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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

15 décembre 2023 5 15 /12 /décembre /2023 11:29

Retenu par mes obligations professionnelles, je ne pourrai malheureusement être présent aux commémorations qui ont lieu chaque année à Bezons devant la stèle Gabriel-Péri à l'angle de la Rue Maurice-Berteau et de la Rue des Vallées en face du Théâtre Paul-Eluard. Je le regrette fortement car Gabriel Péri est une figure admirable de notre histoire politique et locale. J'aurais particulièrement apprécié d'y participer, je m'y serai rendu en fin de journée à 18h, heure qui me paraît bien plus propice à rassembler les Bezonnais(e)s à la lueur des bougies, plutôt que celle choisie à 11h30 par la Maire de Bezons qui ne permet pas au plus grand nombre de s'y joindre. Voilà bien une méthode de mise à l'écart qui me laisse profondément triste.
Gabriel Péri est un des grands héros français du XXème siècle, icône exemplaire de la lutte contre le fascisme, et mérite au plus haut point notre hommage et notre reconnaissance. Voici pourquoi...

Né à Toulon en 1902, c'est un brillant élève qui emporte au lycée de Marseille de nombreux, mais que la maladie - il souffre très jeune, comme sa mère, de l tuberculose - empêchera d'aller au baccalauréat. Il s'engage dès 1917 au sein des Jeunesses Socialistes et il choisira en décembre 1920 comme les deux tiers des adhérents de la SFIO de rejoindre l'Internationale Communiste ; il devient dès lors secrétaire régional des Jeunesses Communistes de Provence. Dès 1922, il est nommé responsable des Jeunesses Communistes et de son journal L'Avant Garde. Il aurait rencontré Lénine à Moscou fin 1922 lors du congrès international des Jeunesses Communistes.
Il monte à Paris en août 1924 et prend en charge en octobre 1924 la rubrique internationale du quotidien L'Humanité, fonction qu'il exercera sans discontinuer jusqu'au 25 août 1939. Durant cette période, il se révèle être un virulent opposant aux régimes fasciste et nazi.
Après avoir tenté de contester le siège du très droitier député SFIO de Toulon Pierre Renaudel, en 1928, il sera élu député de la première circonscription de l'arrondissement de Versailles lors des élections législatives de mai 1932 ; le cœur de son électorat se trouve sur les bords de Seine autour d'Argenteuil et Bezons, où cette commune est la seule à élire maire communiste depuis 1920. Gabriel Péri, devancé au 1er tour, sera élu au 2nd tour grâce au désistement en sa faveur du candidat socialiste et au retrait du candidat radical. C'est donc une sorte de Député Front Populaire qui entre avec lui au Palais Bourbon deux ans avant la réconciliation entre socialistes et communistes et quatre ans avant le plus grand mouvement social que la France ait connu jusque là et la constitution du cabinet de Léon Blum.

Au sein de la Chambre des Députés, il sera l'un des défenseurs de Célestin Freinet enseignant et pédagogue alors odieusement diffamé par l'institution, il contribuera à l'élection d'un maire communiste à Argenteuil en 1935, il soutiendra l'éducation à Bezons et y inaugurera l'école Louise-Michel. En 1936, candidat du Front Populaire il sera presque réélu dès le 1er tour. Vice-Président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Députés, il ne cessera d'alerter contre la menace fasciste appelant à la solidarité militaire avec la République espagnole, il enquête pour L'Humanité sur la situation coloniale au Maroc, en Algérie et en Tunisie, il dénoncera enfin avec véhémence l'abandon de la Tchécoslovaquie face aux Nazis que soldent les accords de Munich en septembre 1938.
Il sera meurtri par l'annonce de la signature du Pacte de non agression entre l'Allemagne nazie et l'Union Soviétique le 23 août 1939. Mais il ne se désolidarise pas du Parti Communiste Français qui se range derrière le nouveau virage stratégique à 180 degrés de Staline. Et malgré ce pacte et l'interdiction du PCF le 26 septembre, il demande fin septembre 1939 à être incorporé dans l'armée française alors que notre pays a déclaré la guerre au IIIème Reich après que celui-ci a envahi la Pologne le 1er septembre. Gabriel Péri avait pourtant été réformé en 1922 à cause des séquelles pulmonaires de sa tubercolose : il n'avait donc aucune obligation de rejoindre les rangs de la défense nationale.
Le groupe parlementaire communiste reconstitué adresse le 1
er octobre 1939 un courrier au Président de la Chambre demandant que des offres de paix soient faites à Hitler. Gabriel Péri se serait abruptement opposé à ce courrier « Nous fournissons au gouvernement un excellent prétexte pour nous envoyer au poteau de Vincennes ». C'est effectivement ce qui se passe puisque les députés communistes sont désormais passibles d'arrestation. Il y échappe le 8 octobre 1939 ; déchu de son mandat parlementaire en janvier 1940, alors que rien chez lui ne le justifie, il est condamné par contumance par le tribunal militaire en avril à 5 ans de prison.

Cette situation est particulièrement injuste pour un député communiste qui ne partage pas la stratégie stalinienne de la direction du PCF de l'époque... et bien que des responsables communistes français en exil réclament depuis Moscou sa mise à l'écart en l'accusant de collusion avec des "éléments trotskistes", il reste l'un des cadres qui continuent de s'occuper de l'Humanité qui paraît dans la clandestinité et s'oppose avec force à Jacques Duclos et Maurice Tréand qui veulent négocier avec l'occupant nazi sa parution légale. Au contraire, depuis l'appartement du 19e arrondissement de Paris où il s'est retranché, il continue à rédiger des articles pour le journal communiste qui dénonce le nazisme jusqu'à son arrestation. Il entamera à cette époque la rédaction de sa brochure "Non, le nazisme, ce n’est pas le socialisme !" - en rupture totale avec la ligne politique de l'URSS jusqu'en juin 1941, elle ne sera publiée qu'après sa mort.
Il est arrêté le 18 mai 1941, vraisemblablement dénoncé à la police par un camarade qui y voyait la possibilité de négocier sa propre libération. Il est possible que les éléments les plus staliniens de la direction communiste y ait vu alors la possibilité de se débarrasser d'un obstacle particulièrement coriace. Mais cela ne peut pas être considéré comme une stratégie et une responsabilité collective.
Péri sera finalement transféré à la prison du Cherche-Midi, placée sous contrôle allemand. Considéré comme otage par les Allemands qui entendent répondre aux attentats individuels que mène désormais la résistance communiste depuis l’entrée en guerre de l'URSS, Gabriel Péri fait donc partie des 92 otages fusillés le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien.

Dans dernière lettre, Gabriel Péri écrira : « Que mes amis sachent que je suis resté fidèle à l'idéal de ma vie ; que mes compatriotes sachent que je vais mourir pour que vive la France. Je fais une dernière fois mon examen de conscience : il est très positif. [...] J'irais dans la même voie si j'avais à recommencer ma vie. J'ai souvent pensé, cette nuit, à ce que mon cher Paul Vaillant-Couturier disait avec tant de raison, que le communisme était la jeunesse du monde et qu'il préparait des lendemains qui chantent. Je vais préparer tout à l'heure des lendemains qui chantent. »

Je ne suis pas communiste, j'aurais fait partie de ceux avec Léon Blum qui ont choisi la "vieille maison" et la tradition socialiste républicaine de Jean Jaurès, plutôt que l'alignement sur l'internationale bolchévique. Mais le parcours et les engagements de Gabriel Péri nous rappelle que quelles que soient nos divergences il existe un chemin commun pour les militants sincères et entiers, qui ne trahissent pas leurs idéaux et leurs convictions au service du peuple en échange d'un ruban, d'une gratification ou d'une indemnité... Gabriel Péri est le symbole d'une gauche exigeante et ambitieuse, une gauche rassemblée et antifasciste, une gauche qui n'a pas renoncé à transformer la société.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste (GRS) de Bezons
Président de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes & républicains"
Animateur national du pôle Idées, formation et riposte de la GRS

Hommage à Gabriel Péri
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27 novembre 2023 1 27 /11 /novembre /2023 19:34

Napoléon était trop grand pour Ridley Scott. C’est bien la réflexion que je me suis faite hier soir en sortant de la séance : plus de 2h30 de film pour me demander encore ce matin quelle pouvait bien avoir été le propos du cinéaste, qui nous a habitués à beaucoup mieux.

Je ne fais pas partie des Bonapartolâtres, mais je dois bien constater que le réalisateur du « dernier duel » (son précédent film, un chef d’œuvre celui-ci) a loupé son sujet à quelques rares exceptions près.

La réponse de Scott aux critiques françaises « les Français ne s’aiment pas eux-mêmes » ne peut avoir cours ici : son Napoléon manque cruellement d’épaisseur et les Français, comme peuple, tels qu’ils sont brossés dans le film ne représentent rien d’autre que des hordes hurlantes, bien peu aimables. Malheureusement la légende impériale (totalement mensongère) ayant laissé des traces tragiques dans notre mémoire, les Français aiment Napoléon en oubliant ce qu’il était vraiment et son projet politique : nous sommes donc bien devant la mauvaise foi vexée d’un réalisateur qui a raté son sujet pour une raison terrible : il n’a pas de culture historique et ne connaît de notre pays que les clichés que les Anglo-saxons colportent sur notre histoire et nous.

Que pouvait-on attendre de quelqu’un qui explique qu’il « aime les récits historiques car [il] adore l’histoire »…? On mesure le vide du propos

Ridley Scott a raté son Napoléon : c'était prévisible...

Toute la première partie du film, consacrée au rapport de Napoléon à la Révolution (et sa vie durant cette période), est affligeante. Passons sur les anachronismes grossiers : il n’était pas à l’exécution de Marie-Antoinette ; il n’était pas à proximité du coup d’État de Thermidor 1794… mais surtout ce qui ressort de cette phase, c’est d’abord la haine typiquement anglo-saxonne pour la Grande Révolution : la description ridicules des supposées motivations de la condamnation de la Reine de France, la description outrancière des crimes révolutionnaires. Cela transparaît, avec l’absence de culture historique, jusque dans la mise en scène même des moments clefs : le Robespierre de Scott ressemble comme un sosie à Danton (on passera sur les conditions de son arrestation), et la carmagnole en fond musical pour la libération des emprisonnés sous la Convention est évidemment un contresens. Mais ouvrir le film sur le « Ça ira ! » de Piaf montrait déjà le choix délibéré d’enfiler les clichés.

L’insurrection royaliste de 1795 ? Une foule d’énervés pour remplacer une initiative finement préparée qui aurait pu emporter le Directoire ? On se demande comment Barras pouvait avoir si peur de ces agités (c’était le cas) pour que Tahar Rahim s’en remette à Joaquin Phenix et que ce dernier doivent utiliser les canons contre une foule désarmée. Pas même un mot sur les hésitations de Bonaparte sur son choix soupesé de soutenir les Directeurs plutôt que les insurgés royalistes – question qu’il ne se serait pas posée s’il avait fait face à une simple foule en colère. Napoléon est présenté comme ambitieux (tout juste comprend-on que cela peut être motivé par son rapport à sa matriarche  corse mais le ressort est finalement peu exploité) mais il ne fait jamais de politique. Il serait porté par les autres et #RidleyScott en fait d’abord un glaive ce dont le personnage se plaint par ailleurs.

Pas d’opportunisme pour faire croire qu’il est à l’origine des consolidations administratives et étatiques du Consulat, pas d’abolition de l’esclavage sous influence raciste (alors qu’on met en avant à l’image ses officiers supérieurs noirs), pas de Sanhédrin et de législation antisémite, pas de code civil misogyne… mais pas plus de conquête de l’Italie dont on apprend l’existence au détour d’une discussion en Égypte ; c’est pourtant bien cette campagne qui fit de Bonaparte la star politico-militaire du Directoire, le recours permanent des médiocres qui faisaient appel à lui pour botter les fesses des opposants de gauche et de droite au régime. Rien sur la stratégie délibérée dès cette date de Napoléon de construire son image politique – et la légende délibérément construite depuis Sainte-Hélène avec une poignée de fidèles, on en n’entendra pas parler non plus. Les raisons qui lui évitent la dégradation après l’abandon de ses troupes en Égypte sont à peine effleurées, et il partirait donc pour une femme, Joséphine de Beauharnais (non parce qu’il avait échoué et qu’il était à deux doigts de la déroute)…

Si Joséphine a tellement d’importance, il y a une hypothèse : Scott aurait centré son film sur la relation avec Joséphine, voire il aurait souhaité faire un film sur la Beauharnais sans aller au bout de son idée. Mais là encore le propos est confus… passé le rapport sexuel frustre de Bonaparte à sa compagne, les relations torturées du couple qui devraient tant influencer le « grand homme » restent coincées entre la chambre à coucher et le salon, avec quelques scènes burlesques telle la dispute autour du repas. Donc Joséphine n’a aucune influence politique non plus, pas même sur l’esclavage, elle pourtant qui était propriétaire aristocratique à la Martinique… Les deux personnages incarnés par deux grands acteurs – Vanessa Kirby aussi lumineuse que Phenix est couvert de la poussière du sculpteur – semblent comme statufiés et au-delà du jeu physique on cherche l’interprétation.

Il y a cependant des choses réussies : le siège de Toulon, les batailles rappellent la maestria du réalisateur. La justesse de la mise en scène du coup d’État du 18 Brumaire nous interroge par ailleurs sur la raison des impasses accumulées tout au long du film, que renforcent les sauts temporels improbables que le réalisateur nous impose et qui rendent impossible toute compréhension de la période historique.

Y aura-t-il un director’s cut auquel Ridley Scott nous a habitués pour démentir toutes les méchancetés que je viens d’écrire ? Peut-être … en regardant ce Napoléon on se dit parfois qu’il lui manque deux ou trois heures, alors même que les deux heures trente actuelles finissent par être pénibles. Je crains cependant que son absence de sens politique et de culture n’invalide totalement la tentative de Scott : il n’a pas compris que Napoléon et la Révolution (le premier étant l’interprétation protofasciste de la seconde) appartenait à l’histoire moderne, celle des mouvements de fond, celle où les peuples et les masses font l’histoire, celle où la politique est reine…

Frédéric FARAVEL

Ridley Scott a raté son Napoléon : c'était prévisible...
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17 octobre 2023 2 17 /10 /octobre /2023 14:41

Pour la première fois depuis plusieurs années, je ne pourrai pas être présent ce soir pour la commémoration des massacres du 17 octobre 1961 perpétrés sur ordre de Maurice Papon, préfet de police de Paris, sur les manifestants algériens sortis manifester pacifiquement contre les mesures de répression dont ils étaient victimes.

Cela me fait de la peine car cette commémoration compte énormément pour moi, dans mon histoire et mon engagement politique.

Alors que notre pays (et nos voisins belges) fait face au retour du terrorisme islamiste, sachons nous rappeler que nous devons condamner toute forme de violence illégitime, qui plus est quand elle s'exerce sur des populations sans défense. En manifestant le 17 octobre 1961, les personnes qui descendaient dans la rue à l'appel du FLN (sortant souvent des bidonvilles où on les avaient parqués) ne faisaient que défendre leurs droits : en assassinant plusieurs centaines d'entre eux, en en raflant et violentant près de 12000, ceux qui ont obéi aux ordres de Maurice Papon (et sans doute ceux du Gouvernement de l'époque) ont déshonoré la #République. En prétendant lutter contre des "terroristes", ils n'ont tué et frappé que des innocents, ils se sont abaissés jusqu'à l'inhumanité et l'indignité des terroristes eux-mêmes.

Souvenons-nous en quand certains appellent aujourd'hui à des méthodes expéditives qui mettraient en cause l'Etat de droit, souvenons-nous en quand certains proposent de ficher des populations entières en raison du comportement de quelques dizaines d'individus, souvenons-nous en quand certain(e)s sont incapables de condamner les meurtres de masse sur des milliers d'innocents, sur des familles sans défense... Souvenons-nous car cela définit la frontière entre les démagogues et les "chiens", d'un côté, et ce qui devrait être l'essence de notre humanité et de la République universelle et universaliste.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire GRS de Bezons
Président de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes & républicains"
Animateur national du pôle Idées, formation, débat de la Gauche Républicaine et Socialiste (GRS)

Mémoire du 17 octobre 1961Mémoire du 17 octobre 1961
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16 juillet 2022 6 16 /07 /juillet /2022 16:52

J'ai rédigé pour la Gauche Républicaine et Socialiste l'article ci-dessous à l'occasion des 80 ans de la Rafle du Vél d'Hiv.

Les 16 et 17 juillet 1942, l'Etat français en lien avec l'occupant nazi organisait la rafle plus de 13000 Juifs français et étrangers de l'agglomération parisienne.

Cette participation directe du régime de Vichy à l'entreprise d'extermination des Juifs d'Europe fut l'opération la plus importante de toute la guerre en France : elle représente à elle seule plus du quart des 42000 Juifs envoyés de France à Auschwitz en 1942, dont seuls 811 reviendront chez eux après la fin de la guerre ; parmi les 13152 arrêtés, il y avait 4115 enfants et sauf quelques uns qui réussirent à fuir à Paris ou des camps d'internement en France aucun ne survécut à la déportation à Auschwitz. Alors que depuis deux ans, des entreprises lamentables de révisionnisme historique, de falsification des faits et de réhabilitation de Philippe Pétain et de son régime antisémite ont eu de nouveau table ouverte dans les médias, la Gauche Républicaine et Socialiste souhaite apporter sa pierre, à l'occasion des commémorations nationales pour les 80 ans de la Rafle du Vel d'Hiv, dans la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et le révisionnisme.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Président de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes & républicains"
Coordinateur national des pôles thématiques de la GRS

Ni oubli, ni pardon, les 80 ans de la rafle du Vél’ d’Hiv’

Nous vivons une époque déconcertante et à bien des égards terrifiante… L’élection présidentielle de 2022 a été marquée par la candidature d’un personnage condamné à plusieurs reprises pour provocation à la haine ou la discrimination raciale, et qui avait soutenu en 2019 (propos réitérés en 2022 durant la campagne électorale) que de 1940 à 1944, le régime de Vichy a « protégé les Juifs français et donné les Juifs étrangers ». Contre toute attente, le polémiste médiatique devenu par la suite candidat à l’élection présidentielle et attaqué pour contestation de crime contre l’humanité avait été relaxé en première instance par le Tribunal judiciaire de Paris en février 2021, relaxe confirmée le 12 mai 2022 par la Cour d’Appel de Paris. Relaxe d’autant plus absurde que le tribunal avait considéré que les propos tenus contenaient bien « la négation de la participation [du régime de Vichy et du Maréchal Pétain] à la politique d’extermination des juifs menée par le régime nazi ». Entre temps, Eric Zemmour avait obtenu près de 2,5 millions de voix lors du premier tour de l’élection présidentielle le 10 avril 2022 soit 7,07 % des suffrages exprimés.

Ainsi la négation de la participation active d’un régime et d’un dirigeants politiques à un crime contre l’humanité n’est pas aux yeux des juridictions concernées une contestation de crime contre l’humanité. 80 ans après la rafle du Vél’ d’Hiv’, on trouve des juges pour se laver les mains face à une entreprise révisionniste… car c’est bien de cela qu’il s’agit : nier la réalité historique et contester la nature intrinsèquement antisémite du régime mis en place par Philippe Pétain pour remplacer la République et détruire son œuvre. Il s’agit de banaliser la diffusion d’élucubration antisémite au prétexte de défendre une version dévoyée du « roman national » selon laquelle les dirigeants français n’auraient jamais totalement été du mauvais côté.

Comment imaginer que 82 ans après les lois antijuives de Vichy il soit encore nécessaire de reprendre sur le sujet la plus élémentaire des pédagogies ?

Vichy, un régime antisémite par et pour les antisémites

Le caractère réactionnaire, fascisant et antisémite de « l’État français » peu à peu déployé par Philippe Pétain depuis qu’il a reçu les pleins pouvoirs d’un Parlement en panique qui a sombré dans la lâcheté (sauf les 80 justes) ne fait pourtant aucun doute. Il s’agit d’appliquer un « nettoyage » radical des institutions puis de la société française, tel que le préconisaient nombre d’inspirateurs du Maréchal et de ses proches collaborateurs, les nettoyer des « quatre anti-France » théorisées par Maurras et l’Action Française : « la marxiste, la métèque, la juive et la protestante »… Les trois premières sont attaquées dès les premiers mois du nouveau régime :

  • contre les « marxistes » : arrestation et internement des principaux dirigeants des partis de gauche qui n’ont pas fait allégeance et renié leurs idéaux, déchéance des principaux élus locaux y appartenant, interdiction des partis marxistes (le PCF l’était déjà depuis le déclenchement de la guerre pour l’avoir dénoncé afin de se conformer au pacte germano-soviétique) ;
  • contre les « métèques » : dès le 12 juillet 1940, une série de décret-lois vont distinguer au sein des citoyens français des individus « moins français » que les autres et leur interdire l’accès à de nombreuses profession, puis déchoir de leur nationalité française des milliers d’entre eux et notamment tous les naturalisés depuis 1927, interdisant certaines professions aux ressortissants étrangers et « apatrides »… d’une certaine manière, le 27 août 1940, Pétain légalisait le racisme en abrogeant le décret-loi Marchandeau du 21 avril 1939 qui punissait l’injure et la diffamation raciale.

L’offensive contre les Juifs français, étrangers ou apatrides (parmi les 15 000 citoyens perdant le bénéfice de leur naturalisation 6 000 étaient juifs) se traduit dans des décisions à caractère massif : Le 3 octobre 1940, Philippe Pétain édicte le premier statut des Juifs, publié le 18 octobre : ils sont exclus de la fonction publique de l’État, de l’armée, de l’enseignement et de la presse. Le même jour, la Préfecture de Police communique que la déclaration prescrite par ordonnance allemande sur le recensement des Juifs sera reçue par les commissaires de police.

En mai 1941, environ 119 universitaires avaient dû quitter leurs postes (76 dans la zone occupée, 43 en zone Sud), et un mois plus tard, lorsque le deuxième statut des Juifs est promulgué, 125 autres membres de l’université française se retrouvent au chômage. Des exceptions fondées sur la notion de « services exceptionnels » (article 8 de la loi du 3 octobre 1940) rendus à l’État français rendaient possibles certains reclassements.

Le 4 octobre 1940, une nouvelle loi prévoit l’internement des étrangers d’origine juive sur décision administrative des préfets.

Le 7 octobre 1940, une loi abolit le décret Crémieux de 1869 accordant la nationalité française aux Juifs d’Algérie, soit près de 400 000 personnes. Quatorze à quinze mille Juifs d’Afrique du Nord sont internés en 1941 dans différents camps dont ceux de Bedeau, Boghari, Colomb-Béchar et Djelfa en Algérie. Il faudra que le polémiste entré en politique nous dise si ces Français ont été ainsi protégés.

Le 31 octobre 1940, les opérations de recensement dans le département de la Seine s’achèvent. Elles donnent lieu à la création du Fichier des Juifs de la Préfecture de la Seine, dit Fichier Tulard. Au total, à la fin de l’année 1940, 151 000 Juifs sont recensés.

Le 29 mars 1941, le Commissariat général aux questions juives est créé avec Xavier Vallat, virulent antisémite, à sa tête. Il n’y a jamais eu de distinction entre citoyens français, d’un côté, et étrangers ou apatrides de l’autre.

Le 2 juin 1941, la loi institue un deuxième statut des Juifs avec un allongement de la liste des interdictions professionnelles, un numerus clausus de 2% pour les professions libérales et de 3% pour enseigner à l’Université. Un décret passé en juillet 1941 exclut aussi les Juifs des professions commerciales ou industrielles. Ce statut autorise les préfets à pratiquer l’internement administratif de Juifs de nationalité française. Et le 2 juin 1941, une nouvelle loi prescrit le recensement des Juifs sur tout le territoire, de la zone occupée et de la zone libre.

Nous arrêterons ici l’énumération des mesures prises par le régime de Vichy, souvent annotée et durcie de la main même du Maréchal Pétain, mais l’Etat français a poursuivi tout au long de l’année 1941 puis en 1942 son travail d’innovation législative contre les Juifs français, étrangers ou apatrides. La volonté de mettre en place un régime de harcèlement et de persécution généralisé sur une base raciste ne peut faire aucun doute.

Le caractère « radical » de la rafle du Vél’ d’Hiv’

Les premières rafles et internements contre les Juifs commencent dès 1941. Dans un premier temps, la grande majorité des personnes visées sont étrangères ou apatrides, mais cela n’a rien d’exclusif. Un basculement s’opère dès 1942. L’Allemagne élabore la Solution finale, l’extermination totale des Juifs. Le régime de Vichy n’est plus simplement soumis aux ordres nazis, il va collaborer pleinement, volontairement et avec zèle pour livrer des Juifs étrangers et français. Là encore, rappelons le c’est un choix politique conscient de Vichy qui consiste à mener une politique antisémite propre dans le but de se débarrasser du maximum de Juifs. Et c’est une politique qui, de fait, n’a absolument pas été protectrice des Juifs français, puisque dès la rafle du Vel’ d’Hiv’, 3 000 enfants français ont été arrêtés. De ces enfants arrêtés lors de cette rafle en juillet 1942, il reste les fiches d’identité, orange pour les enfants juifs étrangers et bleu pour les enfants juifs français. En les comparant, on peut voir que 80% des enfants juifs arrêtés au Vel’ d’Hiv’ étaient français.

Dans le cadre de l’opération « Vent printanier » en juin 1942 (qui visait à coordonner la rafle de dizaines de milliers de Juifs d’Europe occidentale pour les déporter), « l’État français » et les Nazis négocient sur une base d’une « livraison » de 40 000 Juifs de la zone occupée, dont 22 000 adultes de la région parisienne, avec un ratio de 40% de Juifs français et 60% de Juifs étrangers.

Près de 13 000 Juifs sont arrêtés en région parisienne les 16 et 17 juillet 1942, dont 8 000 envoyés vers le palais des sports du Vélodrome d’Hiver avant d’être déportés. C’est, de loin, la plus grande rafle menée par la police française dans la France occupée. Il n’y a aucun équivalent en Europe de l’Ouest. 12 884 femmes, hommes et enfants arrêtés à Paris en un peu plus de 24 heures et envoyés vers les camps de la mort durant l’été 1942. Plus de 8 000 Juifs arrêtés les 16 et 17 juillet 1942 ont été envoyés vers le palais des sports du Vélodrome d’Hiver (XVe arrondissement), à deux pas de la tour Eiffel, avant d’être déportés. Sur les 13 152 arrêtés, il y a 4 115 enfants, moins de cent adultes et aucun enfant ne survivent à la déportation vers Auschwitz. Seuls quelques enfants, comme Joseph Weismann (qui s’échappe du camp de Beaune-la-Rolande avec un camarade) ou Annette Muller et son frère Michel (dont le père arrive à corrompre un policier du camp de Drancy, pour les en faire sortir), ont survécu à la rafle.

L’expression « rafle du Vél d’Hiv » s’est imposée dans la mémoire collective, au point de devenir le principal repère mémoriel sur la France des années noires. C’est pourtant aussi le symbole d’une forme de déni et de volonté d’oublier, de regarder ailleurs. Après la Libération, le Vélodrome d’Hiver continuera d’accueillir des spectacles et des des rencontres sportives jusqu’à sa destruction en 1959. Pendant des années, seules les associations de déportés juifs ont continué à commémorer le souvenir de l’événènement jusqu’à ce que les consciences, les politiques et les historiens commencent à regarder en face l’horreur commise à partir de la fin des années 1960…

Il faudra attendre le 16 juillet 1992 pour franchir une étape importante pour la mémoire. François Mitterrand, Président de la République, rend hommage ce jour-là aux victimes de la rafle du Vel d’Hiv’ en déposant une gerbe au pied de la stèle commémorative, accompagné de Madame Rozette Bryski, rescapée de cette terrible journée. C’est à son initiative que la journée de commémoration annuelle fut instaurée. François Mitterrand en avait fait l’annonce en 1992 ; laquelle sera suivie d’un décret officiel en date du 3 février 1993 instituant une cérémonie annuelle nationale et départementale, à Paris, à Izieu et dans chaque département. Contrairement aux dénonciations de certains militants qui avaient tant mis hors de lui Robert Badinter ce même 16 juillet 1992, François Mitterrand n’a jamais minimisé le drame du Vel d’Hiv, au contraire : à plusieurs reprises, en tant que Président de la République, il a rappelé à la Nation la nécessité de conserver la mémoire de ce douloureux événement. À l’automne 1992, interviewé par la télévision israélienne, il qualifiait lui-même le drame du Vel d’Hiv de « drame qui ne peut pas être oublié », dont le souvenir devait « être sauvegardé et honoré ». Il ajoutait que cette rafle était « intolérable », « insupportable pour l’esprit ». Tordons le cou enfin à la fable selon laquelle, le président Mitterrand (et De Gaulle avant lui) aurait minimisé la responsabilité du régime de Vichy dans le déroulement de ces événements… C’est bien le contraire que les faits relatent : dans le décret publié en février 1993 instituant la commémoration nationale, il est justement question « des persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de fait dite “gouvernement de l’Etat français” », reprenant ainsi la formule de l’ordonnance du 9 août 1944 du général de Gaulle rétablissant la légalité républicaine. Enfin, en 1995, c’est sur les lieux de l’ancien vélodrome que le président Jacques Chirac a reconnu la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs.

Il aura donc fallu plus de 20 ans pour que la mémoire et l’établissement des faits de cette tragédie reviennent sur la place publique. 20 ans, c’est long… et 80 ans c’est trop court pour imaginer supporter la contestation d’un crime contre l’humanité et la négation d’une complicité active.

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19 mars 2022 6 19 /03 /mars /2022 12:55

Il y a 60 ans hier, le 18 mars 1962, étaient signés les Accords d'Evian qui mettaient fin à l'entreprise de colonisation de l'Algérie par la France débutée quelques 132 ans plus tôt. Le lendemain, le Cessez-le-Feu entrait en vigueur. J'ai participé comme conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste ce matin aux commémorations de la Ville de Bezons organisées devant l'Hôtel de Ville, au vieux cimetière et rue du 19-mars-1962, aux côtés de Florelle Prio, élue comme moi de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes & républicains, des responsables de la section du PCF (Christian Leduey et Christiane Leser).

Les Accords d'Evian et le Cessez-le-Feu marquent la fin de la Guerre d'Algérie, qui fit plusieurs milliers de morts, d'abord parmi les Algériens, mais aussi au sein des Européens installés depuis des décennies et plusieurs générations ; cette Guerre dont on a voulu longtemps nier la réalité a entaché gravement l'honneur de l'armée française, qui commit des actes indignes de la République et aboutit à briser nombre d'appelés du contingent qui eurent le plus grand mal à se remettre des atrocités qu'on les avait forcés à commettre ou dont ils avaient été les témoins. 25.000 moururent pour une guerre qui ne disait pas son nom et dont ils ne voulaient pas. Cette guerre mit fin à une colonisation illégitime qui avait infériorisé les Algériens et les avaient exposés à de graves et durables crimes et exactions ; les Accords d'Evian rendaient enfin sa dignité à tout un peuple. Preuve que la colonisation n'apporte aucun bien, la guerre d'Algérie s'est également conclue par l'exil et la perte du pays dans lequel ils avaient grandi de centaines de milliers d'Européens qui s'y étaient installés progressivement depuis les années 1860, elle se concluait par l'exil et la perte de leur patrie pour des centaines de milliers de Juifs d'Algérie, dont les ancêtres vivaient au Maghreb depuis plusieurs milliers d'années. Elle marqua aussi un profond drame humain avec la fuite des Harkis qui furent si mal accueillis par la France pour laquelle ils s'étaient battus.

Tous durent reconstruire leur vie en Métropole, avec plus ou moins de facilité et avec la nostalgie profonde de la terre de leur enfance. Aujourd'hui l'Algérie est indépendante ; aujourd'hui la France a commencé à reconnaître les graves fautes qu'elle a commises et qu'une République n'aurait jamais dû commettre. Elle a accueilli également des centaines de milliers d'Algériens dont les enfants, petits enfants et arrière petits enfants sont aujourd'hui des Français à part entière.

Aujourd'hui, le peuple algérien continue de se battre pour restaurer sa souveraineté face à un régime qui l'a confisquée et a découpé le pays en prébendes au service d'une caste, cette même caste qui tente encore d'attiser le ressentiment résiduel entre nos peuples pour légitimer son usurpation. Je salue avec mes camarades le courage de tous ces citoyens algériens engagés dans le hirak الحراك ⴰⵎⵓⵙⵙⵓ ⴰⵏⴷⵓⴷⴷⵉ contre les profiteurs d'hier et d'aujourd'hui et pour l'émergence d'une véritable démocratie.
C'est entre Peuples souverains que peut se construire une amitié et une fraternité sincères. C'est tout ce que je souhaite aux Français et aux Algériens.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Président de "Vivons Bezons, le groupe des élus communistes, socialistes & républicains"
Coordinateur national des pôles thématiques de la GRS

photos prises lors de la cérémonie des 60 ans du 19 mars 1962 au Vieux Cimetière de Bezonsphotos prises lors de la cérémonie des 60 ans du 19 mars 1962 au Vieux Cimetière de Bezonsphotos prises lors de la cérémonie des 60 ans du 19 mars 1962 au Vieux Cimetière de Bezons

photos prises lors de la cérémonie des 60 ans du 19 mars 1962 au Vieux Cimetière de Bezons

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6 octobre 2021 3 06 /10 /octobre /2021 09:06

Le mardi 5 octobre 2021 dans l'après-midi, alors que depuis des semaines nos plateaux TV donnent la parole sans scrupule à un pseudo journaliste pour qu'il puisse déverser sans difficulté des mensonges négationnistes sur la participation de l'Etat français à la déportation des Juifs (sans distinction de nationalités), la droite sénatoriale faisait voter une résolution faisant un silence total sur ces faits et cette actualité.

Vous me direz, c'est logique au moment où certains membres de LR prétendent faire participer Eric Zemmour au congrès de désignation de leur candidat à l'élection présidentielle. Pire, cette résolution rejetée par tous les bancs de l'Assemblée Nationale, vise pour la droite sénatoriale à imposer une définition de l'antisémitisme qui prétend disqualifier toute critique de la politique actuellement raciste de l'Etat d'Israël : c'était inacceptable.

Tous les groupes de la Haute Assemblée, ce sont précipités sans réflexion ; dans ce concert d'hypocrisies, Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine, a heureusement relevé le niveau expliquant les raisons pour lesquelles son groupe refuserait de prendre part au vote d'une résolution aussi hypocrite et mal conçue. Il me paraît nécessaire d'écouter dans la vidéo ci-dessous ce qu'il nous dit. Je retranscrit également le texte de son discours plus bas.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons

Proposition de résolution portant lutte contre toute les formes d’antisémitisme

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

La haine du Juif en France, c’est l’histoire longue de deux mille ans de mesures d’éloignement, de législations d’exclusion, d’accusations criminelles, de persécutions, de pogromes et de génocides. Dans sa monumentale Histoire de l’antisémitisme, Léon Poliakov montre que cette haine du Juif trouve son origine dans l’Antiquité puis se renouvèle dans la constitution du corpus théologique et politique du christianisme naissant. Je le cite, « Pour l’économie du christianisme, il fallait dorénavant que les Juifs fussent un peuple criminellement coupable ». L’anti-judaïsme a participé de la formation d’une certaine identité chrétienne de l’Occident.

Ainsi, en 1096, les Croisés massacrent les Juifs de Rouen. La deuxième croisade de 1146 est précédée des mêmes pogromes et l’abbé Pierre de Cluny les justifie ainsi, je le cite : « À quoi bon s’en aller au bout du monde, […] pour combattre les Sarrasins, quand nous laissons demeurer parmi nous d’autres Infidèles qui sont mille fois plus coupables envers le Christ que les mahométans ? ».

Il existe un antijudaïsme d’État aussi ancien dont l’histoire est marquée par les édits d’expulsion des Juifs de Childebert en 533, de Dagobert en 633, de Philippe Auguste en 1182, de Saint Louis en 1254, de Philippe le Bel en 1306 et de Charles VI en 1394. Il faut ajouter à cette terrible série les mesures prises par Napoléon Bonaparte, au moment du Concordat, pour interdire aux Juifs de s’installer en Alsace. Il les justifiait par sa volonté « d’atténuer, sinon de guérir la tendance du peuple Juif à un si grand nombre de pratiques contraires à la civilisation et au bon ordre de la Société ».

Ce qui est désigné dans ce projet de résolution par l’expression « antisémitisme contemporain » s’inscrit fondamentalement dans l’histoire trop longue d’un antijudaïsme millénaire dont son exposé des motifs ne nous dit rien. Ainsi, sans nier l’existence de formes actuelles d’antisémitisme prônant la destruction de l’État d’Israël, comment ne pas reconnaître dans les théories complotistes qui expliquent la covid comme le fruit d’une conspiration juive des résurgences des thèses médiévales qui accusaient les Juifs de l’anéantissement de la chrétienté par l’épidémie. C’est notre première réserve sur ce projet.

Notre deuxième objection porte sur le choix de la définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste qui est imprécise et dont l’utilisation politique très partisane a été justement dénoncée par Kenneth Stern, l’un de ses rédacteurs. Cette définition n’était qu’une définition de travail. Depuis lors, un groupe de plus de deux cents spécialistes l’a reprise pour en lever ses ambiguïtés dans un texte publié en 2020 sous le titre de Déclaration de Jérusalem. Elle est plus pertinente parce qu’elle inscrit les antisémitismes d’hier et d’aujourd’hui dans le même processus idéologique d’assimilation des Juifs aux forces du mal. Cette déclaration rappelle avec force que « le combat contre l’antisémitisme ne saurait être dissocié de la lutte globale contre toutes les formes de discrimination raciale, ethnique, culturelle, religieuse et sexuelle ».

Enfin, nous regrettons vivement qu’une résolution citant l’Alliance pour la mémoire de l’Holocauste ne mentionne aucunement la nouvelle irruption dans le débat public de thèses négationnistes et de tentatives de réhabilitation de l’État français du Maréchal Pétain.

Souvenons-nous de la déclaration, au nom de la France, du Président Jacques Chirac, le 16 juillet 1995, lors de la commémoration de la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942. Je le cite : « la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français », « La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux ». Je le cite toujours : « Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. […] Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l’État. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c’est tout simplement défendre une idée de l’Homme, de sa liberté et de sa dignité. C’est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l’œuvre ».

Cette déclaration nous honore, nous oblige et nous engage. Elle impose au Sénat d’éclairer davantage nos concitoyens sur les deux mille ans de cet antijudaïsme qui aboutit à l’inhumanité absolue de la Shoah. Engageons ce travail de fond à partir de la Déclaration de Jérusalem, ensemble dans l’unité.

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25 avril 2021 7 25 /04 /avril /2021 12:18

J'ai déposé aujourd'hui au nom de la Gauche Républicaine & Socialiste une gerbe lors de la commémoration du #souvenir des victimes et héros de la #déportation. A partir de leur accession au pouvoir en 1933, les Nazis ont patiemment bâti un dispositif de meurtres de masse lui donnant une dimension industrielle pour appliquer leur idéologie raciste et criminelle : plus de 6 millions de Juifs (les 2/3 des Juifs d'Europe, 40% des Juifs du monde), plus de 250.000 Tziganes périrent dans les Camps de la Mort de 1934 à 1945 ou dans les exécutions de masses qui suivirent l'invasion de l'URSS par la Wehrmacht... mais aussi des Noirs, des malades mentaux, des homosexuels, des Slaves qualifiés eux-aussi de "sous hommes".

Dans ces camps furent également déportés pour mourir des dizaines de milliers d'opposants politiques, communistes, socialistes, républicains, résistants. Ce fut le cas de membres de ma famille.

N'oublions jamais leur courage, car contrairement à ce qui a été raconté il y eut bien une résistance contre l'univers concentrationnaire ; n'oublions jamais non plus - au moment des apprentis dictateurs menacent à nouveau la République en assumant ouvertement un discours raciste contre certains de nos concitoyens - que l'horreur nazie reçut le concours zélé et diligent des régimes fascistes et antisémites qui ont sévi dans toute l'Europe (dont la France) avant et pendant la Deuxième Guerre Mondiale.

Ne tombons jamais dans les discours qui assignent à une identité ou à des "races", qui n'existent pas, nos frères humains, chérissons notre République qui énonce que chacun d'entre nous est un membre égal de la communauté nationale, luttons pour donner à notre devise Liberté-Egalité-Fraternité une réalité concrète pour chacun de nos concitoyens (quand des pouvoirs aveugles travaillent à faire reculer l'égalité), portons avec toute notre énergie l'universalisme du message républicain que la France (la vraie, celle de 1789, 1792, 1848, 1871, 1936 et 1945) offre au monde...

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons

Déportation, Shoah, Porajmos... Ne jamais oublier, continuer à lutter !
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18 mars 2021 4 18 /03 /mars /2021 15:37
commémorations du 150ème anniversaire de la Commune de Paris, sur la butte Montmartre, ce jeudi 18 mars 2021

commémorations du 150ème anniversaire de la Commune de Paris, sur la butte Montmartre, ce jeudi 18 mars 2021

C'est aujourd'hui le 150e anniversaire de la Commune de Paris. J'ai rédigé l'article ci-dessous pour la Gauche Républicaine et Socialiste.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Coordinateur national adjoint des pôles thématiques de la GRS

Le 18 mars 1871, le Gouvernement de « Défense Nationale » ordonne le désarmement de Paris. Partout dans Paris, des troupes s’activent pour retirer l’attirail qui permettait de défendre la capitale, encerclée par les armées prussienne et des princes allemands coalisés. Mais sur la butte de Montmartre, les ouvriers parisiens refusent qu’on leur retire les canons. Les soldats envoyés pour désarmer Montmartre reçoivent l’ordre de tirer sur les ouvriers ; ils refusent, finissent par rejoindre les ouvriers et livrer leurs officiers à la fureur vengeresse de la foule. Ainsi débute l’insurrection de la Commune.

Avec le sens de la formule qu'on lui connaît quand il se fait journaliste ou chroniqueur, Karl Marx écrivit à son propos « La plus grande mesure sociale de la Commune était son existence en actes »… Le retentissement de cet événement révolutionnaire dépasse les âges et les frontières : bien que la Commune n'ait pas grand chose à voir avec l'idéologie du fondateur de l'URSS, l’ambition de Lénine, en octobre 1917, était de durer plus que les 72 jours des Communards ; on dit qu'il se mit à danser de joie dans la neige et sur une des places du Kremlin après qu'un proche lui rappela que le délai espéré était dépassé.

barricade de fédérés parisiens au printemps 1871

barricade de fédérés parisiens au printemps 1871

Ferments et origines de la Commune

Ce sont d'abord les conditions économiques et sociales, qui avec les débuts de la Révolution industrielle accélérée par le Second Empire a fait naître un prolétariat industriel massif à Paris et dans sa proche banlieue. Nous sommes encore loin des grandes usines, Paris, ses rues et coursives entassent les ateliers qui sortent peu à peu de l'artisanat. Les rares lois sociales sur le travail sont truffées de dérogation et de toute façon ne sont pas ou peu appliquées, comme celle qui fixe à 11 heures maximum la journée de travail dans le département de la Seine. La grande pauvreté et une insalubrité effroyable sont la cause de taux de mortalité vertigineux ; la probabilité de mourir avant cinq ans, pour un enfant né dans le département de la Seine avoisine les 40 %. L'exploitation capitaliste est à son comble et la doctrine socialiste commence donc à faire des émules parmi les ouvriers de la Seine.

Mais il y a surtout et d'abord la guerre. Comme en 1793, « la Patrie est en danger » ! La France est envahie, largement occupée et Paris est encerclée. Le Peuple de Paris est porté par une mystique jacobine héritée de la Grande Révolution. Comme de celle déclenchée par Louis XVI en 1792, le Peuple ne voulait pas de cette guerre inutile déclenchée en 1870 par un nouveau caprice du « Prince Président » qui avait renversé la République pour se faire Empereur. Mais maintenant que le danger est là et que l'oppression étrangère est aux portes, le Peuple ouvrier et ses idoles libérées par la proclamation (pleine d'arrières pensées) de la République le 4 septembre – comme Auguste Blanqui – ne peuvent tolérer que le gouvernement de « Défense nationale » ne fasse rien pour libérer le territoire. Il ne s'agit pas d'un nationalisme chauvin, comme Déroulède, Barrès ou Maurras l'incarneront plus tard, ou celui institutionnalisé et mis en scène de la IIIème République en gestation, c’est le patriotisme égalitaire de 1793 et des sans-culottes. La patrie c'est la communauté elle-même, la communauté nationale, la communauté des citoyens, celle qui rend possible d'envisager la construction d'une société d'égalité et de justice, celle qui est la propriété commune de tous et non des seuls artistocrates et grands bourgeois qui se complaisent dans l'Empire ou la Monarchie.

Le déclenchement de la Commune est donc d'abord l'affaire d'un sentiment populaire patriotique puissant ; son instauration est réclamée depuis plusieurs mois par les plus radicaux des Républicains parisiens, comme Jules Vallès, journaliste dont l'audience et celle de son journal Le Cri du Peuple ont cru fantastiquement depuis l'automne 1870… réclamée comme conditions nécessaire pour une levée en masse, pour une défense populaire de la Capitale qui permettra au Peuple de réussir le désencerclement de Paris et le refoulement des armées occupantes.

illustration de la Commune par Jacques Tardi

illustration de la Commune par Jacques Tardi

Le déclenchement de la Commune c'est ensuite l'histoire d'une défiance légitime des Parisiens et de leurs leaders à l'égard du gouvernement de « défense nationale ». La République du 4 septembre, proclamée par surprise et à la va-vite, a des assises très faibles ; les Républicains sont divisés depuis le lendemain même de la proclamation entre ceux qui veulent réellement la Défense nationale, ceux qui recherchent une « paix honorable » et les « radicaux » (qui ne sont pas du gouvernement) qui espèrent que la levée en masse et la libération du territoire précéderont la République sociale. Le Gouvernement de « défense nationale » rassemble Républicains modérés et monarchistes (plus ou moins recyclés comme Adolphe Thiers) ; Léon Gambetta, tenant de la contre-offensive, va rapidement être isolé en son sein, après avoir quitté la capitale en ballon : Républicains modérés et monarchistes s'entendent d'autant plus pour une paix rapide que la levée en masse est nécessaire pour chasser les Prussiens et qu'ils craignent dans la foulée un nouveau Valmy, une renaissance de sans-culottes de l'An II, avec une population en armes qui pourrait alors s'en prendre aux possédants qui abusent sans vergogne. La tiédeur et la résignation devant la défaite se changent bientôt en trahison ; le gouvernement fait tout pour décourager toute tentative sérieuse de désencerclement de la Capitale. Le peuple de Paris se rend bientôt compte qu'on lui ment et qu'on le trahit alors qu'il porte sur lui les principales douleurs de la guerre et du siège. Vallès parle d'une croix pour laquelle d'innombrables "Judas" fournissent le clous enfoncés par de multiples bourreaux ; Blanqui écrit dans son journal La patrie en danger le 15 janvier : « le cœur se serre au soupçon d’un immense mensonge ». Il dénonce « l’abominable comédie » du Gouvernement de Défense Nationale qui refuse de donner au peuple les moyens de chasser les Prussiens. Conscient de son influence sur l’opinion, le Gouvernement de Défense Nationale le fait arrêter et mettre en prison. En tentant de désarmer, le 18 mars, Paris, ce dernier allume l'incendie révolutionnaire.

Si Communistes et Anarchistes se sont emparés – plus que d'autres encore – tout au long du XXème siècle de la mémoire de la Commune, celle-ci n'avait pas grand chose à voir avec le Communisme. L’action et les aspirations de la Commune étaient « toute empreinte de ce sentiment, vaguement socialiste parce qu’humanitaire, mais surtout jacobin », affirmait Gaston da Costa1. Mais la doctrine sociale des Jacobins était trop imprécise pour proposer à ce stade un programme économique cohérent (un des principaux reproches que fit Marx aux Communards). On peut cependant affirmer que la Commune marque une des étapes essentielles du basculement du jacobinisme au socialisme au sens large.

Réalisations et postérité

Si les Républicains ont eu tant de mal avec la Commune, c'est d'abord à cause de la mauvaise conscience et de l'hypocrisie d'une partie d'entre eux quant aux objectifs de la République, dont ils prétendaient faire un régime de conservation de l'ordre social ; c'est pour une autre partie une sorte de complexe d'infériorité ou de syndrome de l'imposteur : pour une part, la Commune aura mis quelques semaines à réaliser ou à initier ce que la IIIème République mettra 30 ans à faire (et encore).

L’école gratuite, laïque et obligatoire pour tous est votée et des écoles sont construites. C’est l’« instruction intégrale » dont parle Edouard Vaillant2, délégué à l’enseignement, et qui était pour lui la « base de l’égalité sociale ». Une part importante de l’action des municipalités devait être consacrée à l’éducation des filles et à l’enseignement professionnel. Une école d’arts appliqués réservée aux filles sera ainsi inaugurée le 13 mai. Dernier aspect, l’augmentation et l’égalisation, le 18 mai, du traitement des instituteurs et des institutrices, la commission constatant que « les exigences de la vie sont nombreuses et impérieuses pour la femme autant que pour l’homme ».

La Séparation des Eglises et de l'Etat est également décrétée.

La Commune a également imposé des mesures d’urgence chargées de soulager la population parisienne : extension du remboursement des dettes sur trois ans, interdiction d’expulser un locataire de son logement, rationnement gratuit…

1Gaston Da Costa, né à Paris le 15 décembre 1850 , mort à Bois-le-Roi le 11 décembre 1909, était un pédagogue, militant de gauche et communard français.

2Edouard Vaillant est une des figures centrales du socialisme français en gestation. Dirigeant après la Commune du Comité Révolutionnaire Central, organisation politique des blanquistes, il sera l'un des acteurs de l'unification progressive du socialisme français qui aboutit à la création de la SFIO en 1905 et à la reprise en main par les socialistes de la CGT en 1909.

illustration de la Commune de Paris par Jacques Tardi

illustration de la Commune de Paris par Jacques Tardi

Par ses avancées concrètes en matière d’organisation du travail, la Commune mérite aussi le nom de révolution sociale. Citons l’interdiction du travail de nuit pour les ouvriers boulangers, la suppression des amendes sur les salaires (décret du 27 avril) et des bureaux de placement, véritables instruments de contrôle social sous le Second Empire. La formule de l’association des travailleurs était considérée comme le principe de base de l’organisation de la production : il ne s’agissait pas de remettre en cause brutalement la propriété privée, mais d’en finir avec l’exploitation ouvrière par la participation collective à l’activité économique. Le décret du 16 avril prévoyait à la fois l’appropriation temporaire des ateliers fermés et la fixation par un jury arbitral des conditions financières d’une cession ultérieure et définitive aux associations ouvrières ; le travail y est limité à 10 heures par jour. Afin que le salaire assure « l’existence et la dignité » du travailleur (décret du 19 mai), les cahiers des charges des entreprises en marché avec la ville devaient indiquer « les prix minimums du travail à la journée ou à la façon » (décret du 13 mai) fixés par une commission où les syndicats seraient représentés. Dans cette logique, le salaire minimum aurait pu ensuite s’imposer à tous les employeurs.

Quant au chantier judiciaire, il réclamait sans doute bien plus de temps que celui dont bénéficia le délégué à la justice, Eugène Protot. Son bilan est pourtant loin d’être négligeable : suppression de la vénalité des offices et gratuité de la justice pour tous, y compris dans l’accomplissement des actes relevant de la compétence des notaires (décret du 16 mai), élection des magistrats au suffrage universel. Concernant les libertés publiques, le langage officiel — « Il importe que tous les conspirateurs et les traîtres soient mis dans l’impossibilité de nuire, il n’importe pas moins d’empêcher tout acte arbitraire ou attentatoire aux libertés individuelles » (14 avril) — contraste avec la réalité moins glorieuse des actes commis sous le couvert de l’« ex-préfecture de police », sans parler de l’exécution des otages entre le 23 et le 26 mai 1871.

Des Jacobins aux Anarchistes, il existait un objectif commun parmi les Communard : l’institution des conditions d’une souveraineté populaire concrète. La Commune privilégiait, comme les sections du Paris révolutionnaire et conventionnel, le mandat impératif : les élus n’étaient pas autonomes de leurs électeurs, mais constamment révocables. C'était la mise en pratique de la conviction que sans contrôle des élus par le peuple, sans implication permanente du peuple dans les affaires politiques, sans politisation permanente de la vie quotidienne, la démocratie deviendrait une coquille vide. Karl Marx y voyait un choix positif, considérant que le suffrage universel sous un régime représentatif ne permettait au peuple que « de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante doit « représenter » et fouler aux pieds le peuple au parlement ». La Commune faisait , selon lui, du suffrage universel l'outil du peuple pour « remplacer les maîtres toujours hautains du peuple par des serviteurs toujours révocables ». Le débat resurgit après l'écrasement de l'insurrection et on connaît la réponse du Gambetta qui, rallié à la République modérée, défendit le mandat représentatif après avoir endossé le principe du mandat impératif en 1869. Sans aller jusqu'à la nécessité de la révocation des élus, la caricature de nos institutions et de l'intervention des citoyens devraient aujourd'hui nous inciter à trouver des solutions ambitieuses pour redonner son souffle à la souveraineté populaire.

Dans ce même esprit de concrétisation de la souveraineté populaire, la Commune a encouragé la prise du pouvoir militaire par la population. L’armée de métier a été abolie, les citoyens sont en armes et l'objectif est de créer une « milice nationale qui défend les citoyens contre le pouvoir, au lieu d’une armée qui défend le gouvernement contre les citoyens ». On retrouvera cette même intuition quelques décennies plus tard dans L'Armée nouvelle de Jean Jaurès.

L'effervescence politique a également conduit au questionnement du rôle que la société avait assigné aux femmes : celles de citoyennes passives, par nature inférieures. La Commune a permis aux femmes de s’impliquer dans la vie de la cité au même titre que les hommes. À la tête des clubs populaires et de leurs journaux comme La Sociale d’Andrée Léo, elles ont imposé dans la Commune les mesures sociales les plus avancées. Personne ne peut nier que l'une des leaders populaires les plus marquantes de cette Révolution, l'institutrice libertaire Louise Michel (présente pour défendre les canons de Montmartre le 18 mars), est une des plus fortes et grandes figures féministes de notre pays.

Preuve supplémentaire de l'absence de nationalisme obtus chez les Communards, qui reprennent à leur compte l'universalisme républicain, les étrangers sont associés dans le processus. Nombre d’entre eux ont combattu aux côtés des troupes françaises après la proclamation de la IIIème République, le 4 septembre 1870 : Garibaldi et ses « chemises rouges », mais aussi des Belges, des Polonais, des Russes, etc. A propos de l’élection de l’ouvrier bijoutier Léo Frankel, né en Hongrie, la commission des élections explique : « Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent, (...) la commission est d’avis que les étrangers peuvent être admis ».

Les Communards affirmaient ainsi la vocation internationaliste de leur idéal tout en multipliant par ailleurs les appels à la fraternisation à l’égard des soldats allemands. Alors même que la lutte avec les Versaillais avaient débuté, les Communards ne renoncèrent en rien aux principes de démocratie directe au sein de leur armée, avec une perte catastrophique de coordination, de cohérence et d'efficacité dans leur défense militaire… Voilà bien une « leçon » que les Bolchéviques auront retenus : il suffit de voir sur quelles bases, avec quelle dureté et quelle violence, Léon Trotsky organisa l'Armée Rouge et la guerre contre les « Blancs ». Voilà bien un domaine supplémentaire qui démontre à quel point les Communards différaient du communisme bolchévique qui domina nominalement l'imaginaire de la gauche durant une bonne moitié du XXème siècle.

allégorie de la répression sanglante et criminelle de la Commune par les Versaillais (dessin de Jacques Tardi)

allégorie de la répression sanglante et criminelle de la Commune par les Versaillais (dessin de Jacques Tardi)

Les Versaillais vont incarner une autre internationale, celle des possédants. Le gouvernement Thiers a signé l'armistice et ratifié le traité qui sanctionne la capitulation française, comme l'avait craint les Blanqui et Vallès. Faux républicains et vrais Bourgeois s'entendent parfaitement avec le pouvoir du nouvel Empire allemand pour tuer dans l'œuf au plus vite cette révolution sociale parisienne qui pourrait faire tâche d'huile avec ses acteurs mêlant héritiers des jacobins français et représentant anarchistes et marxistes de la Première internationale (AIT1). La levée en masse de troupes venue des quatre coins de la France a bien été réalisée finalement mais elle sera utilisée pour marcher contre Paris. Avec la complicité de l’armée prussienne, les Versaillais pénètrent dans la capitale le 21 mai et massacrent méthodiquement les insurgés, mal organisés, mal préparés, mal informés par leurs journaux, tétanisés par la cruauté des premiers combats. La « Semaine Sanglante » du 21 au 28 mai 1871 se conclura par la mort et l'exécution de quelques 17 000 Communards (dont Charles Delescluzes, Eugène Varlin, Louis Rossel…) ; c'est un véritable massacre, bien plus sanglant que les victimes mises sur le compte de la Terreur révolutionnaire de 1792-1794 pour toute la France ! Près de 5 000 prisonniers politiques seront déportés – « la guillotine sèche » – en Nouvelle-Calédonie comme Louise Michel ; un nombre comparable ne devra la vie qu'à l'exil (tels Jules Vallès, les frères géographes et libertaires Elie et Elisée Reclus ou encore Gustave Courbet à qui la République réclamera les sommes pour relever la colonne Vendôme, ce symbole abject de l'oppression bonapartiste…) en Belgique, en Suisse, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. Peu d'entre eux reviendront après l'amnistie de 1880 comme Benoît Malon (fondateur de la Revue Socialiste, enterré au Mur des fédérés et dont l'éloge funèbre fut prononcée par Jean Jaurès), Jules Vallès ou Jules Guesde (rentré en France en 1876, il est le fondateur du Parti Ouvrier français, organisation marxiste qui sera l'une des composantes, après bien des péripéties, de la SFIO en 1905).

* * * * *

« Le cadavre est à terre mais l’idée est debout » : ces mots de Victor Hugo reviennent régulièrement sous les plumes célébrant l’héritage de la Commune de Paris. Mais Hugo, tout en transition vers le socialisme qu'il était, ne fut pas exempt d'ambigüités ; ainsi écrivait-il dans Le Rappel, en avril 1871 : « Je suis pour la Commune en principe, et contre la Commune dans l’application. » Une phrase qu'aurait pu prononcer quelques Républicains ralliés au compromis comme Gambetta ou plus tard les Radicaux des années 1880-1900 pour justifier leur mauvaise conscience et leur mauvaise foi vis-à-vis de l'évènement. Hugo lui au moins condamna avec la dernière énergie les massacres commis par la répression. Mais d'une certaine manière, l’enjeu présent est là, loin des momifications mémorielles et parfois dévoyées qui ont souvent accompagné les célébrations et les récupérations de la Commune. Il ne faut pas, il ne faut plus s’en tenir à des principes, souvent formulés aujourd’hui sous la forme de droits – droit au logement, droit au travail, égalité femmes-hommes, liberté de conscience – ou parfois restés évanescents – la souveraineté populaire et la liberté d'informer plus fortes que la propriété privée et capitaliste – ; non il est urgent de passer à leur mise en application.

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17 décembre 2020 4 17 /12 /décembre /2020 16:17

Dans quelques jours, le Parti Communiste Français fêtera ses 100 ans. C'est en effet du 25 au 30 décembre 1920 que se tint le fameux congrès de Tours qui scinda durablement le mouvement ouvrier français en deux, avec d'un côté les partisans du socialisme démocratique et de l'autre le communisme tel qu'il était alors défini par Lénine et Trotski. C'était un temps d'avant les congés payés et les formations ouvrières et socialistes devaient profiter des fêtes religieuses chômées pour organiser leurs congrès.

De la SFIO au PC-SFIC

Cette scission profonde vient à la fois de loin et fut en même temps un coup de tonnerre ; elle représente plus une puissante réplique intellectuelle, idéologique et psychologique du déclenchement de la Première Guerre Mondiale que des débats internes et anciens qui précédèrent et accompagnèrent la vie tumultueuse de la première SFIO ou même des Révolutions russes de 1917. Il faut solder la trahison de l'Internationale ouvrière qui n'a pas su empêcher le conflit par une action concertée, solder la trahison bien concrète celle-ci du SPD cœur du marxisme international et à sa suite d'à peu près toutes les représentations parlementaires socialistes qui ont voté les crédits de guerre puis se sont engagées dans les Unions Sacrées et autres Burgfrieden.

Les conséquences démographiques de la Grande Guerre sont également majeures : le parti qui sort de la guerre n'a plus les mêmes adhérents et n'a plus les mêmes responsables. Jean Jaurès a été assassiné ; Édouard Vaillant, le vieux militant blanquiste, est mort en 1915 ; Jules Guesde est malade. Les effectifs militants de la SFIO ont été comme toute la société française durement frappés par l'hécatombe des tranchées ; les adhérents de 1918 sont donc plus jeunes et regardent évidemment depuis février 1917 vers la Révolution en Russie qui vient de prendre un tournant radical en novembre avec le « putsch » bolchévique.

Ces jeunes militants sont donc plus enclins à écouter les arguments de Fernand Loriot, Boris Souvarine et Pierre Monatte, principaux animateurs du courant pro-bolchéviques. Ils veulent régénérer idéologiquement et presque spirituellement un parti qui a failli comme le reste des partis social-démocrates face à la guerre. Le sentiment de culpabilité et de trahison incite également des parlementaires comme Marcel Cachin à abandonner leur « social-chauvinisme » de 1914 pour retrouver une forme de pureté politique dans la transformation du parti.

Marcel Cachin, Fernand Loriot, Boris Souvarine, Pierre Monatte, Ludovic-Oscard Frossard, principaux artisans du basculement de la SFIO dans l'Internationale Communiste

Marcel Cachin, Fernand Loriot, Boris Souvarine, Pierre Monatte, Ludovic-Oscard Frossard, principaux artisans du basculement de la SFIO dans l'Internationale Communiste

Il y aura eu en réalité de multiples malentendus autour des fameuses conditions d'admission du parti français à l'Internationale Communiste. Ces conditions s'élevaient à 9 lors du voyage à Moscou ; elles sont portées à 21 en août après le départ des deux délégués français1 Ludovic-Oscar Frossard et Marcel Cachin. Ces conditions, principalement rédigées par Lénine, imposent un mode de fonctionnement autoritaire, excluant tous les réformistes et s'engageant à un soutien sans faille envers Moscou pour la révolution prolétarienne mondiale. Bien des responsables de la majorité de la SFIO qui se prépare à rejoindre la nouvelle internationale considèrent que ces conditions sont de pure forme et qu'ensuite le parti poursuivra sa vie : c'était sans compter la volonté des plus bolchéviques de construire non seulement un nouveau parti, mais aussi un militant nouveau et un Homme nouveau sur les décombres de la civilisation bourgeoise, et des dirigeants de l'Internationale.

C'est le 27 décembre 1920 que Léon Blum prononça son fameux discours qui va être une référence essentielle à la définition du socialisme démocratique français dans la lignée de Jean Jaurès durant plusieurs décennies. Il oppose au centralisme démocratique et la primauté des « directions clandestines » dans le parti que veulent imposer Lénine et le parti bolchévique la représentation proportionnelle et la démocratie dans le parti ; il oppose à la dictature du parti, avant-garde déconnectée de la réalité du peuple, sur la société une analyse de la « dictature du prolétariat » qui la rend compatible avec la démocratie représentative en tant que « dictature » de la majorité sur la minorité pour peu que cette majorité soit cohérente avec l'expression populaire ; il oppose la transformation de la société conduite par cette avant-garde léniniste, par la violence politique si nécessaire, à une transformation de la société qui commence avant la prise du pouvoir par la conquête progressive de ce qui sera conceptualisé plus tard par Gramsci comme une hégémonie culturelle, permettant la transformation économique révolutionnaire. Selon Léon Blum, le bolchevisme s'est détaché du socialisme et du marxisme parce qu'il confond la prise du pouvoir avec la Révolution, le moyen avec la fin, qu'il oriente toute sa tactique vers cette conquête du pouvoir, sans tenir compte ni du moment, ni des circonstances, ni des conséquences, qu'il tend vers la conservation du pouvoir politique absolu, bien qu'il se sache hors d'état d'en tirer la transformation sociale. Lui qui n'est pourtant pas un intellectuel qui s'est construit dans l'idéologie marxiste à l'origine mène durant son discours une démonstration marxiste implacable pour démontrer à quel point le Léninisme s'en détache. Pour lui il s'agit d'une doctrine entièrement nouvelle et Blum aura de nombreux accents prophétiques dans lesquels nombreux sont ceux qui y voient l'annonce des terriblement dévoiement staliniens et de l'implacable marche vers un césarisme sanglant rendu nécessaire pour contraindre un peuple qui ne voudrait plus du parti bolchévique.

« Sur tous les terrains, au point de vue doctrinal comme au point de vue tactique, [le congrès de l'Internationale Communiste] a énoncé un ensemble de résolutions qui se complètent les unes les autres et dont l’ensemble forme une sorte d’édifice architectural, entièrement proportionné dans son plan, dont toutes les parties tiennent les unes aux autres, dont il est impossible de nier le caractère de puissance et même de majesté. Vous êtes en présence d’un tout, d’un ensemble doctrinal. »

Léon Blum

Léon Blum

« Je ne connais, pour ma part, en France qu’un socialisme, celui qui est défini par les statuts, et qui est un socialisme révolutionnaire. Personnellement, je ne connais pas deux espèces de socialisme, dont l’un serait révolutionnaire et dont l’autre ne le serait pas. Je ne connais qu’un socialisme, le socialisme révolutionnaire, puisque le socialisme est un mouvement d’idées et d’action qui mène à une transformation totale du régime de la propriété, et que la révolution, c’est, par définition, cette transformation même. […] Révolution, cela signifie, pour le socialisme traditionnel français : transformation d’un régime économique fondé sur la propriété privée en un régime fondé sur la propriété collective ou commune. C’est cette transformation qui est par elle-même la révolution, et c’est elle seule, indépendamment de tous les moyens quelconques qui seront appliqués pour arriver à ce résultat. […] Mais l’idée révolutionnaire comporte ceci : qu’en dépit de ce parallélisme, le passage d’un état de propriété à un autre ne sera pas par la modification insensible et par l’évolution continue, mais qu’à un moment donné, quand on en sera venu à la question essentielle, au régime même de la propriété, quels que soient les changements et les atténuations qu’on aura préalablement obtenus. Il faudra une rupture de continuité, un changement absolu, catégorique. […] Cette rupture de continuité qui est le commencement de la révolution elle-même a, comme condition nécessaire, mais non suffisante, la conquête du pouvoir politique. »

« Ouvrez votre carte du Parti. Quel est l’objet que le parti socialiste jusqu’à présent se donnait à lui-même ? C’est la transformation du régime économique. Ouvrez les statuts de l’Internationale communiste. Lisez l’article dans lequel l’Internationale définit son but. Quel est ce but ? La lutte à la main armée contre le pouvoir bourgeois. »

« Quand il y a juxtaposition d’organes publics ou clandestins, à qui appartient nécessairement l’autorité réelle ? Où réside-t-elle ? Par la force des choses, dans l’organisme clandestin. Cela est fatal, et les thèses reconnaissent cette nécessité. Paul Faure vous a lu les textes : c’est toujours l’organisme clandestin qui doit contrôler effectivement l’organisme public. Comment ces organismes se formeront-ils ? Est-ce qu’à l’issue de ce congrès, après avoir nommé votre comité directeur public, vous allez procéder à la nomination du comité clandestin ? Est-ce que vous allez mettre aux voix la désignation de cet organisme ? Votre comité directeur occulte ne pourra donc pas naître d’une délibération publique de votre congrès, il faudra qu’il ait une autre origine. Il faudra que sa constitution vous soit apportée du dehors. Ceci revient à dire que, dans le Parti qu’on veut nous faire, le pouvoir central appartiendra finalement à un comité occulte désigné – il n’y a pas d’autre hypothèse possible – sous le contrôle du comité exécutif de l’Internationale elle-même. Les actes les plus graves de la vie du Parti, ses décisions seront prises par qui ? Par des hommes que vous ne connaîtrez pas. »

« Nous pensons que tout mouvement de prise du pouvoir qui s’appuierait sur l’espèce de passion instinctive, sur la violence moutonnière des masses profondes et inorganiques, reposerait sur un fondement bien fragile et serait exposé à de bien dangereux retours. Nous ne savons pas avec qui seraient, le lendemain, les masses que vous auriez entraînées la veille. Nous pensons qu’elles manqueraient peut-être singulièrement de stoïcisme révolutionnaire. Nous pensons qu’au premier jour où les difficultés matérielles apparaîtraient, le jour où la viande ou le lait arriveraient avec un peu de retard, vous ne trouveriez peut-être pas chez elles la volonté de sacrifice continu et stoïque qu’exigent, pour triompher jusqu’au bout, les mouvements que vous envisagez. Et ceux qui auraient marché derrière vous la veille seraient peut-être, ce jour-là, les premiers à vous coller au mur. Non, ce n’est pas par la tactique des masses inorganiques entraînées derrière vos avant-gardes communistes que vous avez des chances de prendre le pouvoir. Vous avez des chances de prendre le pouvoir dans ce pays, savez-vous comment ? Par de vastes mouvements ouvriers à caractère organique, supposant une éducation et une puissance de moyens poussés aussi loin que possible. Vous ne ferez pas la révolution avec ces bandes qui courent derrière tous les chevaux. Vous la ferez avec des millions d’ouvriers organisés, sachant ce qu’ils veulent, quelles méthodes ils emploieront pour aller au but, prêts à accepter les souffrances et les sacrifices nécessaires. »

Léon Blum conclut en espérant que la rupture ne soit pas définitive : « Nous sommes convaincus, jusqu’au fond de nous-mêmes, que, pendant que vous irez courir l’aventure, il faut que quelqu’un reste garder la vieille maison. […] Dans cette heure qui, pour nous tous, est une heure d’anxiété tragique, n’ajoutons pas encore cela à notre douleur et à nos craintes. Sachons nous abstenir des mots qui blessent, qui déchirent, des actes qui lèsent, de tout ce qui serait déchirement fratricide. Je vous dis cela parce que c’est sans doute la dernière fois que je m’adresse à beaucoup d’entre vous et parce qu’il faut pourtant que cela soit dit. Les uns et les autres, même séparés, restons des socialistes ; malgré tout, restons des frères qu’aura séparés une querelle cruelle, mais une querelle de famille, et qu’un foyer commun pourra encore réunir. »

La motion Paul Mistral sur le refus de s'engager dans la voie des exclusions réclamées par Zinoviev est repoussée le 30 décembre par 3247 voix contre 1398. Les minoritaires quittent alors le congrès avant son achèvement, laissant la salle à la majorité communiste, qui fonde la Section Française de l'Internationale Communiste (SFIC, rapidement rebaptisée PC-SFIC).

La tribune du Congrès de Tours entre les 25 et 30 décembre 1920

La tribune du Congrès de Tours entre les 25 et 30 décembre 1920

Le nouveau parti connaîtra des débuts difficiles, violemment ballotté dans les luttes de pouvoir qui suivent le retrait de Lénine du devant de la scène dès 1922 puis sa mort en janvier 1924. La « bolchevisation du parti » exigée par les jeunes du congrès de Tours contre les « vieux socialistes » (comme le secrétaire général Frossard) finira par leur être fatale quand celle-ci deviendra synonyme de mise au pas du PC-SFIC par la troïka Kamenev-Zinoviev-Staline puis par Staline seul. Ainsi six ans après le congrès de Tours, des principaux acteurs qui ont obtenu l'adhésion de la SFIO à l'Internationale Communiste il ne reste plus que Cachin. Cette période n'en est pas moins riche de combats courageux et légitimes contre l'occupation de la Ruhr en 1923 ou la Guerre du Rif en 1925, qui vaudront à plusieurs des dirigeants du parti d'être emprisonnés. Mais le PC-SFIC sur les ordres du Komintern s'enfonce dans une impasse stratégique avec la stratégie « classe contre classe » qui assimile socialistes et fascistes, les alliés potentiels et anciens frères aux ennemis mortels. De 1926 à 1928, Pierre Sémard tentera la stratégie de « front unique » à un moment où la bride du parti russe s'était relâchée ; mais alors que ses efforts commençaient à payer et que le PC-SFIC remontait la pente, fin 1926, Staline évince définitivement ses anciens alliés Zinoviev, Kamenev et son rival de toujours Trotski, qui participaient encore à la direction collégiale depuis la mort de Lénine. La stratégie « classe contre classe » de rupture avec les socialistes a donc de nouveau les faveurs du Komintern qui pousse en avant les JC (Jeunesses communistes, alors dirigées par Doriot, également député de Saint-Denis) pour mettre en œuvre cette ligne ultra sectaire. Sémard n'y résistera pas.

Le PCF, parti de la classe ouvrière … vraiment !

Cette stratégie perdurera jusqu'en 1934 et à la prise de conscience du danger fasciste en France, et de la menace géopolitique nazie par Staline : les intérêts géopolitiques du dictateur soviétique et la nécessité politique française et du parti rebaptisé PCF correspondent enfin. Au passage Doriot converti entre temps à l'alliance avec la gauche aura été exclu par Maurice Thorez pour des questions de discipline ; on connaît ensuite son parcours vers le fascisme et la collaboration active avec l'occupant nazi. Sans cette conversion soudaine et bienvenue, jamais la réunification de la CGT n'aurait été possible, jamais le Front populaire n'aurait été possible, jamais le mouvement social n'aurait été victorieux dans la foulée d'élections législatives qui donnent pour la première fois à la SFIO la première représentation parlementaire et au PCF 72 députés (contre 23 en 1932). Il est frappant de constater la modération du programme du PCF à cette occasion qui répond à la modération du programme officiel du Front populaire, quand le programme électoral propre de la SFIO était beaucoup plus radical et sera de fait largement mis en application lors de l'été 1936 : sans cette modération du PCF et sa « main tendue aux catholiques », les résultats auraient été différents.

C'est le début de la « nationalisation » du PCF, son intégration complète dans l'échiquier républicain. Si l'on écarte la parenthèse désastreuse du pacte germano-soviétique – conséquence des errements géostratégiques de Staline et de l'incapacité psychologique et politique des partis communistes de cette époque à désobéir à Moscou – c'est la renaissance du Parti Communiste Français comme organisation essentielle à la République française. Dès avant l'été 1941 et l'opération Barbarossa, les cadres communistes vont s'impliquer dans la Résistance d'abord par des initiatives spontanées puis dès l'été 1941 par une volonté concertée et de plus en plus efficace qui en fera un des atouts majeurs dans la Libération du pays – en tant que parti et au travers des mouvements de Résistance qui lui sont liés (Front National, Francs Tireurs et Partisans, MOI) – et dans le rapport de force nécessaire à l'indépendance de la France face aux intentions initiales des Anglo-Saxons dans la reconstruction de l'Europe.

Si le programme du Conseil National de la Résistance – qui continue d'être une référence historique et pratique pour l'ensemble de la gauche – doit plus dans son élaboration à Daniel Mayer et ses camarades socialistes, sa mise en œuvre à la Libération et l'effort nécessaire pour la Reconstruction du pays ont une dette immense à l'égard du PCF. À jamais, la création de la Sécurité Sociale restera associée à l'action et à la mémoire d'Ambroise Croizat. Malgré la rupture de 1946-1947 – une nouvelle fois sur ordre de Moscou – au prétexte du rejet du Plan Marshall et de défendre l'indépendance nationale et l'échec des grèves insurrectionnelles de 1947, le PCF et la CGT – passée dans l'orbite communiste – ont contribué comme aucun autre parti français à cette époque à « nationaliser » la classe ouvrière française, à donner une représentation politique à ses aspirations et à l'incarner humainement, pratiquement depuis les conseils municipaux jusqu'à l'Assemblée nationale, mais aussi dans les usines. C'est le PCF que cela plaise ou non qui a apporté – bien que tous les ouvriers français ne soient pas communistes – aux ouvriers français leur pleine dignité et leur pleine place dans notre pays comme citoyens.

Malgré les ambiguïtés politiques de la direction nationale du PCF, il faut aussi souligner l'engagement parfois au prix de leur vie de nombreux militants, cadres et intellectuels communistes pour les indépendances et contre la guerre civile en Algérie. Le PCF a eu également une attitude irréprochable face à la constitution de la Cinquième République et aux dérives inévitables qu'elle allait générer surtout après sa modification en 1962 pour faire élire le président de la République au suffrage universel. Il y a évidemment les retards à reconnaître la réalité du rapport Kroutchev sur les crimes de Staline, mais la normalisation politique fit rapidement son effet.

Léon Blum, Maurice Thorez et Roger Salengro à la tribune d'un rassemblement du Front Populaire

Léon Blum, Maurice Thorez et Roger Salengro à la tribune d'un rassemblement du Front Populaire

Pour des socialistes, la conception de l'union de la gauche c'est le congrès d'Epinay de juin 1971, le choix du PS avec Mitterrand de mettre un terme au préalable de la réduction des écarts idéologiques avec le PCF avant d'élaborer un programme commun de la gauche pour privilégier celui-ci. Ce n'est pas faux, mais ce n'est pas toute la vérité. Il y a évidemment le choix de soutenir François Mitterrand comme candidat unique de la gauche à l'élection présidentielle de 1965 ; il y a ensuite le « manifeste de Champigny » par lequel le Comité central du PCF tente de tirer la leçon de Mai-68 et de la bérézina électorale qui l'a suivi en avançant vers l'union de la gauche et en ouvrant la voie à l'eurocommunisme ; c'est Guy Mollet qui refusera la reconduction de l'expérience présidentielle de 1965 en 1969 et lors des élections municipales de mars 1971 c'est le PCF qui fut souvent unitaire pour deux, soutenant parfois des maires socialistes là où ses résultats électoraux auraient pu l'inciter à prendre le leadership.

Il est faux de dire que la stratégie d'union de la gauche fut fatale au PCF : dans le bastion de gauche qu'étaient les Bouches-du-Rhône dans les années 1970, c'est lui qui en profite face à un PS deferriste qui n'a pas renoncé à être une nouvelle forme de SFIO. Le PS ne prend le leadership que là où les socialistes ont compris qu'un nouvelle ère s'ouvrait, qu'il fallait être inventif et dynamique. Évidemment, l'élection présidentielle de 1981 solde définitivement la prééminence du PS sur la gauche. Mais le PCF ne fut jamais remplacé politiquement dans la population française. La crise de la sidérurgie sera le début d'un nouveau processus de rupture entre le PS et la classe ouvrière ; rupture qui, après le presque rejet du traité de Maastricht en 1992, allait coûter la qualification au second tour de l'élection présidentielle de Lionel Jospin en 2002. La gauche – au-delà de toutes les considérations sur les modifications sociales parmi les ouvriers – en fait toujours les frais.

Le soviétisme est mort, mais l'idéal de la République sociale vit

Entre temps, l'URSS s'était effondré après que la guerre d'Afghanistan ait démoralisé l'empire soviétique et que la chute du Mur de Berlin l'eut dépouillé de ses « satellites ». C'était sans doute le sens de l'histoire : la course à l'armement avec les États-Unis d'Amérique ont sans doute donné le coup de grâce économique à Moscou, mais la nature même du régime, la dictature héritière du totalitarisme stalinien, n'était pas tenable, car il représentait un dévoiement total de l'idéal socialiste et communiste né au XIXème siècle et qu'il prétendait réduire à lui seul. Ce régime était d'ailleurs à mille lieux de la réalité politique, militante, municipale et parlementaire que vivaient et défendaient les militants et les élus du PCF. Ce parti et ces militants ont sûrement pâti de leur incapacité à rompre avec l'Union soviétique lorsqu'elle n'avait pas engagé son dégel... mais d'une manière générale, c'est l'ensemble de la gauche européenne qui a subi les contrecoups de l'effondrement soviétique : d'une part, parce que la faillite du modèle soviétique et bolchévique a semblé signifié pour beaucoup d'acteurs et de commentateurs intéressés la preuve de la déchéance de toute espérance socialiste, de toute vision de gauche ; d'autre part, parce que les social-démocraties occidentales et (même) les eurocommunismes – pas si éloignés que cela au bout du chemin – fonctionnaient souvent comme des propositions politiques de compromis, ni le capitalisme américain débridé, ni le dirigisme autoritaire soviétique. Une fois le second tombé, la faiblesse idéologique interne de ces compromis ne leur a pas permis de résister au néolibéralisme et à son « petit frère » le social-libéralisme, la « troisième voie ».

Robert Fabre (MRG), François Mitterrand (PS) et Georges Marchais (PCF)

Robert Fabre (MRG), François Mitterrand (PS) et Georges Marchais (PCF)

C'est peut-être là une des chances de la gauche française : ressourcer nos racines dans une particularité de notre histoire et de actualité politique, la République et la fusion jauressienne entre le Socialisme et la République, continuation ambitieuse de l'idéal révolutionnaire. En cela, l'évolution du PCF après guerre le fait très largement converger avec la tradition de la gauche républicaine. Ce parti est aujourd'hui traversé comme toute la gauche française de débats fébriles au regard de l'évolution de la société française. Mais tous les éléments de rupture qui avaient séparé communistes et socialistes français en 1920 n'ont eux plus aucune actualité. Plutôt que de faire un « Congrès de Tours à l'envers », plutôt que de sommer les militants communistes de revenir à la « vieille maison » qu'ils n'ont jamais connue, le temps pourrait venir d'être constructifs et de bâtir une large et grande maison de la Gauche Républicaine, abritant toutes celles et tous ceux qui ont pas abandonné leur foi dans l'idéal révolutionnaire et dans la République sociale.

Frédéric FARAVEL
conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons

100 ans de Parti Communiste Français … vers une maison commune de la Gauche Républicaine ?

1Les 21 conditions d'adhésion à l'internationale communiste :

1. La propagande et l'agitation est subordonnée par l'IC et le comité central du parti.

2. Élimination des éléments réformistes et centristes au sein du parti, doit être privilégié des travailleurs.

3. Le parti communiste doit faire des actions illégales pour remplir le devoir révolutionnaire.

4. Propagande communiste, même illégale, au sein des troupes

5. Action communiste systématique au sein des campagnes.

6. Refus du compromis internationaliste[précision nécessaire], prône la révolution anti-capitaliste.

7. Rupture avec les centristes et les réformistes.

8. Les partis doivent mener la lutter contre leurs gouvernements, pour les peuples opprimés.

9. Des noyaux communistes doivent noyauter les syndicats, soumis au parti.

10. Opposition totale à l'internationale syndicale d'Amsterdam

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15 octobre 2020 4 15 /10 /octobre /2020 16:36

Je participerai samedi à la commémoration annuelle qui se tiendra au pont de Bezons. En tant que Républicain et Socialiste, il me paraît indispensable de rendre hommage aux victimes d’une répression violente et illégitime. Mes camarades de la Gauche Républicaine & Socialiste s’associent évidemment à cette démarche. Vous trouverez ci-dessous l'appel à participation que j'ai rédigé pour le groupe municipal "Vivons Bezons".

"Samedi 17 octobre à 11h30, "Vivons Bezons" encourage les Bezonnais.es à participer à la commémoration qui se déroulera au Pont de Bezons devant la plaque d'hommage aux victimes du massacre perpétré voici 59 ans.
Le 17 octobre 1961, le Préfet de Police Maurice Papon organisait et ordonnait la répression sanglante contre des dizaines de milliers de manifestants pacifiques qui défendaient l'indépendance de l'Algérie.
Des centaines d'Algériens de toute la région parisienne furent ainsi tués, sous les coups de la police, noyés dans la Seine, à Paris, en banlieue, à Bezons même.
Maurice Papon ne fut pas seulement leur assassin, il abimait durablement la République au nom de laquelle il agissait en commettant ce crime irréparable.
Depuis de nombreuses années, Bezons rend hommage aux victimes algériennes qui subirent cette violence intolérable et pour certains y laissèrent la vie. C'est un devoir pour nous de participer chaque année à cette commémoration et de réaffirmer ainsi qu'il n'est plus possible de commettre au nom de la République qui nous rassemble des actes aussi contraires à ses principes, que plus jamais la France ne tombera dans la faute de la colonisation.
Ensemble portons haut les valeurs d'humanité et de fraternité entre les Peuples."

Frédéric Faravel
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
membre du groupe municipal "Vivons Bezons"

Bezons rend hommage aux victimes du massacre du 17 octobre 1961
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