Déclinées selon le principe de subsidiarité par chaque pays membre, les « réformes structurelles » recommandées fixent l’objectif d’adapter les marchés du travail pour de faire entrer l’Europe dans l’ère de « l’économie de la connaissance ».
On pouvait imaginer que l’entrée dans l’ère des nouvelles technologies nécessitait un investissement fort et coordonné des puissances publiques européennes. Cette idée triviale aurait pu conduire à écarter les dépenses d’investissement du calcul des déficits publics, voire à accroître les ressources du budget communautaire. Aucunement ! La stratégie de Lisbonne est bel et bien une stratégie néo-libérale centrée « sure l’offre ». Elle déclare sa foi en la volonté des firmes ouvertes à la concurrence libre et non faussée, privatisées et sous emprise des fonds de pension, à piloter le devenir de la politique industrielle européenne. Il resterait aux travailleurs à « adapter leur offre » sur un marché du travail débarrassé de ses « rigidités ». Les quatre lignes directrices de la stratégie de Lisbonne préconisent ainsi : . Des « allègements de charges fiscales et sociales » pour favoriser la rentabilité nécessaire à l’investissement dans la « nouvelle économie », . Une plus grande « fluidité du marché du travail» pour favoriser la mobilité des travailleurs vers les nouveaux secteurs à l’issue des restructurations, . Une « réforme des systèmes d’indemnisation chômage » pour « inciter les chômeurs à la reprise d’emploi », ce qui sous-entend une réduction de la durée et du montant des indemnités, . Le « suivi des parcours professionnels » en contrepartie des indemnités perçues, afin d’améliorer le « capital humain » des travailleurs licenciés, appelés à se « former tout au long de leur vie » pour s’adapter à la nouvelle économie.
Les promoteurs de tous poils de la flexisécurité persévèrent à présenter la stratégie de Lisbonne comme étant compatible avec une approche progressiste des politiques de l’emploi. Elle considère pourtant les travailleurs comme des malades à soigner au point qu’une « sécurité sociale professionnelle » soit désormais proposée pour couvrir le risque qu’ils courent d’être « inemployables », mal formés, inadaptés à « l’économie de la connaissance ». Elle sous-entend que la cause essentielle du chômage relève d’un problème « d’appariement » entre l’offre et la demande de travail, les chômeurs-offreurs étant munis d’un « capital humain » insuffisant. L’activation des dépenses passives signifie que le droit aux indemnités chômage (relevant traditionnellement de la dépense passive) est dès lors assorti de l’obligation d’accepter formations et emplois proposés par les agences pour l’emploi. Mais en aucun cas, les travailleurs ne sont perçus comme les victimes d’un système économique extrêmement profitable, mais qui s’avère incapable de stimuler l’investissement, la consommation et l’emploi. En culpabilisant les chômeurs, suspectés de « profiter » des allocations chômage sans chercher à améliorer leur « capital humain », la stratégie de Lisbonne finira par lutter contre les chômeurs et non contre le chômage, comme l’expérimente déjà le plan Hartz IV en Allemagne !
En France, les propositions du rapport Cahuc-Kramarz sont abondamment citées au titre des alternatives possibles au CPE-CNE. Leur prise en compte par la gauche parachèverait l’entreprise de destruction du code du travail, amorcée par la droite. La proposition centrale du rapport est la fusion des contrats de travail en un contrat unique, assorti de la liberté totale de licencier moyennant le paiement d’une taxe pour financer la « sécurité sociale professionnelle ». Or dans le droit du travail qui fait du CDI le pivot de l’intégration sociale, il existe déjà un certain nombre de dispositions permettant aux entreprises d’user de « souplesse » : les CDD, le recours à l’intérim, mais aussi au travail saisonnier et intermittent est prévu et encadré. Le droit à la formation existe également et mérite d’être étendu. L’amélioration du suivi des chômeurs par le service public de l’emploi est naturellement souhaitable. C’est l’application stricte de la loi qui, seule, permet de limiter le recours abusif aux contrats précaires, lorsqu’ils ne sont pas motivés. La liberté de licenciement moyennant taxation est une « externalité » qui sera très vite intégrée par les entreprises dans leur « calcul d’optimisation », a-fortiori lorsque les profits sont assurés par la flexibilité de l’emploi, des salaires et la mise en concurrence des salariés au pouvoir de négociation fragilisé.
Le « retrait du CPE !» n’est pas seulement un mot d’ordre tactique. Il est nécessaire pour retirer le pied mis par la droite dans la porte d’un droit du travail qui s’avérait parfaitement compatible avec le plein-emploi et la cohésion sociale.
La séparation, décidée en 1906 à Amiens, empêche l'instauration d'une social-démocratie. Par Michel WIEVIORKA,sociologue - Libération -mercredi 22 mars 2006
Dans quelques semaines, la CGT va tenir son congrès à Lille. Ce pourrait être l'occasion de commémorer utilement le centième anniversaire du congrès de 1906, tenu à Amiens, et célèbre pour la charte qui y a été votée. Du 8 au 14 octobre 1906, la CGT tient congrès, quelques mois après l'échec de la grève générale du 1er Mai. Rédigée, selon la légende, au buffet de la gare d'Amiens par quelques leaders, une motion est proposée par le secrétaire de la confédération Victor Griffuelhes. Elle recueille 830 mandats contre 8, et un bulletin blanc. Ce vote en faveur de ce qui deviendra dans l'historiographie du mouvement syndical la «charte d'Amiens» constitue le principal moment d'unité d'un congrès marqué plutôt par la confusion.
Le texte est court. Il affirme l'indépendance syndicale par rapport aux partis politiques (et aux «sectes»). Il demande à chaque syndiqué de ne pas introduire dans le syndicat «les opinions qu'il professe au dehors» et fait de la CGT l'acteur d'une «émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste». Il préconise comme moyen d'action la grève générale.
La charte d'Amiens a en fait 2 implications décisives. La première est qu'elle marque, pour un temps, l'échec de ce qui s'appelle alors le guesdisme, du nom du leader socialiste Jules Guesde, qui entend subordonner le syndicat au parti, politiquement comme financièrement. Un vote qui précède celui de la charte signifie déjà le rejet de cette orientation, puisque la proposition de Victor Renard (secrétaire de la Fédération du textile et militant socialiste tendance guesdiste), d'établir des relations entre le conseil national du Parti socialiste et le comité confédéral de la CGT, est repoussée par 724 mandats contre 34 et 37 bulletins blancs. Mais ce refus n'est que partie remise car plus tard, durant l'entre-deux-guerres, la CGT deviendra la courroie de transmission du Parti communiste.
Le syndicalisme d'action directe, dit parfois aussi anarcho-syndicalisme ou syndicalisme révolutionnaire, semble en 1906 à son apogée ; en réalité, il ne se remettra pas de la déception et des désaccords consécutifs aux revers subis lors de la grève générale du 1er Mai. Il inaugure alors sans le savoir son déclin historique qui débouchera sur l'entrée dans l'ère de la soumission du syndicat au Parti communiste, et non pas socialiste.
La deuxième implication de l'adoption de la charte d'Amiens est d'autant plus dramatique que nous continuons à en subir les effets : elle annonce l'immense difficulté qu'il y a, en France, à mettre en place une social-démocratie, c'est-à-dire une formule d'articulation de l'action syndicale et de l'action du parti caractérisée par un lien fort mais sans domination de la seconde sur la première. Ainsi, en rejetant le guesdisme, la CGT d'alors s'écarte d'un modèle protocommuniste, plutôt méprisant à l'égard du syndicalisme, préléniniste, ou, si l'on préfère, avant-gardiste, et au marxisme sommaire mais ce qui rend cette charte attachante ne durera pas. En revanche, en marquant leur défiance vis-à-vis du «Parti socialiste, section française de l'Internationale ouvrière» (la SFIO, qui vient, en 1905, d'unifier les socialistes), les congressistes d'Amiens indiquent leur refus d'une association du combat politique, au sein d'un parti, et de la lutte sociale, au sein d'un syndicat. Du coup, il n'y aura guère de double appartenance, de double militantisme, au syndicat et au Parti socialiste ; il n'y aura pas non plus, ou bien moins qu'ailleurs, de forte mobilisation politico-syndicale, ni de capacité à faire remonter directement et systématiquement, par la voie des réformes et de la représentation politique, les attentes ouvrières jusqu'au niveau du système institutionnel et de l'Etat.
La naissance de la SFIO n'a pas créé les conditions favorables à une formule social-démocrate. L'établissement de la République en France, l'instauration de la démocratie, le suffrage universel, le parlementarisme, n'ont pas été le fait des composantes de ce parti antérieures à l'unification. La démocratie représentative leur doit peu. L'espace de la défense et de la promotion de l'idéal républicain est bien davantage occupé par le Parti radical, et celui-ci interdit aux socialistes d'envisager d'incarner le monopole d'une opposition gauche-droite (opposition qui est aussi celle des Républicains) contre leurs adversaires. Empêtrée dans de fortes tensions entre partisans et critiques de la République, entre logiques parlementaires et logiques de rupture révolutionnaire, même si Jean Jaurès peut donner l'impression d'avoir su les résoudre, ne comptant en 1906 que 40 000 adhérents, sans base ouvrière forte, même si elle comporte un nombre significatif d'adhérents et de militants ouvriers, la SFIO ne se présente pas comme l'expression d'une puissante classe ouvrière, d'une «contre-société ouvrière», selon l'expression d'Alain Bergounioux et Gérard Grunberg (1). Son assise est plus municipale que liée au mouvement ouvrier, à ses syndicats, mutuelles ou coopératives. Griffuehles, à Amiens, souligne qu'elle compte avec le pouvoir et en subit la pénétration ; de même, le secrétaire de la Fédération de l'alimentation, Bousquet, signale que, ce parti «comprenant des patrons dans son sein, nous ne pouvons faire alliance avec lui».
Ainsi, il y a 100 ans, et aidé en cela par une SFIO conjuguant le marxisme sommaire de Jules Guesde et une implantation plus municipale que sociale, le syndicalisme CGT refusait tout autant la préfiguration du modèle communiste que la social-démocratie. Il était bien anarcho-syndicaliste. Dans plusieurs pays d'Europe du Nord et centrale se mettaient en place de puissants partis ouvriers, à l'action réformiste coordonnée avec de non moins puissants syndicats. Et, aujourd'hui encore, la France apparaît comme bien éloignée de pouvoir envisager une quelconque formule social-démocrate. Son Parti socialiste souffre d'un déficit s'il s'agit de sa base proprement sociale (en dehors du secteur public et notamment de l'Education nationale, ou de quelques bastions locaux). Il élabore sa politique sans avoir entièrement tranché entre réformisme et rupture. Quant au syndicalisme, il est affaibli, limité pour l'essentiel aux secteurs protégés de la fonction publique et de quelques grandes entreprises, méfiant à l'égard des partis politiques.
Au prochain congrès de la CGT, il est peu probable que des voix se fassent entendre pour commémorer la charte d'Amiens, du moins pour rappeler qu'elle a signifié le contraire de ce qu'est devenue ensuite la Confédération au temps de sa splendeur, avec ses liens de subordination avec le Parti communiste. Mais à Lille, si près d'Amiens, pourquoi ne pas revenir sur l'autre implication de cette fameuse charte, fondatrice du drame politique majeur de notre pays : la difficulté à le doter d'une social-démocratie efficiente ?
(1) L'Ambition et le remords. Les socialistes français et le pouvoir. Fayard, 2005.
Une société construite sur une méritocratie parfaite serait probablement inégalitaire.
Redoutable égalité des chances
Par François DUBET,sociologue à l'université Bordeaux-II et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales - Libération -jeudi 12 janvier 2006
Après les émeutes de novembre dernier, un nouvel horizon de justice paraît s'imposer à tous : l'égalité des chances. Comment ne pas y être favorable tant il est évident que, dans les sociétés démocratiques affirmant l'égalité fondamentale des individus, l'égalité des chances est la seule manière de produire des inégalités justes, c'est-à-dire des inégalités tenant au mérite de chacun, à son travail, à sa vertu et à sa liberté puisque chacun doit être libre de mettre son propre mérite à l'épreuve. L'égalité des chances et la méritocratie qui lui ressemble comme une soeur sont les seules figures de la justice acceptables dans une société où nous sommes égaux tout en occupant des positions sociales inégales. L'affaire est donc entendue : il faut d'autant plus lutter pour l'égalité des chances que notre société reste scandaleusement «aristocratique», dominée par la reproduction des rentes, des héritages et des privilèges, par la reproduction de la pauvreté et de l'exclusion et par toutes les ségrégations qui interdisent aux femmes, aux minorités, aux enfants de migrants, aux handicapés, d'entrer dans une compétition équitable.
Mais ce n'est pas parce que l'égalité des chances est si essentielle que nous devons ignorer les difficultés et les limites de ce principe cardinal de justice. La première d'entre elles est de savoir si nous sommes véritablement capables de construire une égalité des chances «pure», neutralisant les effets de la naissance et des inégalités sociales sur l'accomplissement du mérite des individus. Sans doute faut-il viser cet objectif, mais tout devrait nous conduire à être prudent en la matière car, après tout, l'ensemble des recherches sociologiques conduites en France et ailleurs montre que ni l'école ni le marché du travail ne parviennent à effacer les effets des inégalités sociales. Il serait sage de ne pas être totalement naïf si l'on ne veut pas préparer des lendemains amers et l'expérience de la massification scolaire devrait nous instruire.
Pour aussi peu contestable qu'elle soit, l'égalité des chances ne vise pas à produire une société égalitaire, mais une société dans laquelle chacun peut concourir à égalité dans la compétition visant à occuper des positions inégales. En cela, ce fut longtemps un thème de droite opposé aux idéaux d'une gauche cherchant d'abord à réduire les inégalités entre les positions sociales. Imaginons que l'accès différentiel aux diplômes, aux emplois, aux revenus, à l'influence, au prestige... procède d'une pure égalité des chances, d'un strict mérite, d'une stricte performance individuelle : est-ce que la répartition de ces divers biens serait juste pour autant ? Serait-il juste que les vainqueurs de l'égalité des chances possèdent toutes les ressources et que les autres n'en aient aucune sous le seul prétexte qu'ils auraient moins de mérite ? Une société construite sur une égalité des chances parfaitement juste pourrait, en même temps, être parfaitement inégalitaire. Autrement dit, le principe de l'égalité des chances n'est acceptable que si l'on prend soin de le situer dans un espace des inégalités sociales elles-mêmes acceptables. Sans cela, l'égalité des chances peut n'être qu'une idéologie de vainqueurs justifiant leur succès au nom de leur mérite. L'orgueil des élites issues des compétitions économiques et scolaires montre aisément que l'égalité des chances peut être, à la fois, une forme de justice et une manière de légitimer de plus grandes inégalités puisque celles-ci sont produites par un principe indiscutable. Dès lors, l'égalité se retourne contre elle-même.
Dans ce cas : malheur aux vaincus ! Leur sort peut être d'autant plus cruel que la réalisation de l'égalité des chances les rend responsables de leur propre défaite. Si chacun a eu la même chance que les autres de réussir et de se saisir des opportunités offertes à tous, ceux qui échouent dans la mise en oeuvre de leur mérite ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Ils ne peuvent pas se consoler ou se révolter en invoquant le destin, les dieux ou le capitalisme. Ils ne sont pas condamnés aux emplois les plus précaires et les plus mal payés à cause de la fatalité de leur naissance et de l'injustice de la société, mais à cause de leur absence de mérite. Ce scénario n'est pas une fiction quand nous voyons combien les élèves en échec développent une amertume et du ressentiment contre l'école parce qu'aux yeux de tous, et à leurs propres yeux aussi, ils ont effectivement moins de mérite, de courage, de talent, d'intelligence que tous les autres qui ont su réussir. Obligés de reconnaître leur défaite, écrasés par leur indignité, ils cassent le jeu ou ne jouent plus.
Puisque l'égalité des chances implique nécessairement l'affirmation du mérite, on pourrait se demander si le mérite existe vraiment. Faut-il sanctionner les performances objectives, faut-il sanctionner les efforts ? Sommes-nous certains que nos succès et nos échecs dans l'égalité des chances sont les conséquences de notre liberté plus que de nos gènes, plus que du hasard, plus que de la myriade des relations et des histoires qui nous constituent sans que nous le sachions ? Au fond, si nous méritons nos succès et nos échecs, nous ne méritons pas forcément les vertus et les handicaps qui nous font triompher ou échouer.
Pourtant, même si ces quelques critiques sont relativement fortes, il reste que l'égalité des chances constitue notre horizon de justice central, qu'elle est la fiction sur laquelle nous continuons à imaginer qu'il est possible de construire des inégalités justes. Un enseignant peut être révolté par les inégalités sociales qui pèsent sur les performances de ses élèves, il n'empêche qu'il est «obligé» de croire à l'égalité des chances quand il note leurs copies, et la plupart d'entre nous pensons que les plus diplômés doivent être mieux payés que ceux qui ne sont pas qualifiés. Dans le monde du marché, la croyance est la même : la prise de risques, les responsabilités et le travail doivent être sanctionnés parce qu'ils mesurent le mérite de chacun. On croit d'autant plus à l'égalité des chances et au mérite que l'on pense souvent que cette forme de justice est efficace : les élites sont les meilleures possibles, chacun est à la place qui lui convient, chacun a intérêt à être efficace, ce qui contribue à l'efficience collective et à «la richesse des nations».
Mais, sauf à devenir perverse, sauf à devenir une forme élégante de darwinisme social ou, plus vraisemblablement, sauf à devenir une liturgie, l'égalité des chances doit être associée à d'autres principes de justice. La lutte pour l'égalité des chances ne peut pas faire l'économie du combat pour la réduction des inégalités sociales, des inégalités des positions et des ressources. Non seulement c'est la meilleure manière de se rapprocher de l'horizon de l'égalité des chances lui-même, mais c'est aussi la seule façon d'offrir des garanties et une égalité sociale fondamentale à ceux qui échouent dans la compétition égalitaire, fût-elle juste. Autrement dit, il faut définir les inégalités tolérables engendrées par l'égalité des chances et définir les biens, la dignité, l'autonomie, la santé, l'éducation... qui doivent être offerts à chacun indépendamment de son mérite et, surtout, de son absence de mérite. En ce sens, la gauche ne saurait totalement attacher son projet et son destin à celui de l'égalité des chances car, même s'il devenait juste que certains soient plus mal payés, plus mal logés et plus mal instruits que d'autres, il serait injuste qu'ils soient trop mal payés, trop mal logés et trop mal instruits. Pour être justes, les conséquences inégalitaires de l'égalité des chances et de la méritocratie doivent donc être sérieusement limitées.
Parce que l'égalité des chances reste le pivot d'une distribution juste des individus dans des positions sociales inégales, elle risque de transformer la vie sociale en une sorte de compétition continue dans laquelle chacun serait le concurrent, sinon l'ennemi de tous, afin d'acquérir des positions et des ressources relativement rares. Sur ce point, l'évolution du système scolaire est sans ambiguïté : chacun y recherche la performance et l'utilité à travers les meilleurs établissements, les meilleures filières, les meilleures formations, c'est-à-dire les plus rentables, quitte à ce que les plus faibles soient relégués et à ce que la culture elle-même soit ramenée à son efficacité sélective. Pour être juste et vivable, une société ne peut se réduire à cette sorte de compétition permanente et d'autant plus permanente qu'elle serait juste, à une société dans laquelle chacun ne serait que l'entrepreneur de lui-même. Pour cette raison, la justice ne consiste pas seulement à réduire les inégalités de position, elle conduit aussi à faire que ces positions soient les meilleures possibles en permettant à chacun de construire la vie qui lui semble bonne. Alors, les «vieux» thèmes de la qualité du travail, du logement et de la ville, de la qualité de l'éducation, de la civilité des relations, doivent contribuer à la formation d'une société moins injuste.
Travaillons d'autant plus à la réalisation de l'égalité des chances que nous en sommes loin, mais craignons que ce mot d'ordre écrase aujourd'hui toutes nos conceptions de la justice et, plus immédiatement, qu'il écrase un débat politique où la gauche et la droite semblent partager les mêmes liturgies. Craignons aussi qu'un horizon aussi ambitieux ignore ses propres faiblesses et engendre des déceptions dont nous aurons beaucoup de mal à nous remettre. Même juste, l'égalité des chances implique mécaniquement qu'il y ait des vaincus, or la justice sociale consiste plus à se placer de leur côté qu'à s'assurer de l'équité de leur échec.
Le conseil fédéral du Val d'Oise du Parti socialiste se réunissait - comme d'habitude après la bataille (en l'occurence après le conseil national du samedi 4 décembre) - lundi 13 décembre 2004, dans la Maison de Quartier du Puit-la-Marlière à Villiers-le-Bel, en début de soirée.
Face à une assemblée clairsemée (si l'on tient compte uniquement des membres du CF), les débats débutèrent avec les 25 mn de retard protocolaire par une très longue intervention préliminaire du Premier secrétaire fédéral Jean-Pierre Müller (55 mn). Ainsi en un an et demi nous avions droit à notre troisième présentation d'un plan d'action fédéral (dont deux en moins de 6 mois), méthode qui est utilisée désormais par le "patron" de la fédération dès qu'il sent poindre à l'horizon des ennuis trouvant leur origine dans les divisions de sa propre majorité. Annexée à ce "nouveau" plan d'action fédéral, et associée au rappel de l'impérieuse nécessité d'une "loyauté totale" à son égard et d'un "engagement entier" au service de leur délégation, une liste du secrétariat fédéral remanié nous était présentée : • Philippe Doucet, secrétaire fédéral aux sections et à la coordination (anciennement attribuée à Galiana) ; • Didier Arnal, secrétaire fédéral aux élus et aux élections, porte-parole fédéral ; • Pierre Bouchacourt, secrétaire fédéral à l'international et à l'histoire du parti ; • Chantal Chaintreau, secrétaire fédérale aux élus minoritaires ; • Michel Coffineau, secrétaire fédéral aux relations extérieures ; • Olivier Galiana, secrétaire fédéral en lien avec le conseil régional et révision du SDAURIF (il était secrétaire fédéral à l'organisation et à la coordination) ; • Janine Haddad, secrétaire fédérale aux finances ; • Laure Lecuir, secrétaire fédérale à la formation ; • Céline Pina (une entrant), secrétaire fédérale à la communication (remplaçant Florence Mary, démissionnaire depuis décembre 2003) ; • Éric Nicollet, secrétaire fédéral aux affaires européennes et à l'action militante ; • Loeiz Rapinel, secrétaire fédéral aux études ; • Guy Melin (un entrant), secrétaire fédéral à l'organisation (attribution jusqu'ici d'O. Galiana) alors qu'il était déjà le permanent fédéral. Était également soulignée la promotion de 2 délégués fédéraux : Jean-François Picaud à l'éducation et Gwenaëlle Le Goullon, déjà titulaire des droits des femmes à qui on attribuait la formation.
Nous apprenions également que la commission fédérale du projet qui devait être le bureau fédéral (comme convenu lors du dernier bureau fédéral), sous la présidence de J.-P. Müller et l'animation de M. Coffineau serait également animée par L. Rapinel, É. Nicollet et P. Doucet... selon l'adage que plus on est nombreux plus c'est efficace et transparent, sans doute... Et puis, François Pupponi, maire de Sarcelles, démissionnait de la présidence de l'UDESR et le Bureau fédéral serait bientôt appelé à valider la candidature de Jean-Pierre Béquet, maire d'Auvers-sur-Oise, pour lui succéder. Alors que les respirations de soulagement se faisaient entendre dans une partie de la salle (les minos qui respiraient enfin après 55 mn d'apnée, une partie des majos qui craignaient que des têtes ne tombent après le référendum militant), nous avons eu la surprise d'un étalement violent des divisions de la majorité fédérale !
La charge fut menée par Patrick Haddad, secrétaire de section de Sarcelles, et Stéphanie Blanpied, représentants la jeune garde rapprochée de DSK au sein du courant "Socialisme & Démocratie Val d'Oise". "Comment ?!? on ne tenait pas compte du vote des militants lors du référendum interne ! Comment était-il possible que Olivier Galiana et Michel Coffineau restassent au sein du secrétariat fédéral alors qu'ils avaient [ignominieusement] soutenu le "non" ; cela n'avait rien de personnel, mais ils devaient se démettre !" Ces charmants camarades avaient oublié que nous sortions effectivement d'un référendum militant mais pas d'un congrès du parti et que c'est bien lors d'un congrès que les socialistes désignent leur direction. Nous avons eu droit à la litanie des jeunes membres de S&D95 qui nous expliquèrent sans rire et avec beaucoup d'arrogance que la ligne du parti était enfin devenu "réformiste" et "sociale-démocrate", que l'expression de "la rupture et de la radicalité" que représentait Coffineau et Galiana ne pouvait plus sièger au secrétariat... et que surtout ceux qui s'étaient impliqués dans la défense de cette nouvelle ligne (c'est-à-dire eux) avait droit à la responsabilité. Tout cela ressemblait trop à de jeunes vizirs souhaitant prendre la place de vieux califes. Affligeant, pitoyable et surtout inquiétant pour les mois à venir...
Gageons en effet que si quelques membres de la majorité fédérale vont vouloir jouer à peu près le jeu de la participation de tous les militants (quelles que soient leurs sensibilités) à la rédaction du projet, les jeunes ayyatollah du social-libéralisme constitué dans le Val d'Oise voudront appliquer la tactique de la terre brûlée et de la guerre civile dans le parti pour imposer leurs vues et gagner des places. Alors que notre parti doit se rassembler pour devenir crédible et inventer une alternative à la droite réactionnaire qui gouverne depuis 2 ans et demi, malgré le carcan éventuel du traité de Bruxelles, ceux-là ont décidé de miser sur l'exclusion. Alors mes chers camarades : Haut les coeur ! la sociale-démocratie est en danger dans le Val d'Oise, nous devons être les plus plus pertinents et les plus percutants dans tous les débats qui nous attendent pour le Projet. L'excès de certains pourraient bien ramener à la raison bien des socialistes légitimistes et les pouser à choisir l'audace réformiste sociale-démocrate plutôt que des modernités pragmatiques sociales-libérales...
Les résultats du référendum interne au Parti socialiste sur le projet de traité constitutionnel pour l'Union européenne ne sont pas sans interroger les militants organisés qui souhaitent ou souhaitaient profondément rénover le Parti socialiste, pour en faire le vecteur de l'alternative de gauche et de la transformation sociale... Sans contre-offensive conséquente, il apparaît assez clairement que certains pourraient être tentés de quitter les rangs des “rénovateurs” dans les mois qui viennent, soit parce qu’ils auront cédé aux Sirènes des tentations multiples("si tu votes "oui" tu auras un mandat", "suis ma ligne pour les présidentielles et tu deviendras quelqu'un"), soit parce qu’ils auront désespéré qu’un jour l’objectif que nous nous étions fixé puisse être atteint – ces défections seraient sans doute les plus cruelles.
FABIUS ou le boomerang Dès le départ, le n° 2 du parti aura été accusé de ne promouvoir au travers de son rejet du projet de traité constitutionnel que ses ambitions présidentielles ! La place que ce sujet a pris dans le débat est clairement devenu un handicap pour lui et surtout pour l’explication nécessaire sur l’Europe… Les arguments forts et préparés de longue date par les minoritaires et rénovateurs étaient tout bonnement éclipsés. Aujourd’hui, les contradictions du projet et ses conséquences pour le socialisme européen restent entières ; mais alors que le “oui” était présenté comme la garantie de stabilité interne, nous avons hérité d’un remaniement de la direction socialiste où, cependant, le vaincu unanimement désigné conserve son siège, tandis que reviennent d'autres “plans de carrière” (la présidentielle est présente de plus belle dans les esprits).
Apparition subite de la sociale-démocratie en France ? Ce qui est le plus choquant dans cette affaire, c’est que moult commentateurs nous assènent à l’unisson que le PS a, dans son “oui”, réalisé “son Bad Godesberg”, que nous sommes enfin devenus sociaux-démocrates, que la parenthèse ouverte en 1983 a connu enfin sa résolution, que nous rompons enfin avec le marxisme (?!) – c’est affligeant... tout ceux qui n’auront pas été profondément convaincus par les avocats socialistes du “oui” se demanderont sans doute, si, en son “oui” du 1er décembre les militants socialistes n’auraient pas – sans le vouloir – remis en selle la chapelle sociale-libérale la plus clairement affirmée (en clair, la nébuleuse de think-tanks et de clubs de supporters intéressés – derrière DSK – que sont Socialisme & Démocratie et À Gauche en Europe) alors qu’elle avait été gentiment mis de côté lors du congrès de Dijon. Le débat de clarification n’a donc toujours pas eu lieu et François Hollande devra profiter des quelques opportunités que lui donne le résultat du référendum interne pour que le PS évite que la formule creuse de “réformisme de gauche” ne soit remplie bientôt par les recettes sociales-libérales préparées dans les officines de DSK. Reste quelques mois pour se demander si, en cette affaire, ce n'est pas Fabius (c’est un comble) – et surtout Nouveau Monde, Nouveau Parti socialiste et Forces Militantes – qui aura été réformiste et social-démocrate.
Car, enfin, le Parti socialiste est bien social-démocrate depuis décembre 1920 quand lors du congrès de Tours, les minoritaires menés par Léon Blum et la gauche du parti maintenaient la S.F.I.O. face à l’adhésion de la majorité au Komintern ! Depuis ce jour, nous sommes dans une ligne cohérente qui prône la transformation sociale, par l’outil privilégié de la réforme, mais une réforme au service des aspirations révolutionnaires (tient ! c’est dans la déclaration de principes du parti en 1990…), car cela reste révolutionnaire de vouloir mettre un peu d’égalité dans un monde brutal. Face à cela, il est clair que parfois nous risquons d’être en rupture avec les périodes antérieures (comment ne pas être en rupture avec les politiques réactionnaires menées par Raffarin ?), il est évident aussi que la politique se nourrit tout à la fois d’actions symboliques et d’actions concrètes : ceux qui sous couverts de modernité nous indiquent un chemin plus “pragmatique”, nous conduiront peut-être par hasard au pouvoir, mais ils ne changeront ni la vie ni la société ni ces mécanismes d’aliénation que les socialistes doivent pourtant démanteler ; ils nous conduiront par contre sûrement à la désillusion des classes moyennes et populaires et à des gueules de bois post-électorales douloureuses.
Et maintenant ? Dans les débats internes, auxquels ont assisté moins de militants que de votants, nous avons entendu que le projet des socialistes ne pourraient pas être le même si le “non” l’emportait… traduction : « la ligne de Dijon, même si elle est contredite par le traité, ne pourrait aller à sa conclusion logique pour tout le reste de la réflexion programmatique (après tout, l’Europe est un sujet mineur quand ça arrange) si vous désavouiez les principaux dirigeants du parti qui sont pour le “oui”. » On voit bien l’inanité de ce type de réflexions jésuitiques auxquelles nous ont habituées beaucoup de nos boss ; par contre on voit bien en quoi, ligne de Dijon ou pas (après tout elle avait assez peu de contenu), une fois ce projet de traité constitutionnel adopté, toute proposition socialiste (d’où qu’elle vienne) serait confrontée à un grave risque d’insincérité. À moins qu’adopter le traité permettrait ensuite de faire passer d’autres pilules – je ne le crois pas de François Hollande, c’est sans doute plus vrai de DSK. La rédaction du projet des socialistes est donc notre priorité essentielle, il faut rester combatif même si le cadre nous est hostile… Le 2 décembre, le Premier secrétaire était l’invité de “100 minutes pour convaincre” : il y a fait une démonstration plutôt efficace, habile et pugnace, mais quelques éléments m’ont étonné : nous n’avons pas eu les réponses évidentes que tout socialiste est en droit d’attendre si nous étions en mesure – à nouveau au pouvoir – de revenir sur l’abrogation des 35 heures ou la privatisation d’EDF-GDF… La question qui intéresse aussi nos concitoyens est pourtant de savoir sur quoi nous reviendrons après 5 années de politique libérale débridée. Certains propos entendus ici ou là ont de quoi inquiéter « un projet socialiste, ce n'est pas une somme d'abrogations, nous ne repartirons pas de 2002 » ou bien « nous ne ferons pas notre programme pour 2007 avec un œil dans le rétroviseur ». Alors cela veut dire qu'il nous faudra bien dire aux Français sur quoi nous ne reviendrons pas : retraites, sécurité sociale, 35 heures, décentralisation, EDF… ? Alors que ferons-nous ?
Nous avons connu “récemment” deux expériences de rédaction de projet socialiste : entre 1995 et 1997 et en 2001. Dans le premier cas, même si certains amendements fédéraux étaient perdus dans les couloirs des conventions nationales avant d’atteindre la commission des résolutions, les militants ont réellement pu travailler à la rénovation des propositions des socialistes. Dans le second cas, l’obstruction sourde des fédérations tenues soit par les amis de Laurent Fabius soit par les amis de DSK ont empêché tout travail sérieux du fait que Martine Aubry menait ce projet. Une partie de l’explication du 21-Avril tient aussi dans l’incompréhension globale du programme socialiste et du candidat Lionel Jospin. Aujourd’hui alors que le temps passe et que les “500 jours” annoncés par la direction du parti pour travailler sur le projet sont largement entamés, je voudrais être sûr que les militants puissent se l’approprier réellement. Va-t-on pouvoir faire remonter des contributions de groupes de travail militants ? Va-t-on pouvoir amender les textes qui nous seront soumis ? Pourra-t-on à nouveau être consultés démocratiquement, mais sans cette fois-ci que la dramatisation soit telle qu’elle fausse la portée du vote ? Ou alors le retour de la troïka magique – selon l’expression de Jack Lang lui-même –, opportunément chargée du nouveau secrétariat national au projet, l’écrira-t-elle avec l’aide de quelques “experts” sur un coin de table, en nous distillant d’ici la fin de l’année 2005 colloques et conférences pour nous faire patienter. La démocratie, la participation des militants sont une chance pour le projet des socialistes ; c’est la seule voie pour éviter au Premier secrétaire d’être emporté par la violente pression de Socialisme & Démocratie derrière DSK. Dans la même veine, la participation à notre projet des associations, syndicats et mouvements divers – ainsi que des sympathisants (en évitant tout de même de nous ressortir le coup du camouflage des fausses cartes derrière la mention “adhérents du projet”) – est également une impérative nécessité : le PS est trop centré sur son nombril et sur les classes moyennes supérieures qui l’irriguent pour se payer le luxe de ne pas replonger dans le bain de la réalité sociale de la France en 2005 ! Si François Hollande a avoué une priorité future des socialistes, le 2 décembre dernier, « l’éducation, la formation et la recherche parce que c’est l’avenir », je voudrais attirer tout de même l’attention de mes camarades sur quelques autres sujets d’envergure : le logement, les travailleurs pauvres, le retour à l’emploi, les conditions de travail, l’accompagnement et l’aménagement des temps…
Frédéric Faravel, bureau fédéral du PS 95, section Plaine de France
Samedi 11 et dimanche 12 décembre, près de 500 militants, issus de réseaux politiques, syndicaux, associatifs et mutualistes, se sont réunis à Paris à l'occasion de la Convention Nationale de Nouvelle Gauche. Quelques jours après le référendum interne au Parti Socialiste sur la ratification du traité constitutionnel européen, cette Convention a permis de dresser un premier bilan mais surtout de nombreuses perspectives politiques, notamment au travers des différents ateliers et des tables-rondes du samedi auxquelles sont intervenus de nombreux responsables politiques, associatifs et syndicalistes.
DISCOURS D’INTRODUCTION DE RÉGIS JUANICO
Il me revient d'ouvrir notre convention nationale qui marque les 10 ans d'existence de NG dans un contexte politique que je qualifierai de stimulant pour les idées que nous défendons. • Réélection de Bush aux Etats-Unis sur fond de triomphe des valeurs morales et religieuses, • Europe dominée par les forces libérales et conservatrices, commission Barroso en tête, • Sarkozisme triomphant à l'UMP et Jean-Paul II cité dans le texte… • Funeste 1er décembre au PS qui a vue le camp du “oui” l'emporter nettement sur celui du “non” au vote sur le Traité Constitutionnel. Raffarin qui se dit ragaillardi et requinqué après le “oui” des socialistes et Chirac qui prépare activement le meeting qu'il tiendra en commun à Madrid avec Zapatero et Schröder.
Bref, un temps froid, humide et gris comme dirait Météo France…
1994-2004 : 10 ans d'histoire commune pour notre collectif de militants politiques, syndicaux, associatifs, mutualistes investis dans l'animation du PS et désireux de faire partager leurs expériences dans un lieu original qui suscite, encore aujourd'hui, curiosité et même perplexité, malgré les années qui passent.
Voici le temps de l'enracinement pour Nouvelle Gauche.
10 ans c'est à la fois long et à l'échelle de l'histoire du Parti, c'est peu. C'est une 1e remarque que je voulais faire : changer les comportements, convaincre de la pertinence de nos idées dans un parti où la moyenne d'âge est encore élevée est une œuvre de longue haleine et on voit toute la difficulté pour un réseau encore jeune – tendre diraient les mauvaises langues – de peser significativement sur les choix et les orientations du PS. [...] Régis Juanico est conseiller général de Saint-Étienne, membre du conseil national du PS
Compte-rendu de la pleiniere "Religions et communautés : le choc des valeurs" - Samedi 11 décembre 2004, 10h-12h • Introduction : Delphine Mayrargue, membre du conseil national du PS ; • Intervenants : Stéphane Pocrain - Ancien porte parole des verts ; Laurence Rossignol - Responsable nationale du PS ; David Assouline - Sénateur de Paris
Des mots à la mode, menacés tout à la fois par un consensus réducteur et par des excès dangereux, voilà à quoi se résume bien souvent la problématique posée par les religions et les communautés. En nous emparant de ce sujet, nous avons voulu réaffirmer que la politique n'est pas soluble dans la morale et que la dépolitisation contribue à renforcer la logique libérale dominante. [...]
Compte-rendu de l'atelier "Le cauchemar médiatique" – samedi 11 décembre 2004, 13h30-15h30 • Introduction : Olivier Daronnat, responsable d'une association d'observation des médias audiovisuels • Intervenants : Renaud Dely - Rédacteur en chef adjoint, Libération ; Benoît Hamon - Député européen
Le cauchemar est souvent l'état dans lequel on se trouve en ouvrant un journal, une radio ou la télévision. Il nous est servi une information calibrée, partiale et baignée de l'idéologie libérale dominante.
Les exemples sont légions : lors de la campagne interne au PS sur la Constitution européenne, le matraquage en faveur du oui fut outrancier avec un dénigrement et la caricature des arguments défendus par les partisans du "non" ; Les propos de Le Lay dans "les dirigeants face au changement", (éditions du Huitième jour) selon lesquels "le métier de TF1, c'est d'aider Coca Cola, par exemple, à vendre son produit. Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c'est à dire de le divertir, de le détendre, pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible." ; Et évidemment, lors de la dernière campagne présidentielle au printemps 2002, au cours de laquelle l'information sur "l'insécurité" a été maltraitée et surabondante, pour maintenir un véritable climat de peur orchestré par des airs de Pujadasme. [...]
Compte-rendu de l'atelier "Europe et services publics" – Samedi 11 décembre 2004, 13h30-15h30 • Introduction : David Lebon, président du Mouvement des Jeunes socialistes (MJS) • Intervenants : Jean Claude Boual - Responsable du Comite européen de liaison sur les services d'intérêt général (CELSIG) ; Karine Lalieux - Députée PS Belge ; Anne Lise Barral - responsable mutualiste
La proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur ou la véritable directive services publics de la Commission
L'objectif de la directive est la pleine réalisation du marché intérieur en matière de services. En effet, après le succès du marché unique des biens et des capitaux, suite à l'acte unique européen, la Commission estime qu'il importe désormais de s'attaquer aux services, dont le marché intérieur européen serait aujourd'hui encore entravé par une multitude d'obstacles légaux et administratifs nationaux. [...]
INTRODUCTION DU DÉBAT SUR LES PERSPECTIVES POLITIQUES, par Guillaume Balas (conseiller régional d'Ile de France, membre du conseil national du PS) Samedi 11 décembre 2004, 17h30
Les commentaires entendus après le référendum interne au PS semblent faire de la définition du terme «réformisme» un enjeu politique dépassant bien une simple question de vocabulaire.
Ainsi, le résultat du référendum marquerait la victoire des « réformistes » contre…Contre qui d'ailleurs ? Les gauchistes ? Les révolutionnaires ? Dans cette utilisation sans précision du terme de « réformisme » on sent une volonté de dénigrer ceux que l'on exclut d'office, les rejetant dans les limbes de l'archaïsme, loin du cercle de la raison des Modernes, seuls autorisés à la crédibilité.
Un nécessaire retour dans notre histoire tout d'abord.
Une définition conséquente du « réformisme » ne peut s'entendre qu'opposé à la conception théorique majoritaire parmi les socialistes français au moment de leur émergence politique (début du siècle), le socialisme est alors synonyme de révolution car son objectif est la transformation complète du régime de propriété capitaliste en propriété commune (ou sociale) des moyens de production.
En ce sens, Jaurès était bien révolutionnaire et la scission de Tours entre futurs communistes et les amis de Léon Blum ne séparent que deux conceptions différentes de la révolution socialiste (appuyé sur un Parti démocratique chez Blum, sur un Parti militarisé obéissant à Moscou chez Cachin et les futurs communistes). [...]
À feuilleter certains quotidiens, nos débats sur la constitution ne seraient que querelles de socialistes, qu’ambitions personnelles et desseins présidentiels. Loin de ce prisme, nous considérons que ce débat est l’intérêt de notre famille politique, l’intérêt de notre pays, l’intérêt de l’Europe. Les trois étant, nous en sommes convaincus, indissociables à nos yeux. Ce débat – rappelons que nous sommes les seuls, avec nos camarades wallons, à être consultés par référendum au sein du PSE – est donc tout à l’honneur du Parti Socialiste français. Rappelons également que ceux qui se seraient opposés à la construction européenne ont quitté les rangs socialistes depuis longtemps et que le débat qui s’ouvre dans les sections se fera entre fervents partisans de l’Europe.
Les socialistes parlent beaucoup de crises, ils en abusent. Certains évoquent, si le non socialiste devait être majoritaire le 1er décembre prochain, «l’ouverture d’une crise majeure, un choc tellurique, un choc nucléaire». Malheureusement, en France comme dans l’Union européenne, la crise n’est pas devant nous : elle est déjà là. Le “non” constitue aujourd’hui le seul espoir de relancer l’Europe. Il n’ouvre pas une crise, il permet au contraire de répondre à la crise actuelle, qui si elle n’était stoppée, aurait sur des conséquences sans doute dangereuses. [...]
Hamon, la relève Bombardé « porte-parole », on l'écoute, on le courtise. Certains voient déjà en lui un futur premier secrétaire
Après les «éléphants» et les «jeunes lions», un nouveau quadrupède a fait son apparition dans le bestiaire socialiste : la «chèvre» ! Le jeune député européen Benoît Hamon en a fait sa mascotte au point de la faire figurer en tête de son blog. Mais qu'on ne s'y trompe pas. L'animal est moins doux qu'il n'y paraît, comme le précise une citation de l'écrivain malien Amadou Hampâté Bâ, publiée en guise d'avertissement : «Si tuvois une chèvredevant la tanièredu lion, aiecrainte de la chèvre»...
Qui a peur de Benoît Hamon ? La question ne se pose pas aujourd'hui en ces termes. Plus connu dans son parti que par le grand public, ce socialiste qui vient de fêter ses 40 ans n'est pas encore en mesure de faire trembler ses camarades. Mais c'est l'homme dont on parle de plus en plus au PS. Dans un parti très critiqué pour ne pas avoir su faire émerger de nouveaux visages, le secrétaire national au projet européen incarne avec quelques autres la relève. Bombardé porte-parole sans le titre, au lendemain de la défaite du 6 mai, c'est lui qui tient désormais les traditionnels points de presse. On l'écoute, on le courtise comme jamais auparavant. Au point que certains, dans l'entourage de François Hollande notamment, laissent même entendre qu'il pourrait avoir le profil d'un prochain premier secrétaire ! OAS_AD('Middle1');
«Tout cela n'estpas sérieux», sourit ce jeune homme brun au regard clair, qui sait combien d'hypothétiques candidatures se sont fracassées dans des parties de billard à trois bandes. Le Parti socialiste, il le connaît bien. Pour ainsi dire, il n'a même connu que ça depuis vingt ans. Fils d'un ouvrier des chantiers navals et d'une secrétaire, il a poussé les portes de la section socialiste de Brest en 1987 au lendemain des manifestations étudiantes contre le projet de réforme des universités d'Alain Devaquet. Il en garde le souvenir d'avoir été plus formaté que formé. «Je suis tombéchez desrocardiens, en 3 mois je détestaisMitterrand !», raconte-t-il.
Benoît Hamon est à l'époque plus loup que chèvre. En 1993, il prend les rênes du Mouvement des Jeunes socialistes (MJS) et se forge une zone d'influence dans les organisations de jeunesse de gauche dont les papes s'appellent alors Jean-Christophe Cambadélis ou Julien Dray. Son militantisme a raison de ses études de sciences éco, mais qu'importe. En 1995, Jospin l'appelle pour prendre en main sa campagne jeunes. Il y rencontre Martine Aubry qui l'invitera à rejoindre son cabinet au ministère de l'Emploi en 1997. Dix ans plus tard, et malgré leur désaccord lors de la bataille du référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005, la maire de Lille ne tarit pas d'éloges sur les qualités de ce «garçonfin, ouvert etstructurépolitiquement», dont elle est restée proche. Après la défaite de Jospin en 2002, il rejoint les fondateurs du courant Nouveau Parti socialiste (NPS), Arnaud Montebourg, Vincent Peillon et Julien Dray, qui y restera moins d'un an. Opposant déclaré à la ligne majoritaire défendue et incarnée par François Hollande, plus à gauche et très porté sur les questions institutionnelles, le NPS s'impose en 2005 comme le deuxième courant du PS au congrès du Mans. Entre Peillon et Hamon se nouent une complicité intellectuelle et une amitié quasi filiale, même si sept années les séparent seulement. Las. En 2006, le premier choisit Royal quand le second finit par voter Fabius lors de la primaire interne. La rupture amicale se double d'une bataille peu reluisante pour conserver les clés de la maison. «Aujourd'huile NPS estmort, nous l'avonstous tué», constate Hamon, qui ne renie rien de cette expérience dont il est sorti « enrichi intellectuellement » .
Très applaudi lors du dernier conseil national le 23 juin, Benoît Hamon jouit d'une bonne popularité dans le parti mais ne dispose pas encore des troupes suffisantes pour voir plus loin. «C'estun trèsbon,encore en gestation, souligne Pierre Moscovici qui l'a côtoyé au Parlement européen. Il luireste toutefois à moinss'occuperde la jeunesse et àacheverun travail de fond.»
Peu convaincu par Ségolène Royal, à qui il reproche d'avoir donné une nouvelle légitimité à la droite en axant sa campagne sur des thématiques conservatrices comme l'ordre juste ou le donnantdonnant, Hamon compte bien prendre toute sa part à la réinvention de la gauche. Il envisage de lancer cet été une fondation qui ne soit pas «une sociétésavante de plus» mais un lieu de débat ouvert à une centaine d'universitaires, experts, élus, syndicalistes et hauts fonctionnaires pour permettre au PS de se réarmer culturellement (1). Le député européen, qui aime la confrontation, se targue de vouloir «mettre des angles làoùd'autreschoisissent des rondeurs» . Il devrait pouvoir s'y essayer dès l'automne prochain... sur le terrain, à l'occasion de la coupe du monde de rugby parlementaire, où il affrontera, en tant qu'ailier, ses homologues d'Afrique du Sud ou de Nouvelle-Zélande ! OAS_AD('Middle3');
( 1 ) Le manifeste fondateur est disponible dèscettesemaine sur www.nouvelobs.com, rubrique Politique.
Un gouvernement libéral minoritaire où l'ADQ s'imposera
Isabelle Rodrigue - La Presse - lundi 26 mars 2007 - Montréal
Revanche des régions ou simple expression du ras-le-bol envers les «vieux partis», les électeurs québécois auront réussi à passer à l'histoire, lundi, en faisant sortir de l'ombre l'Action démocratique du Québec (ADQ) et en élisant le premier gouvernement minoritaire depuis 1878.
Après une campagne marathon de 34 jours, qui a donné lieu à l'une des luttes les plus serrées de l'histoire politique récente du Québec, la soirée de lundi aura transformé complètement le paysage politique québécois. Le gouvernement libéral de Jean Charest continuera à gouverner pour un 2nd mandat mais, statut de gouvernement minoritaire oblige, il sera tenu en laisse par les 2 partis d'opposition. L'ADQ formera l'Opposition officielle, reléguant le Parti québécois (PQ) à la 3ème place.
«Les Québécois ont rendu un jugement, il faut reconnaître que c'est un jugement sévère. Mon parti et moi-même devrons en tirer des conclusions», a souligné M. Charest, dans son discours à Sherbrooke où il a été réélu. Par contre, «jamais je ne baisserai les bras», a ajouté le premier ministre, d'un ton combatif mais se disant prêt à travailler avec les 2 autres partis à l'Assemblée nationale.
L'engouement pressenti envers le parti de Mario Dumont se sera donc concrétisé, la formation ayant balayé comme prévu les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Plus encore, l'ADQ aura fait des incursions importantes dans des secteurs où personne n'aurait prédit cette tournure il y a un mois, comme en Montérégie, en Mauricie, dans Lanaudière et dans les Basses-Laurentides. L'ADQ termine au 2èmerang, derrière leParti libéral(PLQ) qui n'a été en mesure que de conserver ses bastions traditionnels de Montréal, Laval, de l'Estrie et de l'Outaouais. La formation de M. Dumont a remporté 41 circonscriptions, seulement 7 de moins que leParti libéralqui termine cette course avec 48 députés élus. LeParti québécoisvient ensuite, avec 36 députés élus.
En pourcentages, le PLQ obtient 33,1% des appuis, suivi de l'ADQ avec 30,8% et du PQ avec 28,3%. Il s'agit du pire score des libéraux depuis la Confédération.
Les Québécois ont écrit une page d'histoire, a déclaré M. Dumont lors de son discours, à Rivière-du-Loup. «Ils ont fermé un chapitre et en ont ouvert un autre», a-t-il lâché, donnant déjà rendez-vous à ses sympathisants pour la «prochaine étape», faisant allusion à la prochaine élection.
M. Dumont a été le 1erchef a être déclaré élu, devançant largement son adversaire libéral, Jean D'Amour, l'ex-maire de Rivière-du-Loup. Une vague adéquiste a déferlé sur la grande région de Québec, où seuls les péquistes Agnès Maltais (Taschereau) et Rosaire Bertrand (Charlevoix) ainsi que les libéraux Philippe Couillard et Sam Hamad ont pu sauver les meubles devant l'ADQ qui y aura amassé 7 sièges, dont celui de la vedette Gilles Taillon. Les électeurs auront montré la porte au ministre des Transports, Michel Després, dans Jean-Lesage, et à Carole Théberge, ministre de la Famille, dans Lévis, faisant place à des députés adéquistes là aussi. Mais la grande surprise vient de la Montérégie, où l'ADQ s'est imposée dans La Prairie, Shefford, Huntingdon, Saint-Hyacinthe, Iberville, et Marguerite d'Youville. Dans Saint-Jean, un comté considéré baromètre, les électeurs ont accordé leur confiance à l'adéquiste. Dans les Basses-Laurentides, le parti de M. Dumont remporte la mise dans Blainville (battant l'ex-ministre péquiste Richard Legendre), Groulx, Prévost et Deux-Montagnes.
Le PQ, qui connaît son plus bas score depuis l'élection de 1970, garde la main sur Lac-Saint-Jean, où les libéraux n'auront pas réussi à faire élire leur vedette, le médecin Yves Bolduc. Le parti conserve aussi les comtés montréalais de Hochelaga-Maisonneuve, Bourget, Mercier, Gouin et, à l'arraché, Vachon.
Les libéraux conservent sans grande surprise leurs châteaux forts montréalais ou lavallois, ne cédant que Crémazie à la péquiste Lisette Lapointe. Si plusieurs ministres libéraux ont dû se battre bec et ongles pour conserver leur comté, 2 auront été défaits par leur adversaire péquiste : le ministre des Ressources naturelles, Pierre Corbeil, a été battu dans Abitibi-Est, tout comme la ministre Françoise Gauthier, dans Jonquière.
L'ex-journaliste deRadio-Canada, Christine St-Pierre, aura réussi à se faire élire dans L'Acadie, tout comme son ex-collègue, Bernard Drainville, dans Marie-Victorin. Pierre Curzi, candidat dans Borduas, délaissera sa carrière de comédien pour celle de député péquiste.
Le chef du PQ, André Boisclair, a conservé son fief de Pointe-aux-Trembles. Il a été le 1erà prendre la parole devant ses partisans, réunis à Montréal. Moins souriant qu'à l'habitude, un brin crispé, il a tenté d'amoindrir le choc pour le PQ en soulignant que seulement «quelques sièges nous séparent du pouvoir».
L'élection est décisive pour MM. Charest et Boisclair, qui pourraient être forcés de faire des choix cruciaux quant à leur avenir politique, au terme de cet exercice. Signe que les tiers partis semblent réussir à s'imposer malgré des moyens moins grands, le Parti vert obtient 3,9% des voix, une croissance notable depuis 2003 alors que la formation avait terminé avec moins d'1% des voix. Son chef, Scott McKay, aura terminé au 4èmerang dans la circonscription de Bourget, où il se présentait.
Québec solidaireaura perdu son pari de faire élire un de ses porte-parole. Françoise David et Amir Khadir ont mordu la poussière, non pas sans une lutte féroce : les 2 candidats ont terminé au 2ème rang dans leur comté respectif. Leur formation obtenait 3,9% des voix.
Le PQ subit sa pire raclée depuis 1970
Martin Ouellet - Montréal
Malgré la débâcle électorale, le chef péquiste André Boisclair a donné l'impression lundi soir de vouloir demeurer à la tête de son parti.
«Bientôt, nous nous reverrons», a lancé le chef du Parti québécois, manifestement ému, aux quelque 300 militants qui s'étaient donné rendez vous au Club Soda, à Montréal. Celui qui a mené le parti à sa plus cuisante défaite depuis 1970 a assuré les Québécois que le PQ allait offrir, à l'Assemblée nationale, «une opposition solide» et «sans complaisance» à un gouvernement qui sera sous «haute surveillance».
M. Boisclair a fait son entrée au Club Soda à 23h00, affichant un sourire crispé qui masquait mal son malaise. Avec moins de 30% des suffrages, le Parti québécois a subi lundi sa pire raclée électorale depuis 1970, où il avait obtenu 23% des voix. «Les flammes ne sont pas éteintes, elles brillent moins que nous l'aurions souhaité, il faut le reconnaître», a-t-il illustré, peu avant d'être rejoint sur la scène par ses députées réélues Marie Malavoy, Louise Harel, Diane Lemieux et Rita Dionne-Marsolais. «Une chose est sûre, les Québécois voulaient du changement, ils ont parlé et humblement il faut respecter leur décision», a dit M. Boisclair, félicitant au passage les électeurs de sa circonscription de Pointe-aux-Trembles, et ses adversaires Jean Charest et Mario Dumont. «Ce qu'il faut réaliser, c'est que quelques sièges uniquement nous séparent du pouvoir, quelques voix», a-t-il laissé tomber.
Reste maintenant à savoir si le leadership de M. Boisclair, qui demeure fragile, résistera à la critique. Dès le début de la soirée électorale, les militants péquistes réunis au Club Soda avaient déjà perdu tout espoir de former un gouvernement. Même si de l'avis général André Boisclair a connu une bonne campagne électorale, son leadership demeure fragile et risque d'être à nouveau remis en question.
Le député sortant des Iles-de-la-Madeleine, Maxime Arseneau, a été le 1er candidat du la cuvée électorale 2007 à être déclaré élu un peu après 20h00, donnant aux péquistes l'occasion d'y voir un heureux présage pour le reste de la soirée. Mais ils ont rapidement déchanté. En fin de campagne, M. Boisclair avait bien senti la force de l'Action démocratique (ADQ), allant jusqu'à tendre la main à Mario Dumont en faveur d'une nouvelle coalition souverainiste. Durant la journée de lundi, les stratèges du PQ estimaient qu'au moins une 15ne de circonscriptions étaient encore susceptibles de basculer dans un camp ou dans l'autre. Mais ils n'avaient pas anticipé une telle poussée de l'ADQ.
Le Parti québécois se dirige vers son seul balayage avec cinq comtés sur cinq
La vague adéquiste s’est brisée sur la rive du Saguenay–Lac-Saint-Jean alors que le Parti québécois récupérait son fief historique dans cette région en remportant les cinq circonscriptions où il a déjà dominé la scène électorale. À n’en point douter, cette consolidation de sa majorité par deux nouveaux gains aux dépens des libéraux constituait hier soir le prix de consolation du Parti québécois dans cette élection qui l’a ramené au rôle de tiers parti, isolé désormais des forces progressistes qui constituaient son ferment.
Les deux victoires du PQ dans cette région ont été remportées aux dépens de la ministre libérale du Tourisme, Françoise Gauthier, et d’une vedette libérale régionale, le député Karl Blackburn, battu par un militant écologiste de longue date, qui s’est fait élire sous la bannière péquiste, Denis Trottier.
Mais la principale victoire du PQ au Saguenay–Lac-Saint-Jean est sans conteste celle de Jonquière, ravie aux libéraux aux dépens de Françoise Gauthier. Cette dernière avait remporté l’élection en 2003 avec 2440 voix de majorité, ce qui lui avait assuré 44,2 % des voix comparativement à 36,5 % pour le PQ. Cette fois, la ministre Gauthier a mordu la poussière devant Sylvain Gaudreault, qui l’a défaite par une majorité de 1514 voix. L’adéquiste Marc Jomphe n’a pas franchi la barre des 20 %. Mais les votes conjugués du Parti vert et de Québec solidaire totalisent 6 % du vote.
Le match dans Roberval a retenu beaucoup d’attention hier soir dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, car le nouveau candidat du Parti québécois, Denis Trottier, a défait le député sortant, le fils de l’ancien ministre libéral Gaston Blackburn, par une confortable majorité de 2385 voix. Karl Blackburn avait remporté la circonscription de Roberval en 2003 par une mince majorité de 244 voix. L’autre surprise de cette soirée d’élection a été sans contredit l’avance croissante qu’a maintenue le député péquiste sortant, Stéphane Bédard, aux dépens du candidat libéral André Harvey dans la circonscription de Chicoutimi. Au début de la soirée, André Harvey avait une légère avance sur le fils de l’ancien ministre péquiste Marc-André Bédard. Mais elle a fondu rapidement. André Harvey, qui a fait cette année le saut en politique provinciale et dans le camp libéral, avait été élu sur la scène fédérale dans le camp conservateur de 1983 à 1993 puis de 1997 à 2004. Dans Chicoutimi, le candidat adéquiste Luc Picard terminait avec seulement 17,6 % des voix.
Dans Dubuc, le député sortant du PQ, Jacques Côté, a maintenu une avance relativement confortable tout au long de la soirée, qu’il a haussée à 1719 voix à la clôture des bureaux de vote. Mais cette victoire, il ne l’a pas remportée contre son vieil adversaire libéral de 2003, Johnny Simard, mais contre l’adéquiste Robert Émond, désormais en deuxième place dans Dubuc. C’est le seul adéquiste de la région d’ailleurs à se retrouver en deuxième position. Johnny Simard s’est donc retrouvé en troisième position cette année, beaucoup moins chanceux que la dernière fois alors qu’il avait réduit l’avance du député Côté à seulement 44 voix.
On assistait à une lutte traditionnelle entre le PQ et les libéraux dans la circonscription de Lac-Saint-Jean où le péquiste Alexandre Cloutier a décroché la plus importante majorité du fief régional, avec 5589 voix ou 46,45 % des votes exprimés. Son adversaire libéral, Yves Bolduc, qui vient au deuxième rang, n’a pu récolter plus de 28,8 % des voix. Cette circonscription était représentée depuis 2003 par le jeune député péquiste Stéphan Tremblay, qui avait alors pris une avance de 7795 voix sur son adversaire libéral de l’époque, Benoît Harvey.
Avant l’élection de 2003, le PQ détenait quatre des cinq comtés de la région. Il devait en perdre un autre en 2003. Mais l’élection d’hier l’a réinstallé en force dans le fief qu’il a dominé historiquement avec des majorités difficiles à imaginer aujourd’hui. Au référendum de 1995, les majorités en faveur du Oui oscillaient entre 65 % et 71 % dans les cinq comtés de la région.
Le Saguenay–Lac-Saint-Jean comptait cette année 213 043 électeurs, soit 1642 votants de moins qu’en 2003. Lors du vote par anticipation, 9,3 % des électeurs inscrits avaient exercé leur droit de vote. La région s’est signalée dans le débat politique des dernières semaines alors qu’un de ses animateurs radio lançait des propos discriminatoires, qui l’ont discrédité devant tout le Québec, à l’endroit du chef péquiste, André Boisclair.
La victoire «morale» qu'André Boisclair espérait ces jours derniers, soit de se hisser à la tête d'un gouvernement minoritaire, ne s'est pas du tout réalisée, et c'est une catastrophe qui semblait se produire pour la formation politique, son chef et l'idée même de la souveraineté, au moment d'écrire ses lignes. Le Parti québécois au troisième rang, tant pour ce qui est du nombre de sièges qu'en ce qui concerne le pourcentage de votes: il s'agit d'une première depuis la création même du parti en 1968. Avec 28 % du vote, le score du PQ est pire qu'en 1973. «C'est gros, très gros. Mais on continue à espérer de passer en seconde place», disait la présidente du Parti québécois, Monique Richard, au moment de mettre sous presse, vers 22h10. «Ah mon Dieu, s'écrie-t-elle soudain, Lucie Papineau [députée de Prévost] a perdu!»
La foule de quelque 300 militants réunie au Club Soda se montrait tour à tour incrédule, déconcertée et révoltée, hier, par les ravages que faisait l'ADQ dans certains châteaux forts péquistes comme Masson. «J'ai le goût de vomir!», a lancé un militant au moment où le numéro deux de l'ADQ, Gilles Taillon, est apparu à l'écran. «Avais-tu vu venir ça, toi?», a lancé la directrice des communications du Parti québécois, Shirley Bishop, à Pierre-Luc Paquette. Mme Bishop, vers 21h30, disait espérer que, dans les luttes à trois, le Parti québécois puisse tirer son épingle du jeu. «Laissez-moi mes illusions», a-t-elle tout de suite ajouté. Vers 20h35, le directeur général du parti, Pierre-Luc Paquette, continuait même à dire que l'on se dirigeait vers un «gouvernement péquiste minoritaire».
Plus tard, il affirmait qu'au fond, les choses allaient être encore plus difficiles pour Jean Charest: «Une baisse de 13 % et un gouvernement minoritaire, des ministres battus à la pocheté. C'est pire que pour André [Boisclair]», a-t-il dit. L'ancien député péquiste de Joliette, Jonathan Valois, présent hier, soutenait qu'il aurait voulu accompagner ses collègues pour «partager cette défaite». Il se désolait que son collègue Alexandre Bourdeau, le dernier des «mousquetaires» -- ces trois jeunes députés qui avaient signé en 2004 un rapport mordant pour «réinventer» le Parti québécois --, ait mordu la poussière dans Berthier. «Il n'y a plus de mousquetaire [puisque Stéphan Tremblay ne s'est pas représenté dans Lac-Saint-Jean]. Mais je recommande au parti d'aller relire notre rapport. C'est très pertinent», a-t-il déclaré.
Les militants présents avaient toutefois droit à certains moments de joie et manifestaient bruyamment. Par exemple lorsque Philippe «citoyen» Leclerc est venu annoncer les cinq victoires du PQ dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la réélection d'André Boisclair dans Pointe-aux-Trembles et la défaite du chef libéral Jean Charest dans Sherbrooke aux mains du péquiste Claude Forgues. La salle avait commencé à s'animer à 20h15, au moment de l'annonce du premier député péquiste élu, Maxime Arsenault, dans le comté des Îles-de-la-Madeleine, mais les mauvaises nouvelles se sont par la suite accumulées. Les péquistes se consolèrent aussi en voyant qu'Agnès Maltais et Rosaire Bertrand avaient tous deux résisté à la vague adéquiste dans la région de Québec.
Ce matin
André Boisclair a voté hier matin vers 10h dans sa circonscription de Pointe-aux-Trembles, disant qu'il faisait confiance aux Québécois. Au moment d'écrire ces lignes, le chef péquiste prenait connaissance des résultats des élections en compagnie de ses conseillers dans une suite de l'hôtel Le Germain, rue Mansfield. Il était attendu vers 22h50 au Club Soda.
Dans les derniers jours, il répétait être confiant d'obtenir un «gouvernement majoritaire». Il s'était lancé dans un blitz qui l'avait conduit à faire quelque sept discours par jour dans autant de comtés.
Contribution thématique au congrès national de Dijon présentée par Benoît Hamon, 18 janvier 2003.
Parmi les combats pour que les pouvoirs qui agissent dans la société s'exercent de façon plus démocratique, à côté des réformes indispensables pour la démocratisation politique et économique, il est un enjeu qu'il serait regrettable de négliger aujourd'hui, celui de la démocratisation de l'espace public. Démocratiser l'espace public comprend certes l'objectif d'étendre les conditions d'accès à la culture, qui correspond aux visées des politiques de démocratisation culturelle, mais implique aussi de parvenir à améliorer significativement les conditions de participation de chacun à la définition d'une expression publique. De même, il convient de ne pas limiter ces enjeux aux seules formes d'expression artistique et culturelle, mais de prendre en compte les aspects spécifiques à la circulation de l'information, au déroulement du débat public et aux moyens offerts à la formation des représentations collectives, lesquels importent nécessairement dans la formation des opinions te des choix politiques. [...]