majeurs pour peser et obtenir enfin une Irlande unie, qui serait somme toute un cadre de vie bien plus simple pour tous les Irlandais, d’autant que la République d’Irlande est sortie – au cours de la même période où Sinn Féin s’y réimplantait progressivement – d’un conservatisme social d’un autre âge en légalisant le divorce, l’avortement et le mariage gay (adopté avec plus de calme qu’en France).

Sinn Féin ne dispose pas seulement de son poids incontournable, mais aussi d’alliés avec le SDLP ou d’interlocuteur compréhensifs comme l’Alliance Party, et pourrait bénéficier de la faiblesse des gouvernements irlandais et britanniques : la coalition au pouvoir à Dublin l’est par défaut avec pour seul viatique d’écarter Sinn Féin du pouvoir ; Boris Johnson et les Tories britanniques sont en mauvaises postures avec le Party Gate et leurs défaites massives aux élections locales qui se déroulaient en Grande Bretagne le même jour que celles pour l’assemblée parlementaire d’Irlande du Nord.

1De fait, la province du Nord a vu reconnu son statut d’autonomie par le gouvernement britannique avant qu’une indépendance relative ne soit accordée au reste de l’Île avec la signature du traité de décembre 1921.

Irlande du Nord : Une première ministre pour tous et pour la réunification ?
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30 janvier 2022 7 30 /01 /janvier /2022 18:46

Il y a 50 ans le 30 janvier 1972 l’armée britannique tirait à balles réelles sur une manifestation pacifique à #Derry faisant 14 morts et 28 blessés, tous civils, tous victimes des militaires. C’est le #BloodySunday le plus connu de l’histoire moderne irlandaise.

Il faut rappeler le contexte pour comprendre ce qu’il s’est passé et la gravité du crime !

Depuis 1966-67 la Northern Ireland Civil Right Association (NICRA), fondée par des communistes, des républicains, des libéraux et des travaillistes, mène une campagne intense pour dénoncer les discriminations dans la province d’Irlande du Nord.
La NICRA fait suite à la Campaign for Social Justice qui a de 1964 à 1966 publié les preuves des discriminations économiques et sociales dont sont victimes les Irlandais catholiques dans cette partie du Royaume Uni. Il s’agit maintenant d’obtenir l’égalité des droits. La NICRA s’inspire directement du mouvement des droits civiques afro-américain, et de Martin Luther King, dont elle reprend l’hymne «We Shall Overcome» et la stratégie non violente face à un gouvernement autonome raciste admiré par les dirigeants de l’apartheid sud-africains
Les manifestations pacifiques de la NICRA rassemblent toujours plus de participants. Les opposants au gouvernement local progressent. Londres ne peut plus regarder ailleurs. Alors les manifestants sont agressés systématiquement par les milices unionistes pour les intimider.

La complicité de la police provinciale – la Royal Ulster Constabulary (RUC) – dans les graves exactions des milices paramilitaires protestantes contre les manifestants pacifiques est rapidement démontrée, le gouvernement local annonce qu’il entamera des réformes démocratiques. Les ultras vont l’empêcher.
La RUC redouble de violence. Les orangistes protégés par les paramilitaires unionistes défilent dans le quartier catholique du Bogside à Derry en août 1969 et réussissent à créer une émeute… L’armée britannique débarque alors pour mettre fin aux affrontements, sans succès. Elle occupera le pays pendant 30 ans.

Fin 1969, l’Irish Republican Army (IRA) et le parti républicain Sinn Féin se divisent parallèlement : les dirigeants « gauchistes » abandonnent la défense des quartiers catholiques, au demeurant impossible car l’organisation était désarmée, pour « l’action politique ». Ce sont les « Officials ». Les plus jeunes (surtout) refusent cette ligne, maintiennent la stratégie antérieure et fondent l’IRA & le Sinn Féin « provisoires ». Ce sont les « Provos ». Le parti Sinn Féin actuel en découle directement. Officials et Provos n’ont pas plus d’une dizaine d’armes de poing dans toute la province, sans munitions. Les Provos sont peu nombreux (pour le moment). Ils se concentrent sur l’autodéfense des quartiers catholiques et le premier mort de la guerre civile est un jeune membre de l’IRA provisoire tentant d’empêcher l’incendie d’une maison de Short Strand à Belfast par des milices unionistes.

Depuis son arrivée, l’armée britannique a rapidement considéré la population irlandaise comme un adversaire. Le nouveau premier ministre provincial Brian Faulkner raidit sa politique et l’armée applique le Special Powers Act de 1922 internant des centaines de personnes. Les manifestations sont interdites depuis août 1971 mais la NICRA décide d’organiser une marche pacifique à Derry contre les internements. 10.000 manifestants se rassemblent autour du député provincial protestant, mais membre de la NICRA et du parti travailliste et social-démocrate d’Irlande du Nord, Ivan Cooper. Les représentants de l’IRA provisoire et « officielle » sont présents mais sans arme, comme cela a été démontré par toutes les enquêtes. L’armée britannique a envoyé le premier bataillon de régiment de Parachutistes. Quelques échanges de pierres et de jets de canon à eau…
Puis sans aucune raison les parachutistes ouvrent le feu et ils abattront 7 adolescents, 6 adultes, un 14e homme décédera 4 mois et demi plus tard de ses blessures. Plusieurs dizaines de minutes, des blessés par balles, des personnes renversées par des blindés. L’armée tirera même sur le sauveteurs. Elle prétextera la présence d’un sniper de l’IRA qui aurait tiré en premier pour justifier ses tirs, le mensonge sera démontré 30/40 ans plus tard par plusieurs enquêtes officielles. Un mensonge d’État pour un crime d’État.

En mars 1972 Londres met fin à l’autonomie provinciale mais pas à son soutien total aux unionistes contre les Irlandais. Il faudra 25 ans et 3.000 morts pour que la Paix et la démocratie reviennent. 25 ans après le #GoodFridayAgreement il faut maintenant l’unité irlandaise.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Président de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes et républicains"
Coordinateur national des pôles thématiques de la GRS

Un prêtre catholique tente de guider un groupe d'hommes qui portent un blessé grave, sous les balles des parachutistes ce 30 janvier 1972 - les photos d'une partie des victimes du Bloody Sunday
Un prêtre catholique tente de guider un groupe d'hommes qui portent un blessé grave, sous les balles des parachutistes ce 30 janvier 1972 - les photos d'une partie des victimes du Bloody Sunday

Un prêtre catholique tente de guider un groupe d'hommes qui portent un blessé grave, sous les balles des parachutistes ce 30 janvier 1972 - les photos d'une partie des victimes du Bloody Sunday

Les façades peintes de Derry...
Les façades peintes de Derry...

Les façades peintes de Derry...

Le Bloody Sunday de 1972 a connu une renommée internationale dans la culture populaire avec la chanson rock de U2, groupe de la République d'Irlande, publiée en 1983, et avec le film de Paul Greengrass qui a la précision d'une reconstitution documentaire...Le Bloody Sunday de 1972 a connu une renommée internationale dans la culture populaire avec la chanson rock de U2, groupe de la République d'Irlande, publiée en 1983, et avec le film de Paul Greengrass qui a la précision d'une reconstitution documentaire...

Le Bloody Sunday de 1972 a connu une renommée internationale dans la culture populaire avec la chanson rock de U2, groupe de la République d'Irlande, publiée en 1983, et avec le film de Paul Greengrass qui a la précision d'une reconstitution documentaire...

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13 avril 2021 2 13 /04 /avril /2021 08:52

J'ai rédigé pour la Gauche Républicaine et Socialiste la note ci-dessous publiée hier sur la situation en Irlande du Nord et le déclenchement d'émeutes loyalistes depuis près de deux semaines qui mettent en péril la paix civile et tout le travail accompli depuis les "Accords du Vendredi Saint" en 1998.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Coordinateur national des pôles thématiques de la GRS

jeunes émeutiers loyalistes dans la nuit du 7 au 8 avril 2021

jeunes émeutiers loyalistes dans la nuit du 7 au 8 avril 2021

Le décès du Prince Philip aura peut-être offert un fragile répit à la province du Nord de l'Irlande. En effet, certains initiateurs unionistes des manifestations prévues pour le week-end avaient appelé à leur suspension vendredi soir par « respect pour la reine et pour la famille royale ». Des heurts ont cependant à nouveau éclaté dans la soirée, mais d'une ampleur moindre que ces deux dernières semaines. Alors que cette semaine correspond tout à la fois au 105e anniversaire de la Révolution irlandaise de Pâques 1916 et au 23e anniversaire du « Good Friday Agreement »1 qui a ramené la paix dans la partie de l''Île toujours rattachée au Royaume Uni, qu'est-ce qui explique cette flambée de violence ?

Après plusieurs jours de tension et d'accrochage, les événements ont particulièrement dégénéré dans la nuit du 7 au 8 avril qui ont donné lieu à une sorte de "déjà-vu" qu'on pensait enterré. Une foule « unioniste »2 s’est rassemblée sur Lanark Way, à Belfast, « où un autobus a été incendié », ont rapporté les forces de la police nord-irlandaise. Des incendies ont été signalés sur cette avenue, où d’énormes barrières métalliques séparent un quartier catholique d’un quartier protestant, selon la correspondante de la BBC, Emma Vardy. Des centaines de personnes ont jeté des cocktails Molotov. La circulation du métro a été suspendue. Depuis le 29 mars, chaque nuit apporte son nouveau lot d’échauffourées et de violence. Des groupes d’adolescents, certains âgés d’une douzaine d’années seulement, armés de briques, de barres de fer et de cocktails Molotov, affrontent des forces de l’ordre retranchées derrière des Land Rover blindées et des canons à eau. Les jeunes assaillants sont généralement quelques dizaines, quelques centaines dans le pire des cas, souvent encouragés et applaudis par les adultes, parfois manipulés par des groupes paramilitaires unionistes. La police d’Irlande du Nord accuse notamment deux groupes paramilitaires unionistes de manipuler les jeunes émeutiers : l’Ulster Volunteer Force (UVF)3 et l’Ulster Defence Association (UDA)4.

Face aux émeutes déclenchées à l'initiative de jeunes manifestants unionistes, la première ministre nord-irlandaise, Arlene Foster, a déclaré sur Twitter dans la nuit du 7 au 8 avril : « Il ne s’agit pas d’une manifestation. C’est du vandalisme et une tentative de meurtre. Ces actions ne représentent ni l’unionisme ni le loyalisme. » Pourtant ce tweet cache mal le fait qu'elle est en grande partie responsable de la situation. Son parti, le Democratic Unionist Party (DUP)5, et elle-même avaient mené une campagne acharnée en faveur du Brexit aux côtés d'une partie des conservateurs britannique et de Boris Johnson ; un temps indispensable à la majorité parlementaire de Theresa May, le DUP avait également compliqué les négociations déjà invraisemblables entre le Royaume Uni et l'Union européenne (UE) pour organiser la sortie du premier de la seconde. Arlene Foster fait donc face aux conséquences directes de ce choix politique qui n'avait d'ailleurs pas été suivi dans la province puisque les citoyens d'Irlande du Nord avait voté à 55% en faveur du maintien dans l'UE.

Conséquences du Brexit et effet révélateur

Or l’accord de paix signé en 1998 a estompé la frontière entre la province britannique et la République d’Irlande ; le Brexit est donc venu fragiliser le délicat équilibre, en nécessitant l’introduction des contrôles douaniers entre Royaume-Uni et UE. Après d’âpres négociations, Londres et Bruxelles sont parvenus à s’accorder sur une solution, le protocole nord-irlandais, qui permet d’éviter le retour à une frontière physique sur l’île d’Irlande en déplaçant les contrôles dans les ports nord-irlandais. Si des dispositions ont été prises pour accompagner les entreprises de la province face à cette transformation, les nouvelles dispositions, qui, de fait, maintiennent l’Irlande du Nord dans l’union douanière et le marché unique européens, entraînent des perturbations dans les approvisionnements. Au début du mois de mars 2021, le premier ministre britannique, Boris Johnson, avait été confronté, lors d’une visite en Irlande du Nord, à un mécontentement croissant sur les conséquences du Brexit. Favorable à un abandon pur et simple des contrôles sur les marchandises en provenance de Grande-Bretagne, Arlene Foster a jugé « intolérable » les dispositions entrées en vigueur le 1er janvier dernier. De son côté, Michelle O’Neill, vice premier ministre de la province et leader du Sinn Féin6 pour l'Irlande du Nord, a refusé de le rencontrer, lui reprochant son « approche téméraire et partisane » vis-à-vis du protocole nord-irlandais.

Mais, plus profonde une partie importante de la population unioniste éprouve un sentiment de trahison. Les émeutiers s’intéressent peu à la complexité des questions commerciales nées du Brexit, mais « sont en colère » car ils comprennent (enfin) qu’ils ont été trahis précisément par le gouvernement britannique envers lequel leurs parents, leurs grands-parents et leurs arrière-grands-parents faisaient preuve d’une loyauté aveugle. Boris Johnson avait promis une circulation sans entrave entre la province et la Grande Bretagne, ce qui n’est évidemment pas le cas. la ministre de la justice nord-irlandaise, Naomi Long (membre du parti de l'alliance7) a ainsi résumé la situation sur la BBC4 : « Ils ont nié l’existence de toute frontière, alors même que ces frontières étaient érigées ».

Certains pensent également que les négociateurs du Brexit ont cédé aux nationalistes, qui aurait tacitement menacé d’une réponse sanglante à la perspective de toute reprise des contrôles à la frontière irlandaise. En réalité, les responsables nationalistes de la province – y compris ceux qui n'ont jamais pris part aux agissements paramilitaires – s'étaient publiquement inquiétés que le rétablissement de la frontière ne déclenche des troubles. « Cela a créé un précédent explosif selon lequel beaucoup de jeunes loyalistes regardent le protocole et arrivent à la conclusion que la violence est récompensée », a déclaré le militant unioniste Jamie Bryson au journal News Letter.

Les braises de la « guerre civile » toujours chaudes 23 ans après ?

Mais le Brexit ne représente que l’un des aspects d’une crise plus large chez les Unionistes en Irlande du Nord. En 2017, ils ont perdu leur majorité historique à l’Assemblée régionale de Stormont. Puis, en 2019, les élections britanniques ont, pour la première fois, envoyé plus de députés nationalistes que d’unionistes à Westminster. S’y ajoutent les signes d’un mouvement démographique, avec la jeune génération, vers les nationalistes, donnant aux unionistes le sentiment d’être une minorité assiégée.

Dans ce contexte, l'Irlande du Nord est tout juste sorti de sa deuxième crise institutionnelle. De 2017 à 2020, le DUP a choisi une stratégie d'obstruction après la perte de la majorité unioniste au parlement de Stormont, refusant de reconstituer le gouvernement provincial qui regroupe les cinq grands partis d'Irlande du Nord. Indispensable à Theresa May, le DUP tenu contre vents et marées dictant une bonne partie des décisions concernant la province depuis Westminster où le gouvernement britannique avait été contraint de gérer les affaires courantes en l'absence de gouvernement provincial. Les choses ont changé lors qu'Arlene Foster, comme son prédécesseur Peter Robinson avant elle, a été prise dans un scandale politico-financier qui a largement entamé son « crédit » politique. Sinn Féin, SDLP8 et Alliance Party ont eu beau jeu dès lors d'exiger soit le retrait d'Arlene Foster ou ses excuses publiques avant de reconsidérer la possibilité de reformer un gouvernement multipartite. En 2019, une fois Boris Johnson débarrassé de l'épée de Damoclès du DUP qui avait pénalisé Theresa May au sein de la Chambre des Communes, la position d'Arlene Foster était devenu fragile. Les négociations pour un gouvernement provincial ont repris et ont abouti à sa reformation en janvier 2020, toujours avec Arlene Foster en premier ministre, mais dans lequel les positions des nationalistes irlandais et en premier du Sinn Féin étaient renforcées.

Ce dernier a d'ailleurs logiquement utilisé toute la période qui a suivi le référendum sur le Brexit pour plaider avec force d'arguments en faveur d'une réunification de l'Irlande : le Brexit est un choix anglais ; les citoyens d'Irlande du Nord ne souhaitaient pas quitter l'UE (et pour atteindre 55% en faveur du maintien, il a bien fallu que des « Protestants » votent aussi contre le Brexit) ; la réunification de l'Irlande permettra à tous les citoyens irlandais au nord comme au sud de bénéficier du rétablissement d'une situation économique déséquilibrée. Le Sinn Féin bénéficie d'une véritable efficacité politique car il est le seul parti depuis 20 ans à être présent dans les deux parties de l'Île (il est l'opposition au gouvernement libéral-conservateur de la République, il participe au gouvernement provincial du nord avec le poste de vice premier ministre depuis mai 2007). La crise sanitaire a évidemment ralenti cette campagne mais ne l'a pas arrêtée et les pénuries résultant de l'application de l'accord commercial entre l'UE et la Grande-Bretagne depuis janvier 2021 ont renforcé son point de vue. « Nous pensons qu’un référendum [d’unification] peut être organisé dans les cinq ans », déclarait le 2 mars 2021 Mary Lou McDonald, présidente du Sinn Féin et cheffe de l'opposition en République d'Irlande. Sa stratégie est de développer initialement une unification économique. Elle évoque, par exemple, la mise en place d’un système de santé unifié.

Les tenants de l'Unionisme sont donc particulièrement sur la défensive. Ces dernières semaines, les leaders unionistes ont tenté d'attaquer l'image des dirigeants du Sinn Féin pour enrayer leur chute. Cela a culminé voici quelques semaines. En effet, à la fin du mois de mars 2021, le responsable du service de police de l'Irlande du Nord (PSNI) décidé de ne pas poursuivre vingt-quatre responsables du Sinn Féin qui avaient assisté, à la fin de juin 2020, aux obsèques de Bobby Storey, qui aurait été le chef du renseignement de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), malgré les restrictions en vigueur contre l’épidémie due au coronavirus. La présence dans la foule de Michelle O’Neill et de Mary Lou McDonald a été perçue par une partie des Unionistes les plus intransigeants comme un bras d’honneur fait au fragile équilibre politique dans la province. Qu’importe si Michelle O’Neill a présenté des excuses pour ne pas avoir respecté les règles de distanciation physique. Les principaux partis unionistes ont appelé le chef du PSNI, Simon Byrne, à démissionner, affirmant que les communautés avaient perdu confiance en son autorité. Arlene Foster a affirmé que l’adhésion de la population aux restrictions était menacée en raison de la perte de confiance dans la loi et l’ordre causée par la décision de ne pas poursuivre les membres du Sinn Féin. C'est là aussi toute la limite de cette campagne : si Mme Foster (dont la crédibilité est-elle profondément écornée) jugeait que la présence à cet enterrement était inacceptable (et pire que ses propres turpitudes) alors elle pouvait décider de ne plus collaborer avec le Sinn Féin et mettre fin au gouvernement autonome. Elle a choisi de continuer de diriger la province avec des dirigeants qu'elle cherche pourtant chaque jour à salir dans l'opinion publique. On ne peut imaginer grand écart plus inconfortable, mais il est certain que le feu couvant a été alimenté par de nombreuses giclées d'huile d'Arlene Foster.

Notons pour finir de décrire le contexte que des opérations de police contre le trafic de drogue dans le comté d’Antrim, sur lequel l'Ulster Defence Association (UDA) a la mainmise, ont également contribué à attiser les tensions dans la province ; l'UDA cherche sans doute au travers des émeutes a réaffirmé sa capacité de nuisance et à forcer les autorités à la "laisser en paix".

Appels au calme

Depuis plusieurs jours, les appels au calme se multiplient de tous les côtés. Après avoir longtemps soufflé sur les braises ou ignoré la situation, les classes politiques britannique, irlandaise et nord-irlandaise ont finalement appelé au calme jeudi 8 avril. Boris Johnson s’est exprimé pour la première fois, se disant « profondément préoccupé ». Le gouvernement nord-irlandais a publié une déclaration commune : « La destruction, la violence et les menaces de violence sont complètement inacceptables et injustifiables, quelles que soient les inquiétudes que puissent avoir les communautés. » Naomi Long, ministre provinciale de la Justice (précédemment citée), a expliqué comprendre le sentiment de colère des Unionistes : « Même la plupart des gens qui s’opposent au Brexit ont une certaine sympathie pour ceux qui se sentent trahis. On leur avait promis des lendemains merveilleux mais c’était un fantasme. Le Brexit n’allait jamais se terminer de cette façon. Ceux qui sont au gouvernement [britannique] le savaient, mais ils étaient plus intéressés par leur ascension vers le pouvoir que par les questions d’instabilité en Irlande du Nord. »

Tout en dénonçant les manipulations du DUP que nous avons décrites plus haut, le Sinn Féin a tout à la fois appelé les dirigeants politiques à s'unir pour mettre fin aux émeutes et placé les dirigeants unionistes devant leurs contradictions : « Aujourd'hui, nous devons être unis pour appeler toutes les parties concernées à s'abstenir de nouvelles menaces ou de recourir à la violence et appeler ceux qui dirigent les jeunes à s'engager dans la violence à cesser. Il y a de la place pour tout le monde dans le processus politique, mais il n'y a aucune place dans la société pour ceux qui sont armés et illégaux et qui devraient se dissoudre. Vous êtes les ennemis de la paix. Ceux qui sont impliqués dans la violence, les dommages criminels, la manipulation de nos jeunes et les attaques contre la police doivent cesser. »

« Soulignant que la violence est inacceptable, ils ont appelé au calme, a réagi Dublin. C’est par le dialogue et un travail sur les institutions mises en place par l’accord du Vendredi saint qu’il faut avancer. » La Maison Blanche a également appelé au calme, se disant « préoccupée » par ces violences qui interviennent alors que le président des Etats-Unis, Joe Biden, fier de ses origines irlandaises, avait déjà exprimé ses inquiétudes concernant les conséquences du Brexit pour la paix dans la province.

La situation est préoccupante car le gouvernement et l'opinion publique britanniques ne semblent pas prendre la mesure de la situation, alors même que le feu couve depuis 2016. Sur Twitter, Jennifer Cassidy, chercheuse irlandaise en diplomatie à l’université d’Oxford, s’interrogeait ainsi sur le relatif silence des médias britanniques : « Si ces violences avaient lieu dans n’importe quelle autre partie du Royaume-Uni, il y aurait une couverture médiatique vingt-quatre heures sur vingt-quatre, des appels au calme, à la paix, des discours pendant des heures au Parlement. Mais parce que c’est l’Irlande du Nord, vous pensez que dire “ ne faites pas ça ” suffira ? Réagissez. »

Car les émeutes sont bien le révélateur d'un mal beaucoup plus profond qui ne se résoudra que par des choix et des initiatives politiques inédites et sans doute iconoclastes. Sans cela, la guerre civile pourrait renaître dans la province sous une forme nouvelle. La situation actuelle participe en tous les cas d'un processus de délitement progressif du Royaume-Uni.

1 Good Friday Agreement : en Français, « accord du Vendredi Saint » négocié sous l'égide de Tony Blair et du premier ministre irlandais et signé par plusieurs partis d'Irlande du Nord (SDLP, Sinn Féin, UUP, UDP et PUP) le 10 avril 1998, il a mis en place le processus de paix qui a démocratisé la province, refondé totalement les services de police, abouti au désarmement des différents groupes paramilitaires…

2 Unionistes : L'Unionisme est l'affirmation politique de la volonté de rester membre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord plutôt que de rejoindre l'Etat libre puis la République d'Irlande. L'Unionisme défend les intérêts des communautés protestantes d'Irlande du Nord (Anglicans et Presbytériens) qui y sont encore majoritaires. Souvent confondue avec le « Loyalisme », cette dernière dénomination politique est plus particulièrement utilisée pour désigner les mouvements paramilitaires protestants qui ont alimenté la guerre civile pendant 29 ans.

3 L'Ulster Volunteer Force (UVF) est un groupe paramilitaire loyaliste d'Irlande du Nord, fondé en 1966, reprenant le nom d'une ancienne milice unioniste. Son objectif affiché est de lutter contre l'IRA et pour le maintien de l'Irlande du Nord dans le Royaume-Uni. Le nom vient des Ulster Volunteers, créés en 1912 pour défendre l'union entre l'Irlande et la Grande-Bretagne. L'UVF est placée sur la liste officielle des organisations terroristes du Royaume-Uni et des États-Unis. Pendant le conflit nord-irlandais, l'UVF s'est rendue responsable de 426 morts (sur 3500). Le 27 juin 2009, l'Ulster Volunteer Force achève officiellement son désarmement. En 2020, le PSNI évalue à 12 500 le nombre de membres de l'UVF et de l'UDA en cas de reprise des affrontements communautaires (5000 pour l'UDA et 7500 pour l'UVF).

4 Ulster Defence Association (UDA) : c'est la principale organisation paramilitaire protestante loyaliste, créée en 1971, par la fusion des groupes paramilitaires loyalistes de l'époque. Elle a été une collaboratrice zélée et recherchée par l'Armée britannique dans son occupation de la province dans les années 1970, avant de mener son propre agenda terroriste pour lutter contre les Nationalistes et Républicains irlandais. Elle a ainsi infiltré l'armée et les renseignements britanniques, de grandes loges maçonniques écossaises et orangistes. Devenue illégale seulement en 1992, elle serait de près de la moitié des morts du conflit. Le parti politique qui lui servait de vitrine officielle l'Ulster Democratic Party (UDP, à ne pas confondre avec le DUP de Ian Paisley et Arlene Foster) est un des signataires du Good Friday Agreement. Depuis son désarmement progressif depuis 2007, l'UDA s'est souvent recyclé dans le contrôle d'actions mafieuses et notamment le trafic de drogue.

5 Democratic Unionist Party : Parti unioniste fondé en 1971 par des dissidents du parti unioniste officiel de l'époque (Ulster Unionist Party) pour lutter contre le mouvement des droits civiques et représenter le point de vue des loyalistes les plus intransigeants dans le conflit nord-irlandais. Il a été dirigé par le pasteur presbytérien fondamentaliste Ian Paisley de 1971 à 2008. Bien que non signataire des « Accords du Vendredi Saint », c'est son acceptation finale en 2007 de participer et conduire le gouvernement multipartite de la province avec le Sinn Féin qui sortira l'Irlande du Nord de la crise qui avait conduit à la suspension pendant 5 ans des institutions autonomes. Ian Paisley allait même être premier ministre de mai 2007 à juin 2008, avec pour vice premier ministre Martin McGuinness, un des principaux anciens chefs militaires de l'IRA. Le DUP a toujours récupéré depuis le poste de premier ministre.

6 Sinn Féin : « nous-mêmes » en gaélique. C'est le parti politique actuel le plus ancien d'Irlande. Fondé en 1905, il a poursuivi le combat indépendantiste engagé depuis plus d'un siècle. Il engage la révolution irlandaise à Pâques 1916, date à laquelle est créée l'Irish Republican Army (IRA). L'actuel Sinn Féin est issu d'une scission de 1970 contre les dirigeants officiels de l'organisation qui voulaient l'orienter dans une réorientation marxiste-léniniste faisant passer le combat nationaliste au second plan ; ces derniers se sont transformés en Workers' Party, qui a un temps représenté l'extrême gauche en République d'Irlande avant de devenir marginal. Sinn Féin a mené de front une action politique et paramilitaire, qui en ont fait un acteur incontournable du Good Friday Agreement et de la vie politique démocratique en Irlande du Nord. Depuis 1997, Sinn Féin a également réussi sa réimplantation politique en République d'Irlande passant de 1,5% à 25% des suffrages aujourd'hui, où il est à la fois le premier parti du Dáil, l'assemblée irlandaise, et l'opposition au gouvernement libéral-conservateur. Son idéologie est évidemment nationaliste, mais surtout républicaine et socialiste.

7 Alliance Party : Le Parti de l'Alliance d'Irlande du Nord est un parti non confessionnel, fondé en 1970. C'est le 5ème plus grand parti d'Irlande du Nord avec 8 sièges au sein de l'assemblée provinciale et un siège à Westminster. À l'origine, le parti de l'Alliance défend un unionisme modéré et non confessionnel. Toutefois, avec le temps et notamment dans les années 1990, il devient plus neutre sur la question de l'Union et se tourne davantage vers le libéralisme et le non-confessionnalisme. Il est membre du Parti libéral démocrate européen.

8 SDLP : Social-Democratic and Labour Party – Parti travailliste et social-démocrate d'Irlande du Nord. Ce parti a été fondé en 1970 par plusieurs parlementaires régionaux proches du mouvement des droits civiques et refusant « l'abstentionnisme » (le refus de participer aux institutions provinciales et britanniques) des leaders traditionnels du nationalisme irlandais en Irlande du Nord. John Hume en a été le dirigeant emblématique de 1979 à 2001 et a été l'un des principaux négociateurs du Good Friday Agreement, pour lequel il a reçu le Prix Nobel de la Paix avec David Trimble, président de l'Ulster Unionist Party. Longtemps premier parti représentant les intérêts nationalistes irlandais dans la province, il a été surpassé depuis 2003 par Sinn Féin.

très jeune manifestant unioniste s'apprêtant à lancer un cocktail Molotov sur les véhicules du PSNI

très jeune manifestant unioniste s'apprêtant à lancer un cocktail Molotov sur les véhicules du PSNI

Aux racines du conflit nord-irlandais

Nous n'allons pas revenir ici sur un conflit colonial qui est né voici près de 800 ans avec la volonté anglaise de conquérir l'Irlande, ambition relancée à compter de la dynastie des Tudor à la Renaissance. La conquête et la domination ethno-politique de l'île Verte par la monarchie de l'île voisine s'est doublé à compter du début du XVIIème siècle d'un conflit politico-confessionnel, la monarchie britannique réservant le pouvoir et les droits civiques aux Anglicans et aux Presbytériens d'origine écossaise, minoritaires sauf en Ulster la province du nord-est qui a fait l'objet d'une véritable stratégie de colonisation et d'implantation agricoles de populations protestantes écossaises.

L'influence de la Révolution française puis le processus d'émancipation progressive des catholiques de la monarchie britannique ont conduit au réveil de l'identité nationale irlandaise, à la fin du XVIIIème siècle. Le ressentiment contre la monarchie britannique a été porté à son comble par la Grande Famine de 1845 et 1852 qui provoqua plus d'un million de morts et plus encore d'émigration. L'Irlande ne s'en est jamais réellement remise et son développement économique et humain en subit toujours les lointaines conséquences. La disparition progressive de la langue irlandaise engagée par la Grande Famine suscita un réveil culturel gaélique qui nourrit également l'idéal nationaliste. La lenteur du processus d'autonomisation politique, promis et toujours remis à plus tard, aboutit à la radicalisation politique d'une partie des nationalistes irlandais qui, associés aux socialistes, lancent l'insurrection de Pâques 1916 et fondent ensemble l'IRA (fusion entre l'Irish Republican Brotherhood et la Citizen Army des socialistes irlandais).

Si l'insurrection est un échec, la violence effroyable de l'armée britannique pour la détruire puis la répression terrible qu'elle organisa (avec le soutien de milices paramilitaires protestantes qui ressemblent beaucoup aux futurs « faisceaux » de Mussolini) finissent par rallier la population irlandaise au Sinn Féin. Le gouvernement britannique, dont l'administration sur l'île s'est effondrée et a été de fait remplacée par des institutions parallèles, finit par négocier avec les nationalistes irlandais et obtient après le chantage d'une « guerre totale » qu'ils acceptent une indépendance relative en 1922 et la partition de l'île, le Royaume-Uni conservant six des neufs comtés de la province d'Ulster, majoritairement peuplés des descendants des anciens colons anglais et écossais, mais surtout partie la plus riche et la plus industrialisée (avec notamment les importants chantiers navals de Belfast). Le Sud connut une guerre civile de deux ans (l'IRA sera la branche armée du Sinn Féin maintenu refusant le traité imposé par la Grande-Bretagne) et n'accéda à l'indépendance pleine et entière qu'en 1938, la République y sera enfin proclamée en 1948-1949.

Au nord, c'est un régime ségrégationniste qui se met en place sous l'autorité de dirigeants politiques acquis à la couronne britannique et considérant les Irlandais catholiques qui constituent alors quelques 40% de la population de la province au mieux comme des ennemis de l'intérieur, souvent comme des sous-hommes ou des demi-sauvages. Ainsi dans l'une des provinces appartenant directement à la démocratie européenne la plus avancée un gouvernement anti-démocratiques va diriger le territoire pendant plus de 40 ans, sans aucune autre réaction que quelques attentats ratés organisés par ceux qui se considèrent comme les continuateurs de l'IRA de 1916 et de 1922.

Plusieurs dirigeants de l'apartheid qui régit l'Afrique du Sud en visite en Irlande du Nord au début des années 1960 s'exprimeront publiquement sur place pour dire tout le bien et l'admiration qu'ils éprouvent pour le régime nord-irlandais, qu'ils jugent « plus efficace » que le leur !?! Les Irlandais catholiques sont de fait exclus de la plupart des offices publics, l'embauche des Protestants est systématiquement favorisée. Ainsi malgré l'existence d'une importante classe ouvrière en Irlande du Nord, les ouvriers unionistes défendirent toujours le point de vue de leurs industriels unionistes considérant les ouvriers catholiques comme des ennemis. L'Ulster Unionist Party règne en maître sur la Province avec l'appui de l'Ordre d'Orange, officine maçonnique protestante. Seuls quelques députés provinciaux indépendants arrivent à se faire élire dans les comtés les plus catholiques de la province, où une partie des habitants acceptent de participer aux élections.

En 1964, pour dénoncer les discriminations économiques est créé le mouvement Campaign for Social Justice. Après plusieurs attaques contre les Irlandais inspirées par le Révérend Ian Paisley, la Northern Ireland Civil Rights Association (NICRA) est fondée en 1967 sur le modèle du mouvement d'émancipation des noirs américains ; elle en reprend d'ailleurs l'hymne We Shall Overcome. Le mouvement aconfessionnel, soutenu par toutes les organisations et tendances politiques ne soutenant pas le régime, a pour objectif l'instauration d'une véritable démocratie fondée sur l'égalité des droits civiques, sociaux et économiques dans la Province. Ces manifestations de plus en plus massives vont systématiquement être attaquées physiquement par les organisations paramilitaires « loyalistes », ce qui justifiera l'envoi en 1968 d'un contingent militaire britannique initialement pour garantir la paix civile. Mais la troupe et l'encadrement militaire vont rapidement considérer la population irlandaise, non unioniste, comme suspecte ou en soi hostile ; ils vont collaborer avec les mouvements paramilitaires loyalistes. Des attentats organisés par ces groupes sont même attribués à l'IRA qui n'a à cette époque pas une seule arme en état de marche ou d'explosifs.

L'IRA scissionne en décembre 1969, entre ceux qui (fidèles à la direction marxiste-léniniste du Sinn Féin) veulent privilégier la lutte « politique et économique » et ceux qui face aux exactions croissantes des paramilitaires et de l'armée britannique veulent se réarmer pour protéger la population irlandaise. Sinn Féin scissionne sur les mêmes modalités dans les semaines qui suivent. Le réarmement de l'organisation politico-militaire nationaliste débute alors. Cependant aucune des manifestations de la NICRA ne peut se dérouler en sécurité : le 30 janvier 1972, l'armée britannique tire sur des manifestants pacifiques et fait 14 morts. La fable d'une provocation armée de l'IRA a été depuis longtemps éventée et la justice britannique a reconnu la responsabilité entière et totale de l'armée dans ce massacre. Le gouvernement britannique supprimera les institutions autonomes de la province cette même année. Mais la guerre civile est lancée. Elle fera plus de 3 500 morts. L'IRA va désormais recruter à tour de bras et ses actions militaires vont rattraper celles des mouvements paramilitaires loyalistes. D'un côté comme de l'autre, les cibles ne furent pas seulement policières et militaires et des dérives mafieuses ont été fréquentes. Après que John Major eut fait échouer la plus longue trêve décrétée par l'IRA en 1994 par son refus d'engager des discussions politiques, une nouvelle trêve est décrétée après l'élection de Tony Blair en 1997. Les négociations s'engagent qui conduiront aux « accords du Vendredi Saint », à la démocratie, au partage du pouvoir et au désarmement.

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2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 14:44

Je vous recommande de lire ci-dessous l'excellent article d'analyse paru dans La Tribune lundi 29 février sous la plume de Romaric Godin. En effet, la République d'Irlande loin d'être un finisterre de l'Europe est un Etat totalement partie prenante de la construction européenne et membre de la zone euro, à la différence de son grand voisin et ancienne métropole coloniale britannique.

Longtemps structurée par les seules rivalités entre partis issus du nationalisme irlandais (alternance entre Fianna Fail et Fine Gael qui s'étaient séparés en 1922 sur la question de savoir à quel degré d'autonomie et/ou d'indépendance pouvait accéder l'Irlande alors que la Grande Bretagne la menaçait d'une guerre totale si les Républicains n'acceptaient pas la partition de l'île et le traité qu'elle voulait leur imposer), les effets de la dérive de la construction européenne et de l'austérité imposée à tous changent désormais profondément la structure du paysage politique de la République d'Irlande.

Le Sinn Féin - républicains irlandais de gauche - apparaît à nouveau comme une force politique majeure grâce à l'implication récente de ses dirigeants nordistes (branche politique de l'IRA) dans les affaires du sud ; il a engagé depuis plusieurs années une campagne politique contre l'austérité, sur des fondements socialistes démocratiques, sans abandonner l'espoir d'une réunification républicaine de l'Irlande. Ces élections générales sonnent cependant comme une déception pour les Républicains irlandais : portés par leur lutte contre l'abrogation de la gratuité de l'eau, ils auraient pu espérer devenir le 2e parti de la République avec près de 20% des intentions de vote ; ils arrivent en quatrième position derrière le Fine Gael (du premier ministre sortant Enda Kenny), le Fianna Fail et les candidats indépendants en termes de suffrages avec 13,85%, mais ont obtenu quelques 23 sièges dans le nouveau Dail. Leur campagne a fait les frais de quelques erreurs de communication mais aussi dans les dernières semaines d'une véritable campagne de haine comparable à la menace d'un défilé de chars soviétiques sur les Champs Elysées en cas de victoire de la gauche française en 1981. Cependant, les deux grands partis irlandais ne peuvent plus prétendre dominer seuls la politique irlandais ; ils ne peuvent plus compter non plus sur le petit parti travailliste irlandais (6,6% des voix - 6 sièges : autant qu'un petit parti de gauche anti-austérité) qui leur servait de force d'appoint et à perdu 13% des suffrages en 5 ans pour avoir mené aux côtés du Fine Gael la politique ultra-libérale imposée par la commission européenne.

La leçon est implacable pour la gauche européenne qui ferait bien d'observer de plus près la recomposition en cours en République d'Irlande.

Frédéric FARAVEL

Elections en Irlande : les trois leçons pour l'Europe

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La lourde défaite de la coalition sortante en Irlande est aussi une défaite pour la stratégie économique des autorités européennes à l'oeuvre depuis 2010. Quels enseignements tirer du scrutin irlandais ?

Les élections irlandaises du 26 février n'étaient pas qu'un test pour le gouvernement sortant du Taoiseach (premier ministre) Enda Kenny, c'était aussi une épreuve électorale pour les politiques imposées par les autorités européennes à partir de 2010 à ce pays comme au quasi-reste de la zone euro. Car la politique de la coalition sortante, qui regroupait le Fine Gael du premier ministre et les Travaillistes du Labour, n'est pas celle du programme de ces partis lors des précédentes élections, c'est celle qui a été imposée par la troïka (BCE, FMI, Commission européenne). Lorsque, en avril 2011, le nouvel exécutif a tenté, comme il s'y était engagé, de faire payer les créanciers des banques plutôt que les contribuables, la BCE, alors dirigée par Jean-Claude Trichet, l'a forcé à faire marche arrière, menaçant de « lancer une bombe sur Dublin », autrement dit, de sortir "manu militari" l'Irlande de la zone euro si elle désobéissait.

« Élève modèle »

A partir de 2013, l'Irlande a eu le statut « d'élève modèle » de cette politique : premier pays à sortir du « programme » de la troïka, premier à revenir sur les marchés, premier à retrouver une croissance entretemps devenue très rapide. En mars 2014, le Parti populaire européen (PPE) avait choisi Dublin pour lancer sa campagne pour les élections européennes, laquelle avait abouti à la nomination de Jean-Claude Juncker, le candidat soutenu par Angela Merkel, à la présidence de la Commission. La chancelière n'avait alors pas assez de louanges pour Enda Kenny. Un an plus tard, alors que l'Eurogroupe tentait de briser la volonté de changement du nouveau gouvernement grec, Wolfgang Schäuble, Jeroen Dijsselbloem et ce même Jean-Claude Juncker n'en finissaient pas de se référer, inlassablement, à l'exemple de l'Irlande, pour justifier le prétendu succès des « réformes ».

Échec cuisant pour Enda Kenny... et les dirigeants de la zone euro

C'est dire si le bilan d'Enda Kenny doit être identifié à celui des dirigeants de la zone euro. Et donc, si son échec est aussi le leur. Or, cet échec est cinglant. Sur les « premières préférences » (les Irlandais établissent des votes par ordre de préférence), le Fine Gael et le Labour obtiennent respectivement 25,52% et 6,61 %. Ces 32,13% des voix représentent un recul de 23,6 points. 43% de l'électorat de la coalition en 2011 l'ont abandonné vendredi dernier. Certes, le Fine Gael demeure la première force d'Irlande, mais c'est une bien piètre consolation : il revient sous son score de 2007, à un niveau assez traditionnel. Bref, il retrouve son électorat habituel alors que la crise lui donnait l'opportunité de remplacer le Fianna Fáil comme parti dominant de la politique irlandaise. Surtout, Enda Kenny aura bien du mal à constituer une nouvelle coalition.

Cette défaite est donc aussi la défaite des autorités européennes. Aussi, ces dernières seraient-elles bien inspirées de retenir quelques leçons de ce scrutin irlandais de 2016.

1ère leçon : la croissance ne suffit pas

Le premier enseignement de l'élection est que la croissance du PIB ne suffit pas à effacer les effets négatifs de l'austérité et des « réformes ». Cet enseignement était déjà apparu clairement après les élections espagnoles du 20 décembre. Les taux de croissance, dont se félicitent les autorités européennes, ne représentent en effet qu'une partie de la réalité. Mais c'est oublier que cette prospérité est forcément très inégale car elle est fondée sur un abaissement du coût du travail. Ainsi, les ménages les plus fragiles sont encore plus fragilisés par une précarisation accrue de l'emploi, des salaires faibles, des transferts sociaux réduits et des services publics dégradés.

> L'erreur d'Enda Kenny

Enda Kenny a donc commis une erreur fondamentale en niant cette situation et en centrant son discours sur la « poursuite de la reprise », alors que la majorité des Irlandais vivent encore un quotidien marqué par les mesures d'austérité. Dès lors, la crédibilité de son discours a fondu comme neige au soleil. En deux semaines, son parti a perdu cinq points dans les sondages. Les électeurs ont compris, non sans raison, son slogan sur la reprise comme un simple déni de réalité.

> Une croissance malgré l'austérité, pas grâce à l'austérité

L'autre élément, plus propre à l'Irlande, est que la croissance du pays n'est, en réalité, pas le fruit de l'austérité. Elle est le fruit de la stratégie d'attractivité du pays pour les grandes multinationales, stratégie centrée sur la faiblesse des impôts sur les sociétés. Or, là encore, les électeurs irlandais n'ont pas été dupes. Ils savent que la croissance « à la chinoise » du pays ne leur profite pas parce qu'elle est dopée artificiellement par les transactions de ces groupes mondiaux dont la présence n'améliore que très partiellement la vie quotidienne des Irlandais. Le discours d'Enda Kenny - soutenu implicitement par les Européens -, qui consistait à lier la croissance du pays à la politique d'austérité, est donc apparu à la fois déconnecté du terrain et mensonger. Les Irlandais savent que la croissance est revenue en dépit de la politique de la coalition, non grâce à elle. Ils n'ont donc pas été « ingrats » ou « irréfléchis », mais bien logiques et réfléchis en sanctionnant le gouvernement sortant.

> Un modèle « non inclusif »

La leçon à retenir pour l'Europe est qu'il convient de remettre en question cette logique de « réformes » visant à abaisser le coût du travail. Cette stratégie est économiquement discutable et conduit à des croissances « non inclusives », pour reprendre les mots des grands instituts économiques européens. S'extasier sur des chiffres est donc inutile et contre-productif : la zone euro, pour survivre, doit promouvoir un modèle de croissance « inclusif ».

2e leçon : la destruction des systèmes politiques

La deuxième leçon est politique. Comme en Grèce et en Espagne - et dans une moindre mesure au Portugal -, les « réformes » et l'austérité ont fait exploser le système politique traditionnel. La cause en est évidente. En Irlande, lorsque la deuxième phase de la crise a débuté, en novembre 2010, le gouvernement Fianna Fáil de Bertie Ahern a tenté de réduire l'ajustement en faisant participer les créanciers au sauvetage des banques, seule source du déficit public. Mais la BCE a menacé le gouvernement, lequel gouvernement a finalement reculé, acceptant le « programme » de la troïka. En avril 2011, le nouveau gouvernement d'Enda Kenny a fait la même tentative - c'était sa promesse - mais comme la BCE a réagi de même, le gouvernement a, de nouveau, fait machine arrière. L'électorat a tiré de ces événements une conclusion très simple: les trois partis traditionnels du pays mènent la même politique et sont incapables d'imposer leurs vues à la zone euro - ils sont donc inutiles. Certes, en Irlande, l'alternance a toujours été rare et peu signifiante, les deux partis étant de centre-droit. Jusqu'en 2011, cette alternance de forme permettait au système politique de fonctionner. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les Irlandais ont besoin d'une vraie alternance et le caractère factice du système politique traditionnel apparaît au grand jour. Ceci a conduit à un pays difficilement gouvernable.

> Fianna Fáil en hausse, mais pas assez pour sauver les partis traditionnels

Certes, Fianna Fáil obtient un beau score au regard de ses espérances de début de campagne : 24,35 % des voix, soit 6,8 points de plus qu'en 2011. Mais compte tenu du mécontentement général, cette hausse demeure bien réduite. L'ancien parti dominant de l'Irlande qui, jadis, était capable de rassembler dans toutes les classes de la société n'a pu récupérer que moins d'un tiers des déçus de la coalition. Pour se convaincre que ce score du Fianna Fáil est médiocre, il faut se souvenir qu'il s'agit du deuxième plus mauvais score depuis 1927... après celui de 2011. Bref, le Fianna Fáil n'apparaît pas vraiment comme une alternative. Les deux grands partis ensemble ne cumulent, du reste, que 49,9 % des voix, un record historique de faiblesse. Jamais Fine Gael et Fianna Fáil n'avaient mobilisé moins de la moitié de l'électorat. En 2007, par exemple, ils cumulaient 69 % des voix.

> Poussée de la gauche radicale

Les déçus de la politique d'austérité sont donc allés ailleurs. Mais les Irlandais sont désemparés. Ils n'ont pas su choisir une direction claire et se sont dispersés dans trois directions. Première direction, la gauche radicale qui, avec le Sinn Féin, les Verts et l'Alliance contre l'austérité, obtient le plus haut score de son histoire dans ce pays très conservateur qu'est l'Irlande :  20,52 % des voix contre 14 % en 2011. Le caractère très particulier du Sinn Féin, longtemps vitrine de l'IRA, mais aussi une campagne électorale médiocre, ont cependant joué contre lui et son score, 13,85 %, est au final, très décevant pour lui. L'Alliance contre l'Austérité (3,95 %) en a profité, mais elle reste un mouvement marginal, quand bien même elle aura 5 sièges.

> Le succès des indépendants et de l'abstention est celui du non-choix

La deuxième direction empruntée par les électeurs a été celle des indépendants, lesquels recueillent 17,83 % des voix, contre 12,1 % en 2011. Les Irlandais, faute de mieux, ont donc souvent fait le choix de personnalités qu'ils jugent honnêtes et compétentes, en dehors des grands partis. Mais ce choix reflète en vérité surtout un désarroi : celui de ne pouvoir choisir sa politique car il existe des indépendants de tous bords, d'extrême-gauche, ultraconservateurs, libéraux ou sociaux-démocrates. Faute de pouvoir choisir sa politique, on a donc choisi des hommes. Cela ressemble en fait à un non-choix. Comme l'est le "choix" de l'abstention -la troisième direction -, en hausse de 5 points ce 26 février.

> Le désarroi des opinions publiques fabrique l'instabilité politique

La deuxième leçon pour l'Europe est donc celle-ci : en abandonnant l'idée de pouvoir proposer de vraies alternatives pour complaire aux autorités européennes, les partis traditionnels ont perdu leur capacité de mobilisation. Il s'ensuit un désarroi de l'électorat, cherchant où il peut des alternatives et de l'espoir, avec comme conséquence une dispersion des voix qui rend les pays difficilement gouvernables. Les élections portugaises du 4 octobre et espagnoles du 20 décembre ont confirmé cette leçon. Les « réformes » promues par tous les grands partis sont des machines à détruire les systèmes politiques. Ce sont des machines à créer de l'instabilité politique et à porter des partis radicaux au pouvoir. Ce sont donc des sources potentielles de crises nouvelles, non de prospérité, comme on le croit souvent. Ces dissolution des systèmes politiques se voient aujourd'hui sur tout le continent.

3e leçon : la leçon à la social-démocratie européenne

La dernière leçon est pour la social-démocratie européenne. Le Labour irlandais a subi ce 26 février une débâcle historique. Avec 6,67 %, les Travaillistes réalisent le troisième plus mauvais score de son histoire, le pire depuis 1987. Il perd près de 13 points en cinq ans et n'aura que 6 élus, un seul de plus que l'Alliance contre l'Austérité. Certes, le Labour irlandais n'a jamais vraiment percé dans le pays, bloqué par un Fianna Fáil qui était perçu comme le parti de la classe ouvrière. Il a toujours été très « centriste » et un allié traditionnel du Fine Gael. Mais 2011 et l'éclatement de ce dernier parti avait donné une chance historique au Labour. Avec 19,5 %, il réalisait alors son meilleur score depuis 1922 et parvenait à séduire les déçus du Fianna Fáil sur un programme anti-austéritaire. Mais il a bradé cette chance en s'alliant avec Enda Kenny. Pour beaucoup de ses électeurs, le Labour n'a pas su jouer son rôle d'amortisseur de la politique d'austérité du gouvernement. En réalité, soucieux de « bien faire », le Labour a été solidaire de cette politique et actif dans sa mise en œuvre, ne cessant d'insister sur le caractère « nécessaire » des réformes. Or, on l'a vu, ce caractère était loin d'être évident.

> La déroute du parti de "l'absence d'alternative"

Le Labour s'est alors enfermé dans une logique d'absence d'alternative, il est devenu le « parti TINA ("there is no alternative", il n'y a pas d'alternative) ». Durant la campagne, il l'a confirmé en ne se dissociant guère du Taoiseach et en publiant une publicité très parlante dans les journaux : les opposants au gouvernement sous forme de groupe de rock baptisé « no direction ». Histoire de dire que seul le gouvernement sortant avait une direction. Mais comme cette direction n'était pas celle que souhaitait l'électorat, le Labour est apparu comme un parti d'opportunistes sans foi ni loi, inutile politiquement, et subissant logiquement les conséquences de la volonté de changement des électeurs. Une grande partie de ses électeurs de 2011 sont retournés au Fianna Fáil, qui s'est engouffré dans l'espace laissé au centre-gauche, d'autres sont allés à sa gauche. Désormais, les électeurs des partis qui se situent sur sa gauche représentent plus de trois fois ceux du Labour. On voit mal comment le Labour pourra se remettre d'un tel désastre politique et idéologique.

> Le choix de la social-démocratie européenne

L'histoire du Labour irlandais doit être une leçon pour la social-démocratie européenne. Lorsque cette dernière refuse d'incarner une alternative aux politiques de centre-droit, mais au contraire, se fait son bras armé et son allié, son sort est souvent scellé. Les travaillistes néerlandais de Jeroen Dijsselbloem pourraient connaître un score similaire : le dernier sondage le fait passer de 38 à... 9 sièges ! C'est ce qu'a compris le PS portugais, pourtant très réformiste, qui tente de porter une alternative au centre-droit en s'alliant avec la gauche radicale. C'est ce que refuse de comprendre un PS français pressé de couper l'herbe sous le pied du centre-droit, réduisant ainsi encore son utilité politique. Bref, les élections de la lointaine Irlande sont une nouvelle preuve de l'impasse des politiques d'austérité. Mais la leçon risque encore une fois d'être très rapidement oubliée.

Les résultats complets des élections irlandaises sur le site de l'Irish Times (en anglais).

Gerry Adams, président de Sinn Féin, et député au Dail Eireann, durant la campagne électorale (février 2016)

Gerry Adams, président de Sinn Féin, et député au Dail Eireann, durant la campagne électorale (février 2016)

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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 09:16

 


Si je me souviens bien ce concert était le 7 ou 9 novembre 1987, et se déroulait à Phoenix-Arizona... Le même jour, l'IRA avait commis un attentat contre un défilé d'anciens combattant à Enniskillen, à l'ouest de l'Uslter dans la partie occupée par les Britanniques de l'Irlande.
Bono dénonce avec force l'utilisation de la violence sous l'alibi de vouloir transformer la société et réunifier l'Irlande. S'attaquer à l'armée britannique, c'est une chose, s'attaquer à des civils, appliquer la loi du talion pour contrôler les quartiers populaires en sont une autres, la frontière qui passe entre terrorisme et résistance/révolution...

Depuis l'IRA a abandonné la lutte armée, sous la pression de sa branche politique le Sinn Féin, les accords du Vendredi-Saint ont été signés en 1998, et Martin McGuiness, ancien commandant de l'IRA, est devenu vice-premier ministre d'Irlande du Nord. Les Républicains irlandais font avancer aujourd'hui plus la cause d'une Irlande unifiée et progressiste en pariant sur la paix et la mutuelle acceptation que par la violence aveugle...

La chanson se termine avec la rose au poing, tout un symbole, Sinn Féin mériterait aujourd'hui plus que bien d'autres organisations d'être intégrée dans le Parti des socialistes européens !

FF
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15 juin 2010 2 15 /06 /juin /2010 18:17
David Cameron est "profondément désolé" pour le Bloody Sunday
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 15.06.10 | 10h21  •  Mis à jour le 15.06.10 | 19h07

 

rente-huit ans après le "Bloody Sunday" ("dimanche sanglant"), Londres reconnaît la responsabilité de ses soldats dans la répression sanglante d'une manifestation catholique à Londonderry. "Ce qui s'est passé le jour du Bloody Sunday était non justifié et non justifiable. C'était mal", a déclaré le premier ministre britannique, David Cameron, au moment de rendre public le rapport sur le dimanche sanglant du 30 janvier 1972 qui avait vu la mort de 14 manifestants.
Photo du face à face entre les parachutistes britanniques et les manifestants irlandais, le 30 janvier 1972.
AP/PA
Les conclusions de l'enquête seront forcément sujettes à controverse dans une Irlande du Nord encore traumatisée par son passé.

Cinq mille pages de conclusions, plus de 2 500 témoignages, un coût dépassant 190 millions de livres (230 millions d'euros), 12 ans d'enquête pour reconnaître que la responsabilité du drame incombe aux soldats qui "ont perdu le contrôle d'eux-mêmes", a expliqué M. Cameron. Au nom du pays, "je suis profondément, profondément désolé, a-t-il déclaré. Ce qui s'est passé n'aurait jamais dû se passer". Son discours, retransmis en direct à Londonderry, a soulevé des hourras d'enthousiasme dans le millier de personnes regroupées devant l'écran géant diffusant l'adresse du chef du gouvernement.

Le 30 janvier 1972, des parachutistes britanniques avaient fait feu dans une foule de catholiques manifestant à Londonderry pour la défense de leurs droits civiques. Treize personnes avaient succombé sur le coup, une autre plus tard à l'hôpital. Une enquête menée sitôt les faits avait jugé que les soldats avaient riposté à des tirs de manifestants. Aucune arme n'avait cependant été retrouvée et aucun militaire blessé.

Durant leur enquête, les membres de la commission Saville ont entendu l'ex-premier ministre britannique Edward Heath, l'ancien chef d'état-major britannique Mike Jackson, et l'actuel vice-premier ministre nord-irlandais, Martin McGuinness, qui a confirmé lors de son audition qu'il appartenait en 1972 à l'IRA. Il n'est pas exclu que le rapport débouche sur des poursuites judiciaires à l'encontre de cadres de l'armée. Personne, toutefois, ne pourra être incriminé par son propre témoignage devant les juges.

La presse avait annoncé que le rapport allait innocenter les victimes mais il restait à savoir si elle allait accréditer la thèse des soldats incriminés qui avaient dit avoir fait feu parce que des "terroristes" de l'IRA (Armée républicaine irlandaise) s'étaient infiltrés dans la foule, parmi les manifestants. Sur ce point, le rapport diffusé après le discours de M. Cameron a conclu qu'aucun des treize catholiques tués le jour-même, et un quatorzième mort plusieurs mois plus tard, "ne représentait une menace de mort ou risquait de provoquer des blessures graves". Le texte accuse également des soldats d'avoir "en toute connaissance de cause fait des fausses déclarations afin de tenter de justifier leurs coups de feu".

MARCHE SYMBOLIQUE

Dans la matinée de mardi, les familles des victimes ont repris symboliquement le défilé qui avait été interrompu en 1972 à Londonderry, que les séparatistes catholiques préfèrent appeler Derry. Brandissant des photos en noir et blanc des victimes, les proches des victimes ont marché lors d'une procession silencieuse depuis le monument dédié au "Dimanche sanglant", sur Rossville Street, jusqu'au guildhall (mairie). Des milliers de personnes se sont ensuite rassemblées devant le bâtiment officiel pour assister sur écran géant au discours de David Cameron.

"On peut dorénavant proclamer au monde que les morts et les blessés du Bloody Sunday… étaient innocents, abattus par balles par des soldats à qui on a fait croire qu'ils pouvaient tuer impunément", a déclaré sous les applaudissements Tony Doherty, dont le père Paddy comptait parmi les morts.

Le Bloody Sunday est considéré comme l'un des faits les plus marquants des trente ans de "troubles" entre catholiques et protestants, qui ont fait 3 500 morts environ, et auxquels a mis fin un accord de paix signé en 1998. Entré dans la culture populaire avec la chanson du groupe irlandais U2 puis le film du cinéaste britannique Paul Greengrass, le Bloody Sunday symbolise aux yeux des nationalistes irlandais l'arbitraire de l'ennemi britannique. Quelles qu'elles soient, les conclusions de Lord Saville promettent d'être polémiques, dans une société encore divisée malgré les progrès accomplis. Elles fourniront aussi un test de la stabilité du gouvernement d'union entre protestants et catholiques.

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15 juin 2010 2 15 /06 /juin /2010 18:12

à lire absolument dans les pages du Guardian

http://report.bloody-sunday-inquiry.org/volume01/

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12 juin 2010 6 12 /06 /juin /2010 14:22
LEMONDE.FR avec AFP | 12.06.10 | 13h09  •  Mis à jour le 12.06.10 | 14h06


l aura fallu douze ans à la commission emmenée par Lord Saville pour rendre les conclusions de son enquête sur la mort de quatorze civils, tués le 30 janvier 1972 par l'armée britannique, dans ce qui est resté connu comme le Bloody Sunday, le dimanche sanglant.
La violence de la police britannique lors du
BOYES KELVIN/FSP
La violence de la police britannique lors du "Bloody Sunday" a été largement mise en cause.

Le Guardian, qui s'est procuré une copie du rapport qui sera rendu mardi, affirmait, vendredi 11 juin, que plusieurs de ces morts seront qualifiées de "meurtres illégaux", mettant "sous pression le parquet d'Irlande du Nord pour lancer des poursuites contre des soldats".

Des informations démenties par les autorités : "Des spéculations de ce genre ne peuvent qu'ajouter au stress et à l'anxiété de ceux qui sont le plus directement concernés par tout cela – les familles de ceux qui ont été tués et blessés et les soldats qui ont attendu longtemps ce rapport", a déclaré à l'AFP une porte-parole du Northern Ireland Office, qui représente les autorités britanniques en Irlande du Nord.

CELA "POURRAIT CONDUIRE DES SOLDATS DANS LE BOX DES ACCUSÉS"

Le 30 janvier 1972 à Londonderry, dans le nord-ouest de l'Irlande du Nord, quatorze hommes désarmés avaient été abattus par des parachutistes britanniques, au cours d'une manifestation pour la défense des droits civiques des catholiques.

Une première enquête éclair à l'époque du drame avait blanchi l'armée britannique et donné crédit à la version militaire des faits, selon laquelle les soldats n'avaient fait que riposter au feu des manifestants. Sous la pression de l'opinion et des familles des victimes, le premier ministre britannique Tony Blair avait confié en 1998 au juge Mark Saville le soin de faire toute la lumière sur les événements controversés.

"J'ai dit alors au premier ministre que si on s'écartait d'un millimètre de cette conclusion [de la première enquête], on entrerait dans le territoire de l'homicide involontaire, voire du meurtre", a expliqué au Guardian Lord Trimble, ancien chef du Parti unioniste d'Ulster et l'un des architectes de l'accord de paix dit du "Vendredi saint" en 1998. Il a dit avoir ajouté que cela "pourrait conduire des soldats dans le box des accusés".

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 08:22

La société britannique après 13 ans de travaillisme
En paix, Belfast fait peau neuve en dépit de nombreux murs entre communautés
LE MONDE | 29.04.10 | 14h42  •  Mis à jour le 29.04.10 | 14h49
Belfast Envoyé spécial


Un processus de paix, c'est aussi une histoire de voirie. Celui qui est en cours en Irlande du Nord, depuis 1998, n'en finit pas d'élargir les routes de la province, d'embellir les rues du centre de Belfast, d'y tracer les avenues de nouveaux quartiers d'affaires. Mais il n'a pas encore pu relier les artères déchirées, dans les faubourgs populaires, par trente années de guerre civile et 3 600 morts, entre les catholiques nationalistes de l'IRA et de sa branche politique, le Sinn Féin, partisans d'un rattachement à la République d'Irlande voisine, et les protestants loyalistes, favorables au maintien de l'Ulster dans le Royaume-Uni.

Aujourd'hui, les 2 camps gèrent ensemble une région devenue plus autonome, au terme d'accords initiés et sans cesse relancés par les gouvernements travaillistes qui se sont succédé à Londres. Et l'un des effets les plus frappants de ce lent processus est d'avoir rendu invisible la frontière la plus surveillée d'Europe occidentale.

Sur le trajet Dublin-Belfast, les blocs de béton et les miradors de l'armée britannique ont cédé la place à un chantier d'autoroute qui facilite chaque année davantage le passage entre les deux Irlandes. Les habitants de la République profitent du taux de change favorable entre l'euro et la livre pour faire le plein dans les supermarchés de la ville frontalière de Newry. Ceux du Nord, y compris les unionistes qui faisaient auparavant comme si seule l'Ulster existait sur l'île, n'hésitent plus à l'utiliser pour prendre les vols low cost depuis Dublin.

Belfast a largement profité de ces nouveaux échanges, ainsi que de l'injection massive de capitaux par le gouvernement britannique, l'Union européenne et les Etats-Unis. La cité s'est dotée de tout le mobilier urbain des centres-villes tendance, de buildings en verre et de centre commerciaux ultramodernes. S'y promener aujourd'hui revient à substituer une vision couleur aux images noir et blanc de l'époque des "troubles".

"Dans certains quartiers, le boom immobilier a multiplié le prix des maisons par 7 en 10 ans", explique Michael Morgan, conseiller financier. Mais cette embellie n'a pas débouché sur les mêmes excès que ceux de la République voisine, aujourd'hui foudroyée par la crise économique. Belfast, protégée par ses emplois publics (60 % de la population active), limite mieux les dégâts que Dublin. "Les chantiers ont ralenti, dit M. Morgan, mais il n'y a pas eu d'effondrement." Les promoteurs craignent de ne pas arriver à boucler les travaux du nouveau quartier Titanic (à l'emplacement des chantiers navals qui ont livré le paquebot en 1912) à temps pour marquer ce centenaire.

Dans les quartiers populaires, un type de construction n'a cessé de prospérer avec la paix. Ce sont les murs, de plus en plus hauts, de plus en plus nombreux, qui séparent communautés. "On en compte près de quarante aujourd'hui, selon Dominic Bryan, directeur des études irlandaises à l'université Queen's de Belfast. Ce qui fait que la ville n'a à la fois jamais été aussi calme et aussi divisée. La nouvelle philosophie locale est devenue : les hauts murs font les bons voisins."

Ces séparations, hautes de plusieurs mètres et prolongées de filets pour empêcher les jets de pierres, officialisent les anciennes déchirures urbaines, lieux d'affrontements au temps des "troubles". Elles peuvent couper un parc en deux ou cerner parfois une rue unique, réduit unioniste dans une enclave catholique. Au fil des années du processus, elles sont ajoutées aux murs historiques, comme celui qui sépare les fiefs unionistes de Shankill Road et catholique de Falls Road, dans l'ouest de la ville. Ceux-là, et leurs peintures partisanes, sont devenus l'objet d'un tourisme de la mémoire, transformant Belfast en musée de ses "troubles".

"Le problème, c'est que ces séparations coûtent très cher, poursuit Dominic Bryan. De ce point de vue, la paix n'a rien réglé, il faut tout financer en double, entre des zones séparées parfois par quelques dizaines de mètres : les équipements sociaux, les centres de loisirs, les programmes de logements. Ce gaspillage institutionnel rend le système éducatif particulièrement inefficace." A peine 5 % de la population nord-irlandaise consent à placer ses enfants dans une école ouverte aux deux confessions.

"Nous ne sommes pas demandeurs de ces murs. C'est l'Etat britannique qui les construit", affirme Michael Culbert, ancien membre de l'IRA, qui a passé seize ans dans la prison de Long Kesh, à un bloc de celui où Bobby Sands et huit codétenus mourraient d'une grève de la faim. L'homme anime aujourd'hui Coiste, une association qui offre des activités aux anciens prisonniers politiques nationalistes, en plein coeur de Falls. "Grâce au processus, dit-il, l'armée britannique a disparu de nos rues, les habitants de nos quartiers ne sont plus l'objet de discriminations dans l'accès au travail. Bientôt, nous pourrons aussi détruire ces murs." Selon lui, les nouveaux remparts ne servent qu'à séparer des bandes de gamins qui ont substitué une "violence récréative", expression d'un sentiment de relégation sociale, aux affrontements politiques. "Un peu comme dans vos banlieues françaises", glisse-t-il.

Pour l'heure, le principal souci du Sinn Féin, qui codirige la région avec l'UDP unioniste, est de sortir les populations les plus pauvres de leur "culture du chômage". C'est parmi ces jeunes, qui n'ont vu ni leurs parents ni leurs grands-parents travailler et qui se sentent rejetés par le boom économique, que les nouveaux mouvements clandestins nationalistes recrutent leurs éléments les plus virulents.

Depuis 2 ans, l'activité violente de ces dissidents de l'IRA s'est intensifiée. Elle est aujourd'hui la principale menace pour un processus de paix, dont la grande majorité des Irlandais du Nord ont tiré une substantielle amélioration de leurs conditions de vie.

Jérôme Fenoglio
Article paru dans l'édition du 30.04.10

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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 16:01
L'IRA Véritable menace de frapper à Londres et en Ulster
LE MONDE | 14.04.09 | 15h06  •  Mis à jour le 14.04.09 | 15h06
LONDRES CORRESPONDANTE

es tensions se sont ravivées en Irlande du Nord depuis les 2 attentats des dissidents républicains, début mars, qui ont fait trois morts. L'IRA Véritable a revendiqué l'assassinat de deux soldats britanniques et l'IRA Continuité celui d'un policier.

Dans son communiqué de Pâques, dimanche 12 avril, l'IRA véritable a menacé de mort Martin McGuinness, le vice-premier ministre catholique qui partage le pouvoir avec le premier ministre protestant Peter Robinson depuis mars 2007. Pour l'organisation, cet ancien commandant de l'IRA, rallié au processus de paix, incarne la trahison à la cause d'une Ulster indépendante. "Aucun traître n'échappera au jugement, quels que soient le temps écoulé, sa fonction et son passé. Le mouvement républicain n'oublie rien", explique l'organisation, qui s'est séparée en 1997 d'une IRA qu'elle jugeait trop pacifiste.

M. McGuinness, qui a condamné les attentats de ses anciens camarades, s'est par ailleurs engagé à collaborer avec la police pour l'aider à arrêter les responsables. L'homme politique a demandé de faire de même à tous ceux qui détiendraient des informations.

Un appel à dénonciation que n'ont pas apprécié tous les sympathisants du Sinn Féin, quand bien même ils ont soutenu la branche politique de l'IRA dans son désir de mettre fin à plus de 30 ans de "troubles". "Rappelons à notre ancien camarade l'exemple de Denis Donaldson", a poursuivi l'organisation dans une interview anonyme au Sunday Tribune. L'IRA Véritable a confié à l'hebdomadaire avoir été à l'origine du meurtre en 2006 de cet ancien responsable du Sinn Féin qui avait avoué avoir été un espion britannique.

Les dissidents républicains menacent aussi les catholiques qui s'enrôlent dans la police nord-irlandaise, mise en place par les accords de paix, dits "du Vendredi Saint", signés en 1998. Ils ont enfin fait savoir qu'ils pourraient prendre Londres pour cible. En 2000 et 2001 déjà, ils s'étaient attaqués aux quartiers généraux du MI6 et de la BBC au sein de la capitale britannique.

La Police nord-irlandaise a eu beau multiplier les arrestations, suite aux attentats terroristes de début mars - aujourd'hui 3 hommes ont été inculpés pour ces 2 affaires, dont un adolescent de 17 ans -, le calme et la sécurité ne sont pas revenus à Belfast. D'autant que des bastions du Sinn Féin semblent désormais s'être ralliés aux mouvements dissidents. Ainsi, début avril, la ville s'est trouvée totalement paralysée pendant une journée après de nombreuses alertes à la bombe. La police nord-irlandaise avait pourtant jugé quelques jours plus tôt que l'Irlande du Nord comptait tout au plus 300 dissidents républicains répartis dans plusieurs organisations incapables de mettre leurs forces en commun. Elle a pu constater que les groupuscules avaient su travailler ensemble.

Virginie Malingre
Article paru dans l'édition du 15.04.09
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